mardi 6 octobre 2015

Psychonautisme

Pour paraphraser Gordon Wasson, «ceux qui parlent de psychédéliques mais n'en ont jamais pris sont discrédités par leur inexpérience, et ceux qui parlent de psychédéliques parce qu'ils en ont pris sont la plupart du temps discrédités à cause de leur expérience »

Les psychédéliques ont depuis longtemps été ignorés et écartés par la communauté académique médicale en tant que sujet de recherche, au nom d'un positionnement qui tient plus compte des peurs collectives du corps social que d'une approche rationnelle. Pour certains spécialistes comme Ralph Metzner, le terme d'hallucinogène devrait être réhabilité, à condition d'en comprendre différemment le sens : en effet, «hallucination» provient du latin hallucinor, qui veut dire « se promener dans l'esprit», soit un voyage en état modifié de conscience. Metzner dit ainsi qu'il «préfère utiliser le terme hallucinogène lorsqu'il est traduit comme "induisant des voyages dans l'esprit" ». 

Les amateurs de produits psychédéliques disent souvent qu'ils les utilisent pour leur développement personnel ou spirituel, pour une meilleure compréhension et une découverte de soi. 
Pour Jan Kounen (le cinéaste) , les substances psychédéliques permettent de pénétrer des mondes qui sont plutôt des visions que des hallucinations, dans le sens où elles ont une cohérence. Ce n'est pas une réalité déformée; c'est une autre réalité complète qui se superpose à la réalité, qui, elle, reste la réalité». Les récepteurs de notre cerveau (les organes des sens) ne sont capables de capter qu'une infime partie des messages envoyés par le monde extérieur; on ne peut pas dire que, dans l'état de conscience ordinaire, on perçoit le monde objectivement, tel qu'il est réellement. Un produit psychédélique permet d'étendre la partie visible du monde un peu comme l'ajout d'une nouvelle antenne sur un toit permettrait de capter d'autres programmes. On pourrait faire un parallèle avec le choix proposé au héros du film Matrix : prendre une pilule bleue (notre sérotonine habituelle dans laquelle baigne naturellement notre cerveau, qu'on peut alors qualifier d'hallucinogène du quotidien) et rester dans le monde engendré par la «Matrice», ou bien prendre une pilule rouge (une substance psychédélique), et voir l'envers du décor, une réalité cachée et cependant plus vraie que la précédente. 

Il semble que notre cerveau interprète en permanence 'la matière' selon ses données antérieures sur le sujet, et l' «hallucine» sous une forme déjà connue. Il ne nous dit que ce qu'il perçoit, et non pas ce qui est vraiment. En se fondant sur ces perceptions, nous «croyons savoir la vérité» sur une chose, alors que nous n'en connaissons pas la moitié. En réalité, nous créons la vérité que nous connaissons. La conscience assemble et synthétise la réalité de façon à nous faire évoluer dans cette réalité. Cette construction cognitive de la réalité nous est propre et ne constitue pas la réalité en soi mais une manière de s' y adapter. 

Les psychédéliques nous confrontent donc à un questionnement fondamental: y a-t-il une seule réalité ou plusieurs, à des niveaux de perception différents? Est-elle indépendante de nous ou construite par nous?


Source : Olivier Chambon, la médecine psychédélique



Psychonaute. Samuel Ferrand

A voir :
http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20141031.OBS3820/comment-les-champignons-hallucinogenes-rearrangent-le-cerveau.html

http://sos-addictions.org/actualite-des-addictions/les-drogues-psychedeliques-psilocibyne-lsd-mdma-font-doucement-leur-retour-dans-la-pharmacopee

https://froufrouettransendance.wordpress.com/2019/03/20/outils-chamaniques-le-psilo-et-la-ceremonie/

Interview 2018 Olivier Chambon : la conscience . https://www.facebook.com/413369628809254/videos/1405636782915862/

Démo d'hallucinations :
 https://www.youtube.com/watch?v=DgPaCWJL7XI
Encore plus fort !
https://www.youtube.com/watch?v=u_NO3JU0LZk&feature=youtu.be




samedi 3 octobre 2015

NDE

NDE est l'acronyme de Near Death Experience (soit EMI expérience de Mort Imminente en français), OBE est l'acronyme de Out of Body Experience.
Matthieu Blanchin
A l'issue de comas, ils sont nombreux à raconter des histoires troublantes, comme la sensation de se détacher de son corps, assister à sa propre réanimation, entendre les chirurgiens parler entre eux, puis traverser un tunnel au bout duquel se trouve une extraordinaire lumière.
Longtemps considéré comme obscur et assujetti aux railleries, le phénomène des NDE intéresse aujourd’hui de nombreux scientifiques, qui se demandent comment ces personnes ont-elles pu percevoir et mémoriser des scènes de leur réanimation alors qu’elles étaient inconscientes, dans le coma et parfois déclarées mortes cliniquement.

