samedi 24 mai 2014

Vous avez l'hépatite C !

«Tous les messages de prévention le disent “les toxicomanes ou les ex-toxicomanes doivent se faire dépister,explique le docteur Pascal Melin.
Mais 40 ans après ? Quand on est marié, cadre, qu’on a trois enfants on ne se reconnait pas là dedans. On ne se souvient pas s'y être essayé et qu'on avait vingt ans. Les jeunes utilisateurs de drogues sont suivis aujourd'hui mais les gens de 50-60 ans sont dans la nature."

Les "soixante huitards" sont d'une génération où l'on a testé les drogues sans se soucier des conséquences, conséquences que l'on ne connaissait d'ailleurs pas encore à l'époque (HIV, HVC). Philippe, comme beaucoup de jeunes de cette époque, a expérimenté certaines substances. Puis il a vieilli, s'est marié, a eu des enfants, un emploi de commercial dans lequel il excelle. Il a oublié ses bêtises d'adolescent et de jeune adulte."En 1989, la sécurité sociale m'a proposé de faire un check-up complet. Quand ils ont reçu les résultats, ils m'ont convoqué. J'ai eu droit à tout un cérémonial, le docteur à l'air grave qui m'annonce "Monsieur, vous avez l'hépatite C". J'ai cru que j'étais mort, contaminé, pestiféré."

Et c'est bien ça. La nouvelle qui tombe le futur qui s'obscurcit et le passé qui revient de manière imprévisible. Où j'en suis , combien de temps il me reste, comment annoncer ça, qui ai-je pu contaminer ? comment préserver les autres, me soigner ? avec qui et à qui parler ?
Et si on en parle, difficile de répondre aux questions: Comment as tu attrapé ça ? et c'est contagieux ? car lorsque à la première question on répond qu'on ne sait pas, cela revient à répondre oui à la seconde.

Yolande, elle, a découvert son hépatite en 1990. "après mon premier accouchement j'étais anormalement fatiguée. Le médecin m'a fait dépister. Le verdict est tombé: hépatite C. Longtemps avant j'avais été opérée. L'opération s'était mal passée, j'avais fait une hémorragie et on m'avait transfusée." C'est ainsi que Yolande a été contaminée . Jusqu'à son accouchement elle n'avait jamais rien ressenti. Pour elle l'enfer commence. Dans les années 90 la maladie est mal connue, elle fait peur. "J'ai eu l'impression d'être une pestiférée! Des infirmiers ont refusé de me faire des prises de sang. Mon ancien médecin m'a apostrophé "vous pouvez dire que vous vous êtes piquée! Je me suis levée, et je suis partie. Je ne l'ai jamais revu.
Les témoignages de Philippe et de Yolande montrent bien que le regard porté sur les malades atteints d'hépatite est particulièrement dur.  L'hépatite C c'est un peu le sida du foie, mais grâce à  une communauté active jeune et organisée, le sida a su dépasser la honte liée au mode de transmission. Ce n'est pas le cas de l'hépatite. 
Cela est lié en premier lieu aux différents types d'hépatite existantes et leurs modes de transmission. L'hépatite B est sexuellement transmissible, l'hépatite C se transmet par le sang l'hépatite A par l'alimentation. D'autre part, les hépatites attaquent le foie et les maladies du foie,dans l'inconscient collectif, c'est la cirrhose alcoolique. Ensuite, les hépatites révèlent leurs ravages après des décennies. C'est à dire lorsque les malades sont souvent quinqua ou sexagénaires. On a alors perdu de vue ses 'compagnons de contamination' et on n'est plus à l'âge où l'esprit communautaire et l'activisme est le plus vif. Par son silence et sa lente évolution l'hépatite est une bombe à retardement qui brasse le temps. C'est peut être pourquoi elle se charge d'ignorance, de silences, de dénis, d'histoires, de culpabilités (individuelles et publiques), et de la peur de la contamination. Il en résulte une stigmatisation qui feutre,met en sourdine, étouffe sa médiatisation.
Le fait que la maladie évolue très lentement,  et qu'un même nom 'hépatite' désigne plusieurs formes de transmission et de sévérité (hépatite A, B, C) brouille également l'image dans l'esprit des gens qui ont du mal à situer l'hépatite sur une échelle allant de la crise de foie au sida.
De plus, les modes de transmission de l’hépatite C fractionnent la communauté des 'hépatants': les Tox (usagers de drogues intraveineuses), les Trans (transfusés),  les 'chais pas' (modes de transmission accidentels) . Pour les personnes contaminées par transfusion des enjeux financiers très élevés en ce qui concerne les indemnisations expliquent probablement aussi en partie ce silence.

Voilà donc la réputation de l'hépatite C : une maladie de dépravé, pas volée qui est contagieuse et qui coûte cher à la société. Avec tout ça pas facile d'en parler et de communiquer à ce sujet et donc, pas étonnant que beaucoup se taisent.  
Un jour je serai fier de ne plus avoir honte !

