"La société de contrôle moderne se distingue de la société disciplinaire selon quatre points.
Premièrement, c'est moins le corps qui est mis en jeu que l’affect. Il s'agit moins de produire des habitudes corporelles par le jeu de la peine et du plaisir que de susciter des besoins et des envies. Le contrôle des représentations grâce aux outils de communication, ceux du spectacle en particulier permet de susciter et de proposer des formes utiles de jouissance.
Deuxièmement, l'énergie utilisée pour assurer le contrôle émane de l'individu contrôlé plus que de l'institution. Les dispositifs de contrôle ne produisent pas l'énergie de leur propre fonctionnement. Ils émettent des informations, dont le coût énergétique est très faible, pour guider les dépenses d'énergie de leurs composants. ' L'alternative n'est pas de se soumettre ou de se révolter, mais de rassembler son potentiel personnel au service de la tâche à accomplir, ou d'être marginalisé'. .../...
Troisièmement, les règles du contrôle sont intériorisées et revendiquées. Les contraintes sociales sont moins vécues comme émanant d'institutions dogmatiques, fixes et situables qu'appréhendées comme les données inévitables du monde. Obéir, ce n'est plus s'assujettir à une norme centrale, c'est jouer un rôle parmi les multiples individualités compatibles avec les dispositifs.
Et quatrièmement, les objectifs d'un dispositif de contrôle tendent à être les mêmes que ceux de ses membres.
Contrairement à la discipline, le pouvoir de contrôle fonctionne plus au plaisir qu'à la peine. Il propose survie, confort et petites jouissances contre une docilité d'autant plus facile qu'elle peut prendre un très grand nombre d'aspects. Dans le mesure où toutes les formes d'existence tendent à dépendre directement des dispositifs de contrôle, il suffit de vouloir survivre pour être un collaborateur de la société de contrôle.
La société de contrôle évite la violence directe et réserve les dispositifs disciplinaires aux mauvais éléments qu'elle marginalise. Elle continue pourtant à exercer une véritable violence sur ses bords (marginaux, migrants, quartiers) ou lorsqu'il se produit de l'imprévu au centre (manifestations contre la loi travail) , mais pour la masse, cette violence n'est qu'un risque potentiel.
Dans la société de contrôle la violence est surtout virtuelle.../...
La violence postmoderne s'exerce avant tout sur des virtualités, sur des comportements possibles dont elle limite l'apparition par découragement ou incitation."
Olivier Razac
Disséquer la société de contrôle. p112.
L'Harmattan 2008
Réflexions sur les psychédéliques, philosophie et décontamination idéologique. Ce qui m’émeut, ce qui me meut.
dimanche 2 avril 2017
mercredi 29 mars 2017
Salch
L'individualisme conduit au cynisme qui mène au nihilisme. Dans ses croquis Salch, porte un regard moderne qui n'a rien de bienveillant. C'est mal ! et c'est bien vu. Je trouve ça drôle, et je ris jaune.
Et vous ?
dimanche 19 mars 2017
Groupie
Ce soir je sors. Concert à Bourgoin-Jallieu, ville-nouvelle du nord Isère. Le Peuple de l'Herbe joue aux "Abattoirs", salle régionale connue des locaux amateurs de "musiques actuelles". Après la ligne sans fin de l'avenue Henri Barbusse mon vélo traverse les zones commerciales, puis l'autoroute.
Première partie de soirée avec TAMGRAM, groupe français poético-psychédélique.
Les basses sont à 7 sur l'échelle de Richter. Je m'assois sur un escalier à côté d'une fille et on échange quelques mots au sujet des paroles du groupe, recherchées et difficiles à suivre. Entracte. Un jeune garçon qui est son fils vient alors la rejoindre accompagné d'un rugbyman tondu aux zygomatiques plutôt tendus. Elle fait les présentations :
"Un monsieur (c'est moi), Mon mari (le rubgbyman berjallien)". Je descend alors de vélo (au figuré) et je réalise que je ne suis pas en rave, mais à Bourgoin-Jallieu ville-nouvelle et berceau du RCSBJ (Vice champion de France de Rugby 1997 !).
C'est un concert local, dans une salle municipale où beaucoup sont venus en famille. Si ça se trouve, je ne suis même pas le plus âgé dans la salle ce soir !
C'est vrai que l'ambiance est plus salle des fêtes que festive. Peu de teuffeurs tazés ici. Quelques pétards, pas mal de bières. Des polos et des jeans avec coupes courtes, épaules larges et bedaines en formation.
L'entracte n'en finit pas, la salle est éclairée comme en plein jour. Les types qui ne sont pas au bar font les jeux sur leurs portables, parlent boulot, bouchons...Mi-temps et pause café.
