mercredi 30 novembre 2016

Vanités

La peinture de Vanités est un genre particulier de nature morte qui se développe au XVIIe siècle, particulièrement dans la peinture hollandaise à l'époque baroque.
Les Vanités représentent la vie humaine au moyen de motifs symboliques destinés à mettre en évidence son inconsistance et sa fragilité. Les vanités disent le caractère transitoire de la vie et sollicitent la capacité des objets à matérialiser des symboles. L
es objets représentés sont des allégories de la fragilité et de la brièveté de la vie, du temps qui passe, de la mort. Leurs compositions se présentent comme un amoncellement de vains trophées au milieu desquels la figure de lʼhomme est absente même si le symbole du crâne rappelle, dans une ambiguïté volontaire, la fragilité de lʼexistence humaine.
Il s’agit de donner la vision parfaite scrupuleuse de la réalité concrète que l’on imite fidèlement. On recherche le sens de la perfection dans le rendu du velouté des fruits ou l’exécution de gouttes de rosée dans un constant souci de l’effet décoratif, du rendu émouvant des objets les plus simples.  La représentation dʼobjets quotidiens favorisait alors lʼexpression des connaissances picturales les plus raffinées, dont la vérité plastique sʼalliait aux sentiments très humains de la vanité.



Melchior de Hondecoeter

Rachel Ruysh
Les méditations sur les vanités du monde recouvrent un large ensemble de représentations dont les lignes de force sont lʼexposé malin et provocateur des richesses et des biens terrestres, de la sensualité, des plaisirs et du jeu face au nécessaire dépouillement et à lʼacceptation spirituelle de la destinée.
La vanité dans la peinture est tour à tour une méditation, une expression fascinée et obsessionnelle de la beauté naturelle, un art dʼagencer les formes et les objets, une technique sublime. 
Aujourd'hui la Vanité est devenue, certes, une réflexion sur la mort, mais avant tout sur la vie: sa brièveté comme sa beauté. Le sujet de la Vanité n’est ni la mort, ni la vie mais la transition entre l’une et l’autre qui, elle, s’inscrit dans le temps.
Performance marina Abramovic
Olya. Vanité (2018)

Dimitri Tsykalov
*
Nicolas Rubinstein


Gerhard Richter

samedi 19 novembre 2016

Précis de médecine imaginaire


Eric Demelis.
Les maladies circonspectes

Emmanuel Venet est un psychiatre lyonnais né en 1959 qui exerce à l'hôpital  du Vinatier. Pour moi c'est surtout un auteur que je découvre avec bonheur. Son "Précis de médecine imaginaire" est un essai de poétique des maladies. Emmanuel Venet tente ici de "rendre à la médecine la part de poésie qu'elle rechigne à assumer". Exemple :

