lundi 28 novembre 2022

Psychothérapie et chamanisme

Denis Dubouchet, psychothérapeute, gestalt-thérapeute, formé à la Fondation d'études chamaniques de Michael Harner exerce depuis 35 ans en tant que psychologue clinicien. Il est l'auteur de "Etats de Conscience Elargie, Psychothérapie et Chamanisme" publié aux éditions Dervy en 2017.

Denis Dubouchet (DD) définit la conscience comme la capacité à nommer les évènements que je perçois à partir de mes sens ou de mon ressenti. Les états de conscience élargie nous donnent accès à des informations que notre conscience habituelle ne parvient pas à atteindre (monde imaginal). Quelles que soient nos croyances, nous pouvons tous faire le constat de notre présence minuscule au milieu de l'immensité de l'Univers. Le développement humain passe donc forcément par un développement spirituel, mais l'expérience mystique peut nous soutenir autant qu'elle peut nous couper de la réalité et susciter des comportements inadaptés. Vouloir que tous le monde s'adonne à l'expérience mystique serait finalement un signe de non intégration de l'expérience.

Pour DD les états de conscience élargis (obtenus par la transe ou par les plantes sacrées) sont autant des outils thérapeutiques que des sources de confusion car les visions non ordinaires qu'elles font vivre, ainsi que les différents paradigmes sur lesquels elles peuvent s'appuyer génèrent une complexité qui, si elle n'est pas éclaircie (intégrée), provoque l'inverse de ce que l'on veut obtenir. En fonction de la culture les délimitations de la conscience sont variables. Dans les sociétés traditionnelles la transe, ou les cérémonies de prises de psychotropes, ne sont pas des moyens de développement personnel mais adviennent dans un contexte particulier et au service de la communauté. Dans notre société se pose donc la question de la place à accorder à une vision : Quelle validité accorder à un phénomène perçu de moi seul ? Et pour le thérapeute, comment travailler avec les 'Invisibles' ?  

Thérapie psychédéliques ?

Denis Dubouchet reste donc très interrogatif sur l'utilisation des plantes psychotropes comme outil de thérapie. Pour lui, l'utilisation de psychédéliques demande un véritable savoir et de multiples compétences (médicales, psychologiques) et peut déclencher des états mentaux aussi bien positifs que négatifs car avec les psychédéliques les images s'imposent au psychonaute expérimentateur. En trip, c'est comme si nous assistions à une réalité autonome qui ne dépend pas de nous.  Le sentiment d'être le réceptacle de visions provenant d'un extérieur ne facilite pas un processus de dialectisation permettant de donner du sens et d'assimiler ce qui a été vu. Difficile de critiquer une parole venue "d'en haut". Difficile dans ces conditions de questionner les visions. Avec les psychédéliques, le 'Je' de l'utilisateur "se pense" dans une position de contemplation et de jouissance passive face à ce que le "Produit", "la Plante" ou "le Champignon" lui offrent à penser.  La prise d'hallucinogènes impose les visions et les ressentis. Le voyageur subit. Le risque est alors que la vision soit prise au pied de la lettre, car trop nette pour être comprise sous ses différents aspects. L'intégration d'une expérience doit se faire au regard des autres expériences de vie que nous avons eues et des valeurs et croyances qui nous portent. Quand une seule expérience vient effacer les précédentes sans davantage les questionner cela peut donner des postures caricaturales où des personnes deviennent de véritables 'talibans' de la pensée, car irréfutablement, ce qui transcende ne peut être réfuté. Le risque est alors de prendre ces visions pour une réalité équivalente à notre réalité quotidienne (celle de nos 5 sens) et de s'enfermer dans nos certitudes. La force de l'évidence complexifie l'intégration de l'expérience car la facilité de décryptage apparente est souvent un leurre pouvant aller jusqu'au passages à l'acte. L'autre point problématique avec l'utilisation des psychédéliques est celui de l'illégalité de ces pratiques qui conduit à l'introjection de discours paranoïdes et à l'impossibilité de parler ouvertement et de partager avec tout le monde le contenu de ces expériences. Enfin, la dispense du produit par l'encadrant maintient son 'patient' dans un rapport de dépendance qui ouvre la porte à des schémas de domination et à de potentiels abus. 

Du point de vue thérapeutique ce sont les intentions qui comptent, et non les moyens. Plus que le contenu de l'expérience, c'est la façon dont elle va ou ne va pas s'intégrer, prendre sens, ou se symboliser dans la réalité partagée qui est importante. Pour DD l'exploration et le travail sur les visions en état de conscience élargie ont un effet thérapeutique grâce à l'accompagnement particulier du thérapeute. La difficulté étant de trouver le langage de ces images pour chaque personne car il existe de multiples niveaux de lectures permettant de de décrypter les images contactées. DD pose le principe qu'il n'y a pas de cosmologie unique et véritable. Il existe des cosmologies évolutives et des symboles qui peuvent être propres à chacun ou partagés par tous. Quelle que soit la technique utilisée (hypnose, transe, psychédéliques etc) le rôle de l'accompagnant sera d'aider la personne à se construire un système de repères qui lui soit propre (p102) car le processus transformatif qu'induisent les visions importe plus que leurs contenus. Les états de conscience élargie permettent de regarder sous l'angle de l'imaginal, et avec détachement, les expériences passées, et de trouver des postures dans des situations complexes ou de crise.  En revanche, pour DD, les séances non préparées peuvent entrainer le sujet dans des scénarios totalement traumatisants. 

Notes et extraits de la lecture de  "Etats de Conscience Elargie, Psychothérapie et Chamanisme" Denis Dubouchet 2017.

Ozias

Comme  l'a dit CG Jung, "il ne faut pas confondre l'expérience intérieure et son interprétation métaphysique".

vendredi 4 novembre 2022

Carl Gustav Jung

Jung et Freud (dessin IA)
Carl Gustav Jung (1875-1961) est un médecin suisse, pionnier de la psychanalyse, explorateur de la vie symbolique et spirituelle et de l'inconscient collectif. Ses travaux sont à l'origine de la pensée New-age et du développement personnel.

Jeune psychiatre de 25 ans, Jung découvre Freud en 1900 (p49). Freud et Jung échangent des centaines de lettres et s'analysent mutuellement. Pour Jung, le plus grand exploit de Freud est "d'avoir pris au sérieux ses malades et névrosés .../... et d'avoir prouvé empiriquement l'existence d'une psyché inconsciente".  Mais Si l'inconscient est pour Freud une cave où reposent nos désirs sexuels refoulés, Pour Jung c'est [aussi] un grenier où filtre la lumière de nos aspirations vers le sacré.  Malheureusement, Freud est persuadé que Jung veut prendre sa place à la tête du mouvement psychanalytique (p53). En 1914 Jung démissionne de l'Association de Psychanalyse, ce qui acte leur rupture.  Analyste réputé, Carl Jung fut proche de la famille Rockefeller qui le finança généreusement tout au long de sa vie.

Pour Jung, être conscient c'est "percevoir et reconnaitre le monde extérieur ainsi que soi même dans ses relations avec le monde extérieur", et le "moi" est une sorte d'agrégat complexe de sensations, de perceptions, d'affects, de pensées, de souvenirs. Jung distingue « quatre fonctions psychiques » : le type Pensée, le type Intuition, le type Sentiment et le type Sensation, que chacun possède à des degrés différents. L'originalité de Jung est d'avoir introduit au-delà de l'inconscient individuel (résultant de l'histoire personnelle), étudié par Freud, l'inconscient collectif, qui représente la stratification des expériences millénaires de l'humanité : « Si l'inconscient pouvait être personnifié, il prendrait les traits d'un être humain collectif vivant en marge de la spécification des sexes, de la jeunesse et de la vieillesse, de la naissance et de la mort, fort d'une expérience humaine à peu près immortelle d'un ou deux millions d'années. ». Pour Gustav Jung, l'être humain ne naît pas 'tabula rasa', mais inconscient. "Nous désignons aussi ce dernier sous le nom d'inconscient collectif, précisément parce qu'il est détaché des sphères personnelles, existant en marge de celles-ci, qu'il possède un caractère tout à fait général et ses contenus peuvent se rencontrer chez tous les êtres, ce qui n'est pas le cas pour les matériaux individuels".(CG Jung, psychologie de l'inconscient p120 Livre de Poche.) . Les archétypes, découverts par Jung, sont les créations mentales des anciens qui hantent et structurent l'esprit des vivants. "[l'archétype] Je sais seulement qu'il vit, et que ce n'est pas moi qui l'ai fait". Jung différencie l'archétype -invisible- et son phénomène dans le monde intérieur , l'image archétypique -le visible. Les représentations sont "visibles" pour le sujet qui se les représente.  Le passage de l'invisible au visible, de l'archétype à l'image archétypique, lors de l'observation intérieure est une transformation :" De par sa nature profonde, écrit Jung, l'archétype est un contenu inconscient qui subit une modification en accédant à la conscience et en étant perçu par elle".

