dimanche 9 mars 2014

Vampires

Le dernier film de Jim Jarmush 'Only lovers left alive' ('Seuls  amants restés en vie') montre l'histoire d'un couple de vampires dandys cultivés, non violents, à la patine rock et au look aristocratique. 
Au cours des siècles Adam et Eve (ce sont les petits noms des deux vampires) ont croisé Shakespeare, Schubert, Byron et bien d'autres mortels. Ils ont accumulé une immense culture. Adam beau brun ténébreux et suicidaire,  vit en vieux garçon à Détroit parmi sa collection de vinyles et de guitares électriques. Eve réside à Tanger elle aime relire ses incunables et chatter avec Adam sur son Iphone. Tous deux se fournissent en sang, dans les hôpitaux auprès de médecins-dealers.

Il ne se passe à peu près rien dans ce film et je ne vais pas vous le raconter. Pourtant j'ai aimé cette pépite  visuelle et sonore par les thèmes qu'il traite : la culture, la drogue, le dandysme, l'amour, l'âge qui plaisent et parlent à ce que je sens, ce que je suis.


La culture : 'Only lovers left alive' donne une vision désabusée d’un monde où les lieux de culture sont devenus des parkings désaffectés. Adam et Eve se sentent de plus en plus mal à l’aise d'être obligé de vivre à côté des zombies, les êtres humains, qui ont peur de leur imagination et sont en train de détruire la culture, de polluer l’eau et, aujourd’hui, même leur sang.  "l'art", "le beau", sont seuls remèdes contre la médiocrité ambiante. La connaissance éclipse tout autre finalité intellectuelle. Les vampires de Jarmush puisent leur désir de rédemption dans l’impulsion créative humaine. 

La drogue : Le film de Jarmush établit un parallèle évident entre le besoin de sang du vampire et l'addiction aux opiacés. Besoin vital, attente, anxiété, jouissance, économie de la substance, trafic, consommation nocturne, cérémonial, désocialisation, désintérêt et mépris pour les drogues des autres. Un junkie c'est effectivement une sorte de vampire. Anorexique et cadavéreux, en marge de la société des 'bons vivants' sa vie tient à la recherche de la substance qui lui permet de vivre et sans quoi le monde devient  triste comme "ces films ignobles où des ministres inaugurent une statue ". Bien sûr, par la seringue il y a accès et 'nourriture' par le sang. Initiation, dépendance et transmission, comme un vampire le toxicomane, est initié puis peut devenir initiateur et transmettre le poison.

Le Dandysme Jarmusch s'intéresse avant tout aux marginaux, à ceux qui peuplent la nuit, à un monde inversé, et ici aux vampires. Ses anges déchus endurent le passage du temps avec une douce indifférence. Entre les paysages fantomatiques de la ville de Detroit et les murs moites de la médina de Tanger les décors du film sont à eux seuls un manifeste d'une esthétique de la chute. 'Le monde ne vaut même plus qu’on le traverse. Il n’a plus rien à offrir. Ses meilleurs fruits ont déjà été cueillis il y a longtemps (pêle-mêle le rock pionnier d’Eddie Cochran, les peintures de Basquiat, le théâtre de Marlowe, autant de fétiches révérés, exhibés comme des vestiges d’une civilisation disparue)'.

Adam et Ève. 
L'amour Eve et Adam seuls mais profondément ensemble, forment un très vieux couple moderne et résolument romantique . 
 Conclusion du film : après des siècles de vie commune (mais parfois les années comptent des siècles), le grand amour doit, et ne peut se régénérer que par la transgression.

L'âge'Pour nos vampires, le temps n’est plus mesuré à l’aune d’un angoissant compte à rebours, il file à l’infini ou se recourbe en série de boucle d’expériences cumulatives et néanmoins privées de tout but. La logique bourgeoise du calcul, de la prédation est remplacée par celle du laisser vivre et de la contemplation.' Simple évidence que l'on réalise après un certain temps, ou par la force des choses.
En même temps, comment vivre quand on a déjà eu plusieurs vies ? Misanthropie et dégoût du présent, mais aussi damnation de l'immortalité. L'immortalité nous condamnerait à l'action. Si il n'y a plus d'issue, plus d'oubli possible, il nous reste quelque 'Grand Oeuvre' mais justement, que faire? 
L’immortalité pour moi c'est pire que le gros-lot du loto. Si je gagnais, je ne saurais pas quoi en faire.
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Crédits http://www.avoir-alire.com/only-lovers-left-alive-la-critique-du-film; 
http://www.lesinrocks.com/cinema/films-a-l-affiche/lovers-left-alive/
http://www.parismatch.com/Culture/Cinema/Only-Lovers-Left-Alive-Requiem-pour-un-vampire-549084
Telerama; Nouvel Observateur; Libération

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