Piss Christ. Andres Serrano 1987. |
Le traitement à l'interféron fut pour moi fortement diurétique.
Perpétuellement asséché de la bouche et sur la peau, je ne sortais plus sans une bouteille d'eau que je vidais goulûment. Effet secondaire: des envies pressantes à tout bout de champ.
A la compression de ma vessie s'ajoutait le souci permanent, maniaque, de "prendre mes précautions". Une vraie peur panique de ne pas me contenir, de pas trouver de toilettes à temps.
J'ai touché le fond au cours d'une sortie au cinéma. Vingt minutes avant la fin du film j'ai commencé à me retenir, à ne plus penser qu'à ça, puis je me suis tortillé sur mon siège tout au long des dix dernières minutes qui m'ont paru interminables. Enfin, toute la salle se lève. Pressé, je joue des coudes pour sortir au plus vite . Catastrophe ! L'issue est bloquée - pas encore ouverte -. Dans ma panique interféronnée je me vois alors prisonnier dans un wagon blindé. Je flippe ! Affolé, je retourne dans la salle et tente une sortie par l'arrière. Impossible ! les portes y sont fermées aussi...
Mon salut est venu de ma bouteille que j'avais vidée pendant le film et que, le plus discrètement possible, je remplis, avec honte et délivrance assis dans un coin de la salle désertée.
Mon salut est venu de ma bouteille que j'avais vidée pendant le film et que, le plus discrètement possible, je remplis, avec honte et délivrance assis dans un coin de la salle désertée.
Depuis dans les miroirs, je ne vois plus tout à fait comme avant.
L'invitée de la rime
Limpide aux jours d'été, sa dorure s'élance
Et déploie en avant son entrain sans pareil
Contenu sagement dans l'ombre du sommeil
Dans l'espoir des lueurs sonnant la délivrance.
Tous son empressement relâché dans l'urgence
Vient marquer à grands coups la stupeur du réveil
Et son spectre couleur paille couleur soleil
Se déverse au secret d'une obscure fragrance.
Sa provenance naît d'une ultime secousse,
Son charnier est un sac éphémère de mousse :
Quiconque s'en approche perçoit le signal.
Vous paraissez surpris, pourtant tout est normal,
C'est que la poésie a cela de malice
Qu'elle peut vous conter d'un ton original
En onze alexandrins le roman de la pisse.
Yannis Sanchez.
Deux tercets d'Arthur Rimbaud, extraits de l'Oraison du soir :
.../...
Puis, quand j'ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille, pour lâcher l'âcre besoin :
Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,
Avec l'assentiment des grands héliotropes.
Arthur Rimbaud.
Une petite chanson pour terminer : GiedRé : "Pisser debout"