Dans les années 20 Jung entreprend toute une série de voyages, il découvre des hommes peu touchés par la civilisation, vivant entre deux mondes (Inde, Afrique du Nord, tribus du Kenya, Indiens en Arizona, au nouveau Mexique). Suite à ses voyages, et à ses échanges avec un chef indien, Jung réalise que le sens de la vie humaine est de participer à la perfection de la création (p107).  "Bien que nous ayons notre vie personnelle, nous sommes les représentants, les victimes et les promoteurs d'un esprit collectif dont l'existence se compte en siècles". 

Dessin C G Jung
Jung se passionne aussi pour les philosophies orientales qui lui permettent d'aborder la psyché de manière plus globale. Puis, il se lance dans l'exploration de l'alchimie médiévale européenne. Les différentes opérations alchimiques sur la matière -l'œuvre au noir, au blanc et au rouge- lui apparaissent comme des phénomènes successifs de transmutation de l'esprit pour parvenir à l'union des contraires - le masculin et le féminin, l'esprit et la matière, le conscient et l'inconscient- que les alchimistes nomment "noces alchimiques" et Jung "réalisation de soi" (p118) . L'alchimie par sa tentative de transmutation de la matière et de l'esprit lui inspire le processus d'individuation par lequel l'individu se réalise en intégrant la totalité de sa psyché (p121). .

Pendant la période nazi Jung navigue à vue, et se compromet en 1934 avec un texte antisémite inspiré par sa rivalité avec Freud, puis se réfugie en Suisse où il est sollicité en tant que psychanalyste espion par les ennemis du Reich de différents bords.(p142).

Début 1944, terrassé par un infarctus, Jung fait une expérience de mort imminente (EMI) qui le confronte aux questions essentielles "Pourquoi ma vie s'est elle déroulée ainsi ? Qu'ai je fait de mes talents et de mes fragilités ? Qu'en résultera t'il ?" et qui, ayant fait l'expérience de la béatitude et du sentiment d'éternité, le transforme durablement. Jung reformule alors ses procédés thérapeutiques à l'aune de ses propres expérimentations. Sa thérapie vise à l'accroissement psychique et spirituel de l'individu (individuation) et par là même à l'élévation du niveau de conscience de l'humanité. En  ce sens, Jung est le père du développement personnel (p159). Les hypothèses mystiques de Jung ont aussi conduit au développement du courant « New Age » qui en reprend les concepts d'inconscient collectif et d'âme psychique. Pour Jung, si la première partie de notre vie a pour but de produire et de se reproduire, la seconde doit nous mener à élever notre niveau de conscience au travers du processus de l'individuation. Jung reste pourtant agnostique (en termes de croyances) et très prudent au sujet de la survie de l'âme après la mort. Il distingue soigneusement les évènements des connaissances et souligne le risque qu'il y a à confondre une expérience intérieure et son interprétation métaphysique (p180).

Le dualisme de Jung 

Pour Jung le moi se construit en devenant "conscient d'une polarité d'opposés qui lui est 'sur-ordonnée'". Cette tension est génératrice d'une formidable énergie psychique qui permet de passer à l'action. L'essence de la conscience est la différenciation. (p288). Comme en alchimie, "l'union des opposés est à la fois la force qui provoque le processus d'individuation et son but". Pour Jung "[c'est] dans la vie terrestre où se heurtent les contraires que le niveau général de conscience peut s'élever. Cela semble être la tâche métaphysique de l'homme". Si les conflits de contraires ne sont jamais totalement résolus, ils peuvent passer un jour à l'arrière plan. La solution qui naît de la coopération entre conscient et inconscient est alors ressentie comme un moment de grâce .L'acceptation succède au combat. Hors, seul l'amour peut permettre cette réconciliation. Sur l'amour Jung écrit "Il y va ici de ce qu'il y a de plus grand et de plus petit, de plus éloigné et de plus proche, de plus élevé et de plus bas, et jamais un des termes ne peut être prononcé sans celui qui est son opposé" car l'amour pour Jung est le grand mystère qui inclut tout (p291).

Ozias

Cet article est un résumé fait à base d'extraits du livre  "Jung , un voyage vers soi" de Frédéric Lenoir (Albin Michel 2021).

A lire aussi:

L'arrière-monde ou l'inconscient neutre. Bruno Traversi, Alexandre Mercier Editions Cénacle de France

https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Carl-Gustav-Jung-page-2.html

https://www.cgjung.net/espace/ressources/frederic-lenoir-jung/

vendredi 28 octobre 2022

Mycologie d'octobre


Psilo par temps sec
Voici le mois d'octobre, la saison des champignons. Certains sont comestibles, certains sont toxiques d'autres sont psychoactifs. C'est le cas du fameux Psilocybe Semilanceata qui fleurit dans les prairies humides à cette période de l'année. Tous les connaisseurs le connaissent, mais peu savent le reconnaitre. Cet article s'adresse aux les mycologues les plus curieux. 
AVERTISSEMENT : Ce post est fait dans un but de vulgarisation et de partage de connaissances mycologiques. Le ramassage, la vente et la consommation des Psilocybe Semilanceata sont INTERDITS EN FRANCE. Plaisir des yeux, des photos seulement. Sans ramasser ni consommer vous évitez tout risque d'empoisonnement ou problème avec la loi.  De plus vous favoriserez la reproduction du plus malicieux champignon de nos prairies.

A quoi ressemblent ils ?

Chapeau Psilo humide
Le Psilocybe Semilanceata est un minuscule champignon de prairie haut d'une dizaine de centimètres max. les anglo-saxons l'appellent liberty cap à cause de son chapeau qui ressemble au bonnet phrygien. Après avoir vu une fois et en vrai, le PS (Psilocybe Semilanceata) il est difficile de le confondre avec d'autres espèces. Le 'têton' au sommet du chapeau est caractéristique de l'espèce. Pourtant, selon les lieux et l'hygrométrie, les individus les formes et les couleurs du champignon varient considérablement. Le PS est un champignon hygrophobe, et donc il change de couleur selon qu'il est sec ou mouillé. 

Lorsqu 'il est humide (ou parce qu'il pousse ou parce qu'il a plu ou qu'il y a de la rosée) le chapeau est brun olive et brillant, en forme de lance (ce dont le PS tire son nom de semilanceata -latin-  ou lancéolé - français-). Le champignon a une teinte beige jaunâtre ou brune unie lorsqu'il est humide. Chez les spécimen adultes des rayures verticales, sombres et serrées apparaissent près des lamelles au bas du chapeau. Lorsque le champignon grandit, son chapeau s'évase et le têton devient moins visible. 

Lorsqu'il est sec le chapeau du PS prend une couleur crème jaunâtre presque dorée qui permet de repérer plus facilement les chapeaux dans le vert de l'herbe. Notons ici qu'il est plus difficile de trouver les PS par grand soleil que par temps couvert ou lorsque la lumière devient rasante et permet de distinguer la forme caractéristique du PS dans la jungle des herbes parmi lesquelles il pousse. 

Les lamelles sont grises sur les spécimens jeunes et avec la maturité foncent jusqu'au violet sombre. Toujours les lamelles sont sombres, et cela à cause de la couleur des spores. On trouve cependant quelques spécimen stériles chez lesquels, faute de spores, les lamelles restent de la couleur du chapeau.

Quand poussent ils ?

En automne principalement, mais cela dépend aussi des températures, des précipitations, de l'altitude et de la région. De septembre à décembre selon les climats et les altitudes, une baisse de températures suivie de précipitations abondantes avant les fortes gelées . Un bon moyen de savoir quand ils apparaissent est de suivre la carte https://www.magicmushroommap.com/map pour des indications grossières, mais plutôt fiables. Il peut y avoir des écarts en termes de jour, d'altitude, ou de lieu, mais c'est quand même une référence en la matière. Bref, ce n'est pas parce que la carte est favorable que vous en verrez, mais si la carte est défavorable, alors, il y a peu de chances que vous en trouviez.

Où poussent ils ?

D'abord, cela dépend de la région. Jusqu'au bord de la mer en Irlande, ce qui n'est le cas pour la méditerranée. Il me semble qu'au sud de la Loire, une certaine altitude est nécessaire. Dans les Alpes je n'en ai jamais vu en dessous de 1500m, tandis qu'en Bretagne ils se plaisent dans les vallées et les collines de basse altitude.

