"Etre en bore-out c'est être à bout, par manque de travail, de
motivation, ou de défis professionnels" selon François Baumann,
médecin et auteur d'un ouvrage sur ce sujet.
Ce phénomène a été identifié pour la première fois en 2007 par des
consultants suisses.
Le Bore out touche selon de difficiles estimations entre 15 et 30%
des salariés. Il provoque une attaque de l'estime de soi, un sentiment
d'inutilité qui génère la démotivation, la perte de confiance en soi, et peut
se transformer en angoisse, en dépression.
Dans une société qui valorise le
travail au point d’en faire une raison d’être et alors que 17% des salariés s’estiment
être « potentiellement
en situation de burn-out », les victimes du bore-out tentent de
dissimuler leur inactivité en jouant la comédie du job ‘normal’. C’est
logique, car en période de fort chômage c’est difficile de se plaindre d’être
payé à ne rien faire. D’autre part, dans le climat hyper compétitif de l’emploi
cadre, la disgrâce de la mise au placard apparaît comme une forme de sanction,
de déchéance. Qui dit sanction suppose faute. Reconnaître que l’on est mis au
placard revient donc à reconnaître son d'infériorité et obère donc toute chance de rentrer
dans le rang. Aussi lorsqu’ils sont mis sur la touche, par orgueil et par
stratégie, peu de cadres l’admettent et la plupart s’inventent des tâches, des
responsabilités pour pouvoir donner le change à leurs pairs dans l’attente d’un
rebondissement.
En fait, on voit que l'entreprise s'accommode très bien de la paresse et de l'inefficacité, mais à condition que cela soit déguisé par une activité comme la consultation d'écrans, de documents. Par contre, ne rien faire ouvertement au bureau déstabilise profondément le fonctionnement du système car celui qui ne fait rien, qui n'est engagé dans aucune activité, devient imprévisible et peut faire n'importe quoi.
Du côté de la DRH (Direction Ressources Humaines) des entreprises « L’ennui au travail fait un peu souci de riche. L’urgence peut sembler ailleurs : il faut d’abord s’occuper de ceux qui sont submergés », confirme Pierrèle Boursaly du cabinet PSYA.
Ici aussi, rien que de très logique, car pour une DRH, admettre le bore-out c’est reconnaître les dysfonctionnements du management de l’entreprise qui ne sait pas tirer parti des ressources et équilibrer la charge des postes.
De plus, la logique d’évaluation et de notation des salariés conduit naturellement à la création d’une catégorie de ‘low performers’ (‘derniers de la classe’) constitué des 5 à 10% les moins bien notés pour lesquels la mise sur la touche, constitue un plan de carrière dans l’attente d'une ‘réforme’ ou de leur départ.
Enfin le chômage et la difficulté à trouver un emploi « conduit les gens à s’enkyster dans des jobs qui ne les satisfont pas. Avant on changeait de poste. Aujourd’hui on doit apprendre à vivre malheureux au travail » nous dit Philippe Zawieja.
Face au bore-out je ne vois que deux attitudes possibles : changer de job si on peut ou alors apprendre à vivre en dehors du travail. Le lâcher-prise n'est pas une chose facile car personne ne vous comprend, et les meilleures techniques de développement personnel sont inefficaces. Apprendre à vivre en dehors du travail ne se décrète pas, et ne peut se faire qu'en s'épaulant aux collègues qui sont ou ont été dans la même situation.
Ainsi, ces derniers temps, on voit un nouveau 'santon' dans la crèche de l'entreprise, la figure du cadre 'low performer'/bore-out qui parle sans honte de la vacuité de son job. Il n'est ici plus question d'histoire personnelle mais de remise en cause du système du travail en entreprise. Le bore-out subversif qui s'assume peut alors moquer la vanité des 'bull-shit jobs' de ses collègues bien notés et dénoncer l'absurdité du monde du travail en entreprise.
En ce lundi, je vous souhaite une bonne semaine de travail,
Ozias