"Ce qu'on aime, on l'a toujours aimé". André Hardellet.
"C'est comme si quelque chose vous effleurait le cou puis cela devient chaud et s'élargit. .../.. les pensées prennent une clarté inhabituelle, les facultés de travail semblent soudain décuplées. Les sensations déplaisantes disparaissent toutes sans exception"...
- Mikhaïl Boulgakov. Morphine.
"La paix ravissante qui m'envahissait, montant des mollets, me jetait dans une stratosphère de délices." "Le toxique abolissait le système des objets en me laissant face au seul objet qui fut également sujet : mon propre corps, étendu à l'infini, dans lequel je baignais. Ce corps trouvait son alignement jusque dans les choses les plus insignifiantes. Aussi pouvais je rester sur un banc, n'importe où hors du monde, statufié mais nourri amplement par les plus infimes détails que j'enregistrais autour de moi."
- Anonyme. Rêveries du toxicomane solitaire.
Avant...
Je me souviens du plaisir subtil physique, statique, paresseux et solitaire.
Alternance de pesanteur et d' apesanteur, sensations d'écroulements, d'écoulements de masses fluides piquetées de quelques démangeaisons erratiques. Impression de s'enfoncer et de se répandre dans son propre corps. Jouissance de l'immobilité et plaisir supérieur d'un moindre mouvement. Chaque molécule du toxique s'unit au neurone qui l’espère.
"C'est comme si quelque chose vous effleurait le cou puis cela devient chaud et s'élargit. .../.. les pensées prennent une clarté inhabituelle, les facultés de travail semblent soudain décuplées. Les sensations déplaisantes disparaissent toutes sans exception"...
- Mikhaïl Boulgakov. Morphine.
"La paix ravissante qui m'envahissait, montant des mollets, me jetait dans une stratosphère de délices." "Le toxique abolissait le système des objets en me laissant face au seul objet qui fut également sujet : mon propre corps, étendu à l'infini, dans lequel je baignais. Ce corps trouvait son alignement jusque dans les choses les plus insignifiantes. Aussi pouvais je rester sur un banc, n'importe où hors du monde, statufié mais nourri amplement par les plus infimes détails que j'enregistrais autour de moi."
- Anonyme. Rêveries du toxicomane solitaire.
Avant...
Je me souviens du plaisir subtil physique, statique, paresseux et solitaire.
Alternance de pesanteur et d' apesanteur, sensations d'écroulements, d'écoulements de masses fluides piquetées de quelques démangeaisons erratiques. Impression de s'enfoncer et de se répandre dans son propre corps. Jouissance de l'immobilité et plaisir supérieur d'un moindre mouvement. Chaque molécule du toxique s'unit au neurone qui l’espère.
Du sommeil retirer l'oubli. De musique, de lumière point besoin. Laisser courir dans les veines le désir d'exister et un puissant sentiment de bonheur et de liberté.
Colliers de baisers qui s'attardent sur la main, puis parcourent le bras et l'ensemble du corps. Chaleur de caresses diffuses au creux du ventre. Bain maternel. Bébé calme et comblé qui flotte dans sa matrice et explore sa planète.
Calé dans des bras maternels, tu me berces et je demande : encore !
Sonder l'élémentaire, habiter son corps, faire la paix avec son souffle puis préférer l'apnée.
Je te retrouvai sans besoin de parler.
Calé dans des bras maternels, tu me berces et je demande : encore !
Sonder l'élémentaire, habiter son corps, faire la paix avec son souffle puis préférer l'apnée.
Je te retrouvai sans besoin de parler.
Je te connaissais depuis le début, depuis toujours.
- Ozias
Sitôt que mes yeux se ferment, le monde des rêves s'impose. Les idées habituelles sont effacées par une suite d'enchaînements fantaisistes toute aussi tangibles, toute aussi précise.
