dimanche 31 mai 2015

D'enterrement

Il est d’obscènes obsèques et des enterrements qui font envie. 
Dans la cérémonie d'adieu, le plus délicat est de trouver un juste équilibre entre ce qui touche le disparu et ce qui concerne ses survivants. Que privilégier ? L'hommage au cher disparu ou le besoin de réconfort de ceux qui restent ?
Le défunt a beau être devant nous allongé au beau milieu de l'allée et signalisé par un grand tas de fleurs, malgré tout on l'oublie déjà. Autour de lui les (sur)vivants se serrent les mains, font claquer des bises. On les voit heureux (ou pas) de se retrouver entre eux tandis que le prêtre démagogue et impuissant officie en tout opportunisme.

Les obsèques et le rituel qui leur est associé remplissent trois fonctions complémentaires: un hommage à la personne du défunt, un aspect psychologique et individuel, à destination de soi,  et un aspect social, à destination des autres. Dans le premier cas il s'agit d'assurer au défunt un "passage" digne, dans lequel on puisse se reconnaître intimement. Ainsi, 43% des français jugent qu'une cérémonie funéraire sert d'abord à rendre hommage à la personne disparue et 13% pensent qu'elle facilite le début du processus de deuil. Les plus âgés sont d'avantage ancrés dans le côté social du rituel. Il s'agit, "aux yeux des autres", de "marquer" le décès.
Les générations précédentes mettaient l'accent sur la qualité du cercueil et de la pierre tombale en raison du caractère ostentatoire que devaient revêtir les funérailles. Aujourd'hui, la prépondérance de l'ambiance sur les produits (plaques, cercueil) témoignent d'une rupture avec la tradition : le rituel des générations les plus anciennes, à visée sociale, laisse lentement place à des obsèques limitées à un processus intime de deuil.Ainsi de plus en plus de personnes souhaitent la lecture de textes et d'hommages ou la diffusion de musique personnalisée. 
Enfin, dans notre société individualiste, où les individus aspirent à se réaliser tout au long de leur vie,  ils sont de plus en plus nombreux ceux qui souhaitent prendre le contrôle de leur mort. Cela va du choix d'une convention obsèques qui assure de bénéficier du niveau de standing désiré jusqu'aux détails de l'ordonnancement de la cérémonie par volontés testamentaires. Ainsi une femme d'un certain âge a commandé pour elle-même une couronne avec un ruban : « Éternels regrets ». D'autres prescrivent leur tenue d'enterrement ou choisissent la musique qui les accompagnera une dernière fois.

Un exemple et question piège : quelle musique, pour quelle ambiance ?
Purcell et la marche pour les funérailles de la reine marie, c'est classieux mais reloud ! 
La chanson -supposée- favorite du disparu, n'est pas toujours une bonne idée...
Une musique d' ambiance consensuelle style new-age néo-classique risque de manquer de caractère et de personnalité.
Vos idées d'illustration musicale, pour les morts comme pour les vivants, seront bienvenues.

Ozias

http://www.credoc.fr/pdf/4p/270.pdf
http://www.credoc.fr/pdf/4p/223.pdf
http://www.la-croix.com/Actualite/France/Les-Francais-organisent-de-plus-en-plus-leurs-propres-funerailles-_NG_-2007-10-30-598680

mercredi 27 mai 2015

Jean-Jacques Lequeu (1757-1826)

JJ Lequeu. Le dieu Priape.

Jean-Jacques Lequeu, (1757-1862) est un artiste  énigmatique ainsi qu'un révolutionnaire. 

Il fut à la fois dessinateur et architecte utopiste. Comme il n'a jamais rien construit, il reste célèbre pour ses dessins dont les plus connus prennent pour sujet l'anatomie sexuelle, les grimaces, ou des projets architecturaux. 
On peut voir en lui un précurseur des surréalistes. D'après l'inventaire de ses biens qui fut établi après sa mort, Lequeu était fétichiste de vêtements féminins voire même travesti comme il se représente parfois sur ses autoportraits. 

Mort dans l'ombre, ce visionnaire dont le dessin de la nonne dénudée reste le plus connu, demeure un personnage original et mystérieux qui mérite d'être redécouvert.
'Avant l'âge de la puberté'
'Age nubile'. 'Age de concevoir'.
Natura (Menstrues).
Grimace autoportrait.
Ajouter une légende
« Et mais nous aussi nous serons mères, car… ! »
La nonne révolutionnaire mélange le  vice et la grâce (1794)
Projet architectural d'Etable-Vache.

