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mercredi 24 juillet 2013

La vie antérieure

"Ce qu'on aime, on l'a toujours aimé". André Hardellet.

"C'est comme si quelque chose vous effleurait le cou puis cela devient chaud et s'élargit. .../.. les pensées prennent une clarté inhabituelle, les facultés de travail semblent soudain décuplées. Les sensations déplaisantes disparaissent toutes sans exception"...
- Mikhaïl Boulgakov. Morphine.

"La paix ravissante qui m'envahissait, montant des mollets, me jetait dans une stratosphère de délices." "Le toxique abolissait le système des objets en me laissant face au seul objet qui fut également sujet : mon propre corps, étendu à l'infini, dans lequel je baignais. Ce corps trouvait son alignement jusque dans les choses les plus insignifiantes. Aussi pouvais je rester sur un banc, n'importe où hors du monde, statufié mais nourri amplement par les plus infimes détails que j'enregistrais autour de moi."
- Anonyme. Rêveries du toxicomane solitaire.


Avant...
Je me souviens du plaisir subtil physique, statique, paresseux et solitaire. 
Alternance de pesanteur et d' apesanteur, sensations d'écroulements, d'écoulements de masses fluides piquetées de quelques démangeaisons erratiques. Impression de s'enfoncer et de se répandre dans son propre corps. Jouissance de l'immobilité et plaisir supérieur d'un moindre mouvement. Chaque molécule du toxique s'unit au neurone qui l’espère.

Du sommeil retirer l'oubli. De musique, de lumière point besoin. Laisser courir dans les veines le désir d'exister et un puissant sentiment de bonheur et de liberté. 

Colliers de baisers qui s'attardent sur la main, puis parcourent le bras et l'ensemble du corps Chaleur de caresses diffuses au creux du ventre. Bain maternel.  Bébé calme et comblé qui flotte dans sa matrice et explore sa planète. 
Calé dans des bras maternels, tu me berces et je demande : encore ! 
Sonder l'élémentaire, habiter son corps, faire la paix avec son souffle puis préférer l'apnée.

Je te retrouvai sans besoin de parler. 
Je te connaissais depuis le début, depuis toujours. 

- Ozias

Sitôt que mes yeux se ferment, le monde des rêves s'impose. Les idées habituelles sont effacées par une suite d'enchaînements fantaisistes toute aussi tangibles, toute aussi précise. 
Dans cet état qui fait partie de mon paysage je perçois à l'intérieur de moi de sourds mouvements, comme si sous l'eau l'on rangeait des bonbonnes de butane. Sur ces planètes la gravité est si forte qu'il n'est plus besoin de respirer. Écroulement continu des membres fondus sous la douce chaleur du plexus solaire. Parmi les montres molles je vis en moule du lagon bleu.

Oz

Le produit apporte une satisfaction, mais pas de sens, alors sitôt le plaisir disparu reste l'absence de sens que répare une nouvelle consommation. Dehors il n'y a pas de réponse à la question du sens, il n'y a que des convictions plus dangereuses que les mensonges.

 "le produit est un moyen de ne pas s'en sortir. Une façon de rester" Olivier Rochemaure


L'espace et le temps se dissolvent
Dans les cavernes des esprits
La peine et la joie s'évanouissent
Au rivage de nos îles fortunées

Jin Ping Mei (XVIIème  siècle)

Strofka

La Vie antérieure (Charles Baudelaire - Les Fleurs du Mal).

J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.


— Charles Baudelaire

Le secret douloureux dont il est question dans le dernier tercet est probablement le mal de vivre inhérent à l'existence. Dans son Etude sur Delacroix (1855) Baudelaire parle déjà de secret douloureux :  "on dirait qu'elles portent dans les yeux un secret douloureux, impossible à enfouir dans les profondeurs de la dissimulation".
A propos du verbe approfondir Jean-Bernard Barrère note que approfondir peut être pris au sens par lequel, pour calmer une souffrance, on 'l'excite, fait saigner un prurit, on creuse une plaie " . Sens d'aileurs évoqué par Baudelaire dans Poésies Diverses : "L'art cruel qu'un démon en naissant m'a donné, - De la douleur pour faire une volupté vraie, - D'ensanglanter son mal et de gratter sa plaie."


Voici également une traduction anglaise qui explicite bien la dialectique douloureuse de ces délices divins et la face obscure de cet idéal de sérénité que décrit Baudelaire :
'their only care to drive the secret dart
of my dull sorrow, deeper in my heart.'
— Traduction  Lewis Piaget Shanks, Flowers of Evil (New York: Ives Washburn, 1931)

 Mortels nous sommes. Notre fin est notre angoisse mais sa disparition deviendrait notre enfer. 