Ozias

"Quand le passé revient de manière imprévisible, ce n'est pas le passé qui revient, mais l'imprévisible.Pascal Quignard.

samedi 17 mai 2014

Cabinet de curiosités

Paul Boche
Camille Hagnier.
Joseba Elorsa.
Agim Meta.
Scott scheidly
Coco Fronsac.
Paco Pomet.

vendredi 16 mai 2014

Sous le signe du sein

)(
La représentation et le culte des seins interroge l'identité féminine, et les places relatives de la maternité et la sexualité. 
La maternité est au coeur du monde rond et charnel des seins. Elle peut être vue à travers de  "l'inconscient collectif" qui célébra de tous temps les déesses mères de Cybelle à la Marianne républicaine en passant par la vierge Marie. La mère originelle est aussi bien celle de l'homme que celle de la future mère.
Entre désir et pouvoir le sein a occasionné de multiples guerres : l'allaitement, le décolleté, les seins nus sur la plage, le silicone... L'intimité féminine, dans ce qu'elle a de plus visible, a toujours été l'enjeu de luttes politiques qui mobilisent tout le corps social. Que les seins soient une arme de séduction, que la maternité leur confère un pouvoir évident ou encore qu'ils aient à affronter l’épreuve du cancer, les seins constituent une ligne de démarcation entre des représentations du désir, de la sexualité, des échanges sociaux qui diffèrent fondamentalement selon que l'on a des seins ... ou que l'on n'en a pas
'Le culte des seins' Caroline Pochon et Alain Rothschild.

Les seins.Quelques images et quelques mots au sujet de cet organe emblèmatique tant fantasmé au cours des siècles.
Sein: Étymologiquement du latin sinus qui évoque ce qui est creux, pli courbe. 
Sybèle. Diane Artémise.
Synonymes & argots : 
Sexy : Appâts, Attraits, Avantages, Devanture, Avant-postes, Devanture
Maternels : Roberts (du nom d'une marque de biberons), Boîtes à lait, bouteilles de bébé, Salle à manger du petit, Tétasses
Ambigus : Giron, Gorge, Jabot, Tripes, Estomac, Pneumatiques

"Du graphe sinueux du sein au graphe de l'inscrit, le sein nous fait signe". André Durandeau, "sous le signe du sein" 1996

Le personnage à seins multiples le plus célèbre de l'histoire est Cybèle, que l'on appelait aussi Diane, ou Artémis - d' Ephèse ou encore Astarté. "La bonne déesse" Cybèle personnifiait la terre nourricière. Les prêtres de Cybèle étaient soumis à la castration. On dit que ce n'est pas de seins, mais de testicules que sa poitrine était couverte. Ils la fertilisaient; elle pouvait enfanter et rester vierge (parthénogenèse). Ce principe a été repris chez la vierge Marie.


Nostalgie de la mère 


Dans l'inconscient collectif les seins sont symboles de la nostalgie de la mère. 
On parle de "sein de l'Eglise", "sein de la Patrie", évoquant l'idée de communauté, de la famille - valeurs "féminines" souvent opposées à la séparation, l'individu et la raison, valeurs "masculines".

Le sein des Maries se dénude au fur et à mesure que l'on passe de l'idéal ascétique du moyen âge à l'humanisme de la renaissance. De pudique les vierges à l'enfant deviennent des vierges allaitantes à la renaissance.

Tout au long de l'histoire comme dans nos représentations le sein ballotte entre maternité sexualité et politique. 

Allaitement :
"Le coït trouble son sang, par conséquent le lait (..) Il engendre mauvaise odeur au lait et qualité vicieuse , telle que nous sentons exhaler des corps de ceux qui sont en rut et échauffés en l'amour et acte vénérien". Ambroise Paré 1585

"J'ai perdu deux ou trois enfants en nourrice., non sans regrets mais sans fâcherie." Montaigne 1572

"Et le sein énorme pendait, libre et nu, comme une mamelle de vache puissante". Emile Zola. 1885


"Le sein est à la mère, le lait est à l'enfant." Françoise Dolto 1990.
Marianne, le sein politique
Au moyen âge le sein de la Vierge Marie exaltait la religion. Le sein de la renaissance voulait séduire. En 1789, le sein de Marianne est un sein politique. L'allaitement maternel devient une vertu républicaine, un devoir civique, un choix patriotique que l'on oppose à la décadence royaliste et à l'utilisation abusive des nourrices. 

"Toute jeune femme qui déclare qu'elle veut allaiter l'enfant qu'elle porte, et qui a également besoin de l'aide de la nation, aura le droit de la réclamer." Décret de la Convention (1793).

"Dans les années 1920 l'Amérique invente la fête des mères, puis Vichy la légalise. Parce que la fonction maternelle est un pilier de la société et de la force des états, on la socialise. La politique investit le corps de la mère et fait du contrôle des naissances un enjeu majeur." Michelle Perrot (2006).

Montrer ses seins, un geste politique.

Scandale en 1968, à Atlantic City: les féministes du Woman's Lib profitent de l'élection de Miss Amérique pour inciter les femmes à jeter leurs soutien gourges et à se libérer des contraintes patriarcales. Plus tard dans les années 1970 et 1980, le mouvement féministe a lancé de nombreuses manifestations seins nus (à propos de pornographie, sexisme, cancer du sang, sida..)
"Nous disons non à l'idée préconçue qui veut que notre corps appartienne aux publicités, aux concours de beauté etc.. Nous revendiquons notre droit inaliénable de régner sur notre propre corps" Ann Simonton (1980).

