Mais 40 ans après ? Quand on est marié, cadre, qu’on a trois enfants on ne se reconnait pas là dedans. On ne se souvient pas s'y être essayé et qu'on avait vingt ans. Les jeunes utilisateurs de drogues sont suivis aujourd'hui mais les gens de 50-60 ans sont dans la nature."
Les "soixante huitards" sont d'une génération où l'on a testé les drogues sans se soucier des conséquences, conséquences que l'on ne connaissait d'ailleurs pas encore à l'époque (HIV, HVC). Philippe, comme beaucoup de jeunes de cette époque, a expérimenté certaines substances. Puis il a vieilli, s'est marié, a eu des enfants, un emploi de commercial dans lequel il excelle. Il a oublié ses bêtises d'adolescent et de jeune adulte."En 1989, la sécurité sociale m'a proposé de faire un check-up complet. Quand ils ont reçu les résultats, ils m'ont convoqué. J'ai eu droit à tout un cérémonial, le docteur à l'air grave qui m'annonce "Monsieur, vous avez l'hépatite C". J'ai cru que j'étais mort, contaminé, pestiféré."
Et c'est bien ça. La nouvelle qui tombe le futur qui s'obscurcit et le passé qui revient de manière imprévisible. Où j'en suis , combien de temps il me reste, comment annoncer ça, qui ai-je pu contaminer ? comment préserver les autres, me soigner ? avec qui et à qui parler ?
Et si on en parle, difficile de répondre aux questions: Comment as tu attrapé ça ? et c'est contagieux ? car lorsque à la première question on répond qu'on ne sait pas, cela revient à répondre oui à la seconde.
Et si on en parle, difficile de répondre aux questions: Comment as tu attrapé ça ? et c'est contagieux ? car lorsque à la première question on répond qu'on ne sait pas, cela revient à répondre oui à la seconde.
Yolande, elle, a découvert son hépatite en 1990. "après mon premier accouchement j'étais anormalement fatiguée. Le médecin m'a fait dépister. Le verdict est tombé: hépatite C. Longtemps avant j'avais été opérée. L'opération s'était mal passée, j'avais fait une hémorragie et on m'avait transfusée." C'est ainsi que Yolande a été contaminée . Jusqu'à son accouchement elle n'avait jamais rien ressenti. Pour elle l'enfer commence. Dans les années 90 la maladie est mal connue, elle fait peur. "J'ai eu l'impression d'être une pestiférée! Des infirmiers ont refusé de me faire des prises de sang. Mon ancien médecin m'a apostrophé "vous pouvez dire que vous vous êtes piquée! Je me suis levée, et je suis partie. Je ne l'ai jamais revu."
Les témoignages de Philippe et de Yolande montrent bien que le regard porté sur les malades atteints d'hépatite est particulièrement dur. L'hépatite C c'est un peu le sida du foie, mais grâce à une communauté active jeune et organisée, le sida a su dépasser la honte liée au mode de transmission. Ce n'est pas le cas de l'hépatite.
Cela est lié en premier lieu aux différents types d'hépatite existantes et leurs modes de transmission. L'hépatite B est sexuellement transmissible, l'hépatite C se transmet par le sang l'hépatite A par l'alimentation. D'autre part, les hépatites attaquent le foie et les maladies du foie,dans l'inconscient collectif, c'est la cirrhose alcoolique. Ensuite, les hépatites révèlent leurs ravages après des décennies. C'est à dire lorsque les malades sont souvent quinqua ou sexagénaires. On a alors perdu de vue ses 'compagnons de contamination' et on n'est plus à l'âge où l'esprit communautaire et l'activisme est le plus vif. Par son silence et sa lente évolution l'hépatite est une bombe à retardement qui brasse le temps. C'est peut être pourquoi elle se charge d'ignorance, de silences, de dénis, d'histoires, de culpabilités (individuelles et publiques), et de la peur de la contamination. Il en résulte une stigmatisation qui feutre,met en sourdine, étouffe sa médiatisation.
Cela est lié en premier lieu aux différents types d'hépatite existantes et leurs modes de transmission. L'hépatite B est sexuellement transmissible, l'hépatite C se transmet par le sang l'hépatite A par l'alimentation. D'autre part, les hépatites attaquent le foie et les maladies du foie,dans l'inconscient collectif, c'est la cirrhose alcoolique. Ensuite, les hépatites révèlent leurs ravages après des décennies. C'est à dire lorsque les malades sont souvent quinqua ou sexagénaires. On a alors perdu de vue ses 'compagnons de contamination' et on n'est plus à l'âge où l'esprit communautaire et l'activisme est le plus vif. Par son silence et sa lente évolution l'hépatite est une bombe à retardement qui brasse le temps. C'est peut être pourquoi elle se charge d'ignorance, de silences, de dénis, d'histoires, de culpabilités (individuelles et publiques), et de la peur de la contamination. Il en résulte une stigmatisation qui feutre,met en sourdine, étouffe sa médiatisation.
Le fait que la maladie évolue très lentement, et qu'un même nom 'hépatite' désigne plusieurs formes de transmission et de sévérité (hépatite A, B, C) brouille également l'image dans l'esprit des gens qui ont du mal à situer l'hépatite sur une échelle allant de la crise de foie au sida.
De plus, les modes de transmission de l’hépatite C fractionnent la communauté des 'hépatants': les Tox (usagers de drogues intraveineuses), les Trans (transfusés), les 'chais pas' (modes de transmission accidentels) . Pour les personnes contaminées par transfusion des enjeux financiers très élevés en ce qui concerne les indemnisations expliquent probablement aussi en partie ce silence.
Voilà donc la réputation de l'hépatite C : une maladie de dépravé, pas volée qui est contagieuse et qui coûte cher à la société. Avec tout ça pas facile d'en parler et de communiquer à ce sujet et donc, pas étonnant que beaucoup se taisent. De plus, les modes de transmission de l’hépatite C fractionnent la communauté des 'hépatants': les Tox (usagers de drogues intraveineuses), les Trans (transfusés), les 'chais pas' (modes de transmission accidentels) . Pour les personnes contaminées par transfusion des enjeux financiers très élevés en ce qui concerne les indemnisations expliquent probablement aussi en partie ce silence.
Un jour je serai fier de ne plus avoir honte !
Ozias
"Quand le passé revient de manière imprévisible, ce n'est pas le passé qui revient, mais l'imprévisible." Pascal Quignard.