La volupté nous délivre de la hantise de nos spleens quotidiens. En nous ouvrant la porte de vies antérieures elle est notre part fugace d'immortalité. La crainte et les risques du toxique en sont le coût. Mais peut être, comme nous dit fort romantiquement le grand Charles (Baudelaire) “qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ! ” .
Sur ces  pensées sans fond, et avant de partir vers une longue et inévitable vie postérieure, je nous souhaite bonnes vies !

Ozias
J'ai retenu cette interprétation de "la vie antérieure" (avec Bruno Laplante et Marc Durand.) sur une mélodie de Duparc car elle donne poids et sens aux deux derniers vers du poème de Baudelaire.

Sources : Baudelaire. Oeuvres complètes. Bibliothèque de la Pleïade. Gallimard.
Mikhaïl Boulgakov. Morphine. Solin
Anonyme. Les rêveries du toxicomane solitaire. Allia.

jeudi 13 juin 2013

Pisser, laisser pisser.

Piss Christ. Andres Serrano 1987.
Le traitement à l'interféron fut pour moi fortement diurétique. 
Perpétuellement asséché de la bouche et sur la peau, je ne sortais plus sans une bouteille d'eau que je vidais goulûment. Effet secondaire: des envies pressantes à tout bout de champ. 
A la compression de ma vessie s'ajoutait le souci permanent, maniaque, de "prendre mes précautions". Une vraie peur panique de ne pas me contenir, de pas trouver de toilettes à temps. 
J'ai touché le fond au cours d'une sortie au cinéma. Vingt minutes avant la fin du film j'ai commencé à me retenir, à ne plus penser qu'à ça, puis je me suis tortillé sur mon siège tout au long des dix dernières minutes qui m'ont paru interminables. Enfin, toute la salle se lève. Pressé, je joue des coudes pour sortir au plus vite . Catastrophe ! L'issue est bloquée - pas encore ouverte -. Dans ma panique interféronnée je me vois alors prisonnier dans un wagon blindé. Je flippe ! Affolé, je retourne dans la salle et tente une  sortie par l'arrière. Impossible ! les portes y sont fermées aussi...
Mon salut est venu de ma bouteille que j'avais vidée pendant le film et que, le plus discrètement possible,  je remplis, avec honte et délivrance assis dans un coin de la salle désertée. 
Depuis dans les miroirs, je ne vois plus tout à fait comme avant.


L'invitée de la rime

Limpide aux jours d'été, sa dorure s'élance
Et déploie en avant son entrain sans pareil
Contenu sagement dans l'ombre du sommeil
Dans l'espoir des lueurs sonnant la délivrance.

Tous son empressement relâché dans l'urgence
Vient marquer à grands coups la stupeur du réveil
Et son spectre couleur paille couleur soleil
Se déverse au secret d'une obscure fragrance.

Sa provenance naît d'une ultime secousse,
Son charnier est un sac éphémère de mousse :
Quiconque s'en approche perçoit le signal.

Vous paraissez surpris, pourtant tout est normal,
C'est que la poésie a cela de malice 
Qu'elle peut vous conter d'un ton original 

En onze alexandrins le roman de la pisse.

Yannis Sanchez.

Strofka Meop.


Deux tercets d'Arthur Rimbaud, extraits de l'Oraison du soir
.../...
Puis, quand j'ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille, pour lâcher l'âcre besoin :

Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,
Avec l'assentiment des grands héliotropes.

Arthur Rimbaud.





Une petite chanson pour terminer : GiedRé : "Pisser debout"


vendredi 31 mai 2013

Désarçonné.

"Tout mythe explique une situation actuelle par le renversement d'une situation antérieure. Tout à coup quelque chose désarçonne l'âme dans le corps. .../... Tout à coup une mort imprévue fait basculer l'ordre du monde et surtout celui du passé car le temps est continûment neuf. Le temps est de plus en plus neuf. Il afflue sans cesse directement de l'origine. Il faut retraverser la détresse originaire autant de fois que l'on veut revivre."
Pascal Quignard. Les Désarçonnés. Grasset 2012.


