Austin Blake |
L'étude thermodynamique des systèmes auto-organisés ouvre la voie à des réflexions de grande ampleur scientifique et philosophiques sur le développement de la complexité des structures naturelles, qu'elles soient physiques ou biologiques, et sur le rôle irréversible du facteur temps. La thermodynamique, physique des phénomènes irréversibles hors équilibre, nous permet de comprendre et de modéliser d'un même principe des phénomènes aussi différents que la machine à vapeur, les tas de sables, les cyclones, l'effondrement des sociétés et même l'évolution de l'Univers.
Dans son ouvrage "Thermodynamique de l'évolution", François Rodier montre, qu'en vertu du troisième principe de la thermodynamique, les sociétés humaines, comme tous les systèmes physiques existants, s'auto-organisent pour maximiser leur dissipation d'énergie. Autrement dit, un système physique, une société doit s'adapter à son environnement pour exister. Ainsi, dans une casserole d'eau bouillante les échanges de chaleur se font par conduction puis, au delà d'un seuil critique, par convection privilégiant, par une forme de 'sélection naturelle', le processus qui maximise la dissipation d'énergie dans la structure.
Il en serait de même pour l'auto-organisation de notre univers. On arrive ainsi à un principe fondamental par lequel l'univers cherche constamment à maximiser la vitesse avec laquelle l'énergie se dissipe : Le troisième principe de la thermodynamique.
Théorie : Le troisième principe de la thermodynamique.
Dans l'acception de Dewar,le troisième principe de la thermodynamique fait référence, dans le cas d'un système ouvert, à l'auto-organisation du système conduisant à la maximisation de la dissipation d'énergie. En mécanique statistique, la dissipation d’énergie porte le nom de “production d’entropie”. La loi de Dewar s’appelle “MEP” (en anglais: Maximum Entropy Production). Une structure dissipative a la propriété de s’auto-organiser. Ce faisant, elle diminue son entropie interne en l’exportant à l’extérieur. Elle maximise le flux d’entropie vers l’extérieur.Au niveau cosmique
"On sait que la matière de l'univers se condense dans des singularités appelées 'trous noirs'. Certains théoriciens pensent que les trous noirs sont susceptibles de créer d'autres univers. Les univers se reproduiraient ainsi à travers les trous noirs. Or, la faculté pour un univers de créer un trou noir dépend des masses de ses particules fondamentales. L'idée de Lee Smolin est que les univers qui créent le plus de trous noirs se reproduisent plus vite que les autres. Si l'on admet que, lorsqu'un univers se reproduit, les masses des particules fondamentales, peuvent subir des "mutations", alors la "sélection naturelle" va favoriser les univers dont les masses de particules produisent le plus de trous noirs. Capable de se reproduire, notre univers lui-même aurait les propriétés d'un organisme vivant".(Thermodynamique de l'évolution p59)
De même, au niveau des espèces vivantes :
Plus une espèce dépense d'énergie, plus son environnement évolue vite et plus elle doit se réadapter. Pour les sociétés humaines, l'évolution de l'environnement se traduit généralement par l'épuisement des ressources naturelles et la pollution de l'environnement. Historiquement, elle s'est traduite par l'épuisement des sols et la déforestation suivie d'érosion. Notre monde s'inquiète de l'épuisement des énergies fossiles et des ressources minières, mais aussi de l'évolution du climat et de la perte de biodiversité. (Thermodynamique de l'évolution p118).
Pour l'espèce humaine, grâce au langage, la quantité d'information transmise par les parents aux enfants a pu devenir supérieure à celle transmise par les gênes. L'évolution est alors devenue naturellement culturelle. Les individus culturellement semblables forment donc des sociétés comme les bactéries génétiquement semblables forment des colonies.
Dans cette continuelle adaptation au milieu, tout être vivant est pris dans un cycle infernal que le biologiste Leigh van Vallen a baptisé “l’effet de la reine rouge”, en référence au livre de Lewis Carrol “Alice à travers le miroir” dans lequel la reine rouge dit: “ici, il faut courir le plus vite possible pour rester sur place”. Pour rester en harmonie avec un environnement qu’il fait évoluer, un être vivant doit évoluer toujours encore plus vite. C’est la raison pour laquelle la dissipation d’énergie croit de plus en plus rapidement.