Cancer:
Où qu'on se tourne on rencontre des gens qui ont le cancer ou qui l'ont eu. C'est d'autant plus accablant qu'il est difficile de dialoguer avec eux: l'échange frivole prend des allures de refus, le propos grave parait presque mortel. Au bout du compte, on n'est pas mécontent quand les cancéreux se cachent ou réduisent leurs relations à la plus simple expression, bonjour bonsoir, ça atténue les scrupules. Reste qu'on devine les nuits d'inquiétude et les pensées testamentaires, la terreur du passage et la conscience cosmique par quoi on tente de se consoler de sa brièveté. Au fond, le cancer fait accéder à la pleine conscience de la vie, c'est à dire de l'absurdité et de la dissipation de tout - et sous cette lumière, même les plus beaux souvenirs ressemblent à des collusions fortuites entre la matière et soi.
Je dois mon initiation au cancer à une tante Marie, visitée vers l'âge de six ans à l'hôtel Dieu. Dans le dortoir incroyablement haut de plafond, elle n'était pas très différente d'elle même, ses mèches grises bouclant sur l'oreiller, le teint peut être un peu plus pâle que d'habitude - mais je n'aurais rien remarqué par moi-même. On chuchota qu'elle n'en avait plus pour très longtemps, ce qui me parut farfelu jusqu'à ses funérailles, un matin de neige à Sainte Foy-L'Argentière.
Malgré les progrès de la science, le scénario reste souvent identique: un symptôme anodin, des examens médicaux, le mot cancer qui retourne un sablier devant le malade, lequel se ressemble encore mais nul ne sait jusqu'à quand. Il en découle que vous-même, le supposé bien portant, pourriez être colonisé en douce et que ce même calvaire vous attend peut être dans le repli de votre avenir. Il faut alors un énorme effort de lâcheté pour se laisser reprendre par l'obstination à vivre, retrouver la paix intranquille des jours ordinaires.
Le cancer signe une forme d'arrogance biologique: des cellules, échappant à leur condition, accèdent à l'immortalité. Dominé par leur toute puissance, l'organisme perd une à une les batailles qu'il livre, et il lui faut souvent mourir pour tuer l'adversaire. Punition ou victoire, la mort des cancéreux nous écrase de trop de symboles et de trop peu de sens. Alors on parle du défunt, de son courage, de ses goûts, de ce qu'il aurait voulu faire de son bref parcours terrestre - et l'on prierait volontiers Dieu pour le salut de l'âme s'il ne partageait avec le cancer les mêmes attributs et les mêmes effets."

Vous voyez, c'est réussi, j'aime et je recommande

Ozias

vendredi 11 novembre 2016

Indésirable

Autoportrait à 18 ans
Dimanche 17h, il pleut. Désœuvré, j'ouvre les albums photo, je tourne des pages. Souvenirs...
Là je suis jeune, les enfants petits, les parents pas encore âgés. Ce sont les photos de  ma vie d'adulte, différentes de celles de mon enfance qui sont des images pleines de repères simples et rassurantsPage après page les vacances, les anniversaires et les fêtes s'enchaînent et se succèdent.  Instants d'une vie. Là c'est moi, et mes proches ici.
J'étais plus jeune, plus orgueilleux, plus fort et ambitieux avec la vie devant moi. Je revois mes désirs de l'époque, mes plaisirs mes envies. 
D'un côté j'envie et je regrette la force que j'avais et de l'autre je trouve mes efforts d'alors égoïstes et vains.  Aujourd'hui je peux mesurer leurs effets secondaires, voir ce que j'ai raté,  tout ce temps passé à travailler, ou me distraire et pas assez à écouter. Le pire c'est que c'est que je n'ai même pas changé.
Des souvenirs souriants, rien de méchant, juste le sentiment d'avoir vécu tout ça trop vite, sans réfléchir. Vague regret de ce que je n'ai pas fait, vague tristesse de ne pas avoir deux jeunesses pour tout recommencer. 
Aujourd’hui est moins riche de futur et plus usé qu'hier, triste comme une chanson de Gérard MansetNaturellement le passé et le futur sont sources de souffrances, mais en plus avec le temps même les désirs que portent notre corps se fatiguent et se marquent de cicatrices. Vaguement honteux de tant de nostalgie, on se sent alors comme fané, avec la vie derrière soi et indésirable à ce qui l'est. 

Pour rire un peu de cette "fa(r)ce B de l'existence", quelques dazibaos de Nicole Garreau* tout frais pêchés de sa page Facebook.

Pour savoir où Elle en est, [Elle] se fait sporadiquement passer des tests de sénilité : tenir debout sur un pied, réciter la table de sept, nommer les sous-préfectures du Lot-et-Garonne...
Aujourd'hui ça va. Et demain ? Demain est une chimère ; inutile de s'en tracasser.
24/10/2016

"Copines" Véronique Tissot
[Elle] est passée du côté sénile de la force, ça y est : c'est mesurable à l'œil nu, elle a les oreilles et les pieds qui grandissent. Au secours.
20/10/2016

[Elle] est en train de nettoyer DERRIÈRE l'espèce de meuble de la cuisine, alors que c'est un endroit où elle ne va habituellement jamais et que personne ne lui a mis un pistolet sur la tempe pour l'obliger à le faire.
C'est cela, la déchéance, jeunes gens : pendant des décennies on se prend pour l'égérie d'un tableau de Delacroix, et on finit à moitié gâteuse à faire des trucs chelous sans aucune raison valable.

