Pourquoi collecter des cailloux les ramener chez lui, les entasser dans une brouette pour les ramener chez lui et les assembler sous le soleil, le froid, la pluie, le vent ?
Voici ce qu'a écrit Ferdinand Cheval à l'intention des futurs contempleurs de son oeuvre:
"J'avais bâti, dans un rêve, un palais, un château ou des grottes; je ne peux pas bien vous l'exprimer; mais c'était si joli, si pittoresque, que dix ans après, il était resté gravé dans ma mémoire et que je n'avais pu l'en arracher. Je me traitais aussi, moi même de fou, d'insensé; je n'étais pas maçon, je n'avais jamais touché une truelle; sculpteur, je ne connaissais pas le ciseau; pour l'architecture, je n'en parle pas, je ne l'ai jamais étudiée. Je ne le disais à personne, par crainte de tourner en ridicule et je me trouvai aussi ridicule moi même.
Voilà qu'au bout de quinze ans, au moment où j'avais à peu près oublié mon rêve, que j'y pensais le moins du monde, c'est mon pied qui me le fait rappeler. Mon pied avait accroché un obstacle qui faillit me faire tomber; j'ai voulu savoir ce que c'était. C'était une pierre de forme si bizarre que je l'ai mise dans la poche pour l'admirer à mon aise. Le lendemain, je suis repassé au même endroit, j'en ai encore trouvé de plus belles, je les ai assemblées sur place, j'en suis resté ravi. C'est une pierre molasse, travaillée par les eaux et endurcie par la force des temps, elle devient aussi dure que les cailloux. Elle présente une sculpture aussi bizarre qu'il est possible à l'homme de l'imiter: elle représente toutes espèces d'animaux, toutes espèces de caricatures. Je me suis dit : puisque la nature veut faire la sculpture, moi je ferai la maçonnerie et l'architecture. Voici mon rêve. A l'oeuvre, me suis je dit."
Dans cette lettre du 15 mars 1905 Ferdinand Cheval exprime de quoi est fait un créateur:
"Un être complexe traversé par une émotion créatrice exaltée par l'imaginaire, capable de transgresser les normes, ayant la force d'endurer pour faire une oeuvre reconnue en dépit des conventions sociales et de la raison."*
Comme quoi, "L'émotion créatrice a toujours le dernier mot"*
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Sources : Une pierre, un songe et un facteur. par Hubert Ripol*.
Lettre autobiographique de Ferdinand Cheval datée 15 mars 1905.