Puis "LE PEUPLE DE L'HERBE" monte sur scène. Ce sont des enfants du Pays, qui ont fait leurs classes aux "Abattoirs" de Bourgoin. Éclectique, pêchu, de bon goût, leur style va du raggamuffin au dub en passant par le rap. Ils sont sympathiques, pros et en forme.
Au premier rang, quelques lycéens pogotent en douce. Le tox de service, qui est un ancien pote des musicos, gesticule hors de lui prêt à monter sur scène. Le SO fait des rondes avec bouchons dans les oreilles. Un relou drague une fille qui danse à côté de moi. La meuf se casse suivie par sa copine. Pour faire plus bal des pompiers y a même un bourre-pif qui vole. Au parterre, ça se dandine, mais ça ne danse pas.
C'est un concert, ça n'est pas le grand-soir de l'underground.
Applaudissements, rappel, vélo, bédo, dodo.
Première partie de soirée avec TAMGRAM, groupe français poético-psychédélique.
Les basses sont à 7 sur l'échelle de Richter. Je m'assois sur un escalier à côté d'une fille et on échange quelques mots au sujet des paroles du groupe, recherchées et difficiles à suivre. Entracte. Un jeune garçon qui est son fils vient alors la rejoindre accompagné d'un rugbyman tondu aux zygomatiques plutôt tendus. Elle fait les présentations :
"Un monsieur (c'est moi), Mon mari (le rubgbyman berjallien)". Je descend alors de vélo (au figuré) et je réalise que je ne suis pas en rave, mais à Bourgoin-Jallieu ville-nouvelle et berceau du RCSBJ (Vice champion de France de Rugby 1997 !).
C'est un concert local, dans une salle municipale où beaucoup sont venus en famille. Si ça se trouve, je ne suis même pas le plus âgé dans la salle ce soir !
C'est vrai que l'ambiance est plus salle des fêtes que festive. Peu de teuffeurs tazés ici. Quelques pétards, pas mal de bières. Des polos et des jeans avec coupes courtes, épaules larges et bedaines en formation.
L'entracte n'en finit pas, la salle est éclairée comme en plein jour. Les types qui ne sont pas au bar font les jeux sur leurs portables, parlent boulot, bouchons...Mi-temps et pause café.
Puis "LE PEUPLE DE L'HERBE" monte sur scène. Ce sont des enfants du Pays, qui ont fait leurs classes aux "Abattoirs" de Bourgoin. Éclectique, pêchu, de bon goût, leur style va du raggamuffin au dub en passant par le rap. Ils sont sympathiques, pros et en forme.
Au premier rang, quelques lycéens pogotent en douce. Le tox de service, qui est un ancien pote des musicos, gesticule hors de lui prêt à monter sur scène. Le SO fait des rondes avec bouchons dans les oreilles. Un relou drague une fille qui danse à côté de moi. La meuf se casse suivie par sa copine. Pour faire plus bal des pompiers y a même un bourre-pif qui vole. Au parterre, ça se dandine, mais ça ne danse pas.
C'est un concert, ça n'est pas le grand-soir de l'underground.
Applaudissements, rappel, vélo, bédo, dodo.
lundi 13 mars 2017
bore-out
"Etre en bore-out c'est être à bout, par manque de travail, de
motivation, ou de défis professionnels" selon François Baumann,
médecin et auteur d'un ouvrage sur ce sujet.
Ce phénomène a été identifié pour la première fois en 2007 par des
consultants suisses.
Le Bore out touche selon de difficiles estimations entre 15 et 30%
des salariés. Il provoque une attaque de l'estime de soi, un sentiment
d'inutilité qui génère la démotivation, la perte de confiance en soi, et peut
se transformer en angoisse, en dépression.
Dans une société qui valorise le
travail au point d’en faire une raison d’être et alors que 17% des salariés s’estiment
être « potentiellement
en situation de burn-out », les victimes du bore-out tentent de
dissimuler leur inactivité en jouant la comédie du job ‘normal’. C’est
logique, car en période de fort chômage c’est difficile de se plaindre d’être
payé à ne rien faire. D’autre part, dans le climat hyper compétitif de l’emploi
cadre, la disgrâce de la mise au placard apparaît comme une forme de sanction,
de déchéance. Qui dit sanction suppose faute. Reconnaître que l’on est mis au
placard revient donc à reconnaître son d'infériorité et obère donc toute chance de rentrer
dans le rang. Aussi lorsqu’ils sont mis sur la touche, par orgueil et par
stratégie, peu de cadres l’admettent et la plupart s’inventent des tâches, des
responsabilités pour pouvoir donner le change à leurs pairs dans l’attente d’un
rebondissement.