Dans tous les cas il faut viser les prés où l'herbe n'est pas trop haute. La hauteur du champignon ne dépassant pas 10cm, il n'est guère possible d'en trouver quand l'herbe les cache, ou les empêche d'atteindre la lumière. D'après mes observations, le PS n'aime pas les herbes trop grasses ni trop vertes. De même, les terrains dans lesquels paissent les vaches et les chevaux ne semblent pas très indiqués. D'abord parce qu'on risque de déranger les animaux et surtout car on ne voit jamais pousser les PS sur les bouses ou le crottin. Les pâturages à mouton constituent un milieu propice, mais on sait que les ovins sont des vecteurs de la douve du foie (grave maladie parasitaire), raison supplémentaire donc pour ne pas cueillir de PS. Si vous avez repéré un champ, attendez donc le départ du bétail, laisser les bouses se décomposer pendant une saison ou plus avant de prospecter. 

La présence de trèfle, de luzerne ou de plantain n'est pas un bon indice non plus. Si l'herbe a été semée, si le champ est traité aux phytosanitaires, ou que le terrain a été travaillé ce n'est pas bon signe, même si certains terrains de golf semblent être le lieu de belles cueillettes outre-manche. 

Par contre, la présence d'herbes de différentes espèces, de différentes textures, la présence de joncs ou de chardons, la proximité de tourbières, un sol humide, riche et acide sont plutôt de bon aloi. Peut être les touffes d'herbe drue constituent elles le microclimat propice au développement de leur mycélium. Une fois le premier trouvé, le mieux est de se mettre à quatre pattes (en position ruminant) et d'inspecter cm par cm en prenant garde de n'écraser personne. Le PS vit en familles d'une douzaine d'individus d'âges et donc de couleur différentes, parfois plus, mais jamais en clusters de centaines d'individus, et rarement proches au point que leurs chapeaux se touchent.

Comment s'assurer que ce sont les bons ?

Le PS a le pied robuste et le chapeau bien attaché. Le pied du PS est blanc crème, allongé, jamais rectiligne ni violacé. Contrairement à d'autres champignons de même forme et de même taille le pied est plutôt élastique (retour à la forme initiale si il est plié) et résistant. Pincé entre le pouce et l'index, le pied ne s'écrase pas complètement, et si on tire le champignon par le chapeau, il ne se brise pas et l'ensemble du champignon s'arrache jusqu'au mycélium. Porté au nez, le PS frais écrasé dégage une fragrance caractéristique à la fois terreuse et herbeuse, très champêtre et pas désagréable, contrairement à certains faux amis qui eux ne sentent rien ou ont des odeurs plus farineuses. Quand il a pris l'humidité, la surface du chapeau devient visqueuse et a tendance à coller aux herbes, ou aux champignons voisins. Signe de reconnaissance : quand il est humide, il est possible de décoller une fine pellicule gélatineuse de la surface du chapeau. Avec la maturité le chapeau des PS  s'évase, mais le têton reste visible . Le chapeau ne peut en aucun cas se retourner comme un parapluie, même si en l'aidant (c'est le cas chez d'autres espèces semblables). 

La sporée du SP est de couleur sombre (entre marron violet et rouge profond). 
Observés au microscope spores ont une forme oblongue ou ovale ; ils sont longs de 10,5 à 15 microns et larges de 6,5 à 8,5 microns. (Texte et Photo Wikipedia).
De nombreux faux amis

Comme toujours les faux amis sont nombreux et très ressemblants. Mycènes, conocybes, panéoles etc poussent aux mêmes endroits et en même temps. Attention donc aux confusions. Un pied trop blanc, trop foncé, trop droit, trop fragile, trop court. Un têton peu marqué, des lamelles claires, un pied fragile suffisent en principe à les discriminer, mais les différences sont parfois bien subtiles. En cas de doute, voici un groupe FB pour faciliter l'identification : https://www.facebook.com/magicmushielearning et répondre à vos questions (in english). 

Ci-dessous 3 exemples de faux amis, à ne pas confondre. La liste reste ouverte.

A lire https://www.psychoactif.org/psychowiki/index.php?title=Comment_reconnaitre_le_psilocybe_semilanceata

Pour aller plus loin : 

https://www.gbif.org/occurrence/search?country=FR&taxon_key=5242507

https://openobs.mnhn.fr/openobs-hub/occurrences/search?q=%28dynamicProperties_diffusionGP%3A%22true%22%29&taxa=32628#tab_recordsView

Bonne recherche. Ouvrez l'œil et le bon, partagez vos photos !

lundi 24 octobre 2022

Les psychédéliques et la philosophie (1)

Dr Peter Sjöstedt-Hugues
Peter Sjöstedt est un philosophe anglo-scandinave influencé par Schopenhauer, Nietzsche et Whitehead spécialiste des domaines de la philosophie de l'esprit et de la métaphysique, notamment en ce qui concerne le panpsychisme et les états de conscience modifiés. Interviewé par Richard Marshall et Lindsay Jordan pour le blog 3:AM
Sjöstedt nous parle ici des psychédéliques et du 'problème difficile de la conscience', du panpsychisme, de la raison pour laquelle les psychédéliques sont source de nombreuses polémiques,  des raisons pour lesquelles l'utilisation du mot spirituel le met mal à l'aise, de Nietzsche, de la conscience et des hallucinations, de A.N. Whitehead et du mysticisme, de l'influence des drogues psychédéliques sur la philosophie, de la question de savoir si les psychédéliques sont des amplificateurs cognitifs, et enfin des questions éthiques liées aux psychédéliques.    [Traduction Ozias]

So, let’s freak out !

3:AM : Vous affirmez que l'expérience psychédélique tend à entamer les conceptions matérialistes de l'esprit. Comment comprenez-vous le "problème difficile de la conscience" et qu'est-ce que l'expérience psychédélique peut apporter à ce sujet ?

Peter Sjöstedt-H: Dans les années 1960, lorsque les psychédéliques sont devenus un moteur de transformation culturelle, le "problème difficile de la conscience" (problème de l'origine des qualia, c'est-à-dire du contenu subjectif de l'expérience d'un état mental) - découvert en 1995 - la plupart des philosophes et chercheurs universitaires de l'esprit l’auraient considéré comme une erreur de raisonnement, un faux problème. Ce problème concernant la relation entre la matière et l'esprit semblait aussi dénué de sens que celui du rapport entre la matière et les dieux pour un athée. Au milieu du XXe siècle, l'esprit était considéré comme réductible au comportement, à l'activité neuronale humaine, voire à de simples embrouilles linguistiques. Ainsi, la rencontre avec l'usage des psychédéliques, conduisant à des sommets de conscience, et du réductionnisme mental académique et condamnant la conscience à l'insignifiance, fut assurément conflictuelle. Je suis persuadé que les psychédéliques peuvent apporter beaucoup à la philosophie de l'esprit, de même qu’aux neurosciences cognitives et à la psychologie - mais le ‘problème difficile’ exige surtout des apports cognitifs plus objectifs. Néanmoins, les mécanismes mentaux psychédéliques pourront contribuer ultérieurement à cette réflexion.

Donc si nous considérons ce problème difficile de la conscience - en fin de compte le problème de savoir comment ce qui est descriptible spatio-temporellement (par exemple l'activité neuronale) peut causer, être causé par, avoir une cause commune avec, fonctionner en parallèle ou être identique à des corrélats mentaux qui sont essentiellement non descriptibles spatio-temporellement (par exemple le bleu) - nous constatons qu'aujourd'hui ce problème est étudié par le monde universitaire. Ce respect nouveau (ou retrouvé) a été favorisé par les impasses logiques rencontrées par les réductionnistes matérialistes.  Le behaviourisme matérialiste ne peut pas résister à la force de l'expérience psychédélique : soutenir que les états mentaux ne sont rien d'autre qu’un comportement physique lorsque l'on a fait l'expérience du moi multiples déchirant les confins du tout en visualisant la couleur du temps – et tout cela en étant allongé inerte - se présente comme une absurdité.

De plus, les psychédéliques ont beaucoup à offrir au niveau de la phénoménologie - l'analyse de l'expérience - car ils donnent accès à des zones mentales inexplorées. J'ai éprouvé [en trip] des émotions inconnues pour lesquelles il n'existe pas de mots mais seulement un souvenir. J'ai atteint des sommets d'émotions esthétique inimaginables, et encore moins expérimentables, pour les esthètes qui n'ont pas exploré cette voie. Le potentiel pour nous philosophes de l'esprit est immense car il nous fournit des esprits neufs : des états mentaux inédits et supérieurs.