Comment le cerveau de sujets dont la conscience est apparemment totalement abolie peut il acquérir une information, la mémoriser et la restituer après le réveil ?
Aujourd'hui plusieurs études menées à l’étranger abandonnent l’hypothèse de l’hallucination pour s’orienter vers une possible délocalisation de notre conscience.
Les phénomènes de décorporation (ou OBE Out of Body Experience) ne sont cependant pas exclusifs aux NDE, il sont déjà présents dans diverses spiritualités, avec des témoignages de personnes rapportant être sorties de leur corps lors de méditation ou au moment de s'endormir. C'est ce qui est appelé le voyage astral ou voyage hors du corps.
Comment tester la véracité de ces témoignages « je me suis vu au dessus de mon corps, je flottais,…. ».  Quelle est la réalité de ces récits qui sont si souvent rapportés par des témoins de NDE
Les tenants de l'hypothèse matérialiste (appelés réductionnistes) objectent, à raison, que même si des faits sont vérifiés, ils le sont toujours a posteriori. 


Afin de lever cette objection, le docteur Jean-Pierre Postel, médecin anesthésiste et co-fondateur du CNERIC -Centre National d'Etude sur la Conscience-  projette de placer un 'mouchard' au chevet des mourants afin qu'en cas de 'faux départ', le 'revenant' puisse rapporter une 'preuve' de son voyage immatériel. 
Le dispositif consiste en une boîte noire (ou plutôt un paquet cadeau) dans laquelle un écran affiche un mot qui change d'heure en heure continuellement. La boîte est fermée et isolée des radiations électromagnétiques par une cage de Faraday. Le patient doit deviner ce qui est écrit dans la boîte pendant son OBE, puis le restituer aux expérimentateurs lors de son réveil. Ainsi, la lumière pourra - peut être - être faite sur l'extraordinaire lumière dont parlent les 'revenants'.


Sources :
La BD de Matthieu Blanchin "Quand vous pensiez que j'étais mort". Trépané à la suite d'une tumeur au cerveau Mattieu raconte et dessine son expérience de la NDE et de la décorporation , du coma et de sa vie après. Cet album nous offre un récit autobiographique exceptionnel. 


Le livre du Dr Jean-Pierre Postel: "la mort a t'elle un sens ? Itinéraire d'un anesthésiste" Médecin anesthésiste-réanimateur, le Docteur Jean-Pierre Postel a passé quarante ans au chevet de patients proches de la mort. Les expériences de mort imminente (NDE) et autres états modifiés de conscience rencontrés en anesthésie et réanimation, sont le point de départ de cet ouvrage qui parle de Dignité, de Respect et d'Accompagnement.

Liens pour aller au delà :

https://www.yumpu.com/fr/document/view/29860871/plaquette-cneric
https://www.academia.edu/38377514/Neurochemical_models_of_near-death_experiences_A_large-scale_study_based_on_the_semantic_similarity_of_written_reports?auto=download

Une vidéo d'animation sur le sujethttps://www.youtube.com/watch?v=kS3jKdHhzME
DMT et nde  http://realitesbiomedicales.blog.lemonde.fr/2018/08/19/lhallucinogene-dmt-mime-les-effets-dune-experience-de-mort-imminente/





jeudi 24 septembre 2015

Les malades et les médecins. Antonin Artaud

Les Malades et les médecins
(Antonin Artaud )

La maladie est un état. La santé n’en est qu’un autre. Plus moche. Je veux dire plus lâche et plus mesquin. Pas de malade qui n’ait grandi. Pas de bien-portant qui n’ait un jour trahi, pour n’avoir jamais voulu être malade, comme tels médecins que j’ai subis.

J’ai été malade toute ma vie et je ne demande qu’à continuer car les états de privation de la vie m’ont toujours enseigné beaucoup mieux sur la pléthore de ma puissance que les crédences petit-bourgeoises de « LA BONNE SANTE SUFFIT ». Car mon être est beau mais affreux. Et il n’est beau que parce qu’il est affreux. Guérir une maladie est un crime. C’est écraser la tête d’un môme beaucoup moins chiche que la vie. Le laid sonne, le beau se perd.

Mais, malade, on n’est pas dopé d’opium, de cocaïne ou de morphine, il faut aimer l’affre térébrant des fièvres, la jaunisse et sa perfidie, beaucoup plus que toute euphorie.

Alors, la fièvre, la fièvre chaude de ma tête, car je suis en état de fièvre depuis cinquante ans que je suis en vie, me donnera mon opium, cet être, celui, tête chaude que je serai, O-pi-um de la tête aux pieds. Car la cocaïne est un or héroïque, un surhomme en or.

(Ta ta ta ri ta ta i te ra ta te i te e ta te ri)

Et l’opium est cette cave, cette momification de sang-cave, cette raclure de sperme en cave, cette désintégration d’un vieux trou, cette excrémation d’un vieux môme, cette excrémentation d’un môme, petit môme d’anus enfoui, dont le nom est merde, pipi, con-science des maladies. Et opium de père en fi, donc, qui va de père en fils, il faut qu’il te revienne la poudre quand tu auras bien souffert sans lit.