[Autoportrait de Lequeu] : [dessin] / Lequeu del


jeudi 14 mai 2015

au travail

Le travail c'est la santé, et bosser c'est le pied ?
Aujourd'hui le travail est censé donner un sens à nos vies. Pourtant pendant très longtemps travail a rimé avec esclavage. En effet, à peine se penche-t-on sur l’origine du mot travail qu’on est pris d’une sueur froide : en latin, « tripalium » signifie torture et « labor » la corvée. L’hébreu « avoda » renvoie carrément à une forme d’esclavagisme. Entre autodestruction, souffrance et soumission, on ne s’étonne pas que le philosophe antique Aristote ait choisi l’oisiveté comme unique moyen pour l’homme de se réaliser et d’accéder au bonheur. En même temps, il avait une dizaine d’esclaves à son service.


Le terme Management, lui, vient de l'italien "Manegiare", qui signifie 'diriger un cheval'. C'est d'ailleurs bien ce que confirme la lecture de la plupart des ouvrages spécialisés dans l'art du management. Bien sûr, Moïse, Jésus, Confucius et même Attila ont inspiré de brillantes méthodes de management. Dans les ouvrages les plus récents il est beaucoup question de liberté, d'individualité, de créativité, et même d'humour mais bien sûr sur commande, obligatoire, et dans le cadre strict de l'entreprise. De bien prometteurs paradoxes !

Julien Prévieux, est un artiste "hacktiviste" qui s'est fixé comme objectif de ne pas obtenir de travail.  Depuis 2000 Julien Prévieux épluche les petites annonces d'emploi sans jamais parvenir à rencontrer le moindre DRH. Il faut dire que, d'un côté comme de l'autre, personne n'y met du sien. D'une part, les entreprises — toujours plus friandes de stratagèmes d'humiliation dans leurs campagnes de recrutement — font publier des petites annonces proposant grosso modo au postulant de se faire exploiter pour un salaire de misère.
D'autre part, l'artiste — enfant illégitime qu'aurait eu Michael Moore avec l'Entarteur — écrit inlassablement des lettres de non-motivation pour expliquer aux entreprises les raisons pour lesquelles il refuse leurs offres d'emploi.  

Il a publié  en 2007 ses lettres de "non motivation" (en opposition aux lettres de motivation) qu'il a envoyées pour répondre à plus d'un millier de petites annonces.
Julien Prévieux décortique ainsi comment employeurs, multinationales nous imposent, à leur manière, une manière d’agir en société. Il dénonce un monde du travail absurde où le sur-régime brownien résulte en un sur-place endiablé.

Pilvi Takala est une artiste finlandaise qui s'est intéressée à la manière dont les gens sont conduits à trouver leur place dans la communauté du travail. Pour cela, elle s'est faite engager comme stagiaire dans une société de conseil financier. Après deux semaines de travail normal qui lui ont assuré un statut normal dans l'entreprise, elle a arrêté graduellement toute activité pour filmer et observer les réactions autour d'elle. Elle est allé jusqu'à passer une journée sans même sortir de l’ascenseur (un vrai supplice de ne rien faire avoue t'elle). Son 'travail' montre que l'entreprise s'accommode très bien de la paresse et de l'inefficacité, mais à condition que cela soit déguisé par une activité comme la consultation d'écrans, de documents. Par contre, ne rien faire ouvertement au bureau déstabilise profondément le fonctionnement du système car celui qui ne fait rien, qui n'est engagé dans aucune activité, devient imprévisible et peut faire n'importe quoi.


Source : Tracks . Arte. Emission du 2 mai 2015 
Les vacances dans le monde :
http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-sous-les-paves-14-de-washington-a-tokyo-pas-de-vacances-pour-les-braves-2015-
http://partage-le.com/2016/01/a-propos-des-metiers-a-la-con-par-david-graeber/

vendredi 8 mai 2015

toujours rien

Je ne pense à rien, je n'ai rien à dire. Voici donc trois fois rien à propos de rien, du vide, de l' absence, du néant, du silence. 

Le rien est ce qui est avant tout. Le rien est le fond réel et originaire de toutes les choses du monde.
Devinette existentielle: "Pourquoi y a t'il quelque chose plutôt que rien ?"


Le néant est ce qui n'est pas. Mais, si le Néant n'est pas, qu'est-ce que le Néant ? Illustration: dessinez les arbres qui cachent la forêt, qui n'existe pas.

L’absence se définit du point de vue de celui qui s’en aperçoit. L’absence absolue n’existe pas car sinon il ne s’agit que de néant. 

