samedi 11 août 2012

Les Eaux

A l'eau à l'eau ! Le foie et l'alcool ne font pas bon ménage. J'ai arrêté l'alcool. Alors, je bois, systématiquement ... de l'eau - ou plutôt les eaux-.
Pas désagréable en soi car la variété des crûs en matière d'eaux n'a rien à envier à celle des breuvages fermentés. Par exemple, je suis prêt à parier que vous n'avez jamais trempé les lèvres dans la moitié des appelations que l'on trouve sur un linéaire de supermarché. Pour ceux que cela tenterait, voici d'ailleurs l'adresse d'un bar à eaux où, à l'issue d'une visite de musée consacrée à cet élément vous pourrez choisir parmi  une collection de 1700 bouteilles en provenance des meilleures sources du monde entier. http://www.musee-eau.com/bar/index.html

Cette année, n'osant pas trop m'exposer au soleil suite à des problèmes de peau liés au traitement, et aussi car je suis un pêcheur invétéré,  j'ai passé les vacances en Irlande. Une île, au milieu d'un océan d'eaux salées, criblée de lacs, sillonnée de fleuves rivières et arrosée annuellement par près d'un mètre de précipitations. Boisson nationale la Guiness.  Juste un chiffre pour fixer les idées : "Du vendredi à 17 heures, jusqu'au lundi à 3 heures du matin, les Dublinois boivent 19 800 pintes de bière à l'heure!". Ici, comme ailleurs d'ailleurs, le plus difficile pour moi est de faire comprendre que je ne bois pas d'alcool. La tête des serveurs quand je commande une eau pétillante au restaurant ! dans un pub, je n'ose même pas essayer, je n'y suis pas entré.
En effet, annoncer, et expliquer ici que l'on ne boit pas d'alcool est un dilemme hépatant. Pour éviter les détails techniques au sujet de la fibrose et de son origine, Voici les faibles arguments, ou les pirouettes que j'ai pu trouver: 
* je conduis, 
* ma religion pourrait me l'interdire, 
* boire me rendrait encore plus  bête et méchant,
* j'attends un enfant (énorme !) 
* ça me soûle de boire
Donc, rien de convaincant  pour expliquer que je ne bois pas d'alcool et que je suis à l'eau.
Bref, comme écrit Norman Mailer à l'issue de son livre 'a river runs through it', le pêcheur que je suis est hanté par les eaux.

Ozias

https://www.vice.com/fr/article/3kxnyy/comment-arreter-de-boire-ma-enfin-rendue-cool

PUB ! A propos d'eaux, voici un brin d'historique des relations entre l'eau et le foie selon Vichy Saint-Yorre.
1967 St-Yorre se penche sur ce grand mal, unique aux Français, la "crise de foie". L'humour fait son apparition : Vivez sans foie, Vivez cent fois mieux avec St-Yorre. (1967). 

Mon foie ? Connais, pas ! (1968). Bon foie Mesdames, Bon foie Messieurs (1972).
1972 l'affiche de Villemont
Villemot franchit le pas de la publicité classique et donne à l'affiche une dimension artistique. La force des campagnes Saint-Yorre est bien là : utiliser le talent des plus grands graphistes au service d'une réalité : L'eau facilite la digestion.



 http://www.st-yorre.com/index2.php?T=110&A=441

vendredi 3 août 2012

Mal parti ! Alleluïa ? Champomy !