 09/10/2016

[Elle] lit quelque part que va être instauré en France un fichier biométrique étendu « afin que les honnêtes gens ne puissent plus se faire dérober leur identité » (sic). Elle elle voudrait juste dire que s'il y a vraiment des ceusses qui veulent devenir vieilles, moches et pauvres à sa place, ça ne la gêne pas, hein.
04/11/2016


 Allez va ! bonne fin du monde chez vous aussi !

http://nicole.garreau.over-blog.fr/2016/11/photographie-n-34.html

mardi 1 novembre 2016

La mort en Suisse

Molécule de Pentobarbital
Penser à sa propre disparition : un égoïsme de Toussaint.

La Suisse, contrairement à la plupart des pays européens, n'a pas de juridiction claire en matière de suicide assisté. L'aide au suicide n'y est pas poursuivie dans la mesure ou elle s'incrit dans un but d'aide à une situation désepérée, et sous couverture médicale.

Conditions générales
: Pour pouvoir bénéficier de l'AS (suicide assité) il faut, en principe, respecter cinq conditions:

  • Le discernement;
  • Une demande sérieuse et répétée;
  • Une maladie incurable;
  • Des souffrances physiques ou psychiques intolérables;
  • Un pronostic fatal ou une invalidité importante.
Entre la demande de suicide assisté et sa mise en pratique, il y a une période «de grâce». Un temps durant lequel le patient peut régler ses affaires et dire adieu à sa famille et ses amis. Après, une fois la date définitive fixée, le patient doit réitérer sa volonté, afin de bénéficier d'une solution diluée d'environ 10 grammes de pentobarbital de sodium qu'il doit ingérer lui-même.

Parmi les 6 organisations suisses* "de droit à la mort" seule l' association Dignitas semble accueillir les ressortissants français. La devise de Dignitas est "Vivre dignement, mourir dignement" et en effet, le prix de l'opération est de quelques centaines d'Euros pour l'adhésion, plus une dizaine de milliers d'Euros pour le grand voyage). 

Pour info, il faut savoir que près de 80% des personnes ayant obtenu la prescription médicale se sont accordé un temps de réflexion ou ont préféré mourir de mort naturelle. Mais elles se sont donné ainsi une certaine sécurité psychologique, car la mort demeure ainsi un choix disponible, si elles la désirent. 
D'après les données* ci dessous, Dignitas et StrebeHilfe  même si elle ne sont pas les associations regroupant le plus grand nombre de membres semblent les plus 'efficientes' puisque le taux d'AS annuel est de 26/1000 pour Dignitas et de 100/1000 pour SterbeHilfe. Cela peut être lié à une clientèle étrangère qui concerne des cas plus déterminés. (Les taux d'AS pour les organisations réservées aux résidents suisses  semblent  tourner autour de 5 ou 6/1000).

L'étude "Suicide tourism: a pilot study on the swiss phenomenum" (parue en juin 2014) note dans une comparaison aux statistiques de 1992 que  de plus en plus des maladies telles que les troubles neurologiques ou rhumatismaux, sont invoquées pour demander le droit à une mort digne (Cf Table3**). Autrement dit, de plus en plus de 'patients atteints de maladies non fatales ont recours au suicide assisté.  A noter toutefois que cette statistique peut être biaisée par des patients cumulant plusieurs maladies, comme par les 'touristes' étrangers qui ne peuvent attendre la phase terminale ou voyager à l'étranger devient impossible.


* Table1 : Associations suisses de droit à une mort digne.

** Table3 : maladies invoquées (période 2008 -2012)

Mise à jour 2022


Sources, aller plus loin : 

http://agora.qc.ca/thematiques/mort/dossiers/dignitas
Ouvrage récent (2020) et bien documenté sur le sujet :