Suites du traitement : une année de visites hebdomadaires chez un psychothérapeute. 
Une année à répéter, à remâcher ce que je n'ai pas digéré, ce qui ne passe pas ,ce qui reste, et ce qui a changé pour moi.
Désarçonné je fus, je reste et je suis. La monture qui me portait et qui m'emportait m'a laissé là . La bête connaissait sa route mais elle a filé. 
Deux ans . Impression de ne plus être dans la course, d'avoir lâché le peloton dans lequel je pédalais dur, mais joyeusement et aveuglément aussi. Après avoir pansé mes éraflures, soigné mes bleus et mes bobos je me trouve donc à terre, à pied, en danseuse, à la recherche d'un nouveau véhicule, d'une autre course.
Hors de mes sentiers battus, au milieu du bois, sur la route ou sur le bord du chemin et parfois en plein champ, je recentre, je fais le point, Je cherche à saisir ce qui est important pour moi, ce que je veux et ce dont je ne veux plus. Combien de moi en moi, qui sont ils et que veulent ils.  Qui suis-je ? Qui sont-je ? Suis-je ceux que je suis? Et, l'important, est-ce plutôt ce que  je suis ou ce que je fais ?  
Autour de moi les autres, aussi ont changé aussi. Beaucoup de relations d'avant perdues de vue. Encore une question de rythme, de timing. Le mauvais tortillard de la "C" m'a fait rater des correspondances. Comme ma monture, les autres ont filé aussi avec le peloton, je ne retrouve plus leurs traces. En revanche j'ai retrouvé des amis perdus de vue depuis longtemps, et d'autres encore que je découvre maintenant.

Alors je relis les bribes de cartes, refais une feuille de route. Pour la feuille de route, soyons pragmatique et d'abord basique : "la fonction d'être d'un être, c'est d'être" et bien, soyons donc. Donc je suis. Bien, ça c'est fait, mais partant de là, être n'est pas tout. Quand on est, il faut alors exister . Exister c'est à dire être pour les autres, avoir une place, et si possible être à sa place. Ceci étant, plus ou moins en place, reste à voir la suite, où je vais, et pourquoi. Comme on s'élève dans la pyramide de 'Magueule'  la question devient plus difficile, plus abstraite plus changeante:  Comment savoir si l'on a pris une bonne route et quel cap garder. La seule réponse que je trouve me parait bien nombriliste et égocentrée, mais pourquoi le but  ne serait il pas simplement d'être content de moi ? 
Être bien avec soi même, être fier de ce que l'on a fait et de ce qu'il en reste, ça n'est pas  simple, et je me souhaite, ainsi qu'à  à chacun, d'y parvenir.  Comme quoi, le nombril n'est pas loin du foie et le foie, ça fait réfléchir la tête.

Ozias
Feuille de route
Musique: Horse with no name. America song by Handy Horace.

samedi 25 mai 2013

L'étranger. Exprimer l'indicible.

La maladie, la pénibilité du traitement me laissent plus misanthrope qu'avant.  Sans doute une conséquence de ce décalage avec le reste du monde qui a continué à courir quand  je restais crucifié de fatigue sur mon sofa. Un an d'angoisses, de fatigues, de frustrations. un an où j'ai réalisé ce que signifie 'se passer de soi même'. N'être là pour personne, ne plus se reconnaître devenir étranger à soi même, aux autres.  Mélancolie, dépression, démangeaisons, sautes d'humeur et convalescence bref, une année où cette question revient :  comment parler de ce que l'on est seul à ressentir, de ce qui n’intéresse pas grand monde, comment  exprimer l'indicible ? Comment parle t'on ?

Vous avez sûrement lu l'étranger d'Albert Camus. Les premiers mots du roman sont  'Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut être hier, je ne sais pas'. Vous souvenez vous de Meursault le héros de ce roman ? 
Meursault est un  garçon simple mais décalé. Il cherche toujours à se comporter 'comme il faut' et se sent contraint de se justifier sans cesse pour faire face aux convenances. On le dirait sans émotion, inhumain. 
Meursault refuse de mentir, de jouer le jeu de la société. Il ne parle pas pour rien dire, il ne parle que lorsqu'il a quelque chose à dire et paradoxalement  cela  le rend décalé, inhumain, et inquiétant.
'Meursault est l'homme qui dit "oui" pour ne plus avoir à parler. Impossible dialogue : autrui ne peut me comprendre; je ne peux comprendre autrui.
Cette impossibilité à rentrer en communication avec l'autre poursuit Meursaults dès le premier chapitre: Meursault se sent par exemple, accusé par le regard de son propre patron; - pourtant neutre- semblant le considérer avec un brin de malveillance lorsqu'il prend quelques jours de congé, afin d'assister à l'enterrement de sa mère. Meursault se sentant obligé de bredouiller quelques explications ne trouvera de la part de son patron qu'un profond silence.("J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n'avait pas l'air content. Je lui ai même dit "ça n'est pas de ma faute". Il n'a pas répondu."). puis c'est au tour des paroles du directeur de la maison de retraite - pourtant neutre, là encore !-  face auxquelles Meursault se sent contraint de lui donner quelques explications. Et tout le récit est émaillé comme cela de simples remarques comme "je n'ai pas entendu".  Par exemple au moment de la mise en bière de la mère de Meursault: "l'employé des pompes funèbres m'a dit quelque-chose que je n'ai pas entendu" Voici donc le caractère insolite de son réel qui sert aussi l'effet de l'absurde. Autrement dit l'incapacité d'entendre l'autre, la volonté du silence. 
Les gestes des autres sont vides de sens, les corps sont étrangers, seuls quelques fragments du corps, quelques fragments de gestes peuvent être perçus, l'homme absurde, selon Camus, ne pouvant percevoir les hommes dans leur unité, donc dans une signification globale.'*