Femen  le « sextrémisme »
Afin de leur assurer une certaine médiatisation, les actions de Femen se veulent provocatrices, spectaculaires et empreintes d'auto-dérision ou de moquerie. Les militantes sont notamment connues pour manifester seins nus, ce qu'elles font couramment mais pas systématiquement. il s'agit d'« un nouveau type d'activisme féminin qui est, certes agressif, mais encore non-violent, provocateur mais délivrant un message clair ».

https://www.youtube.com/watch?v=KtaJccvdQ7c



Amazones (a-mazos - littéralement dépourvu de sein -)
Historiquement les amazones étaient des guerrières qui pour tirer à l'arc avec plus d'efficacité se faisaient, disait on ,couper le sein droit. "Dans l'imaginaire grec les Amazones représentaient les forces destructrices libérées quand les femmes abandonnent leur rôle de mères nourricières des hommes et s'approprient des attributs virils" Marylin Yalom (2010).

'Comme les guerrières du mythe grec, les femmes qui subissent une ablation du sein connaissent l’asymétrie de leur corps. Les Amazones des temps modernes sont des femmes qui ont dû lutter contre le cancer, mais pas du tout contre les hommes, fort heureusement !
Elles ont perdu un sein, mais ni leur féminité ni leur humour
http://lesamazones.fr/photos/

Amazone. The Scar Project . david Jay.
'Le corps amazone est tabou dans les pays latins, or la majorité des femmes ne fait pas ce choix, ce que la plupart des gens ignorent. Ne nous trompons pas, la reconstruction est d’ordre psychique, même si pour certaines elle passe par la chirurgie.'

Pour de plus en plus de femmes atteintes par le cancer du sein, le tatouage permet de reprendre possession de leur corps et d'affirmer leur féminité. "Le cancer du sein n'a pas à laisser la dernière marque". 

Under the red dress.(Sous la petite robe rouge).
Après avoir survécu à un cancer du sein, Beth Wanga a décidé de prendre des clichés de son corps meurtri par la chimiothérapie et abîmé par les cicatrices de ses opérations pour les publier sur Facebook. 
Beth Wanga, photographiée par Nadia Masot.
Beth Wanga a perdu une centaine d'amis, choqués par cette photo. Pourtant ses photos ont alors rapidement fait le tour des réseaux sociaux, perçues comme une façon de faire de la prévention contre le cancer du sein.
En avoir ou pas, la question est avant tout celle de l'identité. Rien de plus, rien de moins. 
Sinusoïdalement, Ozias


Jan Saudek
http://www.juxtapoz.com/current/clarity-haynes-the-breast-portrait-project
http://wall-mag.com/2013/12/31/boobies-court-metrage-anime-en-hommage-aux-poitrines/
http://thecreatorsproject.vice.com/blog/gilded-scars-helene-gugenheim

mercredi 7 mai 2014

Le blog : Narcisse sans Echo

Salvador Dali. Narcisse.
Écho était une nymphe qui ne pouvait plus se servir de sa voix, sauf pour répéter les derniers mots qu’elle avait entendus. Un jour, Narcisse se perdit en forêt et dit : "est-ce qu’il y a quelqu’un ?". Écho répondit : "il y a quelqu’un". Narcisse appela : "réunissons-nous" et Écho répliqua : "unissons-nous". Écho tomba alors amoureuse de Narcisse, mais il la rejeta. Le cœur brisé, elle se laissa dépérir, jusqu’à ce qu’il ne reste d’elle que sa voix. 

C'est une chose surprenante que de blogger sur la toile sans que personne autour de vous n'y prête attention. C'est comme si je téléphonais depuis une cabine remplie des gens que je connais. Je veux leur parler, mais ils ne décrochent jamais. Voilà ce que je fais depuis trois ans. Trois ans de blog au cours desquels j'essaie de saisir et de donner une forme à ce qui me fait vibrer, ce qui me questionne, ou ce que je ressens.
Bien sûr les centaines de visites quotidiennes que je reçois sur ce blog me donnent le désir et l'énergie de continuer, mais l'assourdissant silence de mon entourage me fait parfois mal au foie. C'est comme une gêne nauséeuse qui me prend au corps quand je me mets à y penser. 
En effet, si ce qui compte pour moi n’intéresse pas mes proches, cela signifie que ce que je peux leur dire,  et par là ce que je suis, ne présente pas grand intérêt . Mon propos semble inintéressant, ou pas montrable, ou pas racontable ou inapproprié, obscène au sens propre. (l'origine du mot obscène serait le mot latin obscena, ce qui ne peut être montré sur scène).
Pas concernés les proches et en tout cas sans voix. (Non, sauf une quand même - Merci ! -). 
Peut être craignent ils en ouvrant ces pages d'être contaminés par un virus transmis d'un simple clic.
Piero Giadrossi. Installation.
Le premier corollaire de cette indifférence, ou de ce déni, est de tenter de comprendre ce qui de moi compte, ou ne compte pas pour mes proches. Certainement beaucoup de choses et très fondamentales telles que présence, existence et santé. Mais à côté de ça, il semble que ce qui me plait ne suscite pas d'intérèt,  ou n'intéresse pas ceux que je côtoie, ou ne constitue pas un sujet de conversation abordable. Toute cette partie de moi, celle du blog, semble insignifiante ou  pas importante et reste sans écho en tout cas . Bien sûr, ce que je dis n'intéresse pas forcément, et forcément n’intéresse pas tout le monde, mais le fait que autour de moi personne ne soit juste curieux de mes délires (nombreux) ou de mes réflexions parfois intimes m'a montré que  je ne compte pas autant que je croyais et que ce qui est important pour moi ne l'est pas pour les autres. Cette absence de curiosité blesse mon narcissisme à tel point que je n'ai même jamais osé en demander la cause de peur que ...De peur que l'on me réponde je ne sais pas quoi.