Et voilà, mes résultats de PCR à 6 mois sont arrivés: Négative ! Dans ce cas, comme dit Virus Killer, 'négative is positive' ! C'est donc officiel, j'ai vaincu ma crevette, ma 'C'.  Oui, ma crevette, c'était le petit nom que je donnais à mon virus. Pas le grand crabe du Cancer, mais juste le petite crevette de la C, la crevette ce minuscule monstre de circonspection qui vit caché au sein des profondeurs sanguines.
Le pêcheur que je suis est presque fier de sa prise: un beau Génotype1, âgé d'une trentaine d'années, mis à l'épuisette après 6 mois de combat à l'interféron et à la ribavirine. Je l'ai eu à l'économie, Tout en sobriété. Alors aujourd'hui Champomy mes amis !!! (F3+ oblige).
C'est vrai que ce fatidique seuil de 15UI change les choses. Tout d'abord je n'ai plus à craindre d'être contagieux. Exit les paranos de la brosse à dent ou de la  coupure. Ensuite, ça veut dire qu'une page se tourne et que je redeviens 'normal'. Normal, mais sans doute 'autre' qu'avant.

Je ne sais pas si je n'ai jamais été 'normal' mais aujourd'hui, c'est sûr, je me retrouve bien 'mou de la branche'. Marée basse. J'attends le retour de l'appétit, des projets, de l'ambition, de la pêche, de la 'niake'. Bref, j'ai un peu envie de rien du tout. Les pilules roses ont terrasé ma 'C' et du coup j'ai dégusté aussi. Encore du mal à avaler, 'ça ne passe pas'. Après le blitz du traitement je me retrouve échoué, 'hépavé'  sur une île nouvelle que je voudrais quitter. 
Le virus est viré, je suis peut être guéri du foie mais ça n'est pas fini. En tout cas le Champagne, 'celui d'avant' ce sera plus tard.
J'ai bien  trinqué, et bien trinquons maintenant !
Santé, Ozias

mardi 24 juillet 2012

28 Juillet: Journée mondiale de l'hépatite ?

Samedi 28 juillet 2012

1ère Journée mondiale de sensibilisation pour mieux comprendre et se protéger de l’hépatite.

Cette journée mondiale contre l’hépatite est la premiere officielle de l’OMS concernant cette pathologie. La sensibilisation, le dépistage, la vaccination, ainsi que la prise en charge seront les principaux thèmes abordés lors de cette journée.
Dans mon service d'hépatologie, le 19 juillet, le personnel n'était même pas au courant de cette journée. Je ne lui en tiens d'ailleurs pas rigueur car même wikipédia n'est pas au courant. 
En parcourant le calendrier des journées internationales j'ai ainsi trouvé la journée du  lupus, du psoriasis, de la sécurité aux passages à niveau, des serviettes, des toilettes et j'en  passe mais pas de mention de la journée des hépatites. http://fr.wikipedia.org/wiki/Journ%C3%A9e_internationale
So, still much to do !

Voici d'ailleurs le plaidoyer de SOS HEPATITES au sujet de cette journée:

"Pourquoi le 28 juillet alors que tout le monde est en vacances ? Parce que le 19 mai ne convenait pas aux chinois. Il est vrai que le 28 juillet est le jour de la naissance de Baruch Samuel Blumberg, né le 28 juillet 1925 et mort le 5 avril 2011, scientifique américain récompensé par le Prix Nobel de médecine en 1976 pour la découverte du virus de l'hépatite B. Le choix de cette journée de juillet s’est fait sans doute sous la pression de la Chine qui connait une pression épidémique majeure. Mais, face à l’enjeu de santé publique planétaire des hépatites B et C, (540 millions de porteurs chroniques dont la majorité ignore
leur contamination) maladies pourtant contagieuses, les moyens internationaux mis en œuvre sont nuls. Priorité mondiale de santé publique, la lutte contre les hépatites est la seule pour laquelle il n’existe aucun fond financier ! A l’OMS, nous disons notre profonde déception. Le contenu du clip commandé pour cet événement est proprement scandaleux. On y mélange allégrement toutes les hépatites (dans le commentaire on dit “l’hépatite”) confondant en un grand tout, toutes les hépatites virales, qu’elles soient A, B, C, D ou E sans distinction de leurs modes de contamination, de leur prophylaxie, de leurs traitements ou de leur enjeu épidémique qui sont pourtant différents pour chacune."
On apprend dans ce clip qu’on peut être contaminé par l’eau et la nourriture, le sexe et les injections sans préciser de quelle hépatite il  est question. Message surprenant quand il s'agit de faire connaître .