Les êtres vivants deviennent de plus en plus complexes. L’information mémorisée dans les gènes ne cesse d’augmenter. Plus une société dissipe d’énergie, plus elle modifie son environnement physique. Ainsi une des conséquences de la révolution industrielle est le réchauffement climatique. Détails du raisonnement sur https://www.francois-roddier.fr/?p=202
L'évolution
En dissipant l’énergie, un être vivant modifie son environnement et donc les ressources naturelles s’épuisent ou se modifient. Par exemple, sur un territoire donné, lorsque la population d'un prédateur augmente, alors les proies dont il tire sa subsistance se font de plus en plus rares. De leur côté, pour échapper à leurs prédateurs, les espèces chassées évoluent aussi, et cela s'inscrit dans les gênes de leurs descendants. L'ADN de nos gênes est une forme physique de stockage à long terme de nos apprentissages, tandis que le cerveau retient, à court terme, de l'information issue de nos expériences individuelles.Pour l'espèce humaine, grâce au langage, la quantité d'information transmise par les parents aux enfants a pu devenir supérieure à celle transmise par les gênes. L'évolution est alors devenue naturellement culturelle. Les individus culturellement semblables forment donc des sociétés comme les bactéries génétiquement semblables forment des colonies.
Dans cette continuelle adaptation au milieu, tout être vivant est pris dans un cycle infernal que le biologiste Leigh van Vallen a baptisé “l’effet de la reine rouge”, en référence au livre de Lewis Carrol “Alice à travers le miroir” dans lequel la reine rouge dit: “ici, il faut courir le plus vite possible pour rester sur place”. Pour rester en harmonie avec un environnement qu’il fait évoluer, un être vivant doit évoluer toujours encore plus vite. C’est la raison pour laquelle la dissipation d’énergie croit de plus en plus rapidement.
Les êtres vivants deviennent de plus en plus complexes. L’information mémorisée dans les gènes ne cesse d’augmenter. Plus une société dissipe d’énergie, plus elle modifie son environnement physique. Ainsi une des conséquences de la révolution industrielle est le réchauffement climatique. Détails du raisonnement sur https://www.francois-roddier.fr/?p=202
L'instabilité des structures dissipatives
Les structures dissipatives s'auto-organisent à la manière des changements d'état de la matière. Il s'agit d'un processus universel de dynamique non linéaire. Un état critique existe à partir duquel des événements appelés "bifurcations" s'enchaînent les uns après les autres, produisant des avalanches de 'bifurcations' de fréquence inversement proportionnelle à leur amplitude. C'est le processus de 'criticalité auto-organisée'.Illustration : en fonction de sa température et de sa pression, l'eau peut prendre différents états tels que solide (glace), liquide, ou gazeux (vapeur). Si la zone solide est bien distincte des deux autres, pour des valeurs élevées de température et de pression la ligne séparant le liquide de la vapeur s'arrête en un point "point critique" au delà duquel le liquide ne se distingue plus de la vapeur.
"Selon la thermodynamique, les mouvements associés aux “transitions de phases”, ce moment où par exemple l’eau liquide devient gaz sont chaotiques : cette “hésitation” de la matière entre deux états. L’expérience de l’“opalescence critique” montre que la zone intermédiaire perd toute caractéristique propre au liquide ou au gaz présentant une particularité qui est un véritable saut qualitatif : quelque soit la focale d’observation microscopique, elle se représente toujours identique à elle-même, opalescence lumineuse sans fond, “abyssale” au sens propre." (Dominique Bertrand).
Per Bak a montré que le processus de criticalité auto-organisée s'applique à l'évolution des espèces biologiques. Certains physiciens vont jusqu'à l'appliquer aussi à l'évolution des sociétés humaines. Dans son livre "Thermodynamique de l'évolution', la thèse générale de François Rodier est qu'il s'applique de manière très générale à la façon dont l'Univers s'auto-organise.
Per Bak a montré que le processus de criticalité auto-organisée s'applique à l'évolution des espèces biologiques. Certains physiciens vont jusqu'à l'appliquer aussi à l'évolution des sociétés humaines. Dans son livre "Thermodynamique de l'évolution', la thèse générale de François Rodier est qu'il s'applique de manière très générale à la façon dont l'Univers s'auto-organise.
Compétition ou collaboration ?