Alors, comment parle t'on ?
...
*Etranger à soi-même, étranger au monde ? une lecture de L'étranger de Camus. (Paru dans La Presse Littéraire n°11, sept-oct-nov. 2007, revu et augmenté en avril 2011http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2008/01/06/etranger-a-soi-meme-etranger-au-monde-une-lecture-de-l-etran.html

Autre post dans ce sur un thème proche : La métaphore de la métamorphosehttp://emagicworkshop.blogspot.fr/2012/09/la-metaphore-de-la-metamorphose.html

Extrait de la bande dessinée "L'étranger' d'après Albert Camus. Illustré par Jacques Ferrandez.

vendredi 26 avril 2013

De la difficulté à partager l'intime.



Hepatitis. Odd Nedrum.

Tout au long de ma maladie, ou plutôt de son traitement qui me fut si pénible, j'ai eu du mal à faire entendre ce qui m'arrivait, ce que je ressentais. J'ai été frappé tant par la quantité de choses que j'avais à exprimer que par la retenue, l'évitement et parfois même le déni dont témoignait nombre de mes connaissances au sujet de mon état de santé. J'ai pu mesurer la difficulté qu'il y a à aborder avec nos proches ou nos connaissances, les questions personnelles, le registre intime sans tomber dans l'exhibition, ' l'obscénité' au sens premier c'est à dire hors scène, hors propos. Cela m'a posé beaucoup de questions auxquelles  et ce qui suit me parait aujourd'hui constituer un élément d'explication.

« Par une froide journée d’hiver un troupeau de porcs-épics s’était mis en groupe serré pour se garantir mutuellement contre la gelée par leur propre chaleur. Mais tout aussitôt ils ressentirent les atteintes de leurs piquants, ce qui les fit s’écarter les uns des autres. Quand le besoin de se réchauffer les eut rapprochés de nouveau, le même inconvénient se renouvela, de sorte qu’ils étaient ballottés de çà et de là entre les deux maux jusqu’à ce qu’ils eussent fini par trouver une distance moyenne qui leur rendît la situation supportable.
Ainsi, le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur vie intérieure, pousse les hommes les uns vers les autres ; mais leurs nombreuses manières d’être antipathiques et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau. La distance moyenne qu’ils finissent par découvrir et à laquelle la vie en commun devient possible, c’est la politesse et les belles manières.» 

La fable des porc-épics de Schopenhauer rejoint la pensée de Pascal au sujet du juste milieu et constitue plus généralement une parabole de la politesse, du vivre ensemble. La bonne distance qui permet aux hommes d'être ensemble, c'est le juste milieu. Etre poli c'est trouver la bonne distance entre les êtres. L'éloignement est la condition même de la proximité. Dès lors qu'il est question de jugement, de communication , Pascal recherche le juste milieu. La quête du juste milieu est le plus grand égard que l'on puisse prendre les uns avec les autres. Se positionner au bon endroit c'est être attentif à ce que nous sentons. En sentant, nous pouvons raisonner, comprendre, nous comprendre.

Si la bonne distance entre les êtres est la condition de leur entente, alors la communication entre un malade désinhibé par l'interféron et des proches intimidés par la maladie devient bien compliquée. Avec le recul  je  réalise que j'étais comme un porc-épic transi qui rayonnait le froid et faisait fuir les autres en voulant m'approcher trop près d'eux.
Ozias
http://www.franceculture.fr/emission-le-gai-savoir-pensees-pascal-2013-04-21

samedi 5 janvier 2013

Bonjour, ça va ?


Bonjour, ça va?
Un mantra quotidien et rituel que l'on répète exponentiellement au moment des fêtes et qui prend du sens seulement lorsque ça ne va pas,ou pas trop. Justement, quand ça ne va pas fort et qu'il y a un bémol à la clef on aimerait bien faire dans la nuance, placer une altération, ou un soupir. Juste manière de répondre sincèrement et de se répandre, de s'épancher aussi un peu. Mais attention, lancer son slam est un exercice de haute voltige, du grand art. Pas le temps, pas le tempo, pas dans le ton. Peur de briser l'ambiance ou de mettre à côté de la plaque. 
Peut être parce que les fêtes sont ces jours où la joie est programmée dans le calendrier et où il n'y a pas de place pour autre chose. Pour être plus explicite, deux exemples frais du dernier réveillon qui de fait était mon premier réveillon guéri.

