jeudi 27 mars 2014

Des fleurs et des sexes

Denis Brihat
Nobuyoshi Araki
Depuis ses débuts, la photographie a été fascinée par les fleurs, leurs matières, la subtilité de leur palette chromatique et la suggestivité de leurs morphologies. 

Dès 1839, William Henry Fox Talbot les immortalisait en effet dans ses  « dessins photogéniques » et Edward Weston en faisait des portraits sensibles. 
En alchimiste photographe, Denis Brihat fait virer ses tirages à l’or et au sélénium, transformant la fleur en cygne/signe, comme Karl Blossfeldt tentait de figer la richesse de leurs formes en motif ornemental.

Nobuyoshi Araki, quant à lui, plonge dans le pistil pour rappeler sans équivoque les ambitions séductrices des fleurs. 

Robert Mapplethorpe qui aimait les fouets, les fleurs et les sexes, cherchait aussi le point de rupture entre leur élégance et leur provocante sensualité.


William Henry Fox Talbot

Karl Blossfelt
Edward Weston


Robert Mapplethorpe
Robert Mapplethorpe
Nobuyoshi Araki

Anonyme. (René Minosa ?)

Robert Mapplethorpe

Robert Mapplethorpe
Pierre Molinier
Nobuyoshi Araki

Nobuyoshi Araki
Christian Coigny
Daniel Seung Lee




vendredi 21 mars 2014

Six mois de méditation


Il y a six mois je me suis mis à la méditation pour être plus présent,  plus à l'écoute de ma voix intérieure,  plus spontané, plus clair, plus créatif et tout et tout...
Depuis j'ai essayé le scan corporel, le training autogène de Schultz, j'ai mesuré mon stress sur l'échelle de Holmes-Rahe, mangé un fruit en pleine conscience et j'en oublie. Voici donc quelques pensées et réflexions à ce sujet après ces six mois de pratique.
Définition Larousse : Méditation  : Action de réfléchir, de penser profondément à un sujet, à la réalisation de quelque chose. 

Trois pensées :
"La méditation c'est une conscience claire de tout événement, un souffle apaisé, un accord avec le monde." Blaise Pascal . 
"La philosophie est une méditation de la mort." Erasme.  
"Le roman est une méditation sur l'existence vue au travers de personnages imaginaires." Milan Kundera.

Wikipédia nous apprend que 'La méditation transcendantale est une technique de relaxation qui permet de gérer son stress, tandis que 'La pleine conscience (traduction de ' mindfulness') est un état psychologique qui centre l'individu sur le moment présent.' Attention, la méditation n'est pas de la relaxation. 

Charlie Sheen méditation.
À l'âge des nouvelles technologies, du zapping généralisé et d'une crise de civilisation importante, la méditation nous aide à nous poser et à développer une plus grande attention à la réalité.
La méditation n'est pas une simple technique de bien-être ou de développement personnel. Méditer, c'est nous confronter à notre stress, à notre souffrance, ce qui est parfois ardu, mais c'est aussi une découverte de soi passionnante. Un  risque serait de croire que la méditation enseigne  à augmenter notre rendement, à tout mieux gérer : notre vie, nos émotions, nos relations. La méditation est un outil de de paix intérieure, pas un outil de bien être.
Pour Fabrice Midal, il faut arrêter de penser que l'on peut tout contrôler. La volonté de gérer notre stress,  loin de nous aider, nous empêche de faire face sereinement à la réalité. Nous n'avons pas besoin d'être toujours plus rapides et performants, mais plutôt de retrouver notre véritable humanité dans nos vies personnelle et professionnelle. 

 Pour Alain Gourhant  la méditation de la pleine conscience apparaît de plus en plus comme un produit de consommation bien ficelé, une opération de marketing avec des formules commerciales “à l’emporte pièce” pour faire vendre du livre, des CD, des formations, des cours, et surtout faire croire à une sorte de panacée de la méditation pouvant venir à bout de tous les maux de notre société, avec en ligne de mire beaucoup d’argent à gagner dans le système marchand de l’hyper-consommation anti-stress. Alors, attention en effet aux charlatans et programmes peu fiables qui commencent à pulluler, succès de la méthode oblige.

