vendredi 20 juillet 2012

"La Maladie Silencieuse" Le film.

Lorsqu'on google 'maladie silencieuse', dès la première page on tombe sur 'hépatite' puis 'ostéoporose', hypertension', 'diabète'... Normal avec tant de maladies, de silences et d'ignorances aussi.

La 'Maladie Silencieuse' c'est aussi le titre d'un film de Martine Lancelot. Lorsque l'on voit ce film et que l'on connaît l'hépatite C on réalise pleinement la qualité du titre. La retenue et la poésie du ton du film font ‘palper’ cet état d'isolement mélancolique, contemplatif, cet état ‘autre’ dans lequel nous plonge l’interféron.

Ce film est une voix et une parole à la fois très personnelle et lucide qui se fait entendre au milieu du silence qui entoure cette maladie. Silence des média, silence des médecins qui guérissent des foies plutôt que des malades et pour qui les ‘effets seconds’ du traitement sont secondaires, silence des malades aussi à cause des connotations liées aux modes de transmissions des maladies virales. Oui, l'hépatite C est bien la Maladie Silencieuse .

Martine Lancelot avec ses mots et ses images donne un sens aux sombres franchissements où nous entraîne cette maladie. Un film à voir avant pendant, et après le traitement et à partager avec ses proches. Pour dire et faire comprendre.

Ozias




Sous le joug d’un lourd traitement contre l’hépatite C, la réalisatrice Martine Lancelot a fait un film de sa maladie. Elle ne se met ni en scène ni en images, et donne à voir son environnement, sa perception de corps malade. (…) C’est un film de poésie réaliste, sans atermoiement, une tentative de se réapproprier son corps, ses capacités, ses jours ; écrire un journal filmé.”
Jérôme Animer
http://www.filmsduparadoxe.com/maladie.html
Scénariste et réalisatrice, Martine Lancelot a réalisé plus de 20 films :

jeudi 12 juillet 2012

Guérison

Divine guérison
Je sors lessivé et diminué du traitement d'une maladie dont  j'ai ignoré l'existence pendant trente ans. Dans quelques semaines je saurai si je suis 'guéri'.
Trois mois après la fin de mon traitement, me voyant pas très en forme, un ami m'a dit : ' fais le plus de choses possibles qui te détournent de l'hépatite'. C'est un peu comme si à l'issue de l'enterrement d'un proche il m'avait dit que pour que tout s'arrange il suffisait que je n'y pense plus. En effet même si mon entourage semble en avoir assez de toutes ces histoires de traitement, d'effets secondaires et d'hépatites, la récupération est pour moi loin d'être immédiate. Si guérison il y a (ou plus exactement il devrait y avoir) elle cache son jeu sous des airs de victoire à la Pyrrhus.   Au sujet de la guérison de l'hépatite Cvous trouverez , en cliquant sur 'plus d'infos>>', un excellent texte de Thomas Laurenceau qui illustre bien ce que je ressens maintenant et que je veux dire ici. 
A part ça, 'je vais bien, tout va bien'...
Ozias

Que faire de la guérison ?

Je crois qu’il y a eu une erreur de casting.
On m’a demandé de parler de la guérison, mais en fait je ne suis pas vraiment guéri. 

jeudi 5 juillet 2012

Sept Haikus pour une hépatite

Le Haiku est un court poème japonais de dix sept 'syllabes'. Un poème des choses banales de la vie quotidienne et de ses évènements minuscules. L'annonce de la maladie, le temps du traitement, celui de la convalescence ont été ponctués de pensées et d'émotions que j'ai tenté de fixer par quelques mots à la manière des Haikus, si ce n'est dans leur style. Je vous en propose donc sept qui ont jalonné mon hépatique croisière .


Au printemps.


(je viens d'apprendre mon infortune.

J'acquiers un carnet pour noter mes états d'âmes)

Carnet de voyage
Pages blanches Voyage d'hiver
Qui sait ?


(J'ai maigri)

La montre au poignet
Comme elle tourne !
Et maintenant autour du bras




Été.


(Ma biopsie s'est mal passée)

Aspirateur en main
Deux trous rouges au côté droit
Pneumothorax !

(J'arrête l'alcool)

Les grands jours !
Le soleil dans la mer
La dernière gorgée de bière.





Automne avec interferon.


(Le clocher du village)

Ces heures qui sonnent au clocher  me réveillent. 
Trop près du compteur !


(Pêche en automne)

Feuilles au vent d'hiver
Silence des truites
Coule donc mutique interféron !

(Noël)

En ces temps de l'avent
Luisant de Dexeryl
Foie gras je me sens

vendredi 29 juin 2012

Transmission

S'il y a une question sur l'hépatite qui revient souvent c'est bien :  'comment as tu attrapé ça' ? ...
L' intraveineuse vénéneuse étant statistiquement le vecteur de contamination le plus classique et répandu, permettez moi de partager ces quelques lignes de la meilleure veine écrites au sujet  de ce geste finalement prométhéen.