C’est ainsi que je considère que c’est à moi, sempiternel malade, à guérir tous les malades – nés médecins par insuffisance de maladie, et non à des médecins ignorants de mes états affreux de malade, de m’imposer leur insulinothérapie*, santé d’un monde d’avachis.


(Entretien radiophonique 1946)


Insulinothérapie* :on faisait une injection d’insuline au patient en début de matinée après lui avoir pris To, TA et pulsations et au bout d’un certain temps il rentrait dans le coma, où on le laissait 10 à 20 minutes, puis on lui administrait du sucre et il revenait à la vie.


Antonin Artaud est resté neuf ans dans différents asiles d'aliénés, et notamment à Rodez où en guise de thérapie il a subit des traitements à l' électrochoc, il dit être mort sous l' un d'eux. Il gardera le restant de sa vie une haine contre les médecins, et à travers eux, la société.
« Les asiles d’aliénés sont des réceptacles de magie noire, conscients et prémédités. Et ce n’est pas seulement que les médecins favorisent la magie, par leur thérapeutique qu’ils raffinent, c’est qu’ils en font. S’il n’y avait pas eu de médecins, il n’y aurait pas eu de malades : car c’est par les médecins, et non par les malades, que la société a commencé. Ceux qui vivent, vivent des morts, et il faut aussi que la mort vive. Il n’y a rien comme un asile d’aliénés pour couver doucement la mort, et tenir en couveuse les morts. Cela a commencé quatre mille ans avant Jésus-Christ, cette technique thérapeutique de la mort lente. Et la médecine moderne, complice en cela de la plus sinistre et crapuleuse magie, passe ses morts à l’électrochoc ou à l’insulinothérapie, afin de bien, chaque jour, vider ces haras d’hommes de leur moi, et de les présenter ainsi vides, ainsi fantastiquement disponibles et vides, à d’obscènes sollicitations anatomiques et atomiques… J’y suis passé et ne l’oublierai pas. » 

(Antonin Artaud)

Voir aussi dans ce blog :
 http://emagicworkshop.blogspot.fr/2012/08/sans-toi-ma-fievre-je-suis-bien.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2015/09/la-sante-nietzsche.html

Et peut être aussi (même auteur, autre sujet)
https://youtu.be/C3lMGhWFo-A

samedi 19 septembre 2015

Seuls ensemble

Pour entrer en contact avec ceux qui sont loin nous avons d'abord envoyé des lettres puis des télégrammes  avant que le téléphone permette d'entendre les voix. Ces techniques étaient des substituts : elles étaient mieux que rien quand il était impossible de se voir en tête à tête. Mais nous avons très vite commencé à préférer parler au téléphone plutôt que de se voir. Dès les années 70, nous n'étions jamais très loin de nos téléphones, car l'arrivée des répondeurs téléphoniques nous invitait déjà à surveiller tous nos appels entrants. Les gens apprenaient à laisser le téléphone sonner et à "laisser le répondeur décrocher à leur place". 
A l'étape suivante de cette histoire, c'est la voix elle même qui disparut  des messages quand il devint plus rapide de communiquer par écrit. Les emails permettaient de mieux contrôler son temps et l'exposition de ses émotions. Mais même les mails n'étaient plus assez rapides. 
Avec l'arrivée de la connectivité mobile (les textos, les tweets) nous pouvons maintenant parler de nos vies presque aussi vite que nous les vivons et nous pouvons "traiter" les gens aussi vite qu'on le souhaiteL'écoute elle, ne peut que nous ralentir. Nous nous exprimons par salves de messages lapidaires, mais nous en envoyons énormément, souvent à plusieurs destinataires à la fois. Nous en recevons encore plus de réponses- et l'idée de communiquer autrement que par écrit finit par paraître épuisante. De plus, Par texto, par chat ou par email, on peut ne dire que ce que l'on veut dire et cacher le reste. On peut se présenter comme on veut "être vu". Nous rêvons de n'être jamais seuls et de toujours contrôler la situation.  En ligne, nous trouvons facilement "de la compagnie", mais l'exigence d'être en représentation permanente nous épuise. Nous aimons être toujours connectés, mais on nous accorde rarement une attention totale. Nous touchons un public quasi instantanément mais affadissons notre propos par le formatage bref ou l’utilisation d’abréviations, d'émoticônes. Nous faisons de nouvelles rencontres, mais elles nous paraissent instables, toujours susceptibles d'être mises sur "pause" si une meilleure occasion se présente.
Nous aimons penser qu'Internet nous "connait" mais nous payons ceci de notre vie privée et laissons derrière nous des traces numériques qui peuvent être exploitées politiquement et commercialement. Internet est un régime de surveillance qui n'oublie jamais rien. Cette idée est si intolérable qu'on fait comme si de rien n'était.

Le système est en train de se retourner contre nous. Comme aurait pu le dire Shakespeare, aujourd'hui "Ce qui nous nourrit nous consume". 