En fait, on voit que l'entreprise s'accommode très bien de la paresse et de l'inefficacité, mais à condition que cela soit déguisé par une activité comme la consultation d'écrans, de documents. Par contre, ne rien faire ouvertement au bureau déstabilise profondément le fonctionnement du système car celui qui ne fait rien, qui n'est engagé dans aucune activité, devient imprévisible et peut faire n'importe quoi.
Ici aussi, rien que de très logique, car pour une DRH, admettre le bore-out c’est reconnaître les dysfonctionnements du management de l’entreprise qui ne sait pas tirer parti des ressources et équilibrer la charge des postes.
De plus, la logique d’évaluation et de notation des salariés conduit naturellement à la création d’une catégorie de ‘low performers’ (‘derniers de la classe’) constitué des 5 à 10% les moins bien notés pour lesquels la mise sur la touche, constitue un plan de carrière dans l’attente d'une ‘réforme’ ou de leur départ.
Enfin le chômage et la difficulté à trouver un emploi « conduit les gens à s’enkyster dans des jobs qui ne les satisfont pas. Avant on changeait de poste. Aujourd’hui on doit apprendre à vivre malheureux au travail » nous dit Philippe Zawieja.
Face au bore-out je ne vois que deux attitudes possibles : changer de job si on peut ou alors apprendre à vivre en dehors du travail. Le lâcher-prise n'est pas une chose facile car personne ne vous comprend, et les meilleures techniques de développement personnel sont inefficaces. Apprendre à vivre en dehors du travail ne se décrète pas, et ne peut se faire qu'en s'épaulant aux collègues qui sont ou ont été dans la même situation.
Ainsi, ces derniers temps, on voit un nouveau 'santon' dans la crèche de l'entreprise, la figure du cadre 'low performer'/bore-out qui parle sans honte de la vacuité de son job. Il n'est ici plus question d'histoire personnelle mais de remise en cause du système du travail en entreprise. Le bore-out subversif qui s'assume peut alors moquer la vanité des 'bull-shit jobs' de ses collègues bien notés et dénoncer l'absurdité du monde du travail en entreprise.
Ainsi, ces derniers temps, on voit un nouveau 'santon' dans la crèche de l'entreprise, la figure du cadre 'low performer'/bore-out qui parle sans honte de la vacuité de son job. Il n'est ici plus question d'histoire personnelle mais de remise en cause du système du travail en entreprise. Le bore-out subversif qui s'assume peut alors moquer la vanité des 'bull-shit jobs' de ses collègues bien notés et dénoncer l'absurdité du monde du travail en entreprise.
En ce lundi, je vous souhaite une bonne semaine de travail,
Ozias
Ozias
Lire aussi dans ce blog :
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2016/09/senior.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2015/05/au-travail.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2015/12/la-comedie-humaine-au-travail.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2015/11/evaluations.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2016/02/kafka-et-la-domination-la-lettre-damalia.html
http://sansdire.blogspot.fr/2016/07/les-cadres-dominants-domines.html?view=flipcard
article à lire : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/quand-le-systeme-capitaliste-204280
mercredi 1 mars 2017
musique
De la techno à l'opéra j'écoute et j'aime la musique. La musique vivante est comme une pensée, la musique enregistrée comme une lecture. Depuis plusieurs mois j'écoute plus que je lis, moins de radio plus de musique.
La techno me fait vibrer, l'opéra me fait frissonner. Dommage pour moi de ne pas savoir parler en musique.
Quelle musique ? Voici le hit parade du moment.
Torrent voluptueux : Tristan opéra de Richard wagner. C'est sombre, coloré, profond, et aussi très pessimiste.
Pour le psychonautisme underground introspectif : Derek Pitral
Inspiration, vibrations et le plaisir de la danse : Boris Brejcha
Un rien de house peut être ...
Pour la fin de la nuit, détente, retour au calme: chill-out
Lumineux comme le matin, les noces de Figaro Mozart
La techno me fait vibrer, l'opéra me fait frissonner. Dommage pour moi de ne pas savoir parler en musique.
Quelle musique ? Voici le hit parade du moment.
Torrent voluptueux : Tristan opéra de Richard wagner. C'est sombre, coloré, profond, et aussi très pessimiste.
Pour le psychonautisme underground introspectif : Derek Pitral
Quelques mix pour tenir la distance :
Un rien de house peut être ...
