vendredi 26 avril 2013

De la difficulté à partager l'intime.



Hepatitis. Odd Nedrum.

Tout au long de ma maladie, ou plutôt de son traitement qui me fut si pénible, j'ai eu du mal à faire entendre ce qui m'arrivait, ce que je ressentais. J'ai été frappé tant par la quantité de choses que j'avais à exprimer que par la retenue, l'évitement et parfois même le déni dont témoignait nombre de mes connaissances au sujet de mon état de santé. J'ai pu mesurer la difficulté qu'il y a à aborder avec nos proches ou nos connaissances, les questions personnelles, le registre intime sans tomber dans l'exhibition, ' l'obscénité' au sens premier c'est à dire hors scène, hors propos. Cela m'a posé beaucoup de questions auxquelles  et ce qui suit me parait aujourd'hui constituer un élément d'explication.

« Par une froide journée d’hiver un troupeau de porcs-épics s’était mis en groupe serré pour se garantir mutuellement contre la gelée par leur propre chaleur. Mais tout aussitôt ils ressentirent les atteintes de leurs piquants, ce qui les fit s’écarter les uns des autres. Quand le besoin de se réchauffer les eut rapprochés de nouveau, le même inconvénient se renouvela, de sorte qu’ils étaient ballottés de çà et de là entre les deux maux jusqu’à ce qu’ils eussent fini par trouver une distance moyenne qui leur rendît la situation supportable.
Ainsi, le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur vie intérieure, pousse les hommes les uns vers les autres ; mais leurs nombreuses manières d’être antipathiques et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau. La distance moyenne qu’ils finissent par découvrir et à laquelle la vie en commun devient possible, c’est la politesse et les belles manières.» 

La fable des porc-épics de Schopenhauer rejoint la pensée de Pascal au sujet du juste milieu et constitue plus généralement une parabole de la politesse, du vivre ensemble. La bonne distance qui permet aux hommes d'être ensemble, c'est le juste milieu. Etre poli c'est trouver la bonne distance entre les êtres. L'éloignement est la condition même de la proximité. Dès lors qu'il est question de jugement, de communication , Pascal recherche le juste milieu. La quête du juste milieu est le plus grand égard que l'on puisse prendre les uns avec les autres. Se positionner au bon endroit c'est être attentif à ce que nous sentons. En sentant, nous pouvons raisonner, comprendre, nous comprendre.

Si la bonne distance entre les êtres est la condition de leur entente, alors la communication entre un malade désinhibé par l'interféron et des proches intimidés par la maladie devient bien compliquée. Avec le recul  je  réalise que j'étais comme un porc-épic transi qui rayonnait le froid et faisait fuir les autres en voulant m'approcher trop près d'eux.
Ozias
http://www.franceculture.fr/emission-le-gai-savoir-pensees-pascal-2013-04-21

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