jeudi 11 avril 2019

criminalisation de la contestation

En 1964 Herbert Marcuse,  écrit dans son essai "L'homme unidimensionnel"

" Le confort, l'efficacité, la raison, le manque de liberté dans un cadre démocratique, voilà ce qui caractérise la civilisation industrielle avancée .".../...

 "Une telle société peut exiger l'acceptation de ses principes et de ses institutions; il faut débattre des alternatives politiques et les rechercher à l'intérieur du statu-quo et c'est à cela que se réduit l'opposition.".../...

Trois mois de manifestation des Gilets Jaunes permettent de mesurer les efforts du pouvoir en matière de dépolitisation et de criminalisation de la contestation. A tel point que l'on peut se demander s'il est encore permis de ne pas être d'accord avec l'état. La répression se fait de plus en plus préventive en interdisant aux gens de manifester, en fichant les plus actifs et en même temps l’État français refuse de dire que les personnes réprimées sont des ennemis politiques. On leur enlève toute rationalité en les traitant de casseurs, de terroristes. C'est une manière de dépolitiser leur engagement pour illégitimer leurs luttes.

Spécialiste de la répression étatique (1), Vanessa Codaccioni publie une étude sur les politiques répressives et la criminalisation croissante des différentes formes de contestation politique. Ou comment la police, la justice et l’administration n’ont de cesse de dépolitiser les prises de parole et actions revendicatives pour poursuivre et réprimer leurs auteurs comme des délinquants. Jusqu’à les « assimiler au terrorisme le plus meurtrier » et, surtout, dénier toute légitimité aux types de confrontation que le pouvoir n’estime pas « pensables » politiquement, ou n’appartenant pas au champ du politique tel qu’il le délimite.
"nous assistons ces derniers temps à un phénomène nouveau : une offensive contre toute forme d’activisme qui ne paraîtrait pas légitime au pouvoir central, avec un ensemble de répressions simultanées. Celle menée par la police, la répression judiciaire, avec les comparutions immédiates et des procès ; celle venant des services de renseignement, avec un ensemble de mesures intrusives ; mais aussi la répression administrative, comme l’interdiction de manifester et les autres dispositions de la loi dite « anticasseurs », et dernièrement le rôle de l’armée dans la gestion des manifestations. " 

Les gouvernements en place – et l’exécutif Macron tout particulièrement – veulent décider de ce qui est politiquement légitime ou non. Et tout ce qui leur apparaît politiquement intolérable, inacceptable, est criminalisé (comme par exemple un détournement d'affiche). On va alors rogner sur les libertés publiques de ceux qui pourraient contester l’ordre politique, économique ou social. Le pouvoir tient vraiment à aseptiser la politique, avec des sujets qui seraient dominés et ne contesteraient rien. 
Le "nassage médiatique" est perceptible par la sémantique utilisée par le pouvoir au sujet des contestataires : Les ONG deviennent 'complices des passeurs'; les Gilets jaunes sont antisémites, casseurs ou responsables du nombre de morts sur les routes ; un(e) manifestant(e) âgé(e) devient un 'activiste' et les opposants des 'ennemis' ou des 'terroristes'. Les militants écologiques ayant décroché des portraits de Macron sont poursuivis pour 'Vol en réunion'. Les contestations symboliques les plus anodines sont traquées avec zèle, même si aucun délit n'a été commis. Une cravate de couleur Jaune, un gilet, une chanson chantée dans la rue se voient sanctionnées par des amendes, ou des rappels à la loi.

Parmi les explications des régressions démocratiques auxquelles on assiste aujourd’hui, et en particulier l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis, il y en a une qui relève de la psychologie sociale : la fascination pour l’autorité, et le retour de l’autoritarisme. Sans doute, sans cette fascination pour l'ordre et la force la répression étatique serait plus largement repoussée,  Mais c'est là un autre sujet 

Ozias



(1) "Répression. L'État face aux contestations politiques" (Textuel, avril 2019).

Violences policières disproportionnées
https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/toulouse-observatoire-pratiques-policieres-denonce-violences-disproportionnees-1656682.html

https://universitepopulairetoulouse.fr/IMG/pdf/rapport-opp-web_final.pdf 

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/maintien-de-lordre-ou-criminalisation-de-la-contestation 

Violences policières : que fait la police des polices ? 

https://www.franceculture.fr/droit-justice/du-xixe-siecle-aux-gilets-jaunes-vers-une-pacification-du-maintien-de-lordre
 
https://www.franceculture.fr/emissions/matieres-a-penser-avec-frederic-worms/le-retour-de-lautoritarisme

https://www.franceculture.fr/conferences/canal-u/les-nouveaux-desobeissants-citoyens-ou-hors-la-loi?

et sur Telerama : https://www.telerama.fr/idees/face-au-militantisme,-nous-sommes-revenus-a-un-systeme-de-repression-des-annees-1960-et-1970,n6214515.php#J1RSqPoIm8yj3fxc.01

L'exemple singapourien : https://www.courrierinternational.com/article/temoignage-le-covid-19-ma-revele-lautre-visage-de-singapour

La tyrannie du centrisme