jeudi 30 janvier 2014

Nasty critics

Matisse. Pied sur bouse de génisse.
 Il est un sujet 'artistique' sur lequel peu de critiques d'art (dignes de ce nom) s'aventurent. Ce sont les œuvres mineures  des grands artistes. Je parle de ces œuvres que l'on croise dans les musées au détour des couloirs les moins fréquentés, les moins bien mis en valeur. La plupart du temps on passe heureusement sans les remarquer. Ce sont des petits formats, esquisses, ébauches, études ou sujets qui hors du contexte de leur création  ne présentent plus que peu d'intérêt. Ces travaux méritent un large détour. Y porter le regard fait se demander pourquoi ces objets sont là, dans la vitrine de musées nationaux, et qu'est ce qui dans leur facture, et mise à part la notoriété de leur auteur,  les distinguent de croûtes ou de plâtres dont je ne voudrais pas chez moi. 
Matisse. Vaisselle.
Un exemple. Matisse au musée de Grenoble. Un nom illustre, un géant de la peinture. Si l'on connait, on pense bien sûr aux 'aubergines' (cf ill ci-dessous).
Il y a ici pourtant ici dans un couloir une série d'assiettes que je trouve réellement mineures dans l'oeuvre de ce peintre. Pas vilaines, peut être, décoratives, certes, mais sûrement mieux à leur place dans une salle à manger de résidence secondaire cosy, dans la cuisine de Matisse  que dans les couloirs d'un musée national.
Il y a ce pied de bronze aussi. Lourd, peu lisible et détaché de tout contexte. Il évoque pour moi l'écrasage d'une bouse de génisse par un pied nu. 
C'est du Matisse... Bon d'accord. Mais on est bien loin ici des compositions dansantes et des raccourcis fulgurants que j'apprécie tant chez cet artiste. Je me demande même ce qu'il dirait en voyant ces travaux là mis en stèle, sous vitrine, et livrés à l’œil du public pour la postérité.
Matisse. Intérieur aux aubergines. Musée de Grenoble.  Chef d'oeuvre.


Même musée, autre exemple: Picasso.

Picasso, c'est un must pour tout musée. ça tombe bien, le maître a beaucoup produit. Trop même peut être. Par exemple,  je ne suis pas intimement persuadé que les trois statuettes de bronze présentées ci -contre soient un coup de maître...
Comprenez moi bien, je ne suis pas ici dans le "j'aime,/j'aime pas", mais dans la reconnaissance de ce que nous devons aux maîtres que j'essaie de débrouiller de l'idolâtrie qui est vouée à leur notoriété. Donner à admirer des œuvres qui ne sont pas admirables  me paraît toucher à l'ignorance (de ce qui est grand);  à la supercherie  (des canons sans intérêt)  et tend à encombrer les musées où trop de chefs d’œuvres contemporains (ou anciens) sont absents.
Picasso. Femme lisant. Musée de Grenoble. Une grande oeuvre.


Autre lieu de l'art moderne,  également peu visité par les critiques : le rayon encadrement et décoration de Castorama (ou Alinéa) .
Ici le choix des œuvres est fonction de leur taux de rotation dans le rayon. 
Les tableaux doivent donc plaire au plus grand nombre des consommateurs de ces magasins (soit beaucoup de monde comme vous et moi).  Les sujets sont neutres, zen ou trendy, et surtout sans volonté de choquer, de questionner. On baigne dans le consensuel. On trouve des fleurs (beaucoup), des villes sous la pluie ou dans la nuit, des guitares électriques (branché !) ou quelques chats plus ou moins rock. Les techniques picturales empruntent à la peinture du XXème siècle et même aux techniques mixtes des collages modernes (présence de boutons, de traînées de colle, d'éléments d'affiches arrachées) parfois quelques mots incompréhensibles jetés ça et là plantent le décor qui se veut 'moderne'. Voilà donc de quoi décorer un pan de mur entier, dans un esprit passe partout qui frôle le bon goût (enfin, mon mien), sans jamais y tomber. Excellent rapport qualité prix puisque ces images de grandes surfaces qui dépassent pour la plupart le 40x50cm sont proposées pour moins de cent Euros et se voient de loin. L'art devient un revêtement mural à l'instar de ceux que proposent les rayons peinture, moquette ou papier peint. Vides d'émotion, lavées à la machine, ces images livrent un message absent ou neutre, et dans le meilleur des cas se risquent à l'humour. Leur finalité , dans tous les sens du terme, est de meubler.





















