Howard Lefthand |
La pudeur est un sentiment «normal», une réalité sociale : on n’arrive pas en maillot de bain à une soirée entre amis, on ne déambule pas nu dans la rue. La pudeur est liée au respect de soi, de son intimité. La honte, en revanche, relève de la dépréciation de soi, de la culpabilité, de la faute. Mais la frontière entre l’une et l’autre n’est pas toujours très claire
Il n’est pas aisé de les distinguer l’une de l’autre. Honte et pudeur sont présentes toutes deux dans la relation : on n’est pas plus honteux seul que l’on n’est pudique seul. Elles mettent l’une et l’autre au premier plan la dimension sexuée du corps, saisi d’abord dans sa nudité. Toutes deux sont sous la dépendance du regard, mais le regard honnisseur juge, réduit le sujet au rang d’objet, de déchet, tandis que le regard de la pudeur assure un rôle de protection et de modulation du désir. La pudeur voile, la honte révèle une image mensongère que le sujet entend donner de lui. Mais toutes deux, à leur façon, protègent le narcissisme. Si elles participent à la construction du sujet et à la mise en place de l’altérité, notons cependant que la honte vient révéler une blessure ou une défaillance narcissique, tandis que la pudeur témoigne de la qualité de la relation d’objet, révélant l’existence d’un espace de discontinuité par rapport à l’autre, dont l’existence n’est pas évidente, lorsque c’est la honte qui se manifeste.
Ainsi, on peut dire que la honte et la pudeur sont toutes deux à l’interface entre le sujet et l’autre, l’une, la honte, côté narcissisme, relevant plus de la répression, l’autre, la pudeur, côté objectal, plutôt manifestation d’un refoulement partiel intermittent. Entre ces deux bornes, ou peut-être plutôt ces deux enveloppes, se spécifie l’espace de l’intime."
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