L'acier de l'aiguille consacre une pénétration emblématique. L'intoxiqué se trouve compénétré par la grâce chimique qui se répand dans son corps et se divise en une série d'épisodes chacun hautement symbolique. Les ingrédients s'ajoutent pour composer la recette. Bout, le brouet fatidique. Ici, deux gouttes de citron; là une miette de coton, filtre par lequel le philtre passera dans la seringue. D'autres préparations ont leur importance. Je ne dirai pas , par exemple, que le garrottage est un élément subsidiaire. Je n'initie personne, et à rien. Il suffit de voir apparaître ce delta bleuté et rosissant sous la chair porcelaine. Le temps est suspendu lorsque, délicatement, [s'] enfonce l'aiguille, à l'oblique très penchée, dans un de ces renflements. Image miniature d'une sodomie consentie.../...
 Voici donc commise l'action la plus monstrueuse de toutes, tant elle apporte quantité et qualité de plaisir, face à quoi le monde entier se trouve en faillite. Je ne puis cependant rien voir de sordide dans cet acte qui, amoureusement conduit, est plein d'une dimension mythique et émouvante. Le rituel par lequel on se donne du bonheur ne saurait laisser indifférent. L'aspect sacrificiel consenti qui s'y glisse en fait une liturgie, une eucharistie de l'âge atomique. Dans ces gestes fatals où la tragédie guette, je vois la fatalité de vivre, et la tragédie d'exister, vécues sous la forme d'un festin bâfré nu sur soi même, où chacun peut dévorer son corps planté au bout de la seringue. L'aiguille est le corridor dérobé par où pénètrent les noirs enchantements dans la caverne du corps qui les transforme en ombres anamorphosées. Se seringuer est un enchaînement de transgressions majeures, un scandale pesé en gestes d'une scandaleuse précision. Meurtre prémédité, brusque fin de non recevoir envers ce monde, auquel nous tournons le dos.../...
Extrait des 'rêveries du toxicomane solitaire' Anonyme. Editions Allia. Paris 1997

N’écoutez plus la chanson oubliée !

Je ne te connais plus, mais je n'ai pas oublié ce que tu donnes et ceux que tu as pris.

jeudi 21 juin 2012

L'histoire d'Ozias


Rembrandt. Le roi Ozias frappé par la lèpre.
Au delà de l'histoire biblique d'Ozias, que j'ai découverte récemment, j'ai toujours été frappé par l'humanité qui se dégage du portrait du roi Ozias par Rembrandt. Il représente un homme puissant et respecté, un roi vainqueur dont soudain la vie  bascule. Malgré son turban et son lourd manteau, le roi est nu. Les mains jointes, le regard vide Ozias se trouve subitement vieux et solitaire.  En fait ce regard nous parait vide car ce qu'il voit se situe au delà de perspectives communes. La révélation de sa maladie lui montre la vanité, la précarité de son pouvoir, et la fragilité de la vie. Comme d'autres images de Rembrandt, ce portrait m'accompagne depuis des dizaines d'années. Ainsi, lorsque j'ai reçu le coup de fil du médecin qui m'annonçait que j'étais porteur du virus de l'hépatite C c'est ce tableau qui m'est venu à l'esprit. J'ai ouvert le livre où il figure afin de le revoir puis de le montrer à ma femme pour m'aider à lui dire. Dieu merci, l'hépatite ça n'est pas la lèpre et la fin de mon histoire n'est pas écrite comme celle du Roi Ozias. Il n'empêche que je reste ébloui par ce tableau  où je retrouve une partie de moi même. Au delà du roi Ozias, au delà de l'hépatite, ce portrait exprime comment l'annonce d'une maladie, d'un revers de la vie nous terrasse, nous désarme, nous isole et nous met face à ce que nous sommes et que nous ne connaissions pas encore. L'histoire d'Ozias est celle de la vacuité des affaires humaines et aussi celle de la découverte de soi au delà des rôles et des rangs. C'est l'histoire d'une histoire qui se brise et donc celle d'une autre histoire qui commence et dont la Bible ne sait rien.  
ozias