D'après "Seuls Ensemble". Sherry Turkle. Editions l'Echappée
Isaac Cordal. The office
'../... une pure accumulation de données finit par saturer et obnubiler, comme une espèce de pollution mentale. En même temps, les relations réelles avec les autres tendent à être substituées, avec tous les défis que cela implique, par un type de communication transitant par Internet. Cela permet de sélectionner ou d’éliminer les relations selon notre libre arbitre, et il naît ainsi un nouveau type d’émotions artificielles, qui ont plus à voir avec des dispositifs et des écrans qu’avec les personnes et la nature. Les moyens actuels nous permettent de communiquer et de partager des connaissances et des sentiments. Cependant, ils nous empêchent aussi parfois d’entrer en contact direct avec la détresse, l’inquiétude, la joie de l’autre et avec la complexité de son expérience personnelle. C’est pourquoi nous ne devrions pas nous étonner qu’avec l’offre écrasante de ces produits se développe une profonde et mélancolique insatisfaction dans les relations interpersonnelles, ou un isolement dommageable'.
Le Pape. Encyclique Laudato si'
Hyperconnectivité. Waldemar von Kazak
Zuckenberg et ses fans
Hillary Clinton et ses fans
Voir aussi sur ce blog : 
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2013/12/facebook.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2014/04/rezos-sociaux.html

Et aussi : http://culturainquieta.com/es/lifestyle/item/8685-25-ilustraciones-satiricas-sobre-nuestra-adiccion-a-la-tecnologia.html

samedi 12 septembre 2015

La santé (Nietzsche)

"En soi, il n'y a point de santé et toutes les tentatives pour donner un nom à cette chose ont misérablement avorté. Il importe de connaître ton but, ton horizon, tes forces, tes impulsions, tes erreurs et surtout l'idéal et les fantômes de ton âme pour déterminer ce que signifie la santé, même pour ton corps. Il existe donc d'innombrables santés du corps; et plus on permettra à l'individu particulier et incomparable de lever la tête, plus on désapprendra le dogme de "l'égalité des hommes", plus il faudra que nos médecins perdent la notion d'une santé normale, d'une diète normale, du cours normal de la maladie. Et, alors seulement, il sera peut-être temps de réfléchir à la santé et à la maladie de l'âme et de mettre la vertu particulière de chacun dans sa santé : la santé pourrait ressembler chez l'un au contraire de la santé chez l'autre. Finalement, la grande question demeure ouverte de savoir si nous pouvons nous passer de la maladie, même pour le développement de notre vertu et si notre soif de connaissance et de connaissance de soi, en particulier, n'a pas autant besoin de l’âme malade que de l'âme bien portante : en un mot, si la seule volonté de santé n'est pas un préjugé, une lâcheté, et peut être un reste de la barbarie la plus subtile, de l'esprit rétrograde le plus fin."

Friedrich Nietzsche. Le Gai Savoir. article 120.
Lire aussi dans ce blog : 

mercredi 9 septembre 2015

Black dog depression

Mattew Johnstone
Mattew Johnstone n'est ni psychologue, ni psychologue ni psychiatre, mais il connait la dépression , qu'il appelle son chien noir, depuis plus de 20 ans. Même s'il s'en est 'sorti' il sait qu'il doit en permanence gérer ce 'chien noir' qui le suit.


"Lors que nous souffrons, physiquement ou psychiquement, notre première idée est de se soustraire aux effets de la douleur. Nous essayons d'évacuer, de nier, d'oublier et nous faisons rarement face à ce qui nous torture. Pour Matthew Johnstone,  face à la dépression, accepter ce qui nous arrive est une attitude payante, car intégrer nos souffrances c'est leur accorder une place parmi les autres choses (positives) qui composent notre vie . Cette remise en place permet de continuer à vivre pour que ça aille mieux . Laisser venir le chien noir, c'est apprendre à le connaitre, savoir l'apprivoiser et le remettre à sa place. 
"Lorsque le chien noir vient vers moi, je ne gâche plus mon énergie à l'éloigner et à faire comme s'il n'était pas là. Je lâche prise sur certaines choses car je sais qu'il va s'éloigner et que je reprendrai le dessus, comme toujours. Il est très important d'apprendre à gérer sa dépression en faisant de l’exercice, en se reposant suffisamment et en mangeant correctement. Il n'y a pas de recette miracle qui convienne à tous, mais parler à son médecin, à sa famille ou même avec un groupe de parole est d'une aide précieuse. Comme un chien méchant, le chien noir doit être éduqué et dressé."

 Matthew Johnstone auteur/illustrateur qui a connu lui-même une grave dépression nous explique  dans la  vidéo ci dessous réalisée  à partir de ses illustrations comment gérer la dépression.  Il a utilise la métaphore du chien noir pour la représenter dans son livre « I had a black dog » d’où est extraite cette animation. 
Avertissement, ceci est un message de l'OMS et l'illustration musicale peut déprimer certains de nos auditeurs.
https://www.youtube.com/watch?v=XiCrniLQGYc




vendredi 4 septembre 2015

La pudeur

Howard Lefthand

La pudeur est un sentiment «normal», une réalité sociale : on n’arrive pas en maillot de bain à une soirée entre amis, on ne déambule pas nu dans la rue. La pudeur est liée au respect de soi, de son intimité. La honte, en revanche, relève de la dépréciation de soi, de la culpabilité, de la faute. Mais la frontière entre l’une et l’autre n’est pas toujours très claire


"Des travaux anglo-saxons considèrent la pudeur comme l’angoisse de la honte. Pour d’autres, la pudeur installe une démarcation entre le montrable et le non-montrable, le partageable et le non-partageable. Alors sans pudeur, il n’y aurait pas de honte.