Le second corollaire est que si mes proches, bien qu'aimants se montrent dénués de curiosité pour les sujets qui me tiennent à cœur, alors cela doit signifier que très probablement  je présente le même travers à leur égard et de façon plus générale, envers autrui.  L'intérêt , que je ressens naturellement pour mes pensées et les centres d’intérêt qui me sont propres ne doit être en réalité qu'une manifestation de mon narcissisme. Si je fais le postulat que les autres sont - par construction - plus ou moins semblables à moi, cela veut dire que, tout comme eux, je dois me comporter en autiste envers ce qui compte à leurs yeux et générer chez eux des frustrations semblables à celles que je connais et décris ici. Je nous vois donc ni prêts à en sortir, ni près de la sortie !

Bref,  de ces sentiments d'indifférence joints à ceux d'incommunicabilité résulte un tableau plutôt déprimant et un rien désespérant pour ce qui touche la communication  autour de moi. Je me console en me disant que mes proches évitent mes bloggeries  car ils n'ont tout simplement pas envie de parler, ni d'entendre parler de maladie et de mes états d'âmes.
En même temps, me trouvant parfois seul sur le chemin, le sujet de la difficulté à partager l'intime est devenu un de mes 'dadas' et a déjà fait l'objet de plusieurs articles sur emagicworkshop cités plus bas.

Surtout, surtout, merci à vous, lecteurs internautes inconnus ou pas qui découvrez ou qui suivez ce blog  et qui êtes ma raison de continuer.

http://emagicworkshop.blogspot.fr/2013/04/de-la-difficulte-de-partager-lintime.html

http://emagicworkshop.blogspot.fr/2013/01/bonjour-ca-va.html

http://emagicworkshop.blogspot.fr/2013/07/regrets-eternels.html

http://emagicworkshop.blogspot.fr/2013/05/letranger-exprimer-lindicible.html

http://emagicworkshop.blogspot.fr/2012/09/la-metaphore-de-la-metamorphose.html

jeudi 1 mai 2014

Guérir du désir de guérir

Honoré Daumier. Malade imaginaire.
Dans son livre, 'Le patient autonome' et sur France Culture le 16 avril dernier, Philippe  Barrier, philosophe et patient nous parle de son approche de la maladie, de la santé, et de la médecine. Voici ce que j'en retiens.
Nous sommes un corps et ce corps est le témoin et la mémoire du rapport que nous entretenons avec nous-mêmes et avec le monde qui nous entoure. Lorsque nous 'tombons malades' la maladie brise notre équilibre de vie et remet en cause notre rapport au monde et à nous mêmes. Nos emplois du temps comme nos priorités sont changés par les analyses, les visites les interventions, les questions, les résultats.  Notre confiance en nous, en notre avenir sont bouleversés et remis en question. Nous nous trouvons alors désarçonnés et contraints de vivre avec notre pathologie et à découvrir un nouvel équilibre. La première idée qui se présente est de guérir, faire disparaître la maladie et revenir au plus vite à notre équilibre connu de bien portant.  Pourtant, dans le cas de maladies chroniques, longues ou si la maladie nous laisse des séquelles, un tel retour en arrière sera bien difficile, voire impossible.

D'autre part la société et la médecine posent en termes d'impératif moral l'injonction de se soigner et de revenir à un équilibre de 'bien portant'.  Au delà de la perspective de la guérison,  la question de la maladie, et en particulier la maladie chronique,  se pose donc à nous sous la forme d' une crise de notre normalité ou plutôt de notre normativité,  qu'il nous faudra résoudre.
Un équilibre peut se créer dès lors que la norme de 'bonne santé' n’est pas vécue comme une contrainte extérieure, mais davantage comme un appui du dedans, c'est à dire non pas comme une norme imposée de l'extérieur, mais comme une normativité intérieure à établir.
La maladie doit s'intégrer à une refondation identitaire. La pathologie  crée une occasion de se restructurer et permet d'ancrer une identité . Ainsi, la vraie guérison, dans le cas de maladies chroniques ne peut venir que par guérir du désir de guérir, par la production d'une auto-normativité qui nous rend auteurs de nos vies.

