Avec l’avènement du capitalisme financier dans les années 90, les cadres ont perdu le pouvoir au profit des actionnaires. Les technologies de l’information (mails, logiciels, portables, mobiles) ont transformé leur activité, l’accélérant et la contrôlant davantage tout en effaçant les frontières entre travail et vie privée. Pourtant les cadres continuent de consentir au capitalisme moderne. Dans leur ensemble, ils croient en la mondialisation, valorisent l’autonomie dans le travail et louent la recherche de la performance.
Quelques paroles de cadres aussi bien formatées que pétries d'ambiguïtés :
«Un cadre ne compte pas ses heures »
«C’est face au mur qu’on est vraiment stimulé »
«Même si les filiales sont très autonomes, si les cadres sont très autonomes dans leurs missions, quelque part on a aussi beaucoup de comptes à rendre »
«Autonomie dans la conduite du projet, mais absence de maîtrise des budgets, des moyens, des effectifs et des délais»
Les cadres se comportent comme d’indécrottables premiers de la classe. Dès l'enfance, la famille et l’école leur ont incorporé leurs qualités de sérieux et de servilité. Scolarités épanouies, bacs avec mentions, jeunesses sacrifiées aux classes de sup et de spé, école d’ingé et c’est parti, vous voilà cadre pour la vie avec la vie qui va avec. Une vie dont les valeurs sont travail, performance et fiabilité. Vingt ans près leur sortie de l'école ils continuent à donner le meilleur d'eux même pour atteindre leurs objectifs, se prouver qu'ils ont bons, valider leur évaluation de performance annuelle. Les entreprises où travaillent les cadres ne leur appartiennent pas mais elles profitent de cette main d’œuvre fiable, apte à diriger et prête à s’auto-exploiter à grands coups de challenges et de performance.
Les cadres acceptent leur position de dominants dominés car ils n’ont pas d’autre solution que de consentir au capitalisme moderne à moins d’abandonner les avantages de leur position sociale. Les satisfactions issues de leur travail (sentiments d’autonomie, de réalisation de soi), d’acquisition de nouvelles compétences leur procurent l’impression de travailler pour eux alors que l’entreprise qui les emploie leur extorque des soumissions qu'ils ne perçoivent pas comme telles.
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D'après: Des dominants très dominés. Gaétan Flocco, éditions Raisons d'agir