Il n’est pas aisé de les distinguer l’une de l’autre. Honte et pudeur sont présentes toutes deux dans la relation : on n’est pas plus honteux seul que l’on n’est pudique seul. Elles mettent l’une et l’autre au premier plan la dimension sexuée du corps, saisi d’abord dans sa nudité. Toutes deux sont sous la dépendance du regard, mais le regard honnisseur juge, réduit le sujet au rang d’objet, de déchet, tandis que le regard de la pudeur assure un rôle de protection et de modulation du désir. La pudeur voile, la honte révèle une image mensongère que le sujet entend donner de lui. Mais toutes deux, à leur façon, protègent le narcissisme. Si elles participent à la construction du sujet et à la mise en place de l’altérité, notons cependant que la honte vient révéler une blessure ou une défaillance narcissique, tandis que la pudeur témoigne de la qualité de la relation d’objet, révélant l’existence d’un espace de discontinuité par rapport à l’autre, dont l’existence n’est pas évidente, lorsque c’est la honte qui se manifeste.

Ainsi, on peut dire que la honte et la pudeur sont toutes deux à l’interface entre le sujet et l’autre, l’une, la honte, côté narcissisme, relevant plus de la répression, l’autre, la pudeur, côté objectal, plutôt manifestation d’un refoulement partiel intermittent. Entre ces deux bornes, ou peut-être plutôt ces deux enveloppes, se spécifie l’espace de l’intime."

vendredi 7 août 2015

Douleurs

"il n'y a qu'une douleur qu'il soit facile de supporter, c'est celle des autres. » 
Ces paroles sont de René Leriche, chirurgien et physiologiste français, spécialiste de la douleur (1879-1955). 


Autant il est facile de trouver des dissertations et des écrits sur la douleur, autant il est délicat pour tous ceux qui souffrent de trouver les mots pour le dire. 


La douleur individuelle n'a pas de mots, mais le souci de disséquer le pourquoi et le comment de la douleur est une constante du discours sur soi occidental. Chaque époque, appréhende, comprend et représente la douleur d'une manière qui lui est propre et nous propose ses approches de la douleur tout en ne voulant rien savoir de nos douleurs intimes.
La philosophie doloriste nous montre la souffrance comme une forme d'étalon de la vie. "Je souffre, donc je suis..." . Pour Nietzsche par exemple la douleur est connaissance de soi-même, du monde. Elle évite de vivre une existence anesthésiée et permet de rencontrer la pleine humanité sensible, spirituelle et artistique. 
Pour la médecine, la douleur est un signe physiologique de la présence de la vie dans le corps, un indice important du combat contre la maladie. La douleur est 'utile' comme un signal qui nous avertit des menaces de la maladie.
A cet éloge médical de la douleur, s'ajoute une théologie de la souffrance. Pour le chrétien , la souffrance patiemment endurée a toujours été considérée comme une richesse. La douleur est un moyen de se rapprocher de Dieu par l'intermédiaire d'une identification au Christ, et la seule façon d'expier ses péchés. Le fidèle chrétien doit endurer avec un fatalisme béat jeûne, chasteté, privations, pénitence, retraite et compassion avec les plus démunis. 
Dans notre société contemporaine qui pratique le culte des corps et ne cesse d'euphémiser la violence des rapports sociaux, le sport est aujourd'hui l'un des ultimes refuges de la douleur. Les sportifs de haut niveau acquièrent la volonté de nier la souffrance tout en l'affrontant pour la sublimer en énergie suprême. Il faut bien sûr distinguer douleur consentie (comme le sport) et douleur subie (blessure, deuil...), mais en fin de compte, philosophie, médecine, sport et religion nous vendent leurs théories et leurs explications pour enrôler nos douleurs muettes et nous dire "ne vous plaignez pas", vos souffrances ont un sens. Car comme toujours, "les autres, ça ne fait pas mal".

D'après "En d'atroces souffrances" Antoine de Baeque.Alma Editeur. 2015

« La douleur ne protège pas l'homme. Elle le diminue. » Rene Leriche
« La santé est la vie dans le silence des organes. » 
Rene Leriche

Henriette Valium
"Tout avait explosé dans une lumière jaune. Inconcevable. Inconcevable qu'un seul coup puisse causer une telle souffrance! .../...Jamais pour aucune raison au monde on ne pouvait désirer un accroissement de douleur. De la douleur on ne pouvait désirer qu'une chose, c'est qu'elle s'arrête. Rien au monde n'est aussi pénible qu'une souffrance physique. "Devant la douleur il n'y a pas de héros, aucun héros.". George Orwell 1984

