jeudi 4 septembre 2014

Mélancolies

Albrecht Dürer. Mélancholia.
Septembre est le premier mois d'automne et l'automne est la saison de la mélancolie.  
La mélancolie peut se définir comme une crainte, une tristesse liée à une humeur particulière du corps, une disposition de l'esprit. 
Aventure du narcissisme ou deuil non surmonté selon Freud, la mélancolie nous renvoie à nos énigmes. Énigme de notre finitude; énigmes de la mort et du langage; énigme du rapport de l'âme au corps (ou de l'esprit à la matière). Ces énigmes exposent au mal de vivre. Mais sans ce mal, peut on vivre bien ?

La mélancolie est associée au noir au  pesant, à l'automne au 'jamais plus', au crépuscule et à l'océan, le labyrinthe le gouffre. Ses thèmes multiples traversent les siècles. Contrairement à la tristesse qui est monotonie, la mélancolie est protéiforme et se révèle pleine de créativité. A la plate sagesse des gens des gens rassis, le mélancolique oppose une sagesse paradoxale qui ne redoute ni la contradiction, ni l'excès : "on jouit de ce qui n'est pas commun, même quand cette chose est un malheur". De cette façon, par la lucidité qu'elle autorise, la mélancolie en dépit de ses dangers, ou grâce à eux précisément permet de mieux voir le monde. L'état mélancolique est bien autre chose qu'une maladie : le malaise naît en même temps que la culture, lorsque l'homme se découvre double, duel et portant l'autre en soi. La création artistique notamment naît d'une altération qui le travaille au plus intime. Le mélancolique est l'homme des rêves et rêveries, des fictions et des chimères. De l'allégorie aussi qui produit des êtres autres.  
La question soulevé par le mélancolique est redoutable : "peut on donner un sens à la souffrance ?".  Cette approche, au passage, me parait caractéristique du christianisme pour lequel la "pitié rend sage"  et pour qui la souffrance rachète le péché. Ainsi pour nombre d'artistes, la plainte ne signifie pas seulement qu'on souffre, mais que la souffrance est signifiante. Il semble que l'affliction poussée à un certain degré déploie une énergie qui incite à l'oeuvre d'art. On retrouve ici une idée que Rilke exprime à sa manière: "un monde naquit de la plainte, un monde où tout fut recrée".  Les mot, les images peuvent l'emporter sur le vécu : de l'impossibilité de vivre, on passe alors à la possibilité d'en parler. Ainsi je ne peux m'empêcher de penser que l'art thérapie est une forme médicalisée de la mélancolie créatrice.
Source : Mélancolies. Yves Hersant.
A consulter aussi : http://litterature2point0.blogspot.fr/2010/12/melancholia-premiere-partie_4426.html
https://www.franceculture.fr/conferences/universite-de-nantes/la-melancolie-est-une-maladie-qui-permet-de-voir-les-choses-comme

Bons mots :
"Le seul plaisir que s’autorise le mélancolique, et c’est un plaisir puissant, est l’allégorie." (Walter Benjamin Origine du drame baroque allemand).
"La mélancolie, c'est le bonheur d'être triste." (Victor Hugo)
"La mélancolie est une maladie qui consiste à voir les choses comme elles sont."
Paradoxe et vérité  'Gérard de Nerval)

"La mélancolie est la mélodie du néant". Sentences Létales de Nihil Messtavic


Illustrations :

Stosskopf. Vanité. 1641

Wan der Weyden. Détail

Lars von Trier. Mélancholia.














Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire