jeudi 31 janvier 2013

Corps morts


Saint Suaire de Turin.1898, 
Dans la production artistique, le corps de l'homme mort occupe une place éminente au double titre d'objet théorique et de figure d'imitation.
L' esthétique de la mort reste associée explicitement à la tradition tragique des masques mortuaires dans la lignée du dernier portrait. Dans une étrange et souveraine connivence avec la mort, le dernier portrait, l'imago, reste l'objet de survivances, et se pose en un défi au temps.


La monstration du cadavre repose non seulement sur une capacité de méduser le spectateur, mais devient aussi