Ce que l'on sait de la douleur
https://lejournal.cnrs.fr/articles/ce-que-lon-sait-de-la-douleur?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#Echobox=1550764932

mercredi 5 août 2015

culs



Araki
IRENE, Erotic Fanzine 3, Katarina Soskic ©
Amanda Charchian


Lucien Clergue
Jan Saudek
Dani Olivier

Blumenfeld + Michel Ange + Oz

Serrano

samedi 25 juillet 2015

Nietzsche et la Grande Santé. Olivier Razac

Après la santé par le régime qui rétablit l’équilibre des humeurs selon Hippocrate, la santé thermodynamique des hygiénistes du XIXème siècle, et avant nos ‘systèmes de santé sociaux’  qui visent à ‘réduire les risques’ des populations, Olivier Razac nous propose et nous décrit le modèle de ‘la grande santé’ de Nietzsche.
Maux de têtes atroces, coliques récurrentes, Nietzsche a passé sa vie à souffrir. Et voilà pourtant l’inventeur de « la grande santé » comme expression d’une volonté de puissance qui n’a pas grand-chose à voir avec la « bonne » santé . La grande santé est une santé ‘active’ par opposition à la santé ‘réactive’ qui se borne à éloigner et combattre les maladies. La grande santé pose la question de la finalité de nos vies : sommes-nous des bougies qui se consument ou bien des flammes qui éclairent ? Devons-nous souhaiter que rien ne nous arrive, ou plutôt « pourvu qu’il nous arrive quelque chose ».

Pour Nietzsche, « Vouloir se conserver soi-même est l’expression d’une situation de détresse, d’une restriction apportée à l’impulsion vitale qui, de sa nature, aspire à une extension de puissance et par là même souvent met en cause et sacrifie la conservation de soi ». Face à une médecine réactive, Nietzsche cherche donc une méthode, un régime, une ascèse, qui soient en faveur des forces actives. La médecine affirme que la conservation est l’instinct vital primordial parce qu’elle interprète le corps d’une façon réactive. Du point de vue des forces actives, la conservation n’est pas l’essence du vivant. Le corps ne veut se conserver que pour exercer sa volonté de puissance. …/… La grande peur, le grand dégoût de Nietzsche, c’est que l’homme puisse dégénérer de la sorte. Non pas qu’il devienne un mauvais soldat un mauvais travailleur, un mauvais citoyen, mais au contraire qu’il devienne l’individu rêvé par les militaires, les industriels et les politiciens, bref le corps conçu par les hygiénistes du XIXème.
« La grande santé donne à l’esprit lire le privilège périlleux de vivre à titre d’expérience et de s’offrir à l’aventure ». C’est pourquoi Nietzsche donne une place essentielle à la maladie. Nietzsche met en doute l’idée même de bien-être et de guérison comme idéaux et comme buts à atteindre. La « guérison » n’a de sens qu’en intégrant la maladie. »La possibilité d’atteindre à des buts élevés est fournie par l’apparition de natures dégénérescentes et, en conséquence, d’affaiblissements et de lésions partielles de la forme stable ; c’est justement la nature plus faible qui, étant plus subtile et libre, rend possible le progrès quel qu’il soit. La maladie n’est plus vécue comme un malheur, mais comme un danger à courir qui est la condition d’une vie puissante.
La « grande santé » est la capacité de faire des expériences toujours nouvelles. Elle n’est ni une chose que l’on possède, ni une puissance de production mais une puissance de dépense. L’affirmation du devenir est un dépassement de soi comme la conservation en est la négation. « Faites tout ce que vous voudrez, mais soyez d’abord capables de vouloir »

Ainsi parlait Zarathoustra…

D’après ‘La grande Santé’ essai de Olivier Razac. Paru chez Climats en 2006.


Voir aussi sur mon autre blog : http://sansdire.blogspot.fr/2015/07/olivier-razac-la-grande-sante.html
 

lundi 13 juillet 2015

Salle de shoot

La même substance peut être poison ou médicament, source de plaisir ou de souffrance. Pourtant au vu de la loi les utilisateurs de drogues sont traités comme des malades ou comme des délinquants. Petite histoire de la consommation de drogues et du traitement des  usagers d'opiacés.

Depuis 1916 seul l’usage de stupéfiants en société était pénalisé mais l’usage solitaire ou privé n’était pas condamné .

1970 fut l’année de la création du délit d’usage de stupéfiant (L628). Cette loi est avant tout destinée à lutter contre la « déchéance morale », « la société de tolérance qui empoisonne la jeunesse ». Faisant suite aux évènements de 68 La loi de 70 s’est donné pour but de restaurer l’autorité des adultes. La loi de 1970 a vendu la question des drogues comme opposant le bien et le mal, la décadence morale à l’ordre social. Son but est de compliquer à l’extrême la vie des consommateurs de stupéfiants pour les pousser à suivre un traitement médical. L’usager doit être mis dans l’inconfort et le malheur, afin de devenir demandeur de soins et de repentance. L’image répulsive des drogues implique la stigmatisation et l’exclusion de leurs usagers. Cet effet répulsif –dont l’efficacité est relative si on considère l’augmentation continue de la croissance de masse dans le monde – n’est rien d’autre que la méthode moyenâgeuse de mise au pilori : il faut laisser ces parias, les usagers de drogue dure, consommer et mourir dans des conditions indignes, pour qu’ils restent un repoussoir pour la société.