L'ouvrage "Le patient autonome" traite plus spécifiquement des rapports entre le patient et son médecin. Philippe Barrier soutient, avec raison, que le patient est le mieux placé pour savoir ce qui chez lui est pathologique. Le savoir médical et le savoir existentiel du patient sont les deux faces de la connaissance de la maladie. Le refus de l'écoute du patient fait passer le médecin à côté de la vraie pathologie.  "Le patient autonome" est un plaidoyer pour une définition par le patient, avec l'aide bienveillante de son médecin, de sa propre norme de santé, lui permettant de repenser la place de la maladie dans sa vie.



Petite bibliographie:
Le Normal et le Pathologique de Georges Canguilhem (publié en 1943, complété 1966)
'Georges Canghilem défend la théorie selon laquelle le pathologique ne peut se définir de manière objective. En effet, il n’est pas possible de comprendre la maladie outre la représentation qu’en fait le malade puisqu’elle est définie par la conscience du malade et non par celle du médecin. La maladie est donc perçue au travers du vécu du malade comme qualitative et l’observation du médecin confirme cette différence qualitative de l’état du patient. Toute modification de la santé est donc à la fois quantitative et qualitative.
Cependant, pour Canguilhem, il n’existe pas d’opposition marquée entre le normal et le pathologique dans la mesure où l’état normal ne peut être considéré seulement par rapport à un milieu donné et que le pathologique est en lui­ même « normal ». Il obéit à sa propre normativité : être malade, c’est encore « vivre », ce qui suppose agir encore selon des normes. La mala­die est alors vue comme « un effort de la nature en l’homme pour obtenir un nouvel équilibre.' 
Canguil­hem considère d’autre part qu’un retour à la norme antérieure d’un état pathologique, à savoir la guérison, est « la reconquête d’un état de stabilité des normes physiologiques ». Or, « aucune guérison n’est un retour à l’innocence physiologique car il y a irréversibilité de la normativité biologique ». Ainsi, « guérir, c’est se donner de nouvelles normes de vie, parfois supérieures aux anciennes », mais jamais identiques.

La blessure et la force de Philippe Barrier (2010).
'L'auteur, principalement à partir de sa propre expérience, analyse le parcours à la fois difficile et enrichissant d une relation complexe à la norme de santé, habituellement étiquetée comme maladie chronique. Il y découvre, au sein des forces contradictoires en oeuvre, des potentialités équilibrantes ou « auto-normatives » qui offrent au malade la possibilité d'une restructuration individuelle positive avec la maladie. Il y voit une opportunité pour une évolution prometteuse vers une dimension intelligemment   «autonomisante », et peut-être moins arrogante, de la relation médicale de soin.'


Le patient autonome de Philippe Barrier (2014)
'La question de l’autonomie du patient ne peut être enfermée dans une alternative stérile entre liberté totale ou, au contraire, tutelle médicale. Le vrai problème et sa solution résident dans la conception de la norme. Cet ouvrage fait l’hypothèse que le patient possède une potentialité "auto-normative" qui le rend susceptible de penser par lui-même sa santé, dans une étroite collaboration avec le médecin. La relation médecin-malade apparaît dès lors comme un enrichissement mutuel. Par une succession de prises de consciences, le patient peut parvenir à une revalorisation de sa vie avec la maladie, qui lui permettra éventuellement de donner une dimension éthique et pédagogique à son « épreuve de la maladie ».'

samedi 26 avril 2014

Rézos sociaux

Internet est planétaire. Les blogs et Facebook nous invitent à nous mettre en scène. Avec Facebook nous avons un auditoire sous la main. Nous pouvons devenir, à des degrés divers, des personnages publics, des communicants, mettant en scène avec plus ou moins de soins ou de talents notre vie quotidienne. Mais en fin de compte, quoi de neuf sous le soleil ?


Le psychiatre Serge Tisseron rappelle que la mise en scène de nous même à laquelle nous invite Facebook  est un désir vieux  comme le monde. Pour lui, raconter les événements petits ou grands de sa vie répond au besoin intemporel de valoriser ses expériences et de leur donner du sens. Dans son essai "Virtuel, mon amour", il rappelle que pour affirmer son identité, il faut littéralement 'se découvrir, se mettre à nu face aux autres. C'est ce qu'il nomme le "désir d'extimité", qui n'est autre que celui de rendre publiques des parties secrètes de soi pour les faire reconnaître et valider dans son entourage. L'exhibitionniste est une sorte d'acteur cabotin et répétitif alors que l'internaute est un expérimentateur de lui même". 

 'Internet est un troisième monde, qui n’est ni imaginaire car il y a de véritables interactions, ni réel car il n’y a ni faux ni vrai. Je ne sais pas s’il faut calquer les règles de l’univers réel sur le virtuel. Dans le virtuel, il ne peut y avoir d’authentification. Par exemple, dans la réalité, ceux qui s’inventent une fausse vie en assurant qu’ils sont chefs d’entreprise alors qu’ils sont chômeurs, c’est souvent par escroquerie. Or sur le Net, les gens disent ce qu’ils ne sont pas. Pourtant, multiplier les identités numériques en se faisant passer pour une femme quand on est un homme, en ouvrant plusieurs blogs, en créant plusieurs comptes de messagerie, cela ne veut pas dire que l’on veut manipuler ceux à qui l’on parle sous ces diverses identités, mais c’est plutôt une façon de mieux se trouver.'