Voici en tout cas quelques liens conduisant au programme des festivités et 3 vidéos trouvées sur le sujet.
Bonnes vacances,
Ozias

D'abord un lien qui mène aux mots de Barack Obama prononcés à l'occasion de cette journée de l'hépatite:http://www.whitehouse.gov/the-press-office/2012/07/29/presidential-proclamation-world-hepatitis-day-2012
http://worldhepatitisalliance.org/Home.aspx
http://www.who.int/mediacentre/events/annual/world_hepatitis_day/fr/index.html
http://worldhepatitisday.info/



vendredi 20 juillet 2012

"La Maladie Silencieuse" Le film.

Lorsqu'on google 'maladie silencieuse', dès la première page on tombe sur 'hépatite' puis 'ostéoporose', hypertension', 'diabète'... Normal avec tant de maladies, de silences et d'ignorances aussi.

La 'Maladie Silencieuse' c'est aussi le titre d'un film de Martine Lancelot. Lorsque l'on voit ce film et que l'on connaît l'hépatite C on réalise pleinement la qualité du titre. La retenue et la poésie du ton du film font ‘palper’ cet état d'isolement mélancolique, contemplatif, cet état ‘autre’ dans lequel nous plonge l’interféron.

Ce film est une voix et une parole à la fois très personnelle et lucide qui se fait entendre au milieu du silence qui entoure cette maladie. Silence des média, silence des médecins qui guérissent des foies plutôt que des malades et pour qui les ‘effets seconds’ du traitement sont secondaires, silence des malades aussi à cause des connotations liées aux modes de transmissions des maladies virales. Oui, l'hépatite C est bien la Maladie Silencieuse .

Martine Lancelot avec ses mots et ses images donne un sens aux sombres franchissements où nous entraîne cette maladie. Un film à voir avant pendant, et après le traitement et à partager avec ses proches. Pour dire et faire comprendre.

Ozias




Sous le joug d’un lourd traitement contre l’hépatite C, la réalisatrice Martine Lancelot a fait un film de sa maladie. Elle ne se met ni en scène ni en images, et donne à voir son environnement, sa perception de corps malade. (…) C’est un film de poésie réaliste, sans atermoiement, une tentative de se réapproprier son corps, ses capacités, ses jours ; écrire un journal filmé.”
Jérôme Animer
http://www.filmsduparadoxe.com/maladie.html
Scénariste et réalisatrice, Martine Lancelot a réalisé plus de 20 films :

jeudi 12 juillet 2012

Guérison

Divine guérison
Je sors lessivé et diminué du traitement d'une maladie dont  j'ai ignoré l'existence pendant trente ans. Dans quelques semaines je saurai si je suis 'guéri'.
Trois mois après la fin de mon traitement, me voyant pas très en forme, un ami m'a dit : ' fais le plus de choses possibles qui te détournent de l'hépatite'. C'est un peu comme si à l'issue de l'enterrement d'un proche il m'avait dit que pour que tout s'arrange il suffisait que je n'y pense plus. En effet même si mon entourage semble en avoir assez de toutes ces histoires de traitement, d'effets secondaires et d'hépatites, la récupération est pour moi loin d'être immédiate. Si guérison il y a (ou plus exactement il devrait y avoir) elle cache son jeu sous des airs de victoire à la Pyrrhus.   Au sujet de la guérison de l'hépatite Cvous trouverez , en cliquant sur 'plus d'infos>>', un excellent texte de Thomas Laurenceau qui illustre bien ce que je ressens maintenant et que je veux dire ici. 
A part ça, 'je vais bien, tout va bien'...
Ozias

Que faire de la guérison ?