Enfin, l’aspect subversif de la méditation  comme  remise en question de la manière de voir ce monde  est complètement évacué. 
Disparu aussi l’aspect révolution ou évolution de la Conscience humaine , disparue la possibilité d’aller au delà de l’ego pour participer à une vie nouvelle où la spiritualité serait la norme. Peut on atteindre la sagesse en évacuant la vérité et la question de l'engagement dans le monde ?
La méditation devient alors un produit parmi d’autres, que l’on achète pour créer une parenthèse de bien-être, afin d’échapper momentanément à un monde inhumain, sans jamais  remettre  ce monde en cause.

Pour mon cas, je dors mieux, c'est à dire que j'ai appris à me rendormir quand je me réveille à trois heures du matin. J'ai appris également à respirer en pleine conscience (bon pour la plongée en apnée). Par contre, je vous rassure, je ne me suis encore jamais perdu au cours d'un voyage astral ni fait des bosses suite à des lévitations trop élevées.
Chi va piano va sano.
Ciao,

Ozias

samedi 15 mars 2014

Toilettes

WC, Commodités, latrines, lavabos, petit coin, pissoir, pissotière, sanisettes, sanitaires, trônes, retraits, urinoirs, vécés, vespasiennes, chiottes, gogues, water...

Paris XVIIIème. La Fourmi. 
Les sujets tabous qui suscitent un profond intérêt sont toujours désignés par des tas d'euphémismes, pour exemple la mort, la drogue, le sexe... La terminologie foisonnante qui désigne nos lieux d'aisance reflète bien la fascination qu'exercent sur nous les toilettes. 
Uriner et déféquer sont des besoins primaires tout comme manger et boire mais les toilettes touchent à l'intime, au tabou et pour preuve les toilettes publiques sont un des derniers lieux sexuellement ségrégués. 

Du plus miséreux au plus riche et puissant, chacune et chacun d'entre nous est tenu aux fonctions organiques vitales. Que cela se passe dans un fossé ou sur un trône d'or, le résultat est toujours le même.  Même si l'exonération fécale ou la miction sont des fonctions du corps moins estimées que la danse ou le chant,  vider son corps procure satisfaction physique et nettoie l'esprit. Sur le trône ou à croupetons, cette activité humaine fondamentale occupe plus d'une année de notre vie.
Socialement, sitôt que les hommes ont commencé à se regrouper en communautés, le problème du "où aller" a commencé à se poser. Les premiers conseils relatifs à l'évacuation des déchets humains sont attribués à Moïse.  Dans l'ancien testament il s'adresse ainsi à son peuple: "Tu auras un lieu hors du camp, et c'est là que tu iras. Tu auras parmi ton bagage un instrument dont tu te serviras pour faire un creux et recouvrir tes excréments quand tu voudras aller dehors." (Deutéronome 23:13-14) XVème siècle avant JC.

Paris VIIIème. Ladurée .
En matière d'équipements il faut distinguer deux grandes cultures de toilettes: " Il y a ceux qui en ont et ceux qui n’en ont pas ." (Patrick Cuel). Ainsi l'humanité compte actuellement un milliard de 'sans toilettes' soit 15% de la population mondiale. La journée internationale des toilettes, le 19 novembre est consacrée à cette question d'importance planétaire.

Pour  les 85%  'équipés' il se dégage deux grands modèles : les toilettes occidentales, que nous connaissons bien, et les toilettes à la turque, adoptées par la plupart des pays moyen-orientaux et asiatiques. Un monopole remis en cause dans certains pays d'Asie où posséder des toilettes avec cuvette est devenu un signe de richesse, une marque d'adhésion à l'idéal individualiste des pays riches. Une nouvelle illustration des aspects les plus destructeurs de la mondialisation. 
Le modèle turc n'a pourtant pas dit son dernier mot : il est non seulement plus hygiénique (l'utilisateur n'est jamais en contact avec le réceptacle en émail), mais aussi plus écologique puisqu'il consomme moins d'eau. Face à l'impérialisme de la cuvette, une autre hygiène est possible.