Pour la fin de la nuit, détente, retour au calme: chill-out
Lumineux comme le matin, les noces de Figaro Mozart
dimanche 19 février 2017
fckng serious
"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit"
Ce soir, clubbing techno-minimal avec Boris Brejcha au ZigZag (Paris VIII).
La piste est vaste, circulaire, le parquet ciré attend. Ce soir, clubbing techno-minimal avec Boris Brejcha au ZigZag (Paris VIII).
Minuit passé, warm-up. Dans la salle ça déboule et ça glisse déjà. Décor assez simple, comme le look des gens qui étaient dans la queue, certains venus de loin pour cette soirée. Sur les tables, des seaux à glacer sont grands comme des bidets.
Public middle-class, plutôt bien rangé, blanc et jeune. Je suis même frappé par le peu de visages étranges autour de moi. Pas de déguisement ni de maquillages baroques, peu de talons hauts. Quelque part un mec danse avec un laser multicolore dans la bouche...
Jeu de lumière à tendances tricolores. Forêt de smartphones brandis à bout de bras pour un selfie avec ou sans Boris. Autour de moi je capte plus de likes que de french kisses. La musique n'est pas trop forte (on peut s'entendre sans coller les lèvres au pavillon de son interlocuteur). Le son est de qualité variable selon où on se trouve (attention aux balcons ! le meilleur son c'est depuis l'escalier qui descend au parterre).
Je savoure un grand sentiment de liberté. Je me sens vivant, plongé dans un grand bain de jouvence -eaux/elles-, et je me sens seul aussi. C'est vrai, dans ces bals technos je me demande toujours si je suis seul à être seul. C'est vrai que je viens toujours seul et un peu sans trop d'envie de tout quand même. Alors, je danse avec une fille qui porte des 'lunettes pas de soleil', comme moi. Souris moi, montre moi tes dents, souris moi, montre moi dedans. Autour de moi les danseurs sont cools, souriants, sympathiques. De temps en temps je cale l'un d'eux sur une banquette car il penche un peu trop, je retiens un autre qui a raté une marche. Alors que j'avais piqué du nez une jeune fille m'embrasse gentiment.
La musique, les lumières et tout le monde danse cette nuit.
5h40. 'Paris s'éveille' et je rentre. La lune est gibeuse, un oiseau chante.
Je marche et je réalise toute la chance que j'ai d'être ici, instruit, libre et avec un bon lit qui m'attend.
"Ne savez-vous pas qu'il vient une heure au milieu de la nuit où tout le monde doit faire tomber son masque." Søren Kierkegaard
" Ce qui se dit la nuit ne voit jamais le jour" (Jacques de Bascher ?)
Autres sorties sur ce blog : http://emagicworkshop.blogspot.fr/2016/05/je-sors-ce-soir.html
et aussi https://emagicworkshop.blogspot.fr/2017/04/je-misole.html
Jeu de lumière à tendances tricolores. Forêt de smartphones brandis à bout de bras pour un selfie avec ou sans Boris. Autour de moi je capte plus de likes que de french kisses. La musique n'est pas trop forte (on peut s'entendre sans coller les lèvres au pavillon de son interlocuteur). Le son est de qualité variable selon où on se trouve (attention aux balcons ! le meilleur son c'est depuis l'escalier qui descend au parterre).
Je savoure un grand sentiment de liberté. Je me sens vivant, plongé dans un grand bain de jouvence -eaux/elles-, et je me sens seul aussi. C'est vrai, dans ces bals technos je me demande toujours si je suis seul à être seul. C'est vrai que je viens toujours seul et un peu sans trop d'envie de tout quand même. Alors, je danse avec une fille qui porte des 'lunettes pas de soleil', comme moi. Souris moi, montre moi tes dents, souris moi, montre moi dedans. Autour de moi les danseurs sont cools, souriants, sympathiques. De temps en temps je cale l'un d'eux sur une banquette car il penche un peu trop, je retiens un autre qui a raté une marche. Alors que j'avais piqué du nez une jeune fille m'embrasse gentiment.
La musique, les lumières et tout le monde danse cette nuit.
5h40. 'Paris s'éveille' et je rentre. La lune est gibeuse, un oiseau chante.
Je marche et je réalise toute la chance que j'ai d'être ici, instruit, libre et avec un bon lit qui m'attend.
"Ne savez-vous pas qu'il vient une heure au milieu de la nuit où tout le monde doit faire tomber son masque." Søren Kierkegaard
" Ce qui se dit la nuit ne voit jamais le jour" (Jacques de Bascher ?)