1980 La grande peste du SIDA fait des ravages parmi utilisateurs de drogues injectables. Aujourd'hui l’injustice du sida liée à la connerie de la  politique de la stigmatisation des drogues me fait honte d’avoir eu honte de ces années d’injection.

1987 Autorisation de vente libre des seringues. Les opposants à la libération des seringues sont nombreux : la majorité des professionnels de santé, les pharmaciens, l’IGAS (inspection Générale des Affaires Sociales), la commission des stupéfiants… Tous luttent pied à pied pour une « vraie » prise en charge des usagers (le sevrage) et considèrent que toute libéralisation constitue un pas vers une dangereuse légalisation, ou une incitation à l’usage.
En l’absence de traitements de substitution aux opiacés (TSO), les usagers utilisent des produits codeïnés vendus sans ordonnance [le corps métabolise la codéïne en morphine]. Ainsi la vente du Néo-Codion a explosé dans les années 90. Huit millions en 1990 , douze millions en 1994 , dont 80% utilisés en auto-substitution.

1995 généralisation des traitements de substitution. (Methadone, Subutex). Le Subutex (buprénorphine haut dosage) peut être prescrit dans le cadre de la médecine libérale, mais ne fait pas l’objet de préparation injectable en France. La buprénorphine n’est pas classée comme stupéfiant (malgré la fatwa prononcée à son encontre par l’OICS – Organisation Internationale de Contrôle des Stupéfiants - ).

2002 Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur déclare : « rien ne sera toléré […]. Il n’y a pas de petite consommation personnelle, il n’y a pas d’expérience individuelle, il n’y a pas de jeunes libres et branchés. »

2004 Institutionnalisation de la réduction des risques. Depuis le débat national sur les salles de consommation continue d’exacerber les tensions entre les tenants de la guerre à la drogue et les partisans de la réduction des risques.

2016
la premières salle de shoot ouvre à Paris le 14 octobre http://www.europe1.fr/societe/la-1ere-salle-de-shoot-va-ouvrir-mardi-a-paris-2868958#xtor=CS1-15


Sources : Salles de shoot. Editions de la Découverte.

Auteurs : Pierre Chappard a présidé Act Up-Paris de 2009 à 2011. Il est actuellement président de PsychoACTIF et coordinateur du Réseau français de réduction des risques.
Jean-Pierre Couteron est psychologue clinicien et président de la Fédération Addiction
http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Salle_de_shoot-9782359250688.html
http://www.rvh-synergie.org/ressources-et-informations-pratiques/methadone-centres-de-prescription-en-france.html
http://www.federationaddiction.fr/la-federation/nos-partenaires/reseau-francais-de-reduction-des-risques/
Un bon site sur les opiacés (en anglais) http://factsanddetails.com/world/cat54/sub348/item1218.html

mercredi 8 juillet 2015

Intimités

Intime est le superlatif de intérieur
L'intime est ce qui est au fond, ce qui est caché, personnel, essentiel, réservé, préservé, non communicable. 
Par nature l'intime est subversif car il ne se s'expose pas aux censures aux jugements des regards extérieurs. 
L'intime pourrait être la matérialisation physique de l'âme, sa trace, son oeuvre, son corps. 
Toute la question est de savoir qui peut partager l'intime et jusqu'où ?
Petit exemple de confession intime toute personnelle : 
" 1963. J'entends encore les mystérieux claquement de latex des préservatifs préliminaires aux craquements de lit, aux  grincements de sommier et aux gémissements parentaux que je cherchais à distinguer, à attribuer.  Qui peut gémir ainsi ? est-ce ma mère ou bien mon père ?
Un matin que je demandais l'origine de ces bruits nocturnes, mon père, gêné, me répondit "maman a eu une indigestion". L’indigestion pour moi, se caractérisait par la diarrhée et le vomi dont je cherchais en vain des traces. Pourtant j'avais découvert sous le traversin du lit parental une boîte de plastique 'hygiénique' rose où devaient se cacher les capotes paternelles. De même, chaque mois je voyais  sans comprendre sécher à l'étendage les serviettes rouillées des menstrues de ma mère. 
A cette époque les garçons naissaient encore dans les choux et les filles dans les roses. Du haut de mes six ans mon regard s'arrêtait forcément sur les ventres énormes des amies de ma mère quand elles avaient 'commandé un bébé' - selon l'expression retenue-. Très logiquement j'avais demandé à quel magasin s'adressaient ces dames. Je ne me souviens plus de la réponse, mais le jeudi quand j’accompagnai ma mère au Monoprix, je cherchais le rayon des "commandes". Rayon pour dames, rayon enfants, rayon secrets." 