Mathématiquement, on ne peut optimiser un système en optimisant chacune de ses parties. Ce théorème, au passage, contredit les affirmations du libéral classique Adam Smith selon lequel un individu poursuivant uniquement son intérêt particulier serait conduit 'comme par une main invisible', à promouvoir l'intérêt général.
Thermodynamiquement, grâce au partage des tâches, la coopération permet d’accroître le taux de dissipation de l’énergie. Par exemple, la stratégie du 'donnant-donnant' permet d'obtenir des gains supérieurs à ceux de la compétition, mais elle est lente à établir car elle requiert de constants échanges d'information. La compétition est une forme de sélection naturelle des individus les mieux adaptés, mais la coopération peut aussi apparaître dans un monde d'individus égoïstes, initialement tous rivaux les uns des autres, et cela sans l'intervention d'une autorité extérieure.
Ainsi au long de l'histoire les époques de collaboration alternent avec des époques de compétition. De même que les espèces biologiques s'éteignent, les sociétés animales s'effondrent.
Depuis des dizaines d'années l'idéologie libérale et l'économie de marché structurent toute l'activité humaine. La concurrence dite libre et non faussée, donne libre cours à la sélection naturelle entraînant une croissance sans bornes des inégalités entre les nations (sélection de groupe) et entre les individus d’une même nation (sélection individuelle). Ces inégalités favorisent à leur tour la dissipation d’énergie. En augmentant la dissipation d’énergie, le libéralisme accélère l’évolution, ce qui déstabilise nos sociétés qui doivent sans cesse, et de plus en plus vite, et au prix d'efforts de plus en plus grands s’adapter, se réorganiser. C’est l’effet de la reine rouge de van Vallen.
L'arrivée du Coronavirus peut être interprétée comme l'énergie d'activation qui provoque un changement de phase de notre système. Nous vivons aujourd'hui une bifurcation , une transition de phase abrupte. Comme une pincée de sel jetée dans une casserole d'eau chauffée aux alentours de 100°C provoque la mise en ébullition du milieu.
Thermodynamiquement, grâce au partage des tâches, la coopération permet d’accroître le taux de dissipation de l’énergie. Par exemple, la stratégie du 'donnant-donnant' permet d'obtenir des gains supérieurs à ceux de la compétition, mais elle est lente à établir car elle requiert de constants échanges d'information. La compétition est une forme de sélection naturelle des individus les mieux adaptés, mais la coopération peut aussi apparaître dans un monde d'individus égoïstes, initialement tous rivaux les uns des autres, et cela sans l'intervention d'une autorité extérieure.
Ainsi au long de l'histoire les époques de collaboration alternent avec des époques de compétition. De même que les espèces biologiques s'éteignent, les sociétés animales s'effondrent.
Depuis des dizaines d'années l'idéologie libérale et l'économie de marché structurent toute l'activité humaine. La concurrence dite libre et non faussée, donne libre cours à la sélection naturelle entraînant une croissance sans bornes des inégalités entre les nations (sélection de groupe) et entre les individus d’une même nation (sélection individuelle). Ces inégalités favorisent à leur tour la dissipation d’énergie. En augmentant la dissipation d’énergie, le libéralisme accélère l’évolution, ce qui déstabilise nos sociétés qui doivent sans cesse, et de plus en plus vite, et au prix d'efforts de plus en plus grands s’adapter, se réorganiser. C’est l’effet de la reine rouge de van Vallen.
L'arrivée du Coronavirus peut être interprétée comme l'énergie d'activation qui provoque un changement de phase de notre système. Nous vivons aujourd'hui une bifurcation , une transition de phase abrupte. Comme une pincée de sel jetée dans une casserole d'eau chauffée aux alentours de 100°C provoque la mise en ébullition du milieu.
La suite de ce chaos est imprévisible mais ce qui est sûr c'est que les stratégies d'adaptation des individus ou des sociétés vont devoir alternativement faire appel à la compétition et à la collaboration pour atteindre d'autres points d'équilibre mieux adaptés mais également provisoires.
Prêts ?
Prenez bien soin de vous,Ozias
https://www.youtube.com/watch?v=6lNz5vmKEFA
https://writings.stephenwolfram.com/2020/04/finally-we-may-have-a-path-to-the-fundamental-theory-of-physics-and-its-beautiful
Merci pour votre lecture et votre attention !
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