jeudi 7 mai 2020

Quarantaine Covid-19

Alors que cette période de confinement prend fin, je me trouve presque nostalgique de ces huit semaines de réclusion décadente. D'où ce carnet de confidences d'un confiné. Bonne lecture !

Prologue : 18 février 2020 Olivier Véran, ministre de la santé, sur France Inter :« La France est prête car nous avons un système de santé extrêmement solide. »

5 mai 2020. Cinquante jours de confinement (50).

Ici, ça a commencé mi-mars. D'abord les écoles ont fermé, mais on est allé voter quand même. Puis, comme sur Facebook, les rayons de notre supérette se sont vidés : plus d’œufs, plus de pâtes, plus de farine ni de PQ. On a eu droit à un ultime week-end de départ en vacances très ensoleillé, dont, par civisme sanitaire, je n'ai pas osé 'profiter'. Curieusement, les jeunes étaient les premiers à confiner, à mobiliser et à se mobiliser, alors que les plus âgés ne réalisaient pas encore, ou alors pas vite qu'ils étaient les premiers visés par cet Armageddon du boomer. Quand aux très âgés, déjà confinés depuis des années, ils ont été bien étonnés que l'on prenne soudain de leurs nouvelles.

Le 16 mars, dans un discours qui se veut martial, le Président nous apprend et répète ad-nauseam que 'nous sommes en guerre'. Pour ambiancer le tout chaque mobile reçoit un SMS de gouv.fr (qui n' avait encore jamais écrit) annonçant
"Des règles strictes que vous devrez impérativement respecter...!"


Au commencement 

C'est comme ça que du jour au lendemain, on s'est retrouvé en quarantaine pour cause de sécurité sanitaire avec autorisations de sorties datées signées, plages surveillées par hélico et état d'urgence pour une durée indéterminée.
Depuis quelques temps déjà ce confinement nous pendait au nez. Mais même en ayant l'Italie sous les yeux, on ne s'était pas préparé, on ne voyait pas, ou on ne voulait pas le voir. Le confinement, était réservé aux vaches ou aux canards dans les élevages, comme on avait pratiqué à l'occasion de la crise vache folle ou des grippes aviaires ou porcines précédentes. Mais pour nous humains, nous ne pouvions y croire avant  que ce COVID19 ne fasse de nous des champions des gestes barrières et de la distanciation sociale. 
Evidemment, à partir du moment où la Chine a confiné, la comparaison publique mondiale a fait que le confinement devenait inévitable partout. Le gouvernement s'est fait un devoir de garantir à ses citoyens que 'rien ne leur arrivera'. D'autres pays comme le Royaume Uni ou les USA ont bien essayé de jouer l'immunité de groupe, mais ils se sont fait déborder par les gros paquets d'hospitalisations avant d'emboîter le pas aux états confineurs. Incapable d'approvisionner masques et tests de dépistages, notre startup-nation championne du juste à temps et du flux tendu a forcément décidé du remède le plus moyenâgeux, le plus autoritaire aussi : le confinement de toute la population. Mais il était impossible de faire autrement je crois, car l'opinion elle-même aurait crié au génocide. Quand les valeurs « sanitaires » semblent indiscutables alors tout discours alternatif est indicible et la compétition politique ne peut se traduire que par une surenchère.

A ce sujet, le destin des animaux, et le sort que leur réservent nos sociétés humaines, me parait prophétiquement représentatif du 'foutur' de notre humanité. Depuis longtemps déjà tous les animaux libres vivent sauvages dans l'illégalité, tandis que nous produisons les animaux domestiqués comme de banales marchandises. Les races ont été sélectionnées, élevées, améliorées, différenciées, spécialisées normalisées pour s'adapter à la 'demande du marché'. Même chose pour les plantes où seules sont autorisées les graines de variétés sélectionnées et inaptes à se reproduire. Cette évolution pourrait bien préfigurer notre propre destin à l'aube du transhumanisme. Par exemple, la crise du Covid nous montre que l'avenir est aux Ehpads grands comme des fermes des mille-vaches où nos vieux jours seront professionnellement protégés de la mort par nos économies et pour la plus grande gloire de la sécurité sanitaire nationale et celle des actionnaires des groupes Korian et consorts. Bref, si tu confines bien, tu auras la chance de finir en Ehpad !

Mais, trêve d'anticipation et retour au réel... Donc le 16 mars , France Inter nous met en garde :"Arrêtez de vous embrasser", on fait les dernières courses (du tabac, des graines, des médocs, des patates), puis pour se remonter le moral on s'appelle, on échange les dernières blagues, et comme on est tous sidérés sous le soleil radieux du printemps, on joint les mains, on serre les fesses, on croise les doigts et on attend la suite... Let it be !