Paris XVème. Brasserie.
Les toilettes, ces lieux le plus souvent fermés, sont en réalité des fenêtres d'exploration d'une époque, d'un pays. 
Dis-moi comment tu vas aux toilettes, je te dirai qui tu es. 
Ainsi, il n’était pas rare jadis que l’on défèque en public et à la cour du roi Louis XIV assister au grand « pot » royal était même un insigne honneur. 
Aujourd’hui, on se cache, on se terre, on fait semblant de ne pas... et pour ne pas se faire repérer, on se retient… Comment réprimer aussi violemment un besoin si primaire ?

 A Pékin et dans beaucoup de villes chinoises, on trouve des toilettes publiques où il y a cinq ou six personnes et pratiquement séparées par rien du tout. Les Américains laissent la porte ouverte quand ils sont aux toilettes. Les Français vont laisser plutôt la porte fermée. Pourquoi les Américains laissent les portes ouvertes ? Pour aérer et pour signaler quand les toilettes sont occupées. Au Japon  les sanitaires dernier-cri intègrent un maximum d'options (lunette chauffante, jet d'eau, diffuseur sonore), dans la plus pure tradition high-tech de ce pays.

Enfin, pas uniquement vouées à la satisfaction de besoins élémentaires les toilettes font office de de réseau social. Déclarations d'amour, insultes, aphorismes, rendez vous. 

Même si , les toilettes ne sont pas un sujet photographique en odeur de sainteté voici 
quelques souvenirs d'un voyage au Japon .

Ozias
Japon. Suzaka. Dans une usine. 
Poste occupé comme en témoigne le jet à droite
Japon
Tokyo. Hôtel (Shinagawa).

Siège chauffant, jet hydropulsé,
sèche-cheveux intégré etc.






Japon. Tokyo. Restaurant
(Nihonbashi). Local exigu, le lavabo est  intégré
à la chasse d'eau.

Japon. Tokyo. Musée d'art moderne.
De la taille d'un homme, ou presque.

Ardèche. Chasse d'eau. Vacances 2013.

Toilets. Edward Weston
Poésie :

L’Urinoir.

Je regarde avec dédain ce pédant
Inscrit dans la secte ridicule des
Pisseurs Sur Les Roses,
Reconnaissable à son dandinement
Quand il écoute filer son jet
A l’arc liquide et morose.

Cette fleur n’a rien demandé :
Mais ce quidam, de lui tant pénétré,
Dans l’action use de finesse et préciosité
Comme l’indique assez son air occupé.

En fait le filet de son rejet,
Dirigé de manière millimétrée,
Trahit l’Intello Bobo dont les
Propos sont jugés finement apprêtés.

Puis je me détourne, méprisant,
Pour Aller Pisser Dans Un violon
Avec mes amis aux manières identiques :
Gueux, artistes et mauvaises gens
Dont la libération urinaire sans façons
S’accorde mieux à mes pratiques.

Il s’ensuit toujours dans cette action,
Si elle est menée avec passion,
La création d’ondes sonores à travers les ouïes
De l’instrument, créant des symphonies,
Certes vulgaires, mais incomparables.

Ainsi, lecteurs qui ne savez où relâcher,
Prenez conseils avisés de cette fable
Et votre endroit de soulagement bien choisissez !


Pierre Ghiotti
Pour en savoir plus :


Et pour prolonger le voyage :


dimanche 9 mars 2014

Vampires

Le dernier film de Jim Jarmush 'Only lovers left alive' ('Seuls  amants restés en vie') montre l'histoire d'un couple de vampires dandys cultivés, non violents, à la patine rock et au look aristocratique. 
Au cours des siècles Adam et Eve (ce sont les petits noms des deux vampires) ont croisé Shakespeare, Schubert, Byron et bien d'autres mortels. Ils ont accumulé une immense culture. Adam beau brun ténébreux et suicidaire,  vit en vieux garçon à Détroit parmi sa collection de vinyles et de guitares électriques. Eve réside à Tanger elle aime relire ses incunables et chatter avec Adam sur son Iphone. Tous deux se fournissent en sang, dans les hôpitaux auprès de médecins-dealers.