Les réseaux sociaux sont de nouvelles formes d'expression dans lesquelles le personnel fait l'objet d'une mise en scène calculée. Selon Cynthia Haven, de l'université de Harvard, ce phénomène n'a rien de nouveau. Pour elle, le service public des postes représentait pour les européens du XVIIème et du XVIIIème siècle l'équivalent de nos réseaux sociaux.  A l'époque des milliers de lettres traversaient Paris chaque jour. Voltaire en écrivait entre dix et quinze dans la journée. Racine se plaignait de ne pouvoir suivre le rythme et répondre à toutes les missives qui lui arrivaient. On assista à une explosion de l'écriture , un phénomène d'hyper-écriture qui donna naissance aux lumières et à a création de nouveaux espaces publics , comme les salons, l'Académie française ou l'Académie des sciences. Ces nouveaux espaces soulevèrent alors des questions proches de celles qui agitent aujourd'hui les réseaux sociaux :
Comment s'y comporter, comment y apparaître aux yeux des autres ? comment construire son image publique.




Ci dessus, illustrations de Pawel Kuckzynski

vendredi 18 avril 2014

Le grand départ

Gerhard Richter. Schadel.
Un post spécial morbide en ce vendredi saint qui ouvre le grand week-end de la résurrection de Pâques.

Le photographe Walter Schels et la journaliste Beate Lakotta ont publié en 2005, en Allemagne, une série d'images commentées intitulée "La vie avant la mort". Walter Schels a réalisé les portraits avant et après la mort de 35 patients en phase terminale tandis que la journaliste Beate Lakotta les interviewait au cours des dernières semaines de leur vie. 
Les patients ont accepté de participer au projet pour deux raisons: laisser une trace d'eux après leur mort et montrer au public le travail réalisé et l'importance des établissements de soins palliatifs . 
Heiner Schmitz 52 ans. "On vient me voir, on ne veut pas que je sois triste,  on, me souhaite d'aller mieux. Personne ne me demande comment je me sens"


Maria Hai-Anh Tuyet Cao. 52 ans. "Adepte de la méditation, elle se préparait chaque jour afin d'atteindre un total détachement le moment venu."


Wolfgang Kotzahn 57 ans. "Avant, je n'avais jamais pensé à la mort. Maintenant, tout compte".

Dans un autre registre, Sophie Calle - performeuse-  a installé, en 2006,  une caméra auprès du lit (au pied du lit, mais le film la saisit de côté) où sa mère vivait ses derniers instants. Très factuelle et sans voyeurisme, elle voulait saisir l'impossible, le dernier souffle comme on rêve de voir le rayon vert.
Elle craignait que "ça" se passe en son absence. L'entrée en absence de sa mère. 
Vous sortez quelques minutes "et la personne en profite, si l'on peut dire, pour partir." 
La caméra, sa mère l'avait acceptée. Elle savait qu'elle pouvait lui parler.
Sophie Calle était présente lorsque sa mère a rendu son dernier soupir -mais à qui "rend"-on ? Rend-on comme on vomit ? Ou comme on "rend" des comptes ? 

Malgré ce dispositif Sophie Calle n'a pas pu déceler 'l'instant'. "Le dernier souffle est totalement insaisissable." 

Enfin, un peu de didactisme et de prophylaxie humaniste: "Que penser de la mort " (english language):



Autres posts sur le même thème : 


Trois réflexions enfin, pour tuer le temps : 

1.L'avant naissance est elle égale à l'après mort ? 
2. Mourir, est-ce s'endormir à vie ?
3. Pire que la mort, la crainte de la mort (Epictète)


Merci d'avance pour vos réponses et passez un heureux week-end Pascal,

Ozias
Danse de mort


PS: fichier des décès en France https://www.insee.fr/fr/information/4190491



LA MORT EST UN GRAND FLASH DANS LE CERVEAU :