Bref, l'art qui décoiffe et qui parle n'est pas toujours dans les musées et ne se vend pas en grandes surfaces. J'aime être surpris par l'oeuvre d'artistes inconnus. Plus encore j'aime les rencontrer les artistes outsiders tout en souhaitant les voir plus tard copiés dans leur style et exposés dans les musées.
A bientôt,
Ozias

vendredi 24 janvier 2014

Un bon mal

Je vais bien, tout va bien. Oui, et ça arrange tout le monde, ou presque.

Les médecins d'abord. Eux, ils veulent guérir la maladie, un point c'est tout. Pour ça, ils sont irremplaçables. Par contre, pas question pour eux d'admettre que le foie ça fait mal, ou que les nausées puissent être dues à un foie qu'ils ont soigné, pardon, qu'ils ont guéri. 
Tout ça me fait penser au garagiste à qui je veux faire entendre un bruit qui siffle au freinage de ma voiture. Sourdingue. "Ah si, peut être...mais alors, c'est le turbo de filtre à air qui siffle un peu, ça" .. En tout cas,  impossible ,que ça vienne des plaquettes de freins qu'il vient de changer. Non, c'est pas chez lui !
Des douleurs, c'est pareil. Possible peut être, mais alors, c'est pas le foie. Ah non, pas ça ! "Le foie ça ne fait pas mal".  Un foie, c'est comme un ministre " ça ferme sa gueule ou ça se transplante" . Et puis, vu tout ce qui traîne autour du foie, il y a forcément d'autres organes, dans le coup,  et c'est sûrement de ce côté là qu'il faudrait voir. Le ressenti, les notes du patient , n'ont pas de valeur, pas d'importance. Le diagnostic  appartient à la médecine, et même les erreurs de diagnostic. Il ne manquerait plus que les malades se mêlent de leur maladie. Ni auto diagnostic , ni suivi perso ! Non mais !

"Ah ! Tu as bien meilleure mine que l'autre fois !".
Je me sens pourtant bien à plat alors, qu'est ce que ça devait être l'autre fois !...  Pour mon entourage, enfin, pour ceux qui me connaissent moins, ça n'est pas la maladie qui fatigue. Non. Un foie même bien entamé, ça ne doit pas faire de différence. 
Eux aussi sont fatigués, dorment mal, trop ou pas assez, manquent de concentration. On m'envierait presque de perdre 20 kilos sans régime ni efforts. Si je suis fatigué c'est parce-que je vieillis, comme tout le monde. Quand je dis que je faisais infiniment plus de choses il y a deux ans, et sans fatigue, on me rappelle que c'est normal parce-que en deux ans j'ai vieilli, et que justement, c'est parce-que j'en ai trop fait avant qu'aujourd'hui je suis fatigué. Je ne fais que payer mon hyperactivité passée ! Je comprends bien que je ne dois m'en prendre qu'à moi même qui me suis usé prématurément et que je me plains sans raison.
A part ça,ça va. Juste un petit coup de barre, bien normal à cause de la saison, du mauvais temps, ou parce que je n'ai pas assez le moral. Bref, je suis prévenu, tout ça c'est dans la tête et d'ailleurs tout le monde a ses soucis de santé. Et même si tout le monde les raconte, ses soucis, et bien personne ne se plaint pour autant. Quand même ! 
Moralité :  on n'a jamais mal aux autres.


Santé !

Ozias

mercredi 22 janvier 2014

Opium... poison de rêve

Jean Cocteau. Opium. journal d'une désintoxication.
Aujourd'hui encore l'opium continue à fasciner. Le mot "Opium" évoque et cristallise à lui seul un monde d'aventures et de romantisme sombre. 
L'opium est un don du ciel. Le 'papaver somniferum' est  connu pour le traitement efficace de diverses maladies (asthme, dysenterie, malaria), comme pour sa faculté de soulager la douleur et celle de procurer l'ivresse thébaïque.
 "La science ne sait pas désunir les principes curatifs et destructeurs de l'opium".
L'euphorie, qui suit la consommation de l'opium repose avant tout sur l'effet des alcaloïdes dont les plus importants sont la morphine (10-14%), la codéïne, la narcéine..