Le plus pénible pour moi est l'infantilisation dans laquelle le pouvoir veut nous tenir. Pour sortir, il faut remplir une attestation signée, comme au collège. Sibeth, la porte-parole du gouvernement nous explique que le port du masque peut être 'contre -productif' et Etienne Klein, démontre dans un savant calcul pour 'Marianne', que dépister ne sert à rien
Par temps de confinement rester chez soi et se taire fait de nous des héros !
Ici, les plus extravertis donnent chaque jour à 20 heures un concert de casseroles et de klaxons pour encourager Macron les soignants.
Nous Pesterons donc chez nous en briguant  légion d'honneur et croix de guerre du héros confiné. 


Premières semaines


17 mars 2020. 
'Nous sommes en guerre'
La première semaine a été la plus longue et la plus angoissante. Quand nos repères tombent, tout devient possible. La grève générale, l'arrêt de la mondialisation. On rêverait presque à la fin de la société de consommation. Spontanément on pense à l'an 01 de Gébé. Conséquence immédiate, je défriche un potager et je plante tout ce que j'ai sous la main. 
D'autres semblent apprécier cette parenthèse qui les maintient chez eux, les rapproche de leur famille, de la nature, de leur vraie nature parfois. 
Dehors la nature reprend ses droits, sans que l'on sache toujours démêler le vrai du fake. Ainsi, ces dauphins vus dansle port de Hyères, mais filmés dans le Bosphore, ou encore ces loups qui entrent dans Grenoble le ...1er avril !!!.

Plus d'avions dans le ciel, plus de brume dans la vallée et pour le futur, on hésite entre utopie, effondrement et dystopie. Le Centre Patronal Suisse y va même de son couplet : "Certaines personnes pourraient être tentées de s'habituer au confinement, voire à se laisser séduire par ses apparences insidieuses : beaucoup moins de circulation, un ciel déserté par le trafic aérien, moins de bruit et d'agitation, le retour à une vie simple et un commerce local. La fin de la société de consommation.' Pendant 45 jours il fait honteusement beau. Ici le printemps est partout et me rappelle la chanson de Nino Ferrer 'Le Sud'...Et toujours pas moyen de savoir ce qui se passe en ville. 

En me promenant sur les chemins autour d'ici je croise bien plus de monde que d'habitude. Des voisins, des joggers avec leur chien. Les consignes de confinement semblent induire un climat de sévérité peu propice aux rapprochements humains. La peur est partout. On se sent spontanément inspecté par son voisin, par les passants : pourquoi as-tu un masque alors que les soignants en manquent ? Depuis combien de temps traînes tu dehors ? Ton caddie contient il des articles de première nécessité seulement ? Ne pouvais-tu pas éviter de sortir ? 
Comme nous avons tous peur du moindre pépin, nous sur-réagissons : par exemple, j‘ai eu peur que le chien du promeneur que je croisais morde, et j'ai eu envers son maître une réaction inhabituellement agressive. 
Confiner, c'est beau, mais alors, la question qui tâche et qui fâche, est de savoir comment faire pour aller travailler quand on sait que se promener seul sur une plage est une violation de la sécurité sanitaire. Le monde s'aperçoit qu'il n'était rien sans le travail de ceux 'qui ne sont rien' et nous découvrons que - peut être- et après tout nous ne servons 'à rien' (autrement dit, que la société se passerait très bien de nous). 
Bref : Si tu travailles tu es vecteur potentiel craint et respecté. Si tu ne travailles pas, alors reste chez toi ! On est essentiel ou pas.
Finalement, dans ce confinement personne n’est à sa place. Le dilemme protection individuelle/continuité sociale est incompatible avec le confinement, insurmontable. Chacun fait son flic, et le keuf-virus nous a tous contaminés.


Rythme de croisière


Après 8 longues semaines de confinement mes jours ont trouvé un nouveau rythme ponctué de grasses matinées, de longs face à face avec un écran, de séances de jardinage et d'appels téléphoniques. L'angoisse de la première semaine a fait place à la sérénité. Les meilleurs moments de la journée sont le petit déjeuner (café pain beurre salé) sur le coup des 10-11 heures, puis la sieste de 15 à 17h, puis le jardin de 18 à 20h. Comme il se passe moins de choses dans une journée, curieusement, le temps confiné passe plutôt plus vite que le temps normal. 
Même si je me demande si l'effondrement de notre société pourrait commencer par une mauvaise grippe, le CAC 40 lui reste optimiste et me donne quelque espoir d'un 'retour à l'anormal' !!! 😄 Total, j'ai perdu 2kg. A cause de l'angoisse ? Well... Wait &see...