Dans cet état qui fait partie de mon paysage je perçois à l'intérieur de moi de sourds mouvements, comme si sous l'eau l'on rangeait des bonbonnes de butane. Sur ces planètes la gravité est si forte qu'il n'est plus besoin de respirer. Écroulement continu des membres fondus sous la douce chaleur du plexus solaire. Parmi les montres molles je vis en moule du lagon bleu.
Oz
Le produit apporte une satisfaction, mais pas de sens, alors sitôt le plaisir disparu reste l'absence de sens que répare une nouvelle consommation. Dehors il n'y a pas de réponse à la question du sens, il n'y a que des convictions plus dangereuses que les mensonges.
"le produit est un moyen de ne pas s'en sortir. Une façon de rester" Olivier Rochemaure
L'espace et le temps se dissolvent
Dans les cavernes des esprits
La peine et la joie s'évanouissent
Au rivage de nos îles fortunées
Jin Ping Mei (XVIIème siècle)
Strofka |
La Vie antérieure (Charles Baudelaire - Les Fleurs du Mal).
J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.
Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.
C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,
Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.
— Charles Baudelaire
Le secret douloureux dont il est question dans le dernier tercet est probablement le mal de vivre inhérent à l'existence. Dans son Etude sur Delacroix (1855) Baudelaire parle déjà de secret douloureux : "on dirait qu'elles portent dans les yeux un secret douloureux, impossible à enfouir dans les profondeurs de la dissimulation".
A propos du verbe approfondir Jean-Bernard Barrère note que approfondir peut être pris au sens par lequel, pour calmer une souffrance, on 'l'excite, fait saigner un prurit, on creuse une plaie " . Sens d'aileurs évoqué par Baudelaire dans Poésies Diverses : "L'art cruel qu'un démon en naissant m'a donné, - De la douleur pour faire une volupté vraie, - D'ensanglanter son mal et de gratter sa plaie."
Voici également une traduction anglaise qui explicite bien la dialectique douloureuse de ces délices divins et la face obscure de cet idéal de sérénité que décrit Baudelaire :
'their only care to drive the secret dart
of my dull sorrow, deeper in my heart.'
— Traduction Lewis Piaget Shanks, Flowers of Evil (New York: Ives Washburn, 1931)
Mortels nous sommes. Notre fin est notre angoisse mais sa disparition deviendrait notre enfer.
La volupté nous délivre de la hantise de nos spleens quotidiens. En nous ouvrant la porte de vies antérieures elle est notre part fugace d'immortalité. La crainte et les risques du toxique en sont le coût. Mais peut être, comme nous dit fort romantiquement le grand Charles (Baudelaire) “qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ! ” .
Sur ces pensées sans fond, et avant de partir vers une longue et inévitable vie postérieure, je nous souhaite bonnes vies !
Ozias
J'ai retenu cette interprétation de "la vie antérieure" (avec Bruno Laplante et Marc Durand.) sur une mélodie de Duparc car elle donne poids et sens aux deux derniers vers du poème de Baudelaire.
Sources : Baudelaire. Oeuvres complètes. Bibliothèque de la Pleïade. Gallimard.
Mikhaïl Boulgakov. Morphine. Solin
Anonyme. Les rêveries du toxicomane solitaire. Allia.
Mortels nous sommes. Notre fin est notre angoisse mais sa disparition deviendrait notre enfer.
La volupté nous délivre de la hantise de nos spleens quotidiens. En nous ouvrant la porte de vies antérieures elle est notre part fugace d'immortalité. La crainte et les risques du toxique en sont le coût. Mais peut être, comme nous dit fort romantiquement le grand Charles (Baudelaire) “qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ! ” .
Sur ces pensées sans fond, et avant de partir vers une longue et inévitable vie postérieure, je nous souhaite bonnes vies !
Ozias
Sources : Baudelaire. Oeuvres complètes. Bibliothèque de la Pleïade. Gallimard.
Mikhaïl Boulgakov. Morphine. Solin
Anonyme. Les rêveries du toxicomane solitaire. Allia.