Exemple 1: Je la connais depuis 25 ans, ces dernières années on se croise à peu près une fois l'an. Depuis notre précédente revoyure j'ai perdu 18 kilos. Je ne lui ai jamais parlé de mes problèmes de santé, elle ne pose aucune question. Sait elle? Je lui demande si ça va, mais elle ne me retourne pas la formule. Elle me répond en me racontant ses problèmes de santé à elle, puis autres choses.  A l'année prochaine !

Exemple 2: Autre conversation. On se connait depuis 20 ans, je ne l'avais pas revue depuis le début de mon traitement dont je ne lui ai jamais parlé. Au cours de la conversation elle me dit qu'elle est en arrêt maladie depuis 6 mois. A ce sujet, je lui dit que j'ai aussi dû travailler à mi-temps pendant toute l' année. Nous enchaînons sur les difficultés professionnelles crées par ces interruptions.  Pas une question de sa part sur les raisons de mon amaigrissement, ni de mon arrêt de travail. Pas curieuse non plus.  A l'année prochaine !

Bilan ce soir là, Parmi les 15 personnes que comptait cette soirée et que je n'avais pas vues depuis avant mon traitement, aucune ne m'a posé de question sur ma perte de poids, mon nouveau look, mon changement de régime. J'ai collecté des remarques sur mon bonnet 'marrant', ma nouvelle voiture, mais pas une question ou commentaire au sujet de mon changement physique, ou pourquoi je ne bois plus d'alcool.
Cela me rappelle cette journée où je portais une vilaine sonde gastrique qui me sortait du nez, et qui se voyait comme un oeuf cassé au milieu de la figure. Là aussi, personne n' a tiqué ni pipé mot, sauf.. un enfant qui a eu la curiosité et le cran de me poser directement la question.
Pourtant, d'une année sur l'autre je note une différence qui me montre que les gens ne sont pas aveugles. En 2012 pendant le traitement on me souhaitait 'Santé et courage', tandis que pour 2013 on me souhaite maintenant 'santé, et tout et tout...'. Bref, ça va mieux et ça se voit.
Cependant, je reste persuadé que si je m'étais pointé à ce réveillon avec une jambe dans le plâtre les réactions auraient été différentes. Plus de questions, moins d'omerta que pour une 'hépatite C. Bref, pour moi, 'Jambe cassée vaut mieux qu'hépatite C'.  

Il me reste à  vous souhaiter à mon tour pour 2013, "Santé et tout et tout.."!  Ozias

Choses à ne pas dire https://hepatitisc.net/living/what-not-to-say-to-someone-who-has-hepatitis-c/

vendredi 28 décembre 2012

Esthétiques de l'interféron

 "le coton qui t'envahit est étrange, tu es là, sans l'être jamais tout à fait.Tu as perdu la globalité de ton être, éparpillé, façon puzzle...le traitement c'est Raoul, il dynamite,il disperse, il ventile..." VIP du VHC.
L'interféron est un poison qui guérit. L'interféron altère la pensée et change le regard. Insidieusement il transforme notre monde. Il voile nos couleurs, exacerbe les sons, les émotions. Il fait battre la fièvre ou le détachement. 
En fin de compte, l'effet secondaire qui m'a paru le plus marqué, est une forme particulière de ballonnement du narcissisme. Je ne veux pas dire ici que les injections m'ont fait me trouver beau, mais plutôt que l'interféron m'a réfléchi ou donné à réfléchir sur mon image et sur moi même comme si en permanence il plaçait son miroir devant mes yeux. Plongée profonde en moi dans un silence d'apnée. Retours sur images. 
Tout au long de la parenthèse du traitement, une source ou plutôt une fuite de créativité s'écoulait, régulière, me détournant de la scène alentour, du décor bien connu, m'ouvrant à de nouveaux paysages des nouvelles esthétiques. 

I. Esthétique des débris, des détails et des flaques.
Lorsqu'on ne regarde plus devant soi, alors on voit ce qui se trouve à nos pieds. Là est ce dont on ne ne se soucie pas bien portant, c'est à dire quand on porte la tête haute. Esthétique des caniveaux, des flaques, des débris et  des détails. Tout un monde nouveau, défraîchi révélé à mes pieds, à mes yeux. Illustration en trois photos.

Débris. Terrasse à Belfast.
Détail. Pistil de pavot. 
Par terre. flaque d'eau. Belfast.