Je crois qu’il y a eu une erreur de casting.
On m’a demandé de parler de la guérison, mais en fait je ne suis pas vraiment guéri. 

jeudi 5 juillet 2012

Sept Haikus pour une hépatite

Le Haiku est un court poème japonais de dix sept 'syllabes'. Un poème des choses banales de la vie quotidienne et de ses évènements minuscules. L'annonce de la maladie, le temps du traitement, celui de la convalescence ont été ponctués de pensées et d'émotions que j'ai tenté de fixer par quelques mots à la manière des Haikus, si ce n'est dans leur style. Je vous en propose donc sept qui ont jalonné mon hépatique croisière .


Au printemps.


(je viens d'apprendre mon infortune.

J'acquiers un carnet pour noter mes états d'âmes)

Carnet de voyage
Pages blanches Voyage d'hiver
Qui sait ?


(J'ai maigri)

La montre au poignet
Comme elle tourne !
Et maintenant autour du bras




Été.


(Ma biopsie s'est mal passée)

Aspirateur en main
Deux trous rouges au côté droit
Pneumothorax !

(J'arrête l'alcool)

Les grands jours !
Le soleil dans la mer
La dernière gorgée de bière.





Automne avec interferon.


(Le clocher du village)

Ces heures qui sonnent au clocher  me réveillent. 
Trop près du compteur !


(Pêche en automne)

Feuilles au vent d'hiver
Silence des truites
Coule donc mutique interféron !

(Noël)

En ces temps de l'avent
Luisant de Dexeryl
Foie gras je me sens

vendredi 29 juin 2012

Transmission

S'il y a une question sur l'hépatite qui revient souvent c'est bien :  'comment as tu attrapé ça' ? ...
L' intraveineuse vénéneuse étant statistiquement le vecteur de contamination le plus classique et répandu, permettez moi de partager ces quelques lignes de la meilleure veine écrites au sujet  de ce geste finalement prométhéen.


L'acier de l'aiguille consacre une pénétration emblématique. L'intoxiqué se trouve compénétré par la grâce chimique qui se répand dans son corps et se divise en une série d'épisodes chacun hautement symbolique. Les ingrédients s'ajoutent pour composer la recette. Bout, le brouet fatidique. Ici, deux gouttes de citron; là une miette de coton, filtre par lequel le philtre passera dans la seringue. D'autres préparations ont leur importance. Je ne dirai pas , par exemple, que le garrottage est un élément subsidiaire. Je n'initie personne, et à rien. Il suffit de voir apparaître ce delta bleuté et rosissant sous la chair porcelaine. Le temps est suspendu lorsque, délicatement, [s'] enfonce l'aiguille, à l'oblique très penchée, dans un de ces renflements. Image miniature d'une sodomie consentie.../...
 Voici donc commise l'action la plus monstrueuse de toutes, tant elle apporte quantité et qualité de plaisir, face à quoi le monde entier se trouve en faillite. Je ne puis cependant rien voir de sordide dans cet acte qui, amoureusement conduit, est plein d'une dimension mythique et émouvante. Le rituel par lequel on se donne du bonheur ne saurait laisser indifférent. L'aspect sacrificiel consenti qui s'y glisse en fait une liturgie, une eucharistie de l'âge atomique. Dans ces gestes fatals où la tragédie guette, je vois la fatalité de vivre, et la tragédie d'exister, vécues sous la forme d'un festin bâfré nu sur soi même, où chacun peut dévorer son corps planté au bout de la seringue. L'aiguille est le corridor dérobé par où pénètrent les noirs enchantements dans la caverne du corps qui les transforme en ombres anamorphosées. Se seringuer est un enchaînement de transgressions majeures, un scandale pesé en gestes d'une scandaleuse précision. Meurtre prémédité, brusque fin de non recevoir envers ce monde, auquel nous tournons le dos.../...
Extrait des 'rêveries du toxicomane solitaire' Anonyme. Editions Allia. Paris 1997

N’écoutez plus la chanson oubliée !

Je ne te connais plus, mais je n'ai pas oublié ce que tu donnes et ceux que tu as pris.