La tentation classique, qui est de réduire tout cela à la matière-énergie - la dicibilité spatio-temporelle - semble ici insensée mais démontre notre propension naturelle à réduire l'inconnu au connu pour avoir l'esprit tranquille. Je soutiens que ce que nous appelons esprit et matière sont des abstractions d’une réalité concrète qui prend les deux aspects. Par conséquent, essayer de résoudre le problème difficile de la conscience en se demandant comment l'esprit peut émerger de la matière est futile, car c'est une tentative d'expliquer le concret à partir d'une abstraction de celui-ci - un peu comme essayer d'expliquer comment distinguer l'acidité par l’image du citron. La résolution du problème difficile de la conscience réside donc dans la compréhension de la nature de l'abstraction, et pas dans son mode d'émergence. Cela implique toutefois que la matière contienne des éléments de l'esprit - et pas seulement la matière du cerveau, mais toute la matière. Cette résolution conduit donc au panpsychisme.

3:AM : Vous êtes un partisan du panpsychisme, c'est-à-dire de l'idée que tout a une mentalité ou une sensibilité. En quoi le panpsychisme se distingue-t-il de l'animisme ?

Peter Sjöstedt-H: Il existe de nombreuses variétés de panpsychisme, et il en va de même pour l'animisme - mais une distinction généralement utile est que le panpsychisme est une doctrine philosophique alors que l'animisme est une doctrine religieuse. Le terme "animisme" a été inventé au XIXe siècle par Edward Tylor pour désigner ce qu'il considérait comme le type de religion le plus primitif, celui qui attribuait des âmes aux objets de la nature. Le terme "panpsychisme" a été inventé plus tôt par le philosophe de la Renaissance Francesco Patrizi, qui a fourni des arguments en faveur de sa plausibilité. Ainsi, au moins d'un point de vue historique, l'"animisme" a une connotation négative et religieuse qui s'oppose au "panpsychisme" qui a une connotation positive et logique. De nombreux penseurs de la Renaissance étaient favorables au panpsychisme, y compris Giordano Bruno, qui a fini sur le bûcher pour de telles hérésies en 1600.

3:AM : Vous faites une distinction entre ce que vous appelez "le Port humain des idées" et "l'Océan inhumain" de la conscience psychédélique. Pouvez-vous nous expliquer ce choix de métaphore, d'autant plus que vous ne prétendez pas que le Port  soit un lieu sûr ?

Peter Sjöstedt-H: Oui, j'écris dans mon livre que le Port n'est pas un refuge pour un nouménaute - un psychonaute philosophe - car même au retour des profondeurs de l’Océan, l'Océan fait de l'effet sur le marin qui en revient. Le retour des profondeurs psychédéliques peut conduire à une remise en question importante de la société dans laquelle on se trouve, avec ses idéologies, ses coutumes et ses morales. C'est là certainement un danger pour ceux dont le but est de se réconcilier avec leur culture. J'ai découvert depuis que le lauréat du prix Nobel Octavio Paz avait, au sujet de l'émancipation et du nihilisme, des idées proches de ce que les drogues psychédéliques peuvent apporter - en faisant référence à Nietzsche...

3:AM: Vous établissez un lien entre l'expérience psychédélique et l'idée que le cerveau transmet, plutôt qu'il ne produit, la conscience. C'est une idée proposée par le philosophe français Henri Bergson, lauréat du prix Nobel, et également un principe clé sous-jacent au roman utopique d'Aldous Huxley, L'île. Comment défendez-vous ce point de vue et quel lien faites-vous avec l'expérience psychédélique ?

Peter Sjöstedt-H : Mon intention dans ce chapitre était de développer de manière significative le lien établi par Aldous Huxley dans Les Portes de la Perception entre l'expérience psychédélique et la philosophie d'Henri Bergson, principalement d’après son magnum opus Matière et Mémoire. Les personnes qui évoluent dans les cercles psychédéliques ont toutes entendu parler de la théorie de la "valve réductrice" avancée par Huxley, mais peu d'entre elles connaissent cette théorie en détail et savent comment elle peut être appliquée à l'état psychédélique. J'ai beaucoup de affinités avec la philosophie de Bergson, même si je ne dirais pas que je l'accepte sans y apporter quelques modifications importantes. Quoi qu'il en soit, le point principal en est que la mémoire consciente ne peut pas, en toute logique, être "stockée" dans la matière, que toute conscience implique la mémoire, que la relation entre le sujet et l'objet est celle de la partie au Tout plutôt que celle entre la représentation et l'objet, et que la fonction du cerveau est simplement de canaliser les processus de l'extérieur vers les processus à l'intérieur du corps et peut être en sens inverse aussi. Selon cette hypothèse, nous devrions constater une corrélation entre l'esprit et le cerveau bien que le cerveau ne produise pas l'esprit.

La fonction du corps est d'extraire de l'ensemble de la mémoire, ce que Huxley appelle le "mind-at-large", une sélection qui peut être utilisée à des fins pratiques courantes. Lorsque nous dormons, et à l’endormissement, ce besoin pratique disparaît, et la mémoire devient alors plus libre et arbitrairement accessible. Je soutiens dans mon livre que la consommation de psychédéliques interrompt le fonctionnement pratique habituel du corps, de sorte que ce que l'on appelle l'esprit au sens large se présente de façon encore plus manifeste qu’au cours des rêves ou des hallucinations hypnagogiques. Il est intéressant de noter que, bien que Bergson n'ait pas, à ma connaissance, ingéré de substances psychoactives, il a néanmoins fait un rêve très psychédélique qu'il a raconté à William James dans une lettre, incitant ce dernier à poursuivre son étude de "la valeur noétique des états mentaux anormaux".

3:AM: Vous parlez de l'interprétation de l'expérience spirituelle comme un acte influencé par la culture. Que pensez-vous de l'utilisation du mot "spiritualité" dans le contexte de l'expérience psychédélique ?

Peter Sjöstedt-H: Ce mot de spiritualité me met mal à l'aise. Bien que le Spiritualisme ait été utilisé au cours des derniers siècles dans le registre des arts et des humanités, il semble aujourd'hui être revenu à ses racines dualistes, ce qui cause mon inquiétude. Il implique une division fondamentale entre le corps et l'esprit, et un tel dualisme suppose une ontologie qui me parait éloignée des psychédéliques - malgré mes influences bergsoniennes. Je devrais dire que l'expérience psychédélique est semblable à une expérience spirituelle, bien que je préfère pour cette dernière l'appellation d'état de conscience modifié pour éviter de pré-cadrer la discussion.

3:AM : Votre propre expérience psychédélique vous a donné un aperçu au-delà du dualisme du bien et du mal, n'est-ce pas ? Pourriez-vous en dire un peu plus à ce sujet, et comment votre expérience vous a conduit à établir des liens entre l'acceptation de soi et le nihilisme de Nietzsche ?

Peter Sjöstedt-H : De la même façon qu’une haute dose de Nietzsche, l'expérience psychédélique arrache la personne à sa culture et l’ouvre à des réflexions nouvelles. J'ai mentionné comment une telle expérience peut conduire à la remise en question de son milieu métaphysique implicite, mais cela peut aussi amener la personne à remettre en question son environnement éthique. Si les coutumes de son époque et de son lieu semblent absurdement arbitraires après avoir fait l'expérience d'états apparemment célestes, il n'est pas exagéré de commencer à remettre en question l'objectivité de la morale dans laquelle on a été élevé. À ce stade, l'expérience psychédélique et l'anti-moralisme de Nietzsche se croisent. L'analyse d'un tel anti-moralisme est contenue dans le chapitre de mon livre intitulé Neo-Nihilisme, un texte qui a donné naissance à un super-héros Marvel - et qui conduit au transhumanisme psychédélique de l’avenir.

3:AM : Vous dites que le fait de priver les philosophes de l'esprit d'accès aux substances psychédéliques reviendrait à priver les musiciens de leurs instruments. En quoi considérez-vous les substances psychédéliques essentielles à la philosophie de l'esprit, et comment cela se traduit-il dans vos relations avec les philosophes ignorants l'expérience psychédélique ?

Peter Sjöstedt-H : En plus de ce que j'ai dit précédemment, je devrais ajouter que les psychédéliques peuvent contribuer à l'étude des domaines suivants.