II. Esthétique et romantisme de la mélancolie. Langueurs et frissons interferonnés.
Puis il y a aussi un côté plus sombre, qui nous fait sombrer dans la mélancolie. 
La mélancolie, selon "l'Express": ce sont les Grecs qui ont inventé ce terme, au IVe siècle avant Jésus-Christ. Selon le médecin Hippocrate, la bile noire - melas(noir) et kholê (bile) forment le mot "mélancolie" - est, avec la bile jaune, le flegme et le sang, l'une des quatre humeurs du corps. Et de leur équilibre dépend la santé, car la prédominance de l'une d'elles provoque un dérèglement qui agit sur le tempérament. Un excès de bile noire est ainsi censé engendrer tristesse, abattement, morbidité. Paradoxe: la mélancolie - "maladie sacrée", selon le philosophe Aristote - est également la manifestation de la création artistique, à laquelle elle ouvre la porte de l'imagination. Bref sensibilité, mélancolie et création artistique sont intimement liés dans le processus de création artistique occidental et l'interféron, qui semble réduire la transmission sérotoninergique au système nerveux central, pave la voie à de sombres et mélancoliques créations. Illustration par trois cartes postales envoyées depuis ces paysages interféronnés.


Paysage de Corot sous interféron.
Carpe Koy Sauce Rembrandt.
Saint Sébastien gisant en un champ de pêchers.

III. Esthétique de la représentation des corps et de l'autoportrait.
Pendant le traitement, la variété des effets secondaires, le spectacle du corps qui souffre, l'érosion du "moi" physique et mental qui s'en suivent m'ont conduit à m’intéresser à l'esthétique de la perception et de la représentation des corps et de mon corps. L'attention portée aux réactions physiques au traitement jointe au 'ballonnement' du narcissisme caractéristique de l'interféron ont suscité un intérêt renouvelé pour l’autoportrait et  la représentation du corps à selon  les époques, les cultures. Voici trois articles à consulter sur ce thème.
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2012/10/curiosa.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2012/12/corps-voiles-devoiles.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2012/03/decor-encore-des-corps.html


Autoportrait à la masse.


jeudi 20 décembre 2012

Les boules de Noël

Voici le retour des fêtes et des boules de Noël.  Il n'est pas drôle le malade, sans goût ni appétit. Lui, c'est plutôt le boulet de Noël. Cela ne se dit pas, mais on le sent, alors on l'oublie un peu dans les conversations, mais pas trop non plus puisqu'il faut donner le change. 
Souvent on veut lui changer les idées, c'est à dire lui parler 'd'autre-chose', car qui a envie de l'écouter essayer de raconter ce qui est différent ? 


Une fois de plus Ronald eut le sentiment
 que les gens l’évitaient
parce qu'il avait l'hépatite C

Pour ceux qui craignent le blues des fêtes, quelques chants de Noël décalés
à prendre au n+1ième degré. 

Malkhior dans Le classique 'Oh Stille Nacht' (Douce nuit).

Encore Malkhior, qui nous donne ici sa version endiablée de 'Jingles-Bells' (avec Pigmy Johnson)

Didier Super, qui se penche sur les ateliers du Père-Noël. Il nous interprète ici 'Petit enfant chinois' en version outdoor live. Attention, chanson à texte. 

Helmut Fritz (celui de 'ça m'énerve') dans 'Petit Papa Noë'l.


En cette période de fête et d'espoir accueillons avec bienveillance la bénédiction et le message de paix de Philipe Katerine.



Ceci est le dernier post de ce blog avant la date fatidique de la fin du monde.

jeudi 25 octobre 2012

La mort n'est pas une maladie

Marronnier. Fleur et feuille.
Voilà bien un  sujet bien de saison, ce qu'on peut appeler 'un marronnier' (le marronnier est cet arbre qui refleurit chaque année à date fixe). Donc, à l’occasion de la Toussaint, d’halloween, de la fête des défunts, voici quelques mots à propos de la mort, et  plus précisément sur la fin de la vie.  Pratiquement, quelles portes de sorties se présentent à nous  et quels sont leurs avantages ou inconvénients selon moi et aujourd’hui.

Avant d'avoir été malade, situation qui m'a fait réaliser que je pourrais être 'en coquetterie avec la mort',  j'étais plutôt partisan d'une mort rapide, qui me prendrait par surprise, sans que je m'en aperçoive. Du genre tu vas te coucher et puis tu ne te réveilles plus jamais. Ou bien encore, seul au volant la nuit un arbre traverse ta route à 200 km/h (aussi vite que Senna).  Ou encore mieux, connaître la très sainte épectase, climax d'une ultime étreinte. Bref, pas de temps à perdre avec une maladie surtout si elle doit être longue, et sans doute douloureuse. L'amour de la vitesse quoi. La mort sans s'en rendre compte, comme si elle n'existait pas.

Une autre option, assez proche,  est celle d'une mort  'dans la pleine possession de ses moyens'. En d'autres termes, se faire mourir en bonne santé. Naturellement cela sous-entend volonté et préméditation (comme Beregovoy). Je trouve que c'est un mauvais exemple pour les enfants, et que ça culpabilise ceux qui restent. Même si il ne faut jamais dire jamais, la hantise de mourir idiot me dissuade d’accélérer par tel ou tel moyen  l'inéluctable. 