Finalement, voici ce que j'ai apprécié pendant ces 50 jours de confinement :

- On apprend à se connaître. D'ailleurs, à titre personnel il ne faudrait pas que le confinement se prolonge trop longtemps, car la distanciation sociale a tendance à me rendre encore plus misanthrope (simple distanciation sociale ou syndrome de la cabane ?) .  Mais surtout, quand on confine à plusieurs, c'est bas les masques. Difficile de cacher ses petites habitudes en étant 24/7 sous un même toit. Pareil sans doute si on a des voisins. Depuis que le port du masque s'est généralisé plus moyen de se fuir ou se cacher, tout se voit tout se sait tout se sent.... Transparence 360° ! 

- Avec un cours du baril de pétrole négatif (-37$ au plus bas), c'est un plaisir de faire le plein de gazole pour aller nulle part. Côté exploitation des gaz de schistes  et on est tranquille. Plus besoin de s'exciter là dessus pour l'instant.

- On a enfin la preuve que l'Europe n'est rien d'autre qu'un vaste marché commercial sans initiative commune audible au niveau politique ou social, quelques velléités mais pas de résultats niveau sanitaire. Même la BCE (Banque Centrale Europe), qui faisait son possible au niveau monétaire et soutien de l'économie, se fait tacler par la cour constitutionnelle allemande Fracture en vue pour la zone Europe ?  Une histoire à suivre, qu'on pourrait payer cher.


- Du point de vue existentiel, on voit mieux à quoi on sert. Je veux dire socialement surtout:  Que se passe t'il si je ne sors pas, et si je n'existais pas, qui s'en rendrait compte ? 
qu'est-ce que ça changerait ? Dans le cas où la réponse est 'Rien' cette prise de conscience peut être difficile, ou au contraire infiniment réconfortante..

-Le harcèlement commercial au téléphone s'est arrêté comme par magie. En huit semaines d'isolement j'ai reçu zéro proposition d'isolation à 1€ !

- En réalité, ce que j'ai le plus apprécié c'est qu'on retrouve toujours son smartphone ! Bien qu'il puisse se cacher dans le lit, sur le sofa ou sur la table, je suis enfin serein car je sais qu'il n'est jamais loin 😀

Mes prévisions pour la suite : "Le monde d'après sera un monde de queues, d'oreilles décollées et de buée sur les lunettes"  (enfin, on verra bien :) 
Et si ça se trouve, en sortant de nos tanières avec les cheveux à la Raoult, la prise de poids et le masque, on ne va même pas se reconnaître.

Bon, allez zou ! On se lève, et on se casse !

Ozias mai 2020

Une autre expérience (TBH) 
https://www.facebook.com/notes/thibaud-bernard-helis/faire-de-la-fen%C3%AAtre-interview/1630994530386598/

https://www.liberation.fr/debats/2020/04/12/non-ce-virus-n-est-une-bonne-chose-pour-rien-ni-personne_1784835

Vers une dystopie ? L'exemple singapourien 
https://www.courrierinternational.com/article/temoignage-le-covid-19-ma-revele-lautre-visage-de-singapour

Le monde d'après






22/04 "POUR MÉMOIRE", épisode 1. On aura du mal à se souvenir de tout. Une ministre de la santé qui plaque son ministère avant l'arrivée de ce qu'elle qualifie de « tsunami » sanitaire. Une réunion ministérielle dédiée au virus dont il ne sera pas dit un mot mais pendant laquelle on dégaine un 49-3 sur les retraites. Une ruée sur le papier toilette pour en faire des stocks. Un couple présidentiel qui encourage à « aller au théâtre » en pleine épidémie. Un premier tour électoral maintenu deux jours à peine avant un confinement total.

L'exode soudain hors de la capitale. Une « communication » gouvernementale qui accumule les injonctions contradictoires, les mensonges, les tâtonnements. Des stocks de masques disponibles, puis absents, puis en fait détruits des années auparavant, non reconstitués, puis commandés, puis livrés, puis renvoyés, puis attendus des semaines durant. Un hôpital public dévasté depuis des années et soudain assailli, débordé, en manque de tout. 9 jours pour monter un hôpital militaire de 30 lits.

Des soignants sacrifiés, applaudis de soir en soir, mais matraqués et gazés quelques mois plus tôt, réduits à se protéger avec des sacs poubelles. Un ministre appelant à la charité publique pour l'hôpital. Un autre qui appelle les multinationales à la modération quant aux versements de dividendes, puis ceux-ci qui explosent sans la moindre retenue. Des véhicules personnels de soignants braqués. Des infirmières harcelées par leur voisins et poussées à quitter leur logement.