L'étude des corrélats neuronaux de la conscience, et de la nature de cette corrélation, a déjà fourni des données intéressantes à partir de la consommation de psychédéliques. Par exemple, il a été constaté qu'une diminution d'activité cérébrale peut entraîner une "augmentation" de l'activité mentale - selon les principes bergsoniens. Il a été constaté que les visions sous l'influence du LSD sont corrélées à des régions du cerveau autres que le "cortex visuel". Ce seul fait a des conséquences sur ce que l'on appelle en philosophie de l'esprit la "réalisation multiple" - un concept qui s'est d'abord imposé pour ébranler la théorie de l'identité psycho-neurale qui prévalait au milieu du vingtième siècle : des qualia, par exemple une couleur, peuvent être réalisés par de multiples types de cellules et ne sont donc pas propres à une structure particulière. Dans le même ordre d'idées, on peut citer le cas intéressant du psychédélique Salvia divinorum ("la sauge du devin") : il présente une structure moléculaire très différente de celle de la plupart des autres composés psychédéliques, sans que ses effets ne soient pour autant très différents. D'autres applications de l'expérience psychédélique concernent les questions de causalité mentale et d'épiphénoménisme, ainsi que le débat millénaire sur la réalité des universaux. En ce qui concerne ce dernier point, je renvoie à mon article sur Whitehead et l'expérience psychédélique dans lequel je me concentre sur la variété d'universaux de Whitehead : les " objets éternels ".

J'ai mentionné précédemment certaines des possibilités inexplorées de la phénoménologie et de l'esthétique. Pour en revenir à la phénoménologie, j'ajouterais que l'étude du soi phénoménologique peut progresser considérablement grâce à l'introspection psychédélique au cours de laquelle le soi s’effiloche ou se dissout. De même, notre expérience subjective du temps peut être radicalement modifiée. J'ai même émis l'hypothèse, en accord avec la vision non-représentationaliste de la perception de Whitehead et Bergson, que l'expérience psychédélique pourrait fournir une voie expérimentale plutôt que simplement intellectuelle pour sortir du solipsisme.

Pour ce qui concerne l'esthétique, j'ajouterais que les discussions sur le sublime, lancées il y a deux siècles par Burke, Kant, Schopenhauer et autres, peuvent maintenant être poursuivies à la lumière des expériences psychédéliques. Kant est connu pour avoir affirmé que les cieux étoilés remplissaient son esprit d'un émerveillement et d'une crainte toujours plus grands - de tels sentiments sublimes peuvent maintenant être amplifiés et aliénés, puis analysés une fois de plus en utilisant une expérience plus profonde [un microscope mental].

Lorsque je parle du merveilleux potentiel des psychédéliques avec des philosophes naïfs de leur usage, ils manifestent presque toujours une vive curiosité. Pourtant, ils hésitent à concrétiser ce projet pour diverses raisons, dont bien sûr l’illégalité des substances et les mises en gardes médicales découlant principalement d’une propagande historique - ils ne veulent pas risquer la santé de leur esprit, leur outil de travail. Et ils me disent souvent cela en buvant de l'alcool, drogue dont les dangers sont médicalement établis. Les possibilités de financement sont l’autre raison de cette hésitation. Si les psychédéliques étaient décriminalisés, les financements deviendraient plus accessibles et nous verrions alors sans doute un florissement du nombre d’études.

3:AM: Beaucoup de gens pensent aux hallucinations lorsqu'ils considèrent les substances psychédéliques ; ils pensent qu'on voit des choses qui "ne sont pas vraiment là". Vous soutenez que la conscience quotidienne ordinaire est une hallucination, dans le sens où elle est une perspective fragmentaire de la réalité. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la relation - telle que vous la concevez - entre hallucination et conscience ?

A.N. Whitehead
PS : Personne ne peut nier que nos perceptions de l'environnement se limitent à une mince fraction de tout ce qui existe - l'étroite bande de fréquences électromagnétiques que nous percevons comme des couleurs en est l'exemple typique. Déjà, notre conscience perceptive, n'est pas une image de la totalité du réel, mais simplement une abstraction ou une extraction transformée. Outre cette distorsion perceptive de la réalité, il existe souvent une distorsion conceptuelle, à laquelle A.N.Whitehead fait référence par le biais de sophismes tels que celui du caractère concret erroné et celui de la simple localisation. Un excellent exemple du premier est lié au panpsychisme dont nous avons parlé plus haut : nous considérons généralement la "matière" que nous voyons autour de nous comme étant théoriquement comprise dans le cadre d'une description spatio-temporelle, mais cette hypothèse ne fait que conduire à des paradoxes ultérieurs entre l'esprit et la matière, tels que le « Hard Problem of Consciousness ». Il semble donc que nos perceptions communes et nos représentations communes fournissent trop peu à notre conscience - et c'est en ce sens que je veux dire que la conscience peut être considérée comme une hallucination : nous confondons le spectre avec le réel.

Les psychédéliques permettent une déstructuration de cette conscience ordinaire, et ils semblent parfois nous apporter une plus grande variété de perception, de représentation, de sentiment, etc. qui peuvent enrichir le quotidien de la conscience. La question de la véracité des phénomènes ineffables dotés d'une existence autonome est une des tâches de la théologie de demain.

3:AM: Vous notez que la représentation que  A.N. Whitehead a de la philosophie, est d’être mystique, et que son but était de rationnaliser le mysticisme. Qu'est-ce que cela signifie de rationaliser le mysticisme ?

PS: La description de Whitehead fait référence à son concept de la philosophie : la découverte et le développement de nouvelles idées qui transcendent et qui transgressent les lieux communs des idées anciennes et traditionnelles. Au départ, de telles idées sont mystiques dans le sens où elles sont nouvelles et font donc partie de l'inconnu. C'est alors le rôle de la philosophie d'examiner puis de rationaliser ces états et idées originellement mystiques. La phénoménologie psychédélique serait, à mon avis, une démarche essentielle à cette rationalisation du mysticisme. Je dois ajouter que "rationaliser" ne signifie pas ici réduire, comme dans la connotation de l'expression courante "expliquer rationnellement". Plutôt que de réduire à ce qui est une connaissance établie, 'rationaliser' signifie ici augmenter la connaissance à la fois en termes de contenu et de structure.

3:AM : Vous parlez de l'intuition d'unité et de place dans l'univers que procure l'expérience psychédélique et mystique, ce qui suggère une vision du monde psychédélique spécifique - une vision de paix et d'acceptation, peut-être. Cela semble en contradiction avec la volonté de puissance de Nietzsche, mais vous dites que les deux doivent s'entrecroiser. Pouvez-vous développer ?

PS : L’intuition d'unité et de connexion avec le Tout est fréquemment rapportée après l'absorption de fortes doses de psychédéliques. La question de la véracité de cette intuition reste ouverte. L'intuition s'accorde bien avec la philosophie de Schopenhauer car ici la différenciation est conditionnée par les délimitations spatiales et temporelles, mais l'espace et le temps ne sont que des projections de l'esprit sur la réalité - de sorte que la réalité en elle-même reste Une, en une sorte d'hénologie. Nietzsche a beaucoup emprunté à Schopenhauer, mais a rejeté une telle hénologie. Les volontés de puissance sont multiples et ne sont harmonisées que dans une moindre mesure et pour former des structures de puissance supérieures, comme celle de l'organisme humain. Je devrais donc dire que la vision du monde hénologique induite par les psychédéliques est incompatible avec la philosophie du pouvoir tardive de Nietzsche. Je suis personnellement convaincu de la volonté de puissance, avec des réserves, mais je rejette donc la véracité d'une telle hénologie. En outre, les tentatives de renoncer à la volonté (ou à l'ego) en se référant à une unité perçue sont elles-mêmes un moyen de la volonté de puissance. En fin de compte, l'unité et la multiplicité font toutes deux partie du modus operandi de la nature, et rabaisser l'une ou l'autre revient à rabaisser la nature elle-même.

3:AM: Vous avez écrit sur l'utilisation par Nietzsche de drogues psychotropes - en particulier l'hydrate de chloral - et sur d'autres philosophes qui vous ont influencé, comme William James qui soutenait que l'ivresse au protoxyde d'azote était la clé des secrets de la religion et de la philosophie. Et vous avez suggéré que les Grecs de l'Antiquité tripaient tous en même temps qu'ils travaillaient. Dans quelle mesure pensez-vous que la philosophie occidentale a pu être influencée par les substances psychotropes ?