On ne peut pas dire que le vide soit rien car il existe. Le vide est la condition du mouvement ; sans vide, le déplacement et le développement sont interdits.
Le vide est un potentiel, quelque chose qui attend d'être rempli, et par extension d'être réalisé : c'est l'esprit vide de pensée dans lequel peuvent naître les idées, c'est le blanc de la feuille qui attend d'être dessiné.

Dans l'ensemble, je manque de vide.  Ozias
Strofka
Ben


Silence.

La Môme néant



Quoi qu’a dit ?

- A dit rin.

Quoi qu’a fait ?

- A dit rin.

A quoi qu’a pense ?

- A pense à rin.

Pourquoi qu’a dit rin ?

Pourquoi qu’a fait rin ?

Pourquoi qu’a pense à rin ?

- A’xiste pas.



(Jean Tardieu)




Ma personne ne manque à personne.
.../... Le manque est un mot qui protège la parole de son inexistence et nous protège du néant. Mais "personne ne manque à personne." (Judith Schlanger, fragment épique, une aventure aux bords de la philosophie, Ed. Belin, 2000) 

"Je ne pense à rien. C'est déjà beaucoup". Marcel Fortin





 Et puis voici l'hallucinant "il n'y a plus rien" de Léo Ferré.



"Je n'ai rien à te dire, sinon que ce rien, c'est à toi que je le dis" Barthes, Fragments d'un discours amoureux.
"Sans toi, le néant sera bien vide". moi

Pour aller plus loin:

Invitations philosophiques à la pensée du rienJean-Paul Galibert

vendredi 1 mai 2015

Hans Bellmer, l'anatomie de l'image

Rose ouverte, la nuit.
Hans Bellmer (1902-1975). est un peintre, dessinateur photographe,  qui fut qualifié d'artiste dégénéré par le régime nazi.

Pour Hans Bellmer, 
« Le corps est comparable à une phrase qui vous inviterait à la désarticuler, pour que se recomposent, à travers une série d’anagrammes sans fin, ses contenus véritables. […] Le corps, ainsi que fait le rêve, peut capricieusement déplacer le centre de gravité de ses images. »
"L’expression, avec ce qu’elle comporte de plaisir, est une douleur déplacée, elle est une délivrance."
Ses images peuvent se décrire comme " une bizarre fusion du “réel” et du “virtuel”, du “permis”, et du “défendu”, des composantes dont l’une gagne vaguement en actualité ce que l’autre cède. il en résulte un amalgame ambigu de “perception pure” et de “représentation pure”.../..."

Comme le montre son dessin 'Rose ouverte, la nuit', en déchirant le voile de sa poitrine, 'Rose ouverte' révèle le désir de transgresser la limite fixée à la vision par l'enveloppe protectrice, et exhibe avant tout le trouble intérieur producteur de toutes les condensations.

La pornographie de Hans Bellmer étonne et dérange encore.






Céphalopode
Unica de dos, ficelée. (photographie)
La Poupée. En 1933, à l'arrivée au pouvoir d'Hitler, Hans Bellmer (1902-1975) a arrêté tout travail socialement utile pour construire une poupée grandeur nature. Si elle constitue au départ un dispositif de rébellion contre toute autorité (politique, paternelle), la provocante Poupée devient l'instrument d'une toute autre ambition et d'une toute autre investigation : une réflexion inédite sur le corps, qui fait de l'objet fétiche de Bellmer la création de référence pour l'expression érotique contemporaine.


En 1937, Bellmer définit sa « Poupée » comme « le transfert dans un objet modifiable, aux transformations inattendues et attendues à la fois, des rêves irréalisables de l’amour enfin captés dans un mécanisme dont il est possible de disposer à sa guise »






1902 naissance en Silésie
1922 : Son père, hostile à sa vocation d’artiste, le fait entrer à l’Ecole Polytechnique de Berlin où il reçoit une formation d’ingénieur.
1924 : Rencontre de Georg Grosz et Otto Dix. Voyage à Paris où il découvre l’œuvre érotique de Pascin.
1934 : Publie à ses frais les photographies de ses « filles artificielles »
1939 : S’installe définitivement à Paris
1949 : Interné en tant qu’Allemand au camp des Milles, avec Max Ernst
1945 : Illustre Histoire de l’œil de Bataille
1947 : Participe à l’exposition internationale du surréalisme à la galerie Maeght
1970 : Unica Zurn, la dernière compagne de Bellmer, se défenestre à Paris
1975 Mort de Hans Bellmer

http://www.tk-21.com/Seminaire-2010-2011-III-Hans
http://doorofperception.com/2014/06/hans-bellmer-degenerate-art/
http://www.editions-allia.com/files/pdf_318_file.pdf