Des querelles médicales à rebondissements pendant que les décès s'accumulent. Des banques qui dissimulent leurs stocks de masques. Des labos en guerre pour le profit. Des scientifiques conseillant la présidence par ailleurs payés par ces mêmes labos. Une explosion des ventes en ligne au profit des géants du secteur traitant leur personnel comme des esclaves. Une secrétaire d'état conseillant de profiter du moment pour faire des bonnes affaires en bourse. Des « premiers de cordée » aux abonnés absents. Un état qui « redoute d'avoir des comptes à rendre ».

Un appel aux « profs qui ne travaillent pas » pour aller aux champs. Une porte-parole du gouvernement se livrant à un stand-up tragi-comique permanent. Des routiers privés d'accès aux toilettes d'autoroute. Des médiacrates critiquant « la pleurnicherie hospitalière ». Des Ehpad face à une véritable hécatombe. Des hôpitaux obligés de déprogrammer leurs activités médicales et chirurgicales dites non-urgentes, et dénonçant « une bombe à retardement ».

Des centaines de milliers de contraventions pour des motifs parfois les plus stupides. Des dizaines de milliards d'argent magique débloqués en urgence. Des informations sans cesse contradictoires. Des soupçons de conflit d'intérêts au plus haut niveau. Des bénévoles, des maires, des élus locaux, des pharmaciens, des médecins, passant outre les consignes officielles et palliant l'incompétence de l'état. Un Conseil d’État saisi par plusieurs syndicats qui dit non à un dépistage massif. Une pluie de décrets massacrant le droit du travail et les libertés individuelles.

Un confinement qui montre de façon encore plus crue des inégalités sociales scandaleuses. Une spéculation sur les prix des denrées alimentaires. Des allocutions présidentielles surréalistes. Des actes de délation qui augmentent. Des hélicos surveillant les plages. Des rumeurs conspirationnistes. Des exilés fiscaux voulant rentrer en France pensant qu'ils y seront mieux soignés. Un effondrement des places boursières et de l'économie réelle. Un président qualifié de « présence thaumaturge » par son entourage.

Des menaces de faillites en cascade et d'explosion du chômage. Un refus gouvernemental systématique de nationaliser des entreprises stratégiques. Des poursuites judiciaires contre des ministres. Des appels à la désobéissance civique. Une UE multipliant les retards à l'allumage et plus divisée que jamais. Un MEDEF trépignant de rage pour remettre tout le monde au travail. Une dérive sécuritaire de plus en plus alarmante.

Des commandes de drones, de LBD, de lacrymos. Des milliards versés en douce à des multinationales polluantes sans contrepartie. Des pénuries qui s'accumulent et qui durent, masques, gants, gel, sur-blouses, oxygène, respirateurs, tests, lits, médicaments, houses mortuaires. Des médecins forcés de faire un tri entre patients à soigner ou pas. Des cendres de défunts dans des sacs plastique. Des milliers de familles endeuillées privées de funérailles.

Un appel à la création d'un nouveau Conseil National de résistance. Une ruée soudaine vers un McDo ré-ouvert. Des gens qui hier n'étaient « rien » devenus aujourd'hui des « héros ». Un pétrole à prix négatif. Une récession qui ressemble désormais à une « grande dépression » mondiale. Un dé-confinement prévu et une seconde vague de contagion prévisible. 
http://zinc.mondediplo.net/sites/389440