PS : J'ai supposé que Platon avait ingéré des substances psychoactives dans la potion kykeon que les initiés devaient boire lors des mystères éleusiniens. Que ce kykeon ait contenu ce que nous appellerions aujourd'hui une substance psychédélique est plus plausible que son contraire, pour de nombreuses raisons. Les visions de Platon sont rapportées dans son Phédon, également connu sous le nom de "Sur l'âme", où Platon parle de l'intuition de la dualité corps-âme qu'il cherche ensuite à justifier rationnellement dans le dialogue, parallèlement à sa théorie des formes. Si l'on accepte la boutade de A. N. Whitehead selon lequel la tradition philosophique européenne consisterait en une série de notes de bas de page sur Platon, on peut alors justifier l'importance des psychédéliques pour la philosophie telle que nous la connaissons. L'autoproclamé "philosophe chimique" Humphry Davy a écrit en 1800 un traité sur les ramifications philosophiques de la prise d'oxyde nitreux, se rangeant du côté des idéalistes - et par la suite nous pouvons suivre une lignée de philosophes qui ont expérimenté les psychotropes. Parmi eux, citons Nietzsche, James, W Benjamin, Jünger, Paz, Sartre, Foucault et Nick Land, entre autres. William James a d'ailleurs écrit que la philosophie de Hegel ne lui est apparue clairement que sous l'influence du protoxyde d'azote. Dans les années 1950, Aldous Huxley, le psychiatre Humphrey Osmond (qui a inventé le terme "psychédélique") et le neuro-philosophe John Smythies ont failli créer un précédent philosophico-psychédélique avec leur projet "Outsight" : d'éminents penseurs devaient être réunis pour prendre de la mescaline sous supervision et enregistrer leurs expériences. Malheureusement, le financement de ce projet n'a jamais été accordé – ce qui est bien dommage car les participants invités et enthousiastes comprenaient C. D. Broad, A. J. Ayer, H. H. Price, J. C. Ducasse, Gilbert Ryle, Carl Jung et Albert Einstein.

3:AM : Vous décrivez le mode d'esprit psychédélique comme plus libre, moins concentré. Quelle est votre position sur l'utilisation de substances psychédéliques en tant que stimulants cognitifs ?

PS : En ce moment, il y a beaucoup de discussions autour du "microdosage" : prendre des psychédéliques en quantités infimes pour améliorer la cognition, ceci dans la veine des nootropes. Savoir si le microdosage est efficace en tant que tel est une question empirique sur laquelle plusieurs études sont lancées. S'il s'avère - comme beaucoup le prétendent - que le microdosage est efficace pour stimuler la mémoire, l'intelligence logique, les aptitudes artistiques, etc. alors, comme la plupart des transhumanistes, je suis favorable à son utilisation caeteris paribus. .../.... Les nootropes sont déjà utilisés par les militaires - par exemple, l'armée de l'air américaine utilise le modafinil - et il se pourrait donc que, contrairement aux valeurs contre-culturelles des années 60, le LSD soit utilisé à des fins militaires. Je dois ajouter que le macrodosage, c'est-à-dire l'utilisation des doses habituelles, agit aussi assurément comme un stimulant cognitif - non seulement pendant l'expérience elle-même, mais aussi comme une incitation à la créativité. J'ai soutenu ailleurs, par exemple, que certaines parties du Zarathoustra de Nietzsche ont été inspirées par des rêves induits par l'opium.

.../...

3:AM: Et quelles sont, selon vous, les questions éthiques liées à ces états de conscience modifiés. Considérez-vous qu'ils ne sont une opportunité éthique, ou ont-ils leur côté obscur? Après tout, la plupart des technologies ont un effet Frankenstein.

PS : En tant que Nietzschéen, je reste persuadé qu’il y a un côté obscur : ‘avec la grandeur vient la terreur’, comme il aimait le dire. Il y a un côté sombre à l'expérience psychédélique qui est en grande partie éludé dans l’engouement actuel du psychédélisme thérapeutique. En trip, j'ai connu des abimes de terreurs sublimes comparé auxquelles les vers de Milton sont à l’eau de rose. En fait, pour le théologien Rudolf Otto, plonger dans l’âbime est une condition préalable à une vraie révélation empyrée. Je comprends que pour beaucoup de gens, de tels risques constituent une ligne rouge qui empêche l'expérimentation. J'imagine aussi que pour d'autres, de telles expériences peuvent être psychologiquement dommageables, surtout si le patient a des croyances religieuses. Ernst Jünger pensait que les psychédéliques ne devaient pas être utilisés par la majorité des gens, et peut-être se montre-t-il plus sage qu’injuste en ce psychonautisme élitiste . 

En dehors des questions liées aux côtés sombres de l'expérience, il reste beaucoup d'autres questions éthiques à discuter ici, comme le droit à la liberté cognitive, les causes et les effets de la prohibition, les changements possibles de perspectives politiques après l'utilisation de psychédéliques, la nécessaire harmonisation des lois sur les psychédéliques avec les lois sur l'alcool, la différenciation de classe potentielle à l’instar des nootropes, le conflit potentiel avec les croyances religieuses, et ainsi de suite. Je le répète, tout ce domaine est fertile pour une réflexion approfondie.

Interview by Richard Marshall and Lindsay Jordan. Traduction : Ozias Myssos

https://www.3-16am.co.uk/articles/the-noumenaut-psychedelics-and-philosophy

Même sujet, même média, autre article :

https://www.3-16am.co.uk/articles/psychedelics-and-philosophy

mercredi 14 septembre 2022

Actualités psychédéliques : où s'informer ?

Depuis quelques temps, de partout, il est de plus en plus question de psychédéliques. Le sujet est vaste car il  comporte des aspects thérapeutiques, scientifiques, philosophiques, politiques, spirituels, juridiques, moraux, pratiques etc. Comment s'y retrouver parmi les dizaines d'articles et de publications publiés chaque semaine, vers quels sites se tourner pour suivre l'actualité du secteur ?

Voici donc quelques liens permettant de retrouver de l'information en ligne au sujet des psychédéliques. Je n'ai pas lu tous les articles de chaque magazine. Tous ne se valent pas d'un point de vue scientifique ou divertissement et  vous trouverez vous même lesquels vous conviennent. Merci donc de vos commentaires et de vos infos si vous en connaissez d'autres sources recommandables.

Sources thérapeutique, scientifique et économique.

The Mind foundationLa Fondation MIND est une organisation scientifique et éducative européenne à but non lucratif qui encourage la recherche et la thérapie psychédéliques. MIND a pour mission de promouvoir la recherche et l'enseignement sur l'utilisation thérapeutique des psychédéliques. C'est une source parmi les plus sûres du secteur, mais pas forcément dénuée de conflits d'intérêts. Afin de faciliter la recherche d'articles pertinents, MIND propose des listes de recommandations d'articles sélectionnés . Merci Mind-Foundation !  https://mind-foundation.org/


MAPS  
L'Association multidisciplinaire pour les études psychédéliques (MAPS) est une organisation de recherche et d'éducation qui développe des projets médicaux, légaux et culturels pour de meilleurs  usages des psychédéliques et de la marijuana.

PSR: Psychedelic Science ReviewPsychedelic Science Review offre une perspective exclusivement scientifique sur les psychédéliques.  PSR s'intéresse à la recherche scientifique et aux connaissances sur les psychédéliques, de la chimie à la psychologie. PSR ne se positionne pas en partisan ou des adversaire du changement politique ou social. PSR s'assigne pour but d'offrir des informations factuelles sur la base de la pertinence scientifique. Chaque semaine PSR sélectionne notamment un article scientifique traitant des psychédéliques.

Basé en Oregon, Psychedelic Alpha est une lettre d'information "indépendante"? qui s'efforce de divulguer les connaissances, le réseau et les informations nécessaires auprès de la communauté psychédélique et des professionnels du secteur en vue de faire progresser la médecine psychédélique et les découvertes qui en découlent. C'est un site assez pragmatique et donnant une certaine visibilité sur l'économie du secteur psychédélique.


Sources Ethnobotaniques, développement personnel, transformation sociale

Chacruna : Une référence pour les infos et les articles traitant des aspects sociétaux, spirituels, thérapeutiques des plantes sacrées. Chacruna est un institut sud américain qui se définit ainsi :"Nous éduquons le public et créons une culture et une légitimité concernant les substances [enthéogènes] afin qu'elles cessent d'être stigmatisées et interdites. Chacruna jette également un pont entre "l'usage cérémonial traditionnel" et les contextes cliniques et thérapeutiques, en apportant les connaissances et les perspectives des sciences sociales aux professionnels de la santé et aux praticiens de la thérapie assistée par les psychédéliques..../... Nous voulons un monde où les plantes médicinales et autres substances psychédéliques sont préservées, protégées et valorisées comme faisant partie de notre identité culturelle et intégrées dans nos systèmes sociaux, juridiques et de soins de santé.