 L'opium donne accès à un monde intérieur intemporel, fonctionnant profondément par associations, où la réalité et le rêve se fondent dans une expérience à la fois lucide et très intérieure.
Dans son mode de consommation  "L'opium est à l'opposé de la seringue Pravaz. Il rassure. Il rassure par son luxe, par ses rites, par l'élégance anti-médicale des lampes, fourneaux, pipes, par le mise au point séculaire de cet empoisonnement exquis." Jean Cocteau. Opium.

Aussi, indispensable à tout fumeur : Une cassolettes servant à épaissir l'opium liquide, la burette remplie d'huile afin d'alimenter le réservoir de la lampe. La lampe à opium, pour faire grésiller la boulette sur la flamme, un cache lampe, pour tamiser l'éclairage, les billots à arrondir l'opium et les aiguilles pour façonner la boulette et la présenter à la flamme sur l'entrée du fourneau, des ciseaux, des pincettes et autres objets servant à régler la hauteur de la flamme. Enfin, un grattoir, pour nettoyer fourneaux et aiguilles ainsi que la boîte à dross (pour récupérer le résidu recyclable de la première combustion). 
Nécessaire de voyage.  Fin du XIXème (Louis Vuitton ?)

Londres 1821, voici comment Thomas de Quincey, mangeur d'opium et écrivain nous décrit son expérience . 
"La nuit, lorsque je reposais dans mon lit sans dormir, de vastes processions défilaient avec une pompe lugubre, frises d'histoires interminables que je ressentais comme aussi tristes et aussi solennelles que si elles eussent été tirées des temps d'avant Oedipe et Priam. - d'avant Tyr- d'avant Memphis. A cette même époque, un changement correspondant se fit dans mes rêves : il semblait qu'un théâtre se fût soudain ouvert et illuminé dans mon cerveau, offrant chaque nuit des spectacles d'une splendeur plus que terrestre.
.../... "A mes architectures succédèrent des rêves de lacs et d'étendues d'eau argentées.../...[puis] les eaux changèrent de caractère: de lacs transparents qu'elles étaient, brillants comme des miroirs elles devinrent des océans et des mers. Alors se produisit un terrible changement, qui, se déroulant lentement comme un parchemin, pendant de longs mois, me promit une torture permanente; et en effet, elle ne me quitta plus que mon cas ne fût résolu. Jusqu'alors la face humaine avait été souvent mêlée à mes rêves, mais non de manière despotique ni sans aucun pouvoir spécial de me tourmenter..../... Sur les eaux mouvantes de l'océan commença à se montrer le visage de l'homme ! la mer m'apparut pavée d'innombrables têtes tournées vers le ciel. : des visages furieux, suppliants, désespérés, se mirent à danser à la surface, par milliers, par myriades, par générations, par siècles  ...
Thomas de Quincey. Confessions d'un mangeur d'opium.1821.

Et voici la description - bien différente -  qu'en fait Jean Cocteau dans Opium, le journal de sa désintoxication. Oeuvre géniale d'art thérapie écrit en 1928 à l'hôpital de Saint Cloud . 
"Il faudrait en finir avec la légende des visions de l'opium. L'opium alimente un demi-rêve. Il endort le sensible, exalte le cœur et allège l'esprit".
"Après avoir fumé, le corps pense..../..Le corps songe, le corps floconne, le corps vole. 
Le fumeur embaumé vivant".
"Le fumeur monte lentement comme une montgolfière et retombe lentement sur une lune morte dont la faible attraction l'empêche de partir".
"L'opium permet de donner forme à l'informe; il empêche hélas ! de communiquer ce privilège à autrui".
"Je ne suis pas un désintoxiqué fier de son effort. J'ai honte d'être chassé de ce monde auprès duquel la santé ressemble aux films ignobles où des ministres inaugurent une statue "
Jean Cocteau. Opium. 1928.