Que faire des révélations intimes? Qui s'en soucie, qui peuvent elles gêner ? 
Les garder pour soi peut être lourd et pénible : 
" Si tu protèges avec trop de tendresse le jardin secret de ton âme, il peut facilement se mettre à fleurir de façon trop luxuriante, à déborder au-delà de l’espace qui lui était imparti et même à prendre peu à peu possession dans ton âme de domaines qui n’étaient pas destinés à rester secrets. Et il est possible que toute ton âme finisse par devenir un jardin bien clos, et qu’au milieu de toutes ses fleurs et ses parfums elle succombe à sa solitude. " Schnitzler 1927 dans le recueil " Dits et réflexions " (Buch der Sprüche und Bedenken).

Mais quand tout est dit, ça n'est pas toujours plus simple. Comme chacun sait, toute vérité n'est pas bonne à dire et la confession peut se retourner contre son auteur. Cela est vrai au niveau familial ou privé mais aussi pour l'ensemble de la société. Ainsi Pierre Pachet* s’interroge sur le besoin de préserver l’intime face à un État qui prétend contrôler jusqu’à la pensée des gouvernés. Est-ce un hasard si c’est sous la Terreur qu’est apparue la pratique du journal intime « parole abritée, méditative, désireuse de se constituer en tribunal intérieur en récusant les jugements publics » ?

Voilà, c'est tout pour aujourd'hui et vous, dites moi tout !

Ozias

*Pierre Bachet  http://www.lebruitdutemps.fr/_livres/Barometres%20de%20l%20ame/Index.htm

vendredi 26 juin 2015

La grande santé

Pietà. Dernière oeuvre de Titien
La grande santé, selon Nietzsche, c’est savoir accueillir le tragique de l’existence. La grande Santé est également le titre d'un livre de Olivier Razac paru en 2006. C'est aussi le titre du récit de Frédéric Badré dernièrement paru aux éditions du Seuil. En 2012, Frédéric Badré, peintre et littérateur apprend qu'il est atteint de SLA, une maladie neurologique dégénérative qui lui fait perdre peu à peu l'usage de ses muscles, de son corps. Dans son livre il raconte comment il s’accommode de sa maladie, et l'usage qu'il en fait. "Mon corps se suicide. J'ai beau me trouver en complet désaccord avec lui, je vois bien qu'il ne se range pas à mes raisons." Malgré «lui» il apprend à vivre "avec lui". Il nous parle de la force vitale qui s'éveille au fur et à mesure que la maladie progresse. D'où ce titre "La grande santé". Sa démarche rappelle Nietzsche dans 'Ecce homo': « La maladie me libéra lentement : elle m’épargna toute rupture, toute démarche violente et choquante. […] La maladie me conféra du même coup le droit à un bouleversement complet de toutes mes habitudes : elle me permit, elle m’ordonna l’oubli ; elle me fit le cadeau de l’obligation à la position allongée, au loisir, à l’attente et à la patience…Mais c’est cela qui s’appelle penser » .
Edward Watson interprétant Gregor Samsa

Tout au long de son livre Frédéric Badré partage avec nous ses trésors artistiques et particulièrement sa lecture de 'La métamorphose' de Kafka par laquelle il aborde la question délicate des rapports du malade avec son entourage.

Frédéric Badré nous le dit: "Ce que je ne peux pas partager [avec mon entourage], c'est la monstruosité."
Gregor Samsa, monstrueux héros de Kafka métamorphosé du jour au lendemain en cafard, est une métaphore douloureuse de la séparation avec le monde qu'impose le changement de la maladie. 
"La métamorphose met en scène la violence des rapports familiaux" et montre aussi la façon dont "l'étrangeté trouve sa place dans la normalité".  

p131 "Grégor ne se voit pas comme un gros scarabée. Dans sa tête il reste le Grégor qui aime sa famille, son travail et qui voudrait payer les études de sa soeur". p134 "Comme Grégor, qui ne sait plus vraiment, en son for intérieur, s'il est un homme ou un scarabée, je risque à mon tour de perdre mes repères." p135 "après l'insignifiance, voici venu [Pour Grégor] le stade du bouc émissaire. On n'hésite plus à le brutaliser. Une godasse vient blesser sa carapace. Clopinant, Grégor se réfugie dans son antre poussiéreux, réduit à presque rien." 
Puis dans la vraie vie p138 "La vie suit son cours. Papotages, rires, disputes aussi, discussions sur les activités des uns et des autres. Je les regarde comme Grégor écoute le récital de violon de sa soeur. Je participe intérieurement aux conversations. Je lance des phrases qui ne sortent pas de ma bouche. Elles se brisent sur cette cage de verre invisible qui m'enferme. Une analyse remarquable qui met en évidence la profondeur de la nouvelle de Kafka et qui dit avec sensibilité et tact le drame et la force de Frédéric Badré. 
"La grande santé, s'exprime dans un rapport particulier à la dépense où le sacrifice joyeux vient remplacer la comptabilité inquiète." *

Ozias

Notes :
Pendant mon traitement j'avais ressenti cette congruence entre l'état de Grégor et la condition du malade:
http://www.huffingtonpost.fr/olivia-phelip/la-grande-sante-frederic-badre-sla_b_7208190.html