Iceers L'International Center for Ethnobotanical Education, Research, and Service (ICEERS) est une organisation à but non lucratif qui se consacre à la transformation des relations entre les sociétés et les plantes psychoactives. A ce titre, Iccers traite des problématiques résultant de la mondialisation de l'ayahuasca, de l'iboga et d'autres plantes ethnobotaniques. Je recommande notamment les pages décrivant en détail les principales plantes et champignons psychoactifs, les effets, les dosages, les précautions à prendre.

The Psychedelic society : "Nous défendons le potentiel de guérison des psychédéliques et les pratiques qu'ils inspirent. Avec une profonde appréciation de la science, une révérence pour la nature et un respect pour la sagesse des traditions établies de longue date, nous cultivons des terrains de jeu pour l'exploration de soi et la connexion profonde." Une source inépuisable d'évènements, de pratiques, et de réflexions sur l'usage des psychédéliques et des états de conscience modifiés.

Psymposia Psymposia est une organisation médiatique qui offre des perspectives progressistes sur les drogues, la politique et la culturePsymposia+3 propose souvent un point de vue décalé qui tranche sur l'angélisme de la renaissance psychédélique mainstream. Par contre pas sûr que ce media soit encore tenu à jour…

Psychedelic support : Une société US qui se donne pour mission la transformation sociale par le biais des thérapies psychédéliques. On y trouve des articles d'actualité sur la sujet, mais aussi des liens pour se former à ces pratiques ou participer aux études en cours en tant que pionnier. 


Magazines d'information communautaire sur les psychédéliques

Psychedelic frontier promeut une approche éclectique des psychédéliques "Il existe de nombreuses cultures et attitudes entourant les états de conscience modifiés, allant des chamans amazoniens aux raveurs en roue libre. Aucune d'entre elles n'a le monopole de la "bonne" façon de voir et d'entreprendre l'expérience psychédélique, mais il y a des leçons à tirer de toutes les approches. Nouveautés, art, musique, spiritualité et articles scientifiques sont les principales rubriques de ce site plutôt recommandable.

Reality sandwich se donne pour objectif de couvrir la culture psychédélique sous les aspects les plus divers tels que la sexualité, les arts, la science et les pratiques de consommation. On y trouve aussi un guide sur les différentes substances ainsi que sur le microdosage. Plutôt hype et bien illustré, je recommande !


Lucid News se définit comme un media  informé, honnête et transparent qui couvre le renouveau des psychédélique actuel. Fondé par d'anciens membres des communautés psychédéliques, Lucid News veut faire preuve de discernement et d'un scepticisme sain dans sa ligne éditoriale. Le site est bien fait, régulièrement mis à jour et surtout très éclectique. 

Psychedelics Today
 Un média plaidoyer de la cause psychédélique. Psychedelics Today couvre les découvertes scientifiques, universitaires, philosophiques, sociétales et culturelles afin de faire avancer la connaissance des psychédéliques et de leurs usages. 



Consultez aussi le portail de Psychedelic press qui édite et revend des ouvrages spécialisés et tient un blog sur l'actualité des psychédéliques. Ne passez pas à côté de https://psychedelicpress.substack.com/ qui compile des articles souvent érudits à propos des plantes et des états de conscience modifiés.


Un autre blog super intéressant, très à jour sur les psychédéliques, et notamment les questions liées aux expériences difficiles. Plutôt "new-age" et gonzo style dans l'ensemble ! 

https://www.ecstaticintegration.org/ 

Citons aussi le blog de l'APRA (Amsterdam Psychedelic Research Association), une association multidisciplinaire basée à Amsterdam.

Voilà donc quelques titres pour rester dans le coup. Vous aurez remarqué qu'ils sont tous en anglais. Du côté des sites français je ne vois rien de tel. Il y a quand même le site de la SPF (Société Psychédélique Française),  deux magazines en ligne très gonzo style  vice et  neon mag qui abordent parfois le sujet et relaient quelques articles traduits,  et de nombreuses pages Facebook comme la SPL (Société Psychédélique de Lyon)  Grenoble psychonaute, ou groupes Facebook tels que la CPF communauté psychédélique francophone et tant d'autres passionnants.

Bonne lectures, merci de vos commentaires et retours

Ozias

mardi 23 août 2022

Cardiotoxicité des substances

Les stoners et les psychonautes vieillissent aussi. Parmi les 20% de français qui ont dépassé l'âge de 65 ans beaucoup ont découvert les drogues dans les années 60/70s et certains continuent à les apprécier. Pourtant, beaucoup d'usagers séniors se retrouvent sous traitement médical chronique suite à des problèmes d'hypertension, cardio-vasculaires, de diabète ou autres. Pour eux se pose la question de la compatibilité entre l'usage de substance et  celle de leur condition physique, plus celle des interactions entre produits et traitements. Etant moi même concerné, et intervenant en Caarud, j'aimerais échanger avec des professionnels sensibles à cette question, ou avec d'autres usagers seniors intéressés par ce sujet.
Au terme de quelques semaines de recherche, voici quelques articles qui m'ont paru pertinents, sérieux et utiles sur ces questions et pour le cas spécifique des affections cardiaques.
Cependant, il existe de multiples formes de pathologies cardiaque (arythmie, cardiopathie structurelle, insuffisances cardiaques, coronaropathies). Cet article cible les risques d'infarctus par obstruction des artères coronaires. A ce sujet, et d'après les lectures référencées plus loin, je propose un schéma dans lequel j'ai classé différents produits selon le risque perçu en termes de coronaropathie. Ce schéma qualitatif n'engage que moi, je ne suis pas médecin, et je serais ravi de vos commentaires à son sujet.


D'une manière générale, ce qu'il faut savoir

Une étude de fond sur les récepteurs à sérotonine et leur action sur le système cardiovasculaire.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10661823/



Recreational drug misuse: issues for the cardiologist.

Cannabis

Avec le cannabis les études se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Il semblerait que le risque d'infarctus augmente dans l'heure qui suit la consommation (+0,8%) mais d'autres publications montrent que l'on ne constate pas de différence significative. Voici un article qui fait le point sur le sujet https://www.cureus.com/articles/45502-association-between-marijuana-use-and-cardiovascular-disease-in-us-adults#!/

Article de référence : The Impact of Marijuana on the Cardiovascular System: A Review of the Most Common Cardiovascular Events Associated with Marijuana Ushttps://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7355963/

Cardiovascular effects of cannabis and derivates :
https://www.edimark.fr/Front/frontpost/ … /13535.pdf

Effects of Cannabis on Cardiovascular System: The Good, the Bad, and the Many Unknowns

Mode d'action des cannabinoïdes, notamment du THC, sur le corps humain et conséquences de la consommation de cannabis.

LSD
Dans la THÈSE POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE MEDECINE SPECIALISEE CLINIQUE. Joyce DEMEY le 22 octobre 2020 "LES EFFETS INDESIRABLES SOMATIQUES ET PSYCHIATRIQUES DU LSD", on peut lire :
"Sur le plan cardiovasculaire, le LSD est un cardio-stimulant et entraînerait des troubles du rythme, en particulier des tachycardies sinusales, des arythmies supra-ventriculaires, de l’hypertension artérielle et un risque accru d’infarctus du myocarde. (34) Cela ne semble pas être médié par ses effets adrénergiques et sympathiques relativement légers. En réalité, le LSD, dérivé de l’ergot de seigle, entraînerait des variations des taux de sérotonine, à l’origine d’un phénomène d’agrégation plaquettaire. Cette coagulation anormale pourrait aboutir à la formation de caillot, lui-même à l’origine de vasospasmes artériels et des complications cardiovasculaires centrales et périphériques de type ischémique similaires à celles retrouvées dans l’ergotisme. (34) (66). Ces effets seraient potentialisés par l’activité agoniste alpha adrénergique et prostaglandinergique. Il semble judicieux de contre-indiquer le LSD chez les patients souffrant de troubles cardio-vasculaires ou d’anomalie hématologique. "

Psychédéliques en général

Cas particulier du 1cpLSD . Les dérivés ou prodrogues du LSD semblent avoir causé quelques soucis au niveau cardio vasculaire et des risques de vaso-constriction. Détails dans l'article de Not for Human

https://notforhuman.org/index.php/2023/04/08/1cp-lsd-effets-secondaires-sur-le-coeur/

https://www.psychoactif.org/forum/t20801-p1-1p-lsd-vasoconstriction-douleurs-coeur-dans-les-membres.html

https://www.psychonaut.fr/threads/douleur-persistante-avec-le-1p-lsd.32517/

Tryptamines

Risk assessment of ritual use of oral dimethyltryptamine (DMT) and harmala alkaloids
https://catbull.com/alamut/Bibliothek/Ayahuasca%20paper%20PDF.pdf

Microdosing psychedelics: More questions than answers? An overview and suggestions for future research

Kétamine

Cocaine, crack, amphétamines
Ces produits causent les plus fréquentes et les plus sévères atteintes cardiovasculaires

RCs Simulation de cardiotoxicité

https://www.psychoactif.org/blogs/2-Predire-la-cardiotoxicite-d-un-RC-RdR-par-l-IA_6728_1.html#

Polyconsommation, mélanges

La polyconsommation de psychotropes et les principales interactions pharmacologiques associées.
http://www.santecom.qc.ca/BibliothequeVirtuelle/CPLT/2551225450.pdf

Cette liste n'est qu'un commencement. Je serai heureux d'enrichir cet articles par d'autres liens que vous connaissez, d'autres expériences que vous avez faites. 