L'espace et le temps se dissolvent
Dans les cavernes des esprits
La peine et la joie s'évanouissent
Au rivage de nos îles fortunées

Jin Ping Mei (XVIIème siècle)

Enfin, pour finir en chanson, un bijou de la coloniale du temps de l'Indochine: "Opium, poison de rêve". 
      

Faites de beaux rêves...
Ozias

Crédits
Opium. Art et histoire d'un rituel perdu. F.M.Bertholet. Fonds Mercator.
Les confessions d'un opiomane anglais. Thomas de Quincey.
Opium. Journal d'une désintoxication. Jean Cocteau. 1928.

Addendum : fumeur d'opium 1906.

dimanche 19 janvier 2014

Poésie senryû et godemiché

Le Senryû est une forme poétique japonaise du XVIIIème siècle, proche du Haïku , composée de trois mesures et possédant un sens à lui seul. 
En 1718 à Edo (Tokyo) naît Karai Masamichi Hachiemon. responsable administratif et juge de première instance du quartier d'Asakura, il a par son métier une profonde connaissance de la vie des citadins. Il a également une étonnante culture poétique, venue de la pratique du Haïku. En 1757, il devient maître de poésie sous le nom de Senryû. En 1779, il reçoit 25000  soumissions de poèmes amateurs. 
Comment procédait il ?
Par des annonces chez des barbiers, épiciers, poissonniers et autre commerçants, il organisait des concours de Haiku (de Senryû) auquel participaient les auteurs amateurs membres de cercles poétiques de quartier. Ensuite avait lieu l'annonce des poèmes choisis par le maître sur des feuilles que les commerçants 'affiliés' affichaient au petit matin. Chacun des endroits autorisés à publier les choix du maître de poésie était assiégé dès le début de la nuit par des foules de candidats anxieux de voir au plus tôt si leur contribution avait été retenue. Sur une moyenne de 25000 poèmes portés à son jugement, Senryû choisissait cinq à six cents "gagnants" (2%) !. 
Puis Senryû  distribuait les prix. En premier lieux venaient ceux qui traitaient de nobles sujets tels que la patrie, ou l'esprit de sacrifice. "Catégorie du haut" ils donnaient droit  à 520 sous ou à 10 mètres de coton. Pourtant, les auteurs ne se pressaient guère et les badauds venus connaître les résultats ne prenaient même pas la peine de les lire.
Suivaient, les poèmes, de loin les plus nombreux, qui traitaient de la vie quotidienne dans tous ses aspects.  Cette catégorie "du milieu" rapportait 200 sous, ou des bols de riz laqués. 
Tout d'abord, voici un peu d'histoire et un exemple, de  catégorie "du milieu" pour saisir l'esprit du Senryû : 
Dans le Tokyo de cette époque, le peuple souffre d'une administration pesante et pointilleuse à l'excès. Comme il ne peut pas trop ouvertement brocarder les tenants du régime il recourt au senryû et à l'insinuation:

Fils de fonctionnaire,              
très vite et très bien apprend
à fermer le poing               (Y.1.6)

Explication: Quand un fonctionnaire de la municipalité vient d'avoir un fils, on se précipite pour présenter ses félicitations (on ne sait jamais quand on pourra avoir besoin des bons offices du père...). On admire avec quelle vigueur et quel ,entrain le bébé ouvre et ferme ses petits poings, et il ressemble tellement à son géniteur ! Ce poème est en fait une allusion cynique à la façon dont l'heureux père referme avidement la main sur quelques pièces d'argent discrètement passées sous la table par un administré désireux de faire avancer une demande ou expédier une formalité. 
Comme on voit, la satyre sociale et la moquerie sont l'esprit même du senryû.  