PHOTO : Sur la première image de cette coupe de cerveau humain (le néocortex temporal), les neurones, en manque d'oxygène, économisent leur énergie. Sur la dernière, c'est trop tard : la mort est passée. Entretemps, sous l'effet du stress, un influx nerveux s'est déclenché et s'est répandu à une vitesse de 50 µm/s. Un ultime flash rendu visible par transillumination (elle mesure la transparence d'un tissu), les neurones excités laissant moins passer la lumière.
Une grande première : jamais on n'avait réussi à visualiser cet instant hors du temps où le réversible devient subitement irréversible ; jamais, surtout, on n'avait imaginé que ce grand passage promis à tous les mortels se déroulait ainsi…
C'est bien sûr dans le cerveau, siège de la conscience et de tous nos ressentis, que la mort abat sa faux. Certes, avant cela, le cœur peut s'arrêter de battre, un organe peut lâcher. Mais le rythme cardiaque peut être relancé, et l'organe remplacé…pas le cerveau : pour tous, quelle que soit la cause du décès, la mort du cerveau est l'ultime, la définitive, celle qui emmène tout le reste du corps avec elle.
Or, contemplez cette vague qui traverse le cerveau au moment fatidique : on n'y voit pas un arrêt de l'activité cérébrale comme on l'a toujours cru, non. Au contraire, la Mort, la vraie, apparaît dans une incroyable explosion. Un flash fabuleux d'énergie et de lumière ! Dans la tête de celui qui meurt, il se produit "une forme d'excitation altérée qui se propage de neurone en neurone" , décrit sobrement Jens Dreier, professeur en neurologie expérimentale à l'université Charité de Berlin. "Et ce phénomène n'apparaît pas encore dans les livres de médecine" , s'amuse ce chercheur qui vient pour la première fois d'observer, d'identifier, de mesurer et de décrire la signature cérébrale de la mort. Car il est le premier à l'avoir surprise dans sa tâche… sans pour autant partir avec elle.
Un flash d'énergie ? Voilà qui pourrait éclairer les nombreux témoignages de mort imminente, ces fameuses NDE (pour Near Death Experience), avec leurs récits tant partagés de sortie du corps, de tunnel débouchant sur une intense lumière ou de flash de souvenir. Dans une étude américaine publiée en 2013, et réalisée à partir d’une centaine d’individus ayant survécu à un arrêt cardiaque, c’était même près de la moitié d’entre eux qui conservaient en mémoire ces sensations des premiers pas vers l’au-delà.
Mais tous ceux qui nous racontent avoir vu la mort y ont finalement échappé… et ne l'ont donc pas vraiment vue.
Elle restait d'ailleurs tout aussi invisible lorsqu'on essayait de la déceler en mesurant l'activité cérébrale à l'aide d'électrodes posées sur le cuir chevelu de mourants : au moment fatidique, cette activité semblait tout simplement s'éteindre. Une expérience publiée en 2013 avait bien montré que le cerveau des rats pouvait rester actif jusqu'à trente secondes après l'arrêt cardiaque, mais aucune étude semblable n'avait été réalisée chez l'humain. Sauf que Jens Dreier et ses collègues ont eu les moyens d'aller plus loin, et de réaliser des mesures d'une incroyable sensibilité.
DES ÉLECTRODES DANS LE CRÂNE :
Les scientifiques se sont penchés sur neuf individus, tous entrés en soins intensifs à la suite de blessures cérébrales, qui faisaient déjà l’objet d’un monitorage neurologique lourd permettant de suivre leur évolution : les électrodes n’étaient pas simplement placées sur le cuir chevelu, mais directement sous la dure-mère, l’une des couches séparant le crâne et le cerveau, ou encore dans le cortex. "Lorsque tout espoir de survie s’est envolé, les familles ont accepté que l’enregistrement soit poursuivi jusqu’aux derniers instants" , confie Jens Dreier. Qui a donc pu enregistrer, en direct, leur activité cérébrale au moment précis de leur décès. Des moments terriblement personnels qui nous concernent maintenant tous tant ils sont riches d'enseignements. "Ces électrodes ont pu enregistrer de très basses fréquences, et éclairer le processus de mort cérébrale comme jamais auparavant , commente, admiratif, Stéphane Marinesco, responsable du Centre de recherche en neurosciences de Lyon. Cet événement dure plusieurs minutes et traverse des phases très différentes. C'est une très belle découverte."
Alors ? À quoi ressemble donc la mort ? Que se passe-t-il lors du moment fatal ? Le processus s'enclenche presque immédiatement après le dernier battement de cœur, lors de la chute drastique de la pression artérielle. "À ce moment, et en tout point du cerveau simultanément, on observe une chute de l'activité neuronale , révèle Jens Dreier. L'apport en oxygène, véhiculé par le sang et dont les neurones dépendent, n'est plus assuré. C'est un peu comme si ces cellules se rendaient compte de ce problème et décidaient d'arrêter de fonctionner pour ne pas consumer leur énergie."
Un flash issu d'une réaction neuronale en chaîne
Dès la chute de la pression artérielle, le cerveau réduit son activité afin d'économiser son énergie (courbe du haut). Après quelques minutes, certains neurones larguent en masse un neurotransmetteur, que leurs voisins vont absorber, déclenchant une réaction en chaîne (à droite). Un ultime flash d'activité cérébrale (visible sur la courbe du bas) se répand ainsi dans tout le cerveau.
VAGUE DE DÉPOLARISATION MASSIVE
Cet état d'économie d'énergie, comparable à une hibernation, peut durer deux à trois minutes environ. "Et surtout, aucune des cellules n'est endommagée à ce stade, continue le chercheur : si la circulation sanguine est rétablie, les neurones n'en garderont pas de séquelles." En clair, à cet instant, on peut encore revenir du côté de la vie…