Ozias

PS: autre article sur le même thème 

https://emagicworkshop.blogspot.com/2021/06/avancer-en-age-et-consommer-des-drogues.html

Il existe aussi un forum psychoactif dédié à cette question : https://www.psychoactif.org/forum/viewtopic.php?pid=593890#p593890

samedi 13 août 2022

Mon infarctus

 

D'abord tout le monde s'en fout, et moi le premier. 

Ce lundi matin, le dernier de février 2022, en allant courir, j'ai l'impression de pas trop avancer. Je raccourcis mon tour habituel. Puis, après le repas je ressens un drôle de malaise avec à la fois la peur de tomber et l'envie de dégueuler. ça dure 30 secondes, pas plus. Puis dans la nuit de lundi à mardi je retrouve dans mon lit la sensation d'avoir un succube posé sur l'épaule gauche. Il se déplace parfois. Comme un gros chat couché sur moi. Il attaque aussi par l'arrière ou bien il se déplace vers mon bras gauche. Oppression, donc, zen, détendons nous !

ça passe, et puis ça revient. C'est une sensation que j'ai déjà rencontrée à plusieurs reprises en me couchant. Une impression d'oppression qui me rappelle tous ces tiraillements que j'ai eus depuis la mâchoire jusqu'à l'estomac depuis 2005 et qui se sont multipliés ces dernières années, qui disparaissaient après quelques gorgées d'eau froide et à cause lesquels j'ai mangé des kilos de Maalox contre les maux d'estomac. Un matin à Metz en 2020 aussi où j'ai dû sortir trempé de sueur d'une salle de conférence où j'étais assis. Par contre, ce qui est nouveau ce soir c'est cette nausée qui ne me lâche plus et en plus , des gargouillis inhabituels dans mon ventre. Comme une longue nausée sans pouvoir vomir, entrecoupée de quelques gros spasmes à tomber raide et douloureux à mourir.

Mardi matin, plus de douleur dans la poitrine, mais nausée à ne pas pouvoir me lever et fatigue tellement intense que je ne peux appeler mon médecin traitant qui prend des rendez-vous seulement avant 9h15 ou après 17h. Serait-ce le Covid ? Je fais un test, et je suis déçu de constater qu'il est négatif. Vers 15h, je sors du lit, impossible de manger, à 18h, j'appelle mon médecin qui me donne rendez-vous le lendemain à 18h00.

Mercredi, journée sur le canapé, tout patraque. A 18h, je prend la voiture et je me rends chez le médecin. Il me dit que j'ai de la fièvre (38C). Il me fait un électrocardiogramme. Diagnostic possible, mais sans trop y croire : c'est peut être un infarctus. Il me fait une ordonnance pour des médicaments (aspirine, nitroglycérine Natispray) et un dosage de la troponine.

Comme j'habite la cambrousse et vu l'heure, le labo d'analyses ouvert le plus proche est à 25 km. 18h30 , il est déjà tard et je repars direct au volant de ma voiture de chez le médecin, direction la vallée . Premier stop à la pharmacie, longue file d'attente. Deuxième stop 15 km plus loin à la recherche d'un labo d'analyse qui ferme à 19h. L'accueil est introuvable car la clinique "B." est justement en chantier et en février, il fait nuit . Je erre dans le chantier sombre, puis je trouve l'accueil, où on me dit:  "Le laboratoire est fermé depuis 19h, il faut que vous alliez aux urgences privées de la clinique "C". 

Je repars avec ma voiture pour une dizaine de kilomètres encore. Attente, 12 personnes devant moi. ça fait maintenant 3 heures que je suis parti de chez le médecin. Finalement, prise de sang. Je regarde mon sang couler dans le tube, épais et sombre comme du civet de lapin. Enfin je repars chez moi en voiture (25km). Arrivé je prépare des pâtes et je mange. A peine posé sur mon canapé, coup de fil du labo d'analyse qui me demande de partir direct aux urgences pour cause de souffrance cardiaque aigue. Bref, après plus de deux jours de malaises, voilà que je fais officiellement un infarctus ! Là, le plan Orsec est lancé !

A l'hôpital je suis pris un max en charge  par une demi-douzaine d'intervenants tous très jeunes et tous en mode Matrix. Ils se présentent militairement, "bonjour monsieur Ozias, je suis Joe, Votre infirmier stagiaire et je .... bla bla..." et  j'oublie leur nom spontanément. Après un grand tour des couloirs en lit roulant, lardé de perfusions et ficelé d'électrodes, j'attends dans une chambre double pour subir une angio-plastie dès que possible. 

Un vrai problème avec la cardiologie, c'est le monitoring cardiaque : 6 électrodes sur la poitrine plus un bracelet pour la tension, sans parler des perfusions. Beaucoup de fils à la patte et donc, impossible de sortir du lit, quel que soit le besoin. Et quand un "gros besoin" se fait sentir, j'ai honte pour mon voisin (because le bruit, et l'odeur). Bref, en fin de matinée, après quelques allées et venues de groupes d'internes et un questionnaire intrusif et désagréable sur mon 'hygiène de vie', où l'on me fait comprendre qu'en fumant du cannabis je n'ai pas volé ce qui m'arrive, et jurer que je ne recommencerai plus, c'est mon tour et je pars au bloc. 

L'angioplastie consiste, à l'aide d'un cathéter, à faire remonter depuis la veine du poignet droit deux petits ressorts qui maintiendront les coronaires ouvertes au niveau du cœur (les stents). Mon opérateur me demande si j'autorise son collègue débutant à pratiquer cette opération pour la première fois. Déjà bien dans le colletar, je réponds que oui,  et c'est parti pour 20-30mn de ramonage des artères . Avec le Subutex la morphine ne fait pas trop d'effet et j'ai trouvé ce temps bien long. Résultat Méga hématome sur l'avant bras droit. D'ailleurs, plus d'un an après j'ai toujours la marque du méga-hématome qui s'ensuivit, comme un tatouage souvenir.

Ce qui m'a le plus cassé les pieds, c'est que les médecins, comme toutes les personnes de mon entourage ont spontanément trouvé une explication à cet évènement. Et bien sûr, dans tous les cas, la cause ne tenait qu'à moi. Pour certains, c'était dû au vaccin anti-covid, pour d'autres au cannabis,  ou encore au manque d'exercice, ou au sucre trop présent dans mon alimentation.  Tous.tes avaient trouvé une explication qui leur permettait surtout de se rassurer en se disant qu'elleux -au moins- n'avaient pas ce travers là. Plus tard, en rééducation j'ai cotoyé de nombreux autres patient.es victimes d'infarctus. Certains étaient plus jeunes que moi, d'autres plus âgés. Des hommes dans l'ensemble. Il y avait des gros et d'autres pas. des sédentaires, des sportifs, des stressés ou pas des usagers de drogues ou pas. 

Un an plus tard, qu'en est il ? Grace à la réadaptation qui a suivi l'infarctus je me suis remis au sport. Cardio et gymnastique dans un premier temps à l'hôpital, puis natation en été, musculation hebdomadaire et escalade 2 fois par semaine. J'ai donc perdu 5 kilos et gagné en muscles. Pompes et tractions ne me font pas peur et j'ai presque retrouvé mon niveau d'escalade d'homme jeune. Pourtant, je ressens toujours parfois quelques malaises (douleurs dans la poitrine, ou transpiration sans raison), et je redoute en permanence d'avoir à remettre tout en branle à cause d'un caillot qui bouche une coronaire.

Qui vivra verra