Les poèmes de la troisième catégorie "Le bout" de la publication, étaient consacrés à des considérations érotiques. Ils valaient aux auteurs sélectionnés 50 sous, ou un plat en bois.  
D'un point de vue historique, Il faut savoir qu'en contraste avec l'attitude européenne, dans le japon du XVIIIème, le godemiché  (harigata ), loin d'être méprisé fait l'objet de soins et d'attentions, parfois d'affection. Il est synonyme d'hygiène de vie. Une femme qui se procure du plaisir est forcément une femme qui entretient à la fois sa santé, sa bonne humeur... et sa fidélité. Le modèle de harigata le plus populaire à l'époque Edo est en corne de buffle. Il existe également en lanières de zuiki, mais les modèles les plus coûteux  et les plus recherchés sont ceux en écailles de tortue, parce qu'il suffit de les tremper dans l'eau chaude pour leur donner une tendresse irrésistible.  Voici donc quelques senryû de la catégorie "du bout",   quand il s'empare du thème du gode des veuves et de leurs consolations solitaires, sujet cher à l'univers érotique de Edo du XVIIème siècle.
     De ses propres doigts,               
     comme s'il était encore présent,
      la veuve en extase       (YH.36 )     
      
Parodie de Confucius (Analectes, Ba Yi, III,12): "[Confucius] faisait des offrandes à ses parents défunts comme s'ils étaient encore présents."

D'un godemiché                      
se contente pour suppléant  
la veuve sérieuse        (Y.42.10)  

En bas tout autant,                 
 les larmes de la veuve n'ont  
le temps de sécher         (YH.19)

Chose bien naturelle              
Son gode elle a trempé dans 
du saké chauffé                (S.4.8)

"D'où viens tu ?                      
De quel buffle, chéri ?     "    

Ma corne de buffle                 
s'est fendue, chuchote-t-elle
à son médecin                       (S.1.8)

D'une blessure de buffle     
le médecin doit soigner        
       nombre de victimes          (Y.24.20)


Les auteurs de senryû affirment que les clientes ont toujours tendance à commander des phallus une taille inférieure à celle de leur désir, suivant une fausse pudeur que le commerçant - s'il est bon - corrige de lui même.  Le vendeur, très galamment fait semblant d'être dupe, mais substitue les boîtes.  
D'un bon demi pouce       
                plus gros que la commande acheté
  le commissionnaire           
 ironise un senryû de l'époque Edo. 

L'appétit des dames du palais ou des veuves de l'époque est parfois tel que certaines dames n'hésitent pas "à se mettre à l'étroit" en commandant des godes aux formats exagérés. 
Si c'est le même prix      
je prends le plus épais,
dit la dame du palais    

Véritable 'dealer de godes', le kamamonoya (colporteur) vend ses produits au porte à porte. Il pousse la conscience professionnelle jusqu'à faire la démonstration de ses articles:  Il les agite devant la cliente en leur imprimant un mouvement si suggestif que...
Tout comme s'il était     
     doué de vie le fait s'activer
le colporteur                
    
Parfois même, certaines femmes demandent à se faire enterrer avec leur gode, dit on. C'est du moins ce que les satiristes prétendent...
Et que l'on enterre     
      aussi mon ami, agonise
la dame du palais      


Crédits: 
Haiku Érotiques. Traduit du japonais et présentés par Jean Cholley. Picquier Poche.
Les objets du désir au Japon. Agnès Giard. Editions Glénat. Drugstore. 2009

mercredi 15 janvier 2014

Shunga, en gros et en détail

Au temps du Japon ancien, les livres pour rire, livres d'oreiller, livres de printemps , etc ...étaient des recueils d'estampes destinées à réjouir les amateurs, ou à faire l'éducation des jeunes mariés avant la nuit de noces. On les trouvait dans les librairies, on pouvait en commander aux colporteurs, ou encore les emprunter à des libraires ambulants qui pratiquaient le prêt à domicile. Des peintres réputés comme Utamaro (1753-1806) ou Hokusai (1760-1849) ont produit de véritables chef-d’œuvres du genre.
Mon compteur me dit que vous aimez bien les 春画,  alors, je ne vous fais pas un dessin...














vendredi 10 janvier 2014

Cinquante ans de cinéma X

Pas le temps d'écrire cette semaine. Relâche cause trop de travail, et donc fatigue. 
Cadeau pour les curieux, une brève histoire du cinéma X. D'après un article signé Ismène de Beauvoir paru sur :
 http://www.gaite-lyrique.net/gaitelive/l-esthetique-du-x-l-insoutenable-legerete-de-la-chair


Entre la moustache fournie et les touffes de poils symboles du porno à papa 70’s et le pubis glabre des dernières générations, que s’est-il passé ? Les faits sont là : les poils sont tombés pour permettre le développement de plans chirurgicaux. Mais le poil n'est que la partie visible des évolutions de la carrière du cinéma porno . Visite en cinq étapes de cinquante ans de films X.