Depuis peu, j'ai dû vieillir, ou grandir en sagesse comme vous voudrez, mais tout bien pesé, je préfère mourir d'une longue maladie, même si je me dis que ça doit quand même être plus facile au début.
Pourquoi  une longue maladie ?  Et bien, le temps de se préparer et d'arranger, autant que possible ses petites affaires manière de ne pas rater ‘ça’. Je ne me souviens pas comment je suis arrivé ici, ce serait bien dommage de filer à l’anglaise sans même faire d'adieux. Il me semble aujourd'hui que le top de l’art de vivre c'est de profiter de la vie jusqu'à sa fin en faisant l'expérience d'une telle situation sans suite ni précédent. Ne plus avoir peur d'affronter sa vie. Apprendre à se passer de soi-même et fumer ce qui reste dans le tapis. Jusqu'où  peut-on ?


 Afin de bien se mettre en condition voici une romantique description du grand mystère sous le regard macabre et plein de dérision de Théophile Gautier.  Tremblons mortels !


"J'étais dans une chambre qui n'était pas la mienne ni celle d'aucun de mes amis, une chambre où je n'étais jamais venu, et que cependant je connaissais parfaitement bien: les jalousies étaient fermées, les rideaux tirés; sur la table de nuit une pâle veilleuse jetait sa lueur agonisante. On ne marchait que sur la pointe du pied, le doigt sur la bouche; des fioles, des tasses encombraient la cheminée. Moi, j'étais au lit comme si j'eusse été malade, et pourtant je ne m'étais jamais mieux porté. Les personnes qui traversaient l'appartement avaient un air triste et affairé qui semblait extraordinaire. "Jacintha était à la tête de mon lit, qui tenait sa petite main sur mon front, et se penchait vers moi pour écouter si je respirais bien. De temps en temps une larme tombait de ses cils sur mes joues, et elle l'essuyait légèrement avec un baiser.  "Ses larmes me fendaient le coeur, et j'aurais bien voulu la consoler; mais il m'était impossible de faire le plus petit mouvement, ou d'articuler une seule syllabe: ma langue était clouée à mon palais, mon corps était comme pétrifié.  "Un monsieur vêtu de noir entra, me tâta le pouls, hocha la tête d'un air découragé, et dit tout haut: "C'est fini!"

vendredi 21 septembre 2012

Hépatati hépatata...


L'hépatite C est une maladie qui dans la représentation collective se situe quelque part entre le sida et la crise de foie. 

D'un côté l'hépatite C s'apparente au Sida car c'est une maladie virale, transmissible et connotée. 
D'un autre côté elle se rapproche de la crise de foie par suite d'ignorance et de confusions avec l'hépatite A, car son évolution est très lente et les symptômes peu marqués.  
La conséquence c'est que l'hépatant est tour à tour stigmatisé ou bien perçu comme un hypocondriaque. 
Les ambivalences de ce statut m'ont été  particulièrement pénibles tout au long du  traitement et surtout au cours des mois qui ont suivi son arrêt. 
Mais surtout, ces ambiguïtés bruitent et polluent la communication avec les proches et l'entourage. En étant  malade, anémié, déprimé la communication est naturellement difficile. Beaucoup de gens évitent de nous rencontrer quand nous allons mal. En effet, pas grand chose de drôle à attendre d'un bilieux dépressif et anémié.  Ceux qui continuent à passer ont l'air de se demander ce qu'ils vont pouvoir dire, ils se méfient de nos humeurs, ou bien veulent nous 'changer les idées' ou encore nous glisser quelques conseils bien intentionnés.
A ce sujet, voici le type de conversation - à peine caricaturée - que j'ai pu avoir avec des proches de mon entourage qui étaient soucieux de me 'remonter le moral'  alors que je me trouvais bien anémié, bien interféronné. 

Dialogue (O=Ozias, E = Entourage).