Un an plus tard 
Confinement et couvre-feu : « Ces mesures de type moyenâgeux devraient être totalement bannies de notre ordre juridique »
TRIBUNE de PAUL CASSIA (juriste). LE MONDE 18 MARS 2021
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Notre pays a été à l’avant-garde des mesures qui ont le plus contraint les libertés individuelles et collectives au nom de la préservation de la santé publique, avec un résultat pour le moins mitigé, puisque par exemple le nombre de morts du Covid-19 par million d’habitants (1 370) était, au 10 mars, supérieur à celui de la Suède (1 291) et même à celui du Brésil (1 263), où, pourtant, des stratégies sanitaires diamétralement opposées à la nôtre ont été mises en œuvre.
La source profonde de ces mesures coercitives tient à la logique comptable et entrepreneuriale appliquée depuis 2002 au moins sur les services publics en général et l’hôpital public en particulier. Que l’Ile-de-France et ses 12,2 millions d’habitants ne comptent encore que 1 050 lits de réanimation un an après l’apparition du Covid-19 est une faute politique et stratégique majeure, dès lors que les atteintes aux libertés fondamentales prises au nom de la santé publique sont partiellement indexées sur la saturation des services de réanimation. Ce coupable attentisme sanitaire oblige désormais à superposer des reconfinements locaux le week-end à un couvre-feu national de douze heures par jour, en vigueur sans interruption depuis le 16 janvier.
Rigueur inédite
Leur acceptation est assise sur le sentiment de peur, sinon de panique, qui annihile tout raisonnement articulé et ne fait qu’aggraver les difficultés rencontrées. Il est entretenu à chaque instant par des prévisions épidémiologiques affolantes et pas nécessairement vérifiées dans les faits, des annonces contradictoires des pouvoirs publics nationaux, ainsi que la prise en compte d’un indicateur très relatif, celui du nombre quotidien national de tests positifs (26 343 le 14 mars, 5 327 six jours auparavant). Pourtant, le taux de positivité, plus objectif car mesurant le rapport quotidien entre les tests et leur résultat, est, en dépit de la propagation des variants, d’une parfaite stabilité depuis décembre 2020, aux alentours de 7 %.
Leur fondement juridique repose sur une loi du 23 mars 2020 adoptée en cinq jours. Elle a institué l’état d’urgence sanitaire en s’inspirant de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence sécuritaire. Or, là où ce dernier ne concernait potentiellement qu’un petit nombre de personnes susceptibles de commettre un acte de terrorisme et créait des obligations lourdes mais individualisées (par exemple, une assignation à résidence douze heures par jour), le premier affecte chaque personne se trouvant sur le sol français et pèse sur nos quotidiens aussi bien dans l’espace public que dans la sphère privée. Leur méconnaissance est assortie d’une amende de 135 euros, et les pouvoirs publics n’ont pas hésité à brandir cette menace de sanction pénale de manière autoritaire, vexatoire et infantilisante, comme lorsque la Préfecture de police a fait évacuer les quais de Seine les deux premiers samedis du mois de mars, au motif, là encore non vérifié, que quelques-uns des promeneurs n’auraient pas respecté la distanciation physique exigée.
Cette loi n’autorise le premier ministre à adopter des mesures générales de police administrative d’une rigueur inédite qu’à la condition qu’il existe une « catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». Un an après le déclenchement de la pandémie, il est certain, chiffres à l’appui, que cette condition initiale n’a jamais été remplie et, en tout cas, qu’elle ne l’est plus un an après le début de la pandémie, dès lors que la santé d’une partie substantielle des 67 millions de Français n’est pas gravement mise en péril par le coronavirus.
Traces durables
Pourtant, peu de voix ont remis en cause la pertinence de l’état d’urgence sanitaire ou sa stricte proportionnalité, laquelle résulte d’une comparaison entre ses avantages en termes de lutte contre la pandémie et ses effets négatifs d’ordres économique, social, éducatif, culturel, psychologique et même sanitaire. Nombre de mesures totalement absurdes lorsqu’elles sont considérées isolément, telle la fermeture sur l’ensemble du territoire national des remontées mécaniques, des salles de spectacle ou des universités, n’ont été justifiées au cas par cas que par un contexte sanitaire dégradé, sans jamais que soient prises en compte leurs conséquences cumulées, de plus en plus considérables et même dramatiques avec le temps.
Et des mesures de type moyenâgeux tels le confinement et le couvre-feu, instaurées dans la précipitation par imitation du précédent chinois dans la région de Wuhan « exporté » en Europe par l’Italie et l’Espagne avant que la France ne s’aligne à une époque où il était décrété que les masques sanitaires ne servaient à rien, devraient en temps de paix être totalement bannies de notre ordre juridique, qui ne les connaissait pas avant mars 2020, tant elles sont attentatoires à la dignité de la personne humaine en raison des trop nombreuses privations ou restrictions de libertés du quotidien qu’elles véhiculent, sans par ailleurs aucune certitude documentée quant à leur efficacité sanitaire.
Avec la pandémie, le monde entier et la France en particulier ont franchi, dans l’accoutumance contemporaine aux mesures liberticides, une étape plus importante encore que celle qui a suivi les attentats américains du 11 septembre 2001. Le Covid-19 disparaîtra peut-être un jour, soit naturellement, soit par l’effet du vaccin, mais les traces juridiques et sociétales qu’il laissera seront durables et universelles. Le virus a d’ores et déjà gagné la guerre que le président de la République lui a unilatéralement déclarée il y a un an.
Paul Cassia est professeur de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a notamment écrit La République en miettes. L’échec de la start-up nation (Libre & Solidaire, 2019)

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