Sauf que, pour maintenir leur intégrité, les neurones sont obligés de puiser un peu dans leur réserve d'énergie. Celle-ci se réduit donc lentement, mais inexorablement, jusqu'à ce qu'à un moment particulier, une vague apparaisse…
"En un point donné du cerveau, on ne sait pas exactement où - il pourrait même y avoir plusieurs points origines -, il se produit ce qu'on appelle une propagation de dépolarisation massive" , éclaire Jens Dreier. Soumis au stress et manquant d'énergie, certains neurones épuisés par leur effort de préservation lâchent prise : ils larguent alors en masse dans le milieu extra-cellulaire du potassium et du glutamate, un neurotransmetteur, relâchant d'un coup la tension électrique de part et d'autre de leur membrane.
Or, ces molécules vont elles-mêmes déclencher une même dépolarisation chez les neurones voisins. S'ensuit alors une réaction en chaîne tous azimuts, de neurone en neurone, à une vitesse estimée à environ 50 µm/s, comme un signal nerveux brouillé. "Cette vague ne semble pas cantonnée au cortex cérébral, mais envahit aussi le striatum, l'hippocampe et le thalamus, par exemple" , pointe Jens Dreier.
Ce processus n'est pas à proprement parler un flash, il l'est certes en intensité, sauf qu'il semble durer une dizaine de minutes (voir courbes) - il ressemble plus de ce fait à une irradiation de chaleur et d'énergie, un grand incendie. Et il fait des ravages, car c'est bien à travers lui que la mort porte le coup de grâce. "Le potassium largué rend le milieu extracellulaire hautement toxique , explique Stéphane Marinesco. À un moment donné les neurones meurent et il n'est plus possible de revenir en arrière. Cette nouvelle information chamboule la notion de mort cérébrale, la fait même reculer de plusieurs minutes et identifie son signal terminal. La mort ne se déploie pas dans un silence cognitif, mais dans une longue et fabuleuse explosion !" Et le point de non-retour se situe quelque part dans cette vague, lorsque le milieu est devenu trop toxique pour les neurones.
LA LUMIÈRE AU BOUT DU TUNNEL ?
Et les NDE ? Car si la circulation sanguine est rétablie à temps, l'activité neuronale restaurée et le milieu extra-cellulaire lavé, il ne resterait finalement de cette étrange vague que les ressentis qu'elle pourrait provoquer ! De quoi expliquer l'origine des sensations et des visions que tant d'individus partagent face à la mort ?
"Nous entrons ici dans le domaine de l'hypothèse, mais c'est une possibilité en effet , répond Jens Dreier. Des vagues de dépolarisation, un peu différentes, car cette fois-ci réversibles, traversent le cerveau dans d'autres circonstances, comme lors d'une migraine avec aura. La particularité de ces migraines, c'est qu'elles sont accompagnées d'hallucinations, notamment visuelles avec, par exemple, l'apparition de taches lumineuses ou encore d'un tunnel."
Même sentiment de la part de Stéphane Marinesco : "C'est impossible à dire, mais, en effet, un faux signal, selon sa position dans l'encéphale, pourrait provoquer toutes sortes de ressentis différents."
On peut donc spéculer sur l'effet de cet ultime état d'excitation s'il atteint la jonction temporo-pariétale, dont le dysfonctionnement semble engendrer des expériences "hors du corps". Ou encore l'hippocampe et les diverses régions corticales impliquées dans la mémoire. Idem pour la lumière au bout du tunnel : ne serait-elle alors que l'effet illusoire d'un signal factice, et non les premières lueurs d'un au-delà chaleureux ? Cela ne la rendrait en un sens que plus réelle…
Quoi qu'il en soit, la mort, loin d'être ce souffle noir qui éteint la bougie de la vie, ressemble pour de vrai à une tempête sous le crâne. Tel est son véritable visage cérébral. Que chacun d'entre nous peut aujourd'hui entrapercevoir sans se faire voir, grâce à cette incroyable découverte. Un avant-goût, avant de l'expérimenter à son tour un jour ou l'autre, le plus tard si possible…
L'espoir de mieux traiter les chocs cérébraux :
"Si on trouve un moyen de détecter facilement, c'est-à-dire avec des méthodes non-invasives, cet ultime sursaut d'activité du cerveau, alors les applications thérapeutiques possibles seront extrêmement nombreuses !" , promet Jens Dreier (université Charité, Berlin). Déjà, cela permettrait de surveiller plus intensivement l'état du cerveau des individus en soins intensifs, victimes d'hémorragie cérébrale ou d'AVC, et de réagir rapidement en cas d'apparition du flash. "Certains médicaments pourraient directement stopper la vague de dépolarisation, ou du moins limiter sa propagation à la plus petite région possible" , continue le chercheur. "Mais on peut imaginer d'autres moyens d'en contrer la finalité, par exemple en augmentant la pression artérielle, offrant ainsi un regain d'énergie aux neurones et la possibilité de reprendre une activité normale. Car n'oublions pas que ce n'est pas le flash lui-même qui est létal, mais la toxicité qu'il génère dans le milieu extra-cellulaire, que les neurones peuvent nettoyer." Et cette découverte pourrait avoir un effet plus fondamental encore : celui de redéfinir complètement la notion de mort cérébrale, vue aujourd'hui comme une simple cessation de toute activité. "Certains pays estiment qu'après 4 minutes de silence de l'électroencéphalogramme, le cerveau peut être considéré comme mort , assure Jens Dreier. Notre étude montre pourtant que ce n'est pas le cas. "
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