Il ne se passe à peu près rien dans ce film et je ne vais pas vous le raconter. Pourtant j'ai aimé cette pépite  visuelle et sonore par les thèmes qu'il traite : la culture, la drogue, le dandysme, l'amour, l'âge qui plaisent et parlent à ce que je sens, ce que je suis.


La culture : 'Only lovers left alive' donne une vision désabusée d’un monde où les lieux de culture sont devenus des parkings désaffectés. Adam et Eve se sentent de plus en plus mal à l’aise d'être obligé de vivre à côté des zombies, les êtres humains, qui ont peur de leur imagination et sont en train de détruire la culture, de polluer l’eau et, aujourd’hui, même leur sang.  "l'art", "le beau", sont seuls remèdes contre la médiocrité ambiante. La connaissance éclipse tout autre finalité intellectuelle. Les vampires de Jarmush puisent leur désir de rédemption dans l’impulsion créative humaine. 

La drogue : Le film de Jarmush établit un parallèle évident entre le besoin de sang du vampire et l'addiction aux opiacés. Besoin vital, attente, anxiété, jouissance, économie de la substance, trafic, consommation nocturne, cérémonial, désocialisation, désintérêt et mépris pour les drogues des autres. Un junkie c'est effectivement une sorte de vampire. Anorexique et cadavéreux, en marge de la société des 'bons vivants' sa vie tient à la recherche de la substance qui lui permet de vivre et sans quoi le monde devient  triste comme "ces films ignobles où des ministres inaugurent une statue ". Bien sûr, par la seringue il y a accès et 'nourriture' par le sang. Initiation, dépendance et transmission, comme un vampire le toxicomane, est initié puis peut devenir initiateur et transmettre le poison.

Le Dandysme Jarmusch s'intéresse avant tout aux marginaux, à ceux qui peuplent la nuit, à un monde inversé, et ici aux vampires. Ses anges déchus endurent le passage du temps avec une douce indifférence. Entre les paysages fantomatiques de la ville de Detroit et les murs moites de la médina de Tanger les décors du film sont à eux seuls un manifeste d'une esthétique de la chute. 'Le monde ne vaut même plus qu’on le traverse. Il n’a plus rien à offrir. Ses meilleurs fruits ont déjà été cueillis il y a longtemps (pêle-mêle le rock pionnier d’Eddie Cochran, les peintures de Basquiat, le théâtre de Marlowe, autant de fétiches révérés, exhibés comme des vestiges d’une civilisation disparue)'.

Adam et Ève. 
L'amour Eve et Adam seuls mais profondément ensemble, forment un très vieux couple moderne et résolument romantique . 
 Conclusion du film : après des siècles de vie commune (mais parfois les années comptent des siècles), le grand amour doit, et ne peut se régénérer que par la transgression.

L'âge'Pour nos vampires, le temps n’est plus mesuré à l’aune d’un angoissant compte à rebours, il file à l’infini ou se recourbe en série de boucle d’expériences cumulatives et néanmoins privées de tout but. La logique bourgeoise du calcul, de la prédation est remplacée par celle du laisser vivre et de la contemplation.' Simple évidence que l'on réalise après un certain temps, ou par la force des choses.
En même temps, comment vivre quand on a déjà eu plusieurs vies ? Misanthropie et dégoût du présent, mais aussi damnation de l'immortalité. L'immortalité nous condamnerait à l'action. Si il n'y a plus d'issue, plus d'oubli possible, il nous reste quelque 'Grand Oeuvre' mais justement, que faire? 
L’immortalité pour moi c'est pire que le gros-lot du loto. Si je gagnais, je ne saurais pas quoi en faire.
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Crédits http://www.avoir-alire.com/only-lovers-left-alive-la-critique-du-film; 
http://www.lesinrocks.com/cinema/films-a-l-affiche/lovers-left-alive/
http://www.parismatch.com/Culture/Cinema/Only-Lovers-Left-Alive-Requiem-pour-un-vampire-549084
Telerama; Nouvel Observateur; Libération