L'autre propriété des psychédéliques, surtout lorsqu'ils sont employés à forte dose, est de générer des expériences mystiques au cours desquelles l'ego disparait, ce qui permet de faire l'expérience de la nature profonde de l'univers qui nous entoure et des liens qui nous unissent à lui. Un grand nombre d'utilisateurs de tendance chamaniste ou New-Age sont attirés par les rituels sacrés de prise de psychédéliques et les 'enseignements' qu'ils en retirent.
Bref, les psychédéliques sont pris de plus en plus souvent dans des buts thérapeutiques (dépression, fin de vie, PTSD, et même addictions) ou en vue d'entrer en contact avec le divin (illuminations profanes).
Du coup, il est devenu inconvenant d'avouer que l'on utilise les psychédéliques à titre récréatif ou en contexte festif car cela parait futile, inconséquent, pas sérieux. Compte tenu du contexte actuel de prohibition renforcée en France, cette posture me semble liée pour beaucoup au jugement que notre société porte sur les usagers de drogues : A cause de la prohibition l'usager est considéré comme un malade et un délinquant. Pour reprendre le discours officiel, "la drogue c'est de la merde" , Just say No ! Un usager qui recherche et éprouve du plaisir est donc jugé moralement coupable, presque pervers (vieille morale judéo-chrétienne). Je pense donc que l'engouement actuel pour les psychédéliques consiste - plus ou moins consciemment- à mettre en avant leurs aspects thérapeutiques (l'usage médical drogues est légal) ou enthéogènes (liberté de culte, sacrement) afin de dédouaner leurs usagers de jugements discriminatoires. Les usages enthéogènes et médicaux rendent les psychédéliques respectables et permettent de contourner la prohibition et les jugements moraux au niveau individuel et social. Dans une telle situation contourner le plaidoyer en faveur des droits humains, de la liberté de ses consommations et du droit à disposer de son corps frôle la farce et je trouve dommage, d'avoir à se draper dans de savants prétextes thérapeutiques ou spirituels pour justifier la consommation de ces produits qui nous font nous sentir mieux et plus vivants, et peu importe que ce soit dans un but thérapeutique, spirituel ou récréatif.
Le mouvement pro-psychédélique actuel, qui en France est porté notamment par les Sociétés Psychédéliques, se tient prudemment à distance des communautés d'usagers de produits telles que Psychoactif ou Support dont Punish, comme si un rapprochement ou une alliance risquait d'altérer la respectabilité des mouvements pro Psychédéliques; comme pour éviter d'aborder frontalement la question de la prohibition et celle d'un plaidoyer pour les droits des utilisateurs de drogues. Il faut dire que les dispositions de l'article L3421-4 sont particulièrement claires et sévères "Il est interdit de présenter sous un jour favorable l'usage ou le trafic de stupéfiants. Cela concerne aussi bien les articles de presse que les discours ou les représentations (images) idéalisées de la drogue". Il y a donc un risque à promouvoir les psychédéliques et surtout de très gros enjeux d'image publique. Dans leur souci de faire évoluer les mentalités et la loi, les promoteurs des psychédéliques qui veulent changer les choses, ont avant tout besoin d'être pris au sérieux par nos "autorités" médicales et politiques. Les sociétés psychédéliques, leurs responsables, leurs membres (dont je fais partie), qui craignent d'être poursuivies pour incitation à l'usage de stupéfiants se montrent donc extrêmement soucieuses de donner aux "autorités" une image acceptable des psychonautes (et d'eux même) quitte à les opposer aux autres usagers, et à discriminer les utilisateurs festifs et récréatifs. Par crainte pour leur respectabilité et parfois leurs carrières, les 'notables' de l'écosystème psychédélique se gardent bien de placer le débat sur le terrain de la prohibition des drogues et de l'autosupport communautaire entre usagers.
Pour faire avancer "la cause Psychédélique" (autrement dit, dans un premier temps rendre possible l'usage de ces produits), la science, la philosophie, la spiritualité semblent être des leviers "respectables", mais cela conduit les SPs à se démarquer des communautés d'usagers qui dans les mentalités restent assimilées à la drogue et aux "drogués". Ces discriminations se traduisent souvent par du mépris vis à vis des amateurs de drogues classiques telles que cocaïne, opiacés, amphétamines, ou par des critiques à l'encontre des utilisateurs de psychédéliques à titre récréatif car recevoir une 'Médecine' ou un 'Sacrement' c'est quand même plus sérieux, et mieux vu qu'aller se la coller entre potes.
L'iniquité de cette "toxicophobie psychédélique" me fait penser aux lois Reagan sur le Crack vs la Coke aux US [les peines pour possession ou usage de Crack -qui est de la coke fumée- étaient 5 fois plus sévères que pour la coke sniffée, car beaucoup de noirs fumaient le Crack alors que les blancs sniffaient la coke]. Même phénomène quand il est question de légalisation du cannabis, et que de nombreux partisans distinguent 'drogues douces' et 'drogues dures'.
Bref, la drogue qui craint et qui fait peur c'est toujours celle des autres et je ne vois pas pourquoi les usages des psychédéliques devraient être forcément prescrits ou ritualisés.
Amateurs de psychédéliques et de psychotropes, promouvons ensemble une Réduction des Risques qui combatte et déconstruise la stigmatisation de l’usage de drogues et ses préjugés !
Libérez-vous de vos clichés, amusez vous, faites attention avec les substances et prenez soin de vos potes, la bise les pouilleux !Oz
Un manifeste contre la toxicophobie
Le point de vue décalé de deux savants
Une discussion au sujet de l'usage récréatif
Merci ;)
RépondreSupprimer