samedi 29 avril 2017

Entre les deux tours

Nous sommes actuellement entre les deux tours, sur la corde raide.

Pensée pour le 7 août 1974 à New York, ce jour où Philippe Petit accomplit un rêve de sa vie : tendre un fil et traverser entre les deux tours du World Trade Center en toute illégalité. Les tours ne  sont pas encore achevées. Lui et son équipe se font passer pour des travailleurs afin d'installer le filin entre les deux toits. A 7h du matin Philippe Petit traverse, re-retraverse s'agenouille s'allonge sur son câble avant d'être arrêté par les autorités new-yorkaises à 7h45.
"La provocation fait partie du geste poétique. C’est mon côté rebelle et mon impatience de gosse qui me poussent, mais sans agressivité."

Depuis les tours sont tombées l'immense Philippe Petit est oublié mais il nous reste un reportage, un film, des images qui montrent ce qu'il a fait et son rêve nous fait toujours rêver.

Entre deux tours ou pas, nos rêves n'ont pas de second tour
7 août 1974, Philippe Petit à pied d'oeuvre au sommet du WTC




« Pour moi, ça paraît tellement simple que la vie doit être vécue sur le fil. D'entretenir sa rébellion, de refuser de se conformer aux règles, de refuser son propre succès, de refuser de se répéter, de voir chaque jour, chaque année, chaque idée comme un réel défi. Ainsi, nous vivrons notre vie sur la corde raide. » Philippe Petit

11 septembre 2001 :  dernière image avant la fin

jeudi 13 avril 2017

je m'isole

Je sors ce soir (MD). 
D'abord je me demande un peu pourquoi, puis j'ai chaud dans les mains, et ensuite tout mon corps transpire. Puis autour de moi tout se dilate, les sons deviennent lointains et je fonds. Ne pas bouger dans la chute, attendre un peu. 
Alors tout se remet en place et je sens la musique dans les pieds et jusque au bout des doigts. Et je danse. Je danse et alors sort de moi un autre que je suis. La danse est une évidence. C'est bon de sentir que je ne suis pas vide. Plein phares, je cherche d'autres avec qui me connecter.  
Je danse jusqu'à avoir des crampes dans les pieds, jusqu'à n'avoir plus rien à dire. 
Au matin je rentre seul. Il me faut deux jours pour récupérer.

Le sur-lendemain :
-Salut, tu es allé au concert de JiPé samedi  soir ? 
-Non, j'étais à la nuit de la rave
-Ah oui, ma fille y est allée aussi. Le lendemain elle avait l'air fatiguée. Je me demande bien ce qu'elle peut faire là bas.
- ...[courbatures dans la mâchoire]

Dans ma chambre (DXM).
C'est le week-end. Je me couche au milieu de la nuit, tranquille, immobile et bien dissocié.  J'ai mis le casque sur les oreilles. Au programme des mix techno et surtout dark-house, dark-dubstep.
Les rêves arrivent. Tiens, cette fois je viens de mourir et ça me réveille. Dans la chambre je flotte, et je ne retrouve plus mon corps. Heureusement, "Dont be afraid, we are protected" dit la musique. Une autre fois je parle couramment une langue que je ne comprends pas. Et voilà que maintenant je ne sais même plus écrire la lettre E, comment écrire TigrE ?  
Une autre nuit je suis l'aiguille sur mon corps disque microsillon qui tourne comme une vie. Avec le matin ces délires prennent fin et il est l'heure de déjeuner.

(1p-LSD).
Gobé un peu moins d'un buvard. D'abord physiquement agréable, puis sensation de 'speed' au niveau du ventre, comme une tension. Mon 'cerveau d'en bas' ne semble pas apprécier le produit. Pas d'hallucination sonore, visuellement rien de bien spectaculaire non plus à part les pierres du mur d'en face qui se couvrent d'une sorte de mousse brillante. Comme je suis parcouru de tensions nerveuses dans l'abdomen et que mon corps a du mal à réguler les impressions de chaud et de froid (effet classique des psychédéliques), sans me poser de question je laisse le ventre et le cœur gérer mon métabolisme tandis que je focalise mon attention sur ce qui se passe dans ma tête. Cette dissociation, facile avec les psychédéliques, me donne à croire que le corps et l'esprit sont deux entités distinctes. Physiquement, je ressens mon corps posé comme un tas dans le lit  tandis que mon esprit rejoint un espace grand comme un ciel fait de formes colorées qui rappellent les photos des galaxies. L'ectoplasme de mon esprit s'y dissout et je m'y disperse. De nouvelles pensées, discordantes et qui ne semblent pas les miennes prennent alors place entre mes oreilles. Étrange sentiment de m'être perdu, dissout dans l'éther. Je laisse faire...  
J'ai trouvé ce trip dissociatif, avec un passage intéressant mais suivi d'une descente trop longue et fatigante malgré l'aide de l'alprazolam.