Autres sorties sur ce blog : http://emagicworkshop.blogspot.fr/2016/05/je-sors-ce-soir.html
et aussi https://emagicworkshop.blogspot.fr/2017/04/je-misole.html
mercredi 8 février 2017
Le temps de la société du spectacle
La première partie de la
Société du Spectacle montre l’aliénation de la vie par procuration dans la sociétés des marchandises. L’auteur, Guy Debord, consacre ensuite un long chapitre à l’histoire
des luttes révolutionnaires. La troisième partie du livre, titrée ‘temps et histoire’, est une réflexion sur l’appropriation
sociale du temps au profit de la
classe dominante.
Pour Debord « Le temps est l’aliénation nécessaire, le milieu où le sujet se réalise en se perdant, devient autre pour devenir la réalité de lui-même. Mais son contraire est justement l’aliénation dominante, qui est subie par le producteur d’un présent étranger. Dans cette aliénation spatiale, la société qui sépare à la racine le sujet et l’activité qu’elle lui dérobe, le sépare d’abord de son propre temps. (#161 p124)
Guy Debord oppose le ‘temps
cyclique’ des sociétés anciennes rythmé par
les saisons de l’année et de la
vie, c’est-à-dire le temps réellement vécu par les individus, au ‘temps spectaculaire’ (temps marchandise)
de nos sociétés qui est un temps irréversible vécu illusoirement.
« Le temps de la
production, le temps marchandise, est une accumulation infinie d’intervalles
équivalents. C’est l’abstraction du temps irréversible, dont tous les segments
doivent prouver sur le chronomètre leur seule égalité quantitative. C’est dans
cette domination sociale du temps-marchandise
que « le temps est tout, l’homme n’est rien ; il est tout au plus
la carcasse du temps ». #147 p117
Le temps irréversible est
le temps de celui qui règne. Les dynasties sont sa première mesure, l’écriture
est son arme. ../… Avec l’écriture apparaît une conscience qui n’est plus
portée et transmise dans la relation immédiate des vivants : une mémoire
impersonnelle qui est celle de l’administration et de la société. « Les
écrits sont les pensées de l’Etat ; les archives sa
mémoire »(Novalis) #131 p101
« Le temps spectaculaire est le temps de l’aventure et
de la guerre, le temps qui apparaît dans le heurt des communautés étrangères,
le dérangement de l’ordre immuable de la société. L’histoire survient donc
devant les hommes comme un facteur étranger, comme ce qu’ils n’avaient pas
voulu et ce contre quoi ils se croyaient abrités. »
Pour Guy Debord « Les possesseurs de l’Histoire [classe dirigeante] ont mis dans le temps un sens qui est aussi une signification…/…Les maîtres qui détiennent la propriété privée de l’Histoire, sous
la protection du mythe, la détiennent eux même sur le mode de l’illusion [c’est-à-dire
du Spectacle].
Cette dépossession de l'individu par le pouvoir renvoie au travail de Cynthia Fleury dans son ouvrage 'les irremplaçables' dans lequel elle affirme que "Le pouvoir tient par l'intérêt qu'il alimente. Il substitue à la notion d'individuation celle de l’intérêt, en donnant l'illusion qu'elle lui est similaire. Mais cet intérêt n'a de sens qu'à l'intérieur d'un système qui reconnait la valeur de la domination. Jouir de cet intérêt suppose la mise sous tutelle. L' "avoir" met en demeure la liberté d'être du sujet."
Dans notre quotidien, le slogan "l'actualité n'attend pas" matérialisé par le fil d'actualité de BFM diffusé en continu dans de nombreux établissements publics illustre bien cette spoliation de notre temps vécu et la façon dont on nous impose chaque jour une histoire symbolique qui porte nos destins.
Bref, les peuples heureux n'ont pas d'histoire.
Cette dépossession de l'individu par le pouvoir renvoie au travail de Cynthia Fleury dans son ouvrage 'les irremplaçables' dans lequel elle affirme que "Le pouvoir tient par l'intérêt qu'il alimente. Il substitue à la notion d'individuation celle de l’intérêt, en donnant l'illusion qu'elle lui est similaire. Mais cet intérêt n'a de sens qu'à l'intérieur d'un système qui reconnait la valeur de la domination. Jouir de cet intérêt suppose la mise sous tutelle. L' "avoir" met en demeure la liberté d'être du sujet."
Dans notre quotidien, le slogan "l'actualité n'attend pas" matérialisé par le fil d'actualité de BFM diffusé en continu dans de nombreux établissements publics illustre bien cette spoliation de notre temps vécu et la façon dont on nous impose chaque jour une histoire symbolique qui porte nos destins.
Bref, les peuples heureux n'ont pas d'histoire.
Liens :
Debord, derniere déclaration avant suicide
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