Marronnier. Fleur et feuille. |
Avant d'avoir été malade, situation qui m'a fait réaliser que je pourrais être 'en coquetterie avec la mort', j'étais plutôt partisan d'une mort rapide, qui me prendrait par surprise, sans que je m'en aperçoive. Du genre tu vas te coucher et puis tu ne te réveilles plus jamais. Ou bien encore, seul au volant la nuit un arbre traverse ta route à 200 km/h (aussi vite que Senna). Ou encore mieux, connaître la très sainte épectase, climax d'une ultime étreinte. Bref, pas de temps à perdre avec une maladie surtout si elle doit être longue, et sans doute douloureuse. L'amour de la vitesse quoi. La mort sans s'en rendre compte, comme si elle n'existait pas.
Une autre option, assez proche, est celle d'une mort 'dans la pleine possession de ses moyens'. En d'autres termes, se faire mourir en bonne santé. Naturellement cela sous-entend volonté et préméditation (comme Beregovoy). Je trouve que c'est un mauvais exemple pour les enfants, et que ça culpabilise ceux qui restent. Même si il ne faut jamais dire jamais, la hantise de mourir idiot me dissuade d’accélérer par tel ou tel moyen l'inéluctable.
Depuis peu, j'ai dû vieillir, ou grandir en sagesse comme vous voudrez, mais tout bien pesé, je préfère mourir d'une longue maladie, même si je me dis que ça doit quand même être plus facile au début.
Pourquoi une longue maladie ?
Et bien, le temps de se préparer et d'arranger, autant que possible ses
petites affaires manière de ne pas rater ‘ça’. Je ne me souviens pas comment je
suis arrivé ici, ce serait bien dommage de filer à l’anglaise sans même faire d'adieux. Il me semble aujourd'hui que le top de l’art de vivre c'est de
profiter de la vie jusqu'à sa fin en faisant l'expérience d'une telle situation sans
suite ni précédent. Ne plus avoir peur d'affronter sa vie. Apprendre à se
passer de soi-même et fumer ce qui reste dans le tapis. Jusqu'où peut-on ?
Afin de bien
se mettre en condition voici une romantique description du grand mystère sous le regard macabre et plein de dérision de Théophile
Gautier. Tremblons mortels
!
"J'étais dans une chambre qui n'était pas la mienne ni celle d'aucun de mes amis, une chambre où je n'étais jamais venu, et que cependant je connaissais parfaitement bien: les jalousies étaient fermées, les rideaux tirés; sur la table de nuit une pâle veilleuse jetait sa lueur agonisante. On ne marchait que sur la pointe du pied, le doigt sur la bouche; des fioles, des tasses encombraient la cheminée. Moi, j'étais au lit comme si j'eusse été malade, et pourtant je ne m'étais jamais mieux porté. Les personnes qui traversaient l'appartement avaient un air triste et affairé qui semblait extraordinaire. "Jacintha était à la tête de mon lit, qui tenait sa petite main sur mon front, et se penchait vers moi pour écouter si je respirais bien. De temps en temps une larme tombait de ses cils sur mes joues, et elle l'essuyait légèrement avec un baiser. "Ses larmes me fendaient le coeur, et j'aurais bien voulu la consoler; mais il m'était impossible de faire le plus petit mouvement, ou d'articuler une seule syllabe: ma langue était clouée à mon palais, mon corps était comme pétrifié. "Un monsieur vêtu de noir entra, me tâta le pouls, hocha la tête d'un air découragé, et dit tout haut: "C'est fini!"