..../... [le roi] Ozias avait une armée de gens de guerre, .../.... Le nombre total des chefs des pères, des vaillants guerriers, était de deux mille six cents. Sous leur conduite était une armée de trois cent sept mille cinq cents combattants, tous gens de guerre, forts et vaillants, pour aider le roi contre l'ennemi. Et Ozias leur procura, pour toute l'armée, des boucliers, des lances, des casques, des cuirasses, des arcs et des pierres de fronde. Il fit aussi à Jérusalem des machines de l'invention d'un ingénieur, pour être placées sur les tours et sur les angles, pour lancer des flèches et de grosses pierres. Et sa renommée s'étendit au loin; car il fut merveilleusement aidé, jusqu'à ce qu'il fût devenu fort puissant. 
 Mais lorsqu'il fut puissant, son cœur s'éleva jusqu'à se corrompre; et il commit un péché contre l'Éternel, son Dieu: il entra dans le temple de l'Éternel pour brûler le parfum sur l'autel des parfums. Mais Asaria, le sacrificateur, entra après lui, et avec lui quatre-vingts sacrificateurs de l'Éternel, hommes vaillants,qui s'opposèrent au roi Ozias, et lui dirent: Ce n'est pas à toi, Ozias, d'offrir le parfum à l'Éternel, mais aux sacrificateurs, fils d'Aaron, qui sont consacrés pour cela. Sors du sanctuaire, car tu as péché, et cela ne sera pas à ta gloire devant l'Éternel Dieu. Alors Ozias, qui avait à la main un encensoir pour faire brûler le parfum, se mit en colère, et comme il s'irritait contre les sacrificateurs, la lèpre parut sur son front, en présence des sacrificateurs, dans la maison de l'Éternel, près de l'autel des parfums. Et Asaria, le principal sacrificateur, le regarda ainsi que tous les sacrificateurs, et voici, il avait la lèpre au front. Ils le firent donc sortir en hâte de là; et lui-même se hâta de sortir, parce que l'Éternel l'avait frappé.Le roi Ozias fut ainsi lépreux jusqu'au jour de sa mort, et demeura comme lépreux dans une maison écartée, car il était exclu de la maison de l'Éternel.
La Bible - Chroniques 2-26 Traduction française  Ostervald

jeudi 14 juin 2012

Non-dits hépato-pathétiques


Déni ou dédramatisation ?
Dit, dénis et non dits :


Avant le traitement: "ne te plains pas, de toute façon le foie, ça ne fait pas mal."
Pendant le traitement: "si ça va pas c'est bien normal. Alors, ne te plains pas ça pourrait être pire, et gère au mieux !"
Après le traitement: "tu vois c'est déjà fini. Il ne faut plus en parler, et surtout n'y pense plus !"
Trois mois après: "encore des problèmes ? bien sur c'est dans ta tête. Aucun rapport avec la maladie et son traitement.  C'est fini ! à toi de gérer..."


Je veux dire ici qu'avec l'hépatite j'ai pu constater autour de moi pas mal de déni, entendu beaucoup de de langue de bois et surtout de silence. 
Est ce dans un souci de ne pas 'dramatiser', pour ne pas me 'gêner' ou simplement faute de trouver quelque chose à dire ?... Je ne sais pas mais en tout cas je n'apprécie pas. 
Par exemple je suis toujours étonné lorsque quelqu'un, me connaissant bien, mais que je n'ai pas vu depuis six mois, ne semble pas noter de changement et ne pose pas la moindre question lorsqu'il me retrouve moitié scalpé et allégé de 15kg . Seule nuance, qui montre bien qu'il n'a pas perdu la vue: il ne me demande plus 'ça va ?'. Ce genre de détail m'a  beaucoup interrogé sur ce que les autres attendent de moi. Apparemment beaucoup de gens ne semblent pas prêts à admettre  que la maladie,  les difficultés, ou plus généralement le changement puissent exister. Cette attitude révèle également la teneur de  nombreuses conversations, qui évitent l'important et où la parole sert à masquer ce que l'on pense. Ainsi certains, après un 'ça va?' rituel  dont ils n'attendaient pas la réponse paraissaient bien plus à l'aise pour s'enquérir des nouvelles de mon chat ou de ma voiture. Mais peut être s'agissait il tout simplement d'indifférence. En tous cas cela a changé ma façon de voir les choses et les gens.


J'ai donc choisi d'illustrer ces non-dits par une image issue d'un petit opuscule qui a pour titre "vous allez passer une coloscopie". Ce bienveillant livret, publié sous la houlette des sociétés françaises d'endoscopie digestive et de gastro-entérologie est destiné à remonter le moral des  patients en passe d'être 'coloscopisés' et à dédramatiser ce geste médical. L'image a été ostensiblement retouchée mais j'ai conservé le texte intégral du message, dont j'ai du mal à me persuader. Ce message me semble révélateur d'une  langue de bois médicale onctueuse à laquelle fait écho l'ignorance et l'indifférence de ceux qui ne veulent ni entendre ni parler. En d'autres termes, la propagande que véhicule cette image me parait d'une teneur comparable à  l'enfumage des non dits, des langues de bois et autres 'dédramatisations' hépatiques que j'ai pu remarquer. 
Si je me trompe, je serai heureux de recevoir des souvenirs ou des photos des 'jolies coloscopies de vacances' qui viennent infirmer mon propos.
Ozias