Les 70’s : Emmanuelle

Les années 70 sont l'âge d'or du film érotique grand public : les infections sexuellement transmissibles ne sont pas d’actualité et affirmer sa liberté sexuelle est un acte quasi-militant. Sorti en 1974, le film de Just Jaeckin reste LE film érotique français, à défaut d’être le plus inspiré. Femme de diplomate venue rejoindre son mari à Bangkok, Emmanuelle porte élégamment le sautoir de perles et fait du squash. .../...

Les 80’s : Café Flesh 

Dans le monde post-apocalyptique du réalisateur Stephen Sayadian, l’humanité est partagée entre la poignée d’êtres humains ayant conservé la capacité d’avoir des relations sexuelles et les autres, contraints de se contenter du spectacle offert par les premiers dans des cabarets tels que le Café Flesh. En opposant les Positifs aux Négatifs, cet OVNI sorti en 1982 prophétise les angoisses à venir du VIH. Comme la musique et les costumes des performeurs sur la scène, le décor du café-théâtre est sombre et volontairement grotesque. L’ambiance est dérangeante et la tension érotique se construit moins autour d’images explicites que du malaise qui grandit. Parce que comme l’explique l’un des personnages principaux : « la frustration est un job à plein temps », Café Flesh pourrait bien être la plus belle réussite du genre.

90’s : Le Parfum de Mathilde 
Extrait du « Parfum de Mathilde » http://www.youtube.com/watch?v=flvk_ljyBuQ

Marc Dorcel, cuvée 1994. Le Parfum de Mathilde ressort le thème classique de l’initiation de la jeune femme pure, Eva, jeune ingénue – Oserions-nous dire idiote ? Oui, sans trop hésiter. – soumise aux désirs de son riche époux, Sir Remy. Reposant sur le fantasme de la bourgeoisie perverse, les décors et costumes se veulent élégants. Balance ton château, ta Rolls-Royce, tes costumes de soubrettes à la mode sex-shop de Pigalle, tes dentelles blanches et tes voilettes. Le tout répond parfaitement aux échanges d’acteurs aussi crédibles qu’une troupe de collégiens répétant une pièce de Molière. 

2000's : Youporn, le règne de l’ultra-réalisme
Si les années 90 ont été marquées par le développement du style gonzo, la fin des années 2000 en est la consécration par sa diffusion urbi et orbi via les porntubes. Du sexe comme à la maison ou plutôt comme ça pourrait être à la maison, voilà ce qui nous est promis. Pas de décors-type si ce n’est celui du pavillon middle class de la girl next door fantasmée (ou de sa mère, ou de son frère en fonction des envies de chacun). En résulte une propension à la médiocrité notamment symbolisée par la présence récurrente de teintes beiges saumonées, apanage de la classe moyenne internationale. La stimulation ne passe plus par l’exotisme ou le fantasme de la classe bourgeoise mais par l’ultra-réalisme de la literie Ikea et des plans chirurgicaux.

2010’s : La femme avenir de l'homme  ?
Tournage d'un film d’Erika Lust (crédit photo : Daniel Escale)
Si l’avènement des porntubes a signé l’élargissement du public à la population féminine, l’industrie jugera-t-elle utile de répondre à la demande d’un public que l’on dit plus sensible au détail ? .../...L’avenir du film érotique pourrait résider dans le développement de productions de réalisatrices comme la suédoise Erika Lust qui s’applique à satisfaire les désirs du public féminin..../...Si les décors ont le mérite d’être moins déprimants que dans la plupart des autres titres du genre, Lust propose un porno bavard – parce que les femmes ont besoin de communiquer – englué dans les clichés de l’esthétique « alternatif » de la pin-up tatouée et piercée. L’universalité de l’attrait des femmes pour ce type d’esthétique restant à démontrer, des aménagements pour le futur de l’esthétique du porn semblent encore nécessaires.