Ces expériences sont une cause d'isolement autant que la conséquence de me sentir trop souvent sans réponse, sans retour ou sans un signe. Seul aussi d'être en constant décalage par mes goûts ou mon âge. Ce que je fais ne compte pas, ce que j'écris met mal à l'aise et je reste sans retour, ni personne pour échanger. Trop de mails sans réponse, d'invitations qui tombent à plat, d'images sans commentaires de la part de ceux qui me côtoient. Le sentiment d'incompréhension et le silence conduisent à l'isolement. 

J'ai pensé en anglais que "from pyschonaut to psychopath there is a path" et je pense qu'en français on pourrait traduire ça par "la came-isole". Pourtant mes cheveux poussent et je ne sais pas toujours pas avec qui partager ma situation, alors  je continue doucement, et je ne bois pas, et je ne fume pas.


Merci pour votre lecture, vos mots



"L'intoxiqué s'épanouit jalousement dans un monde qui n'a plus de sens que pour lui et réduit à leur strict minimum les communications extérieures. Il va à l'essentiel; il est souvent à se taire. Les autres se détournent de lui sans qu'il souffre de solitude. Isolé sur les cimes, ce qu'il aperçoit dans la vallée de larmes en contrebas, ne lui laisse au coeur aucun regret. La scission a eu lieu 

dimanche 2 avril 2017

La société de contrôle

"La société de contrôle moderne se distingue de la société disciplinaire  selon quatre points.
Premièrement, c'est moins le corps qui est mis en jeu que l’affect. Il s'agit moins de produire des habitudes corporelles par le jeu de la peine et du plaisir que de susciter des besoins et des envies. Le contrôle des représentations grâce aux outils de communication, ceux du spectacle en particulier permet de susciter et de proposer des formes utiles de jouissance.
Deuxièmement, l'énergie utilisée pour assurer le contrôle émane de l'individu contrôlé plus que de l'institution. Les dispositifs de contrôle ne produisent pas l'énergie de leur propre fonctionnement. Ils émettent des informations, dont le coût énergétique est très faible, pour guider les dépenses d'énergie de leurs composants. ' L'alternative n'est pas de se soumettre ou de se révolter, mais de rassembler son potentiel personnel au service de la tâche à accomplir, ou d'être marginalisé'. .../...
Troisièmement, les règles du contrôle sont intériorisées et revendiquées. Les contraintes sociales sont moins vécues comme émanant d'institutions dogmatiques, fixes et situables qu'appréhendées comme les données inévitables du monde. Obéir, ce n'est plus s'assujettir à une norme centrale, c'est jouer un rôle parmi les multiples individualités compatibles avec les dispositifs.
Et quatrièmement, les objectifs d'un dispositif de contrôle tendent à être les mêmes que ceux de ses membres.
Contrairement à la discipline, le pouvoir de contrôle fonctionne plus au plaisir qu'à la peine. Il propose survie, confort et petites jouissances contre une docilité d'autant plus facile qu'elle peut prendre un très grand nombre d'aspects. Dans le mesure où toutes les formes d'existence tendent à dépendre directement des dispositifs de contrôle, il suffit de vouloir survivre pour être un collaborateur de la société de contrôle.

La société de contrôle évite la violence directe et réserve les dispositifs disciplinaires  aux mauvais éléments qu'elle marginalise. Elle continue pourtant à exercer une véritable violence sur ses bords (marginaux, migrants, quartiers) ou lorsqu'il se produit de l'imprévu au centre (manifestations contre la loi travail) , mais pour la masse, cette violence n'est qu'un  risque potentiel. 
Dans la société de contrôle la violence est surtout virtuelle.../...
La violence postmoderne s'exerce avant tout sur des virtualités, sur des comportements possibles dont elle limite l'apparition par découragement ou incitation."

Olivier Razac
Disséquer la société de contrôle. p112.
L'Harmattan 2008