vendredi 10 novembre 2017

Le corps, moyen de connaissance

Dans certaines civilisations, le corps apparaît comme un moyen d'accéder à la connaissance ancestrale, stable, en recourant aux rituels chamaniques, à la transe, aux hallucinations, etc. 
A partir de Freud et le surréalisme, des artistes ont creusé l'idée que l'identité n'existait pas "en soi" mais qu'elle était exprimée à la fois dans l'extérieur et l'intérieur du cadre culturel.  Ils ont également exploré la notion de conscience et mis à jour un "moi" caché, informel et liminal.  Parlant de l'emprise de la technique sur la vie au XXème siècle, Heidegger remarquait que le monde est "conçu et appréhendé comme une image", tandis que le corps est un outil, un véhicule.
A la fin du XXème siècle, et plus précisément à partir des années 60, alors que  la notion de "moi" (physique et mental) considéré comme une forme stable, achevée, s'est considérablement érodée, notre culture occidentale re-?découvre que le corps est capable de produire une connaissance qui n'est ni rationnelle, ni empirique. Quelques exemples :


Dans les années 60, la peinture étant considérée comme une action (celle de Jackson Pollock par exemple), le geste de l'artiste est devenu un fondement de l'oeuvre. Les artistes ont alors commencé à faire de leurs corps un matériau artistique dans des 'performances' ou des 'événements'. Puisque le corps était le matériau de l'oeuvre, cette dernière ne durait que le temps du geste de l'artiste et c'est la photographie qui en garde la trace. La situation de l'artiste en représentation s'est ainsi souvent transformée en une forme de militantisme politique.
Charles Ray considérait la sculpture comme un acte et non un objet.  Cette oeuvre (1973) est une recherche sur la façon dont une planche peut à la fois diviser un corps et le maintenir
Côté musique, 1967, Monterey Pop Festival : Jimi Hendrix brûle sa guitare

Marina Abramovic
 
est la grand-mère des performeurs. Depuis 1973
elle étudie et repousse les frontières du potentiel physique et mental à travers ses performances. En 1974 Dans le studio napolitain Morra, l'artiste se tient debout, figée, dans une pièce. Dans cette même pièce se trouvent 72 objets placés sur une table. Une affiche donne la "consigne" suivante : "Sur la table il y a 72 objets avec lesquels vous pouvez me faire ce que vous voulez.Je suis un objet. Je prends la responsabilité de tout ce qui se passera dans ce laps de temps.Durée : 6 heures (20h - 2h)
Lien à suivre : http://www.feroce.co/marina-abramovic/
A l'issue de la performance, elle déclare :
"Ce travail révèle ce qu'il y a de plus horrible chez les gens. Cela montre à quelle vitesse quelqu'un peut se décider à te blesser lorsqu'il y est autorisé. Cela montre à quel point il est facile de déshumaniser quelqu'un qui ne se défend pas. Cela montre que la majorité des gens 'normaux' peuvent devenir très violents en public si on leur en donne la possibilité." 


Marina Abramovic 'Rest Energy' Amsterdam 1980. Durée 4mn


En 1991 Marc Quinn a progressivement recueilli durant 5 mois, 4,5 litres de son sang soit l'équivalent de la quantité moyenne de sang présente dans le corps humain. Il a ensuite réalisé un moulage de sa tête avec ce sang (congelé) qu'il a installé dans une boîte en plexiglas transparent relié à un système de congélation maintenant le bloc de sang à une température de -70°C. Cet 'autoportrait' contient donc les informations stockées dans le corps de l'artiste : matière première et code ADN . Comme le corps de l'artiste, ce moulage est mortel.  Conservé par réfrigération il se liquéfiera et pourrira lorsque le courant électrique sera coupé.
Marc Quin. Self (Le Moi) 1991. Sang, acier, plexiglas et système de réfrigération. 

Piotr Pavlenski est un artiste ou activiste russe qui paye de sa personne. Il s'est cousu les lèvres, coupé une oreille, emballé dans du barbelé, cloué les testicules sur la place rouge et j'en passe évidemment...

Lien à suivre vers Piotr Pavlenski https://unpointculture.com/2016/10/11/lartiste-russe-qui-desarme-les-policiers-de-poutine/

Sources : "Le corps de l'artiste" Phaidon 2011 et Internet.

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