'La viande, la viande sur la table, la viande par terre, la viande sur les étals, la viande sous la pluie, la viande étalée, couverte de mouches, mangée d’asticots, la viande fraîche comme une rose ; la viande des hommes, des femmes, la viande des grisons, la viande malade de la mort, la viande folle, la viande bleue, la viande rouge s’il vous plaît, dans les restaurants américains, allemands, français, anglais, chinois, évaporé dans les restaurants thaïlandais, viets, égyptiens, mauritaniens, sénégalais. La viande, la viande qui pue et qui fait mal, qui renforce, la viande partout sur la terre, la viande sur pattes, la viande qu’est-ce que c’est, la pénurie de viande, la viande fleurie, la viande faisandée, épicée, raciale. La viande qui saigne et qui pleure, la viande qui rit sous les hommages des archiducs et des imams, des moines dodus, des friandes femmes du monde, des hommes des cavernes illuminés, la viande.'
Brigitte Fontaine la viande
Michel Piccoli dans la Grande bouffe. You are what you eat. |
L'homme est un mangeur de viande. Par nécessité physiologique, par goût ; de la viande animale, mais aussi de la chair humaine lors de repas cannibales. Certains chercheurs affirment que la consommation de viande a déclenché l'hominisation ; pour d'autres, c'est la chasse et ses rituels très hiérarchisés qui auraient favorisé l'émergence de l'homme sociétal.
Marylène Pathou-Mathys.
"la consommation carnée apparaît comme le lieu du paradoxe où se joue le dilemme entre le désir de se transcender (par l’enrichissement du sang d’un point de vue médical, et par le recul des limites de la nature humaine dont la pitié constitue une borne dépassable d’un point de vue philosophique), et la crainte de s’avilir (par sa nocivité pour notre tempérament mais aussi le tabou éthique dont elle fait l’objet)."
Capucine Lebreton.
La viande au musée, nature morte par excellence. Esthétique faite d'appétit, et de répulsion. Éros, Thanatos, tout ça...
'La peinture de Francis Bacon (1909-1992) est angoissante. Elle nous met mal à l'aise. Elle montre une viande à l'état brut qui nous rappelle notre condition. Mais, elle est surtout sans concession comme pour dire que le corps n'est que le vestige de la viande'. cf Post 'Francis Bacon et l'effroyable viande' Nov 2013, dans ce blog.
Francis Bacon. Personnage avec viande. |
La viande, ce n'est pas seulement des protéines nutritives, c'est aussi la chair dont sont faits nos corps.
Le Boucher. Un roman érotique de Alina Reyes raconte les amours d'une jeune étudiante aux beaux-arts, anorexique et vierge, qui fantasme sur son boucher.
"La chair du bœuf devant moi était bien la même que celle du ruminant dans son pré, sauf que le sang l'avait quittée, le fleuve qui porte et transporte si vite la vie, dont il ne restait ici que quelques gouttes comme des perles sur le papier blanc. Et le boucher qui me parlait de sexe toute la journée était fait de la même chair, mais chaude, et tour à tour molle et dure ; le boucher avait ses bons et ses bas morceaux, exigeants, avides de brûler leur vie, de se transformer en viande. Et de même étaient mes chairs, moi qui sentais le feu prendre entre mes jambes aux paroles du boucher."
Les animaux.
A travers la viande, c'est aussi de la place de l'animal dont il s'agit. Une relation complexe s'est établie au fil du temps. En témoignent l'art préhistorique, les récits mythologiques, les croyances... où la figure animale est omniprésente.
Peut-on respecter l'animal tout en continuant à l'élever et donc à le tuer ?
Peut on éprouver de la gratitude envers les animaux d'élevage à savoir qu'ils vont être mangés dans la joie ?
L'industrialisation des abattoirs les a fait basculer dans l'horreur. L'abattoir industriel moderne, est avant tout un lieu de dissimulation de la mort.
Face à la viande produit du crime animal et objet de nos appétits, notre schizophrénie le plus souvent nous fait dire :
« S’il vous plaît, ne m’en parlez pas, je suis trop sensible et j’adore les animaux. »
L'industrialisation des abattoirs les a fait basculer dans l'horreur. L'abattoir industriel moderne, est avant tout un lieu de dissimulation de la mort.
Face à la viande produit du crime animal et objet de nos appétits, notre schizophrénie le plus souvent nous fait dire :
« S’il vous plaît, ne m’en parlez pas, je suis trop sensible et j’adore les animaux. »
RW Fassbinder. L'année de treize lunes. Scène à l'abattoir.
Pire encore:https://www.facebook.com/ElBaulDelOlvido/videos/1724485861161684/
Pour réconcilier tout le monde on finit en chanson avec Boris Vian :
Le tango des joyeux bouchers de la Villette (1957).