Article d'Ismène de Beauvoir

samedi 4 janvier 2014

Chiens de comptoir, chienne de vie.

Blandine Jeanroy
Un soir d'hiver, Porte d'Ivry. 1982.
Accroché au comptoir du café  raide comme un piquet, le client tombe les Picons-bière comme Stakhanov  le charbon. Au pied du comptoir et au bout de sa laisse, son chien, un loulou de Poméranie âgé au poil usé au cul rougi, vomit des pâtés gris et nauséabonds en attendant l'heure de la fermeture....Piétinements.  Le maître boit  et le chien rend.

'Ils sont des milliers, ces chiens de comptoir, patients comme des moines privés de Jésus ! On leur a promis des longues promenades et des tours dans le square, et des pipis dans l'herbe, et des cacas dans la rosée des terrains vagues, combien de dizaines de fois les ont ils entendus ces mots magiques, 'Chérie, je descend le chien !' Ou bien, 'Je sors le chien pour qu'il prenne l'air !' La queue frétille, le coeur s'affole, le chien de comptoir saute sur la poignée de la porte et s'entortille dans le rideau fixé contre la porte blindée pour étouffer les bruits du couloir ! Et dans l'escalier encore, c'est la grande fête, et je saute, et j'aboie et je me trémousse, et je glapis de bonheur! Ce bonheur si grand qu'il fait pipi sur le premier pneu venu ! il sent si bon, ce pneu déjà plein de pipi des autres chiens de comptoir, une merveille de pneu à pipi !
Quelques mètres seulement et hop, la barre à gauche, direction le bureau de tabac ! déjà ? Tant pis!  Le chien de comptoir aime le comptoir sur lequel s'appuie son maître, il le vénère comme son maître le vénère, c'est un grand mur étrange qui sent l'anis, la bière, le cornichon et le pâté. Il n'y a que ce mur sur toute la terre pour sentir aussi bon que ça ! .../...
C 'est là que les [chiens] ombres des hommes se rencontrent, au pied des comptoirs, en forme de chihuahua, teckel, loulou, caniche, terrier, à l'heure du café le matin, à l'heure de l'apéritif du soir.../... Ils sont un petit monde au pied du monde, une petite ville au pied de la ville, la strate inférieure de nos vies de consommateurs quand nous nous montrons comme en coupe. 
Le chien de comptoir, voilà le plus parfait mariage entre le coeur de l'animal et le foie de l'homme !'

Wahouu ! Santé !

(extraits de 'Chiens de comptoir' Michel Lafon, 1996. textes Jean-Marie Gourio, gouaches Blandine Jeanroy)

"L'été, je le monte sur le comptoir et il boit un peu de bière mais seulement la mousse, un jour il était bourré, il a mangé un dé."




"Je sais pas ce qu'il a, Il est lunatique. Il est con comme Alain Delon."




"Il mange quoi, le vôtre de chien ? 
-Des restes avec du riz, comme les chinois"





"Le vrai chien de garde, c'est le berger allemand, c'est des chiens extrêmement sérieux, on pourrait leur ouvrir des livrets de caisse d'épargne..."



"Pour l'aveugle, le chien c'est ses yeux, sauf que c'est des yeux qu'il faut descendre faire pisser..."


"C'est un bon chien d'attaque, il attaque la sieste à midi."


"Avec mon chien, on pense pareil."


"Il est plus intelligent que moi."


"L'avantage du chien, c'est que c'est un animal."




"C'est un chien de chasse mais il aime que la pêche."


"Vous pouvez lui montrer le pape à la télé, ils'en fiche, lui c'est la promenade qui est sacrée".


"Un chien se débrouille très vite tout seul, alors qu'un gosse, tous les ans c'est un cartable neuf.
- Même si l'ancien était encore bon ?
- Même."



"Elle sent l'eau de cologne, le tabac froid et le vin blanc, évidemment, elle la porte toujours dans ses bras !"



La vie secrète des chiens
http://www.dailymotion.com/video/x19i65b_la-vie-secrete-des-chiens_animals