samedi 4 avril 2015

"Suicide mode d'emploi"

Comment se passer de soi pour l'éternité sans se manquer ?... Telle est la question fondamentale posée au propre comme au figuré aux aspirants suicidants. 
"Suicide mode d'emploi" adresse la deuxième partie de cette question. 
Ce livre est paru en 1982, et vu le buzz qui avait accompagné sa parution, je m'étais empressé de le tirer dans une librairie. On peut dire que ses co-auteurs , Claude Guillon et Yves le Bonniec, connaissaient leur sujet puisque Yves Le Bonniec a donné par écrit des conseils à Michel Bonnal sur la façon de se suicider. À la suite de cela, Bonnal s'est effectivement suicidé le 4 mars 1983 à Paris et en 1988 Le Bonniec déclaré coupable d’« abstention délictueuse de porter secours à personne en péril ».
Pour ma part j'ai bien survécu à cette lecture et c'est avec intérêt que je retrouve aujourd'hui cette ouvrage dans ma bibliothèque - rangé côté tranche tout de même. 
La première partie du livre traite de considérations historiques, sociales, philosophiques et économiques sur le suicide. Pour ma part, je m'en tiendrai là.

"Dans notre vie moderne, il y a trois grandes sociopathies : le suicidant, l'alcoolique et le délinquant" (Précis de toxicologie clinique 1968)
Le suicide est perçu comme un fléau social et c'est son caractère contagieux qui est combattu par la société, la loi.
Ainsi il est interdit (depuis 1955) de publier "tout texte , toute illustration , concernant le suicide des mineurs , que ce soit par le livre, la presse, la radio ou de toute autre manière. l s'agit d'éviter autour de ces drames une publicité pouvant susciter de nouveaux actes de désespoir". L'idée de contagion nourrit celle de série et d'épidémie. 

Inconnu au civil comme au pénal, le suicide est, au sens strict, hors la loi. 
Le suicide apparaît comme une de ces libertés honteuses que les lois laissent en friche..../...La loi se contente, fort efficacement, de vous interdire le recours à la complicité active d'autrui, de vous contraindre à une mort solitaire, sous peine de compromettre les témoins pour "non assistance" à votre "personne en péril".
Il y a un droit du suicide, mais pas de droit au suicide. 
Rescapé, on ne saurait demander réparation du préjudice subi en devant vivre contre notre volonté. Le suicide doit rester un "vice solitaire". 
Selon les époques et les régimes, un suicidant peut se voir confisquer ses biens ou être privé de certains droits ou égards.
Dans la Rome antique étaient admis comme motifs légitimes de suicide : le dégoût de vivre, la souffrance insupportable, la maladie intolérable et - pour les civils- le suicide par conviction philosophique. Dans le cas de suicide sans raison valable, les biens de l'accusé pouvaient être saisis au profit de l'état.
La criminalisation du suicide par l'Eglise catholique fut tardive ( IVème siècle) lorsque St Augustin s'avise de montrer que le suicide est une perversion "détestable et damnable" et que le 'tu ne tueras point' s'applique également à soi même. Jusque là, l'exaltation du martyre qui valait ticket d'entrée au royaume des cieux peut être considérée comme une forme d'incitation.
Jusqu'au XVIIIème siècle, "l’homicide de soi-même" est un crime grave relevant de la haute justice seigneuriale. Assimilé au meurtre ou à l'empoisonnement il entraîne, comme ceux-ci , la confiscation des biens du délinquant au profit du seigneur justicier. Quand à la dépouille du coupable, elle est 'justiciée' suivant différentes mises en scène autour d'un même thème : celui de "la mise à mort du cadavre". Le suicidé était alors considéré comme l'auteur d'un crime et pas comme sa victime.
Chaval. "beaucoup de cadavres se
dévorent le bras pour tromper leur faim."
La révolution industrielle et le capitalisme, plus pragmatiques, considérant  "qu'un homme n'est pas plus nécessaire à la collectivité qu'une simple cellule animale ou végétale ne l'est à l'organisme dont elle fait partie" jugeront inefficace l'application de la moderne science criminelle à un cadavre. Jusqu'en 1884 on continuer quand même à enterrer les suicidés à l'écart des autres mortels.

Je laisse le mot de la fin à Chaval, humoriste et 'soixante-huitard' qui ne s'est pas manqué :
"Essayez de vous suicider, si vous avez la malchance de ne pas vous réussir sur le coup, ces cons de vivants mettront tout en oeuvre pour vous refoutre en vie et vous forcer à partager leur merde. Je sais que dans la vie certains moments paraissent heureux, c'est une question d'humeur comme le désespoir et ni l'un ni l'autre ne reposent sur rien de solide" 
(Vive la mort, Chaval 1915- janvier1968).


A regarder avant toute tentative : https://www.youtube.com/watch?v=LLwINvbaOE8&feature=youtu.be
En matière se suicide les vieux réussissent en général mieux que les jeunes

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