E: Comment ça va ?
O: Bah...ça va...normalement.  c'est à dire, j'ai bien les effets secondaires 'normalement' prévus par la notice. 
E: Mais, tu ne souffres pas.
O: Non, pas trop, c'est surtout que j'ai des démangeaisons terribles sur tout le corps.
E: Bon, tant que ce n'est que ça, ce n'est pas bien grave. Mais surtout, ne commences pas à te gratter. D'accord ? En tout cas tu peux te lever et conduire. C'est bien. Comme ça tu peux continuer à travailler. Ça t'évite de tourner en rond toute la journée seul à la maison.
O: Oui, mais au bureau ce n'est pas facile parce qu'avec l'anémie je suis bien à plat et j'ai sommeil tout le temps. 
E: Et tu manges bien au moins ?
O: Pas trop, parce que j'ai la langue toute abîmée. Les aliments n'ont plus de goût et puis, manger me donne des nausées. 
E: Ah, tu sais, c'est important de bien manger. C'est normal que tu te sentes faible si tu ne manges pas assez. Il te faut manger et reprendre du poids. Et le sommeil, ca va ?
O: Oui. Je dors, mais seulement jusqu'à trois heures du matin. 
E: Ah le sommeil ! C'est capital. Moi si je dors mal, je ne suis plus le même. Si tu ne dors pas correctement, c'est normal que tu sois fatigué. Il faut bien dormir, et pour cela il faut avoir une bonne hygiène de vie.
O: C'est quoi une bonne 'hygiène de vie' ? 
E: C'est manger comme il faut et bien dormir. Et surtout évite les somnifères qui font que l'on se réveille encore plus fatigué qu'en se couchant. J'espère que tu n'en prends pas, parceque c'est l'engrenage ce truc.
O: Si,un peu car en me réveillant à trois heures c'est long jusqu'au matin et je vois tout en noir à ces moments là.
E: Ah bon. Il me semble que tu n'as pas trop le moral toi. Le moral, ça fait tout. Beaucoup de maux sont tout simplement psycho-somatiques. Évite de voir tout en noir.Il faut savoir prendre le bon côté des choses. Il y a toujours un coin de ciel bleu au ciel et c'est ce point qu'il faut fixer. Tu vois, c'est comme un verre à moitié plein. Si tu le vois à moitié vide, tu restes insatisfait quand d'autres seraient heureux avec moins que ce tu as. 
En tout cas, ne te fais pas de souci, je suis sûr que tout ira bien et que bientôt tu n'y penseras plus. Et puis, on est là pour te remonter le moral si ça  ne va pas.
O: C'est sûr, ça pourrait être pire.
E: Bon ,et bien ça fait plaisir de voir que tu vas mieux. En tout cas moi depuis ce matin je suis tout patraque. Pourvu que ça ne soit pas une gastro!
Et ton chat, va bien ?

Bref, je suis mort de rire :)

Ozias

vendredi 31 août 2012

'Sans toi ma fièvre, je suis bien ordinaire'

Assis croix. Philippe Croq
Me voilà rendu à Négativ'land, sauf et sain je l'espère. Si, comme dit Joyce 'Les erreurs sont les portes de nos découvertes', voyons ce que je retiens de l'expérience d'une année de maladie. Nombriliste confession.

Tout d'abord cette année  m'a appris et m'a démontré que le monde- il faut entendre ici mon 'petit' monde social et professionnel- sait se passer de moi. Même si je savais cela par construction,  j'ai eu du mal, les premiers mois, à me désengager de mes activités habituelles et à communiquer à ce sujet . Malgré ces débuts difficiles, la suite s'est  finalement révélée au delà de mes attentes. Positionnement interne plus difficile encore, à l'issue de 18 mois de réflexion la question de savoir jusqu'à quel point je saurais me passer de moi même reste ouverte.

Cette expérience de "décorporation sociale "m'a aussi fait voir ce que ce 'petit' monde attendait de moi et ce que je vaux, ou valais à ses yeux. J'ai pu m'apercevoir de ce qu'il  me donnait et aussi de ce qu'il me prenait, et des parties de moi dont il ne voulait pas. Ainsi j'ai senti que 'le droit', la possibilité même d'être absent, différent, malade ou reconnu comme tel m'était parfois contesté, refusé ou dénié. J'ai vu trop de temps perdu dans de futiles échanges, de vaines batailles. J'ai aussi pu toucher des censures et des non-dits entourant mon histoire, mon rôle, ma personnalité.  Ce recul, ce 'voyage astral hors du corps social' que constitue la maladie m'a permis de voir et de prendre la mesure de l' écart qui existe entre les attentes de mon  entourage et ma situation, mon  état, bref ce que je suis en profondeur. 
Ces observations ont été rendues possibles par le 'désalignement'  des  'planètes' individuelles et sociales qu'a produit la maladie. Lorsque j'étais 'en rideau'  la représentation du personnage de mon rôle social était suspendue et j'ai pu suivre la scène, le spectacle depuis les coulisses,  derrière le rideau. Rare moment de lucidité, vagues bouffées de désenchantement. 

Ainsi, par la force des choses par cette perte de forces physiques qui nous dégage du champ des contraintes sociales ordinaires la maladie nous rend physiquement à nous même. Autant qu'elle nous isole et nous enseigne à nous passer de nous même, notre maladie nous rappelle que nous sommes vivants, humains, uniques.  

Ozias

PS: Pour le titre, je cite Richard Bohringer