Assis croix. Philippe Croq |
Tout d'abord cette année m'a appris et m'a démontré que le monde- il faut entendre ici mon 'petit' monde social et professionnel- sait se passer de moi. Même si je savais cela par construction, j'ai eu du mal, les premiers mois, à me désengager de mes activités habituelles et à communiquer à ce sujet . Malgré ces débuts difficiles, la suite s'est finalement révélée au delà de mes attentes. Positionnement interne plus difficile encore, à l'issue de 18 mois de réflexion la question de savoir jusqu'à quel point je saurais me passer de moi même reste ouverte.
Cette expérience de "décorporation sociale "m'a aussi fait voir ce que ce 'petit' monde attendait de moi et ce que je vaux, ou valais à ses yeux. J'ai pu m'apercevoir de ce qu'il me donnait et aussi de ce qu'il me prenait, et des parties de moi dont il ne voulait pas. Ainsi j'ai senti que 'le droit', la possibilité même d'être absent, différent, malade ou reconnu comme tel m'était parfois contesté, refusé ou dénié. J'ai vu trop de temps perdu dans de futiles échanges, de vaines batailles. J'ai aussi pu toucher des censures et des non-dits entourant mon histoire, mon rôle, ma personnalité. Ce recul, ce 'voyage astral hors du corps social' que constitue la maladie m'a permis de voir et de prendre la mesure de l' écart qui existe entre les attentes de mon entourage et ma situation, mon état, bref ce que je suis en profondeur.
Ces observations ont été rendues possibles par le 'désalignement' des 'planètes' individuelles et sociales qu'a produit la maladie. Lorsque j'étais 'en rideau' la représentation du personnage de mon rôle social était suspendue et j'ai pu suivre la scène, le spectacle depuis les coulisses, derrière le rideau. Rare moment de lucidité, vagues bouffées de désenchantement.
Ainsi, par la force des choses par cette perte de forces physiques qui nous dégage du champ des contraintes sociales ordinaires la maladie nous rend physiquement à nous même. Autant qu'elle nous isole et nous enseigne à nous passer de nous même, notre maladie nous rappelle que nous sommes vivants, humains, uniques.
Ozias
PS: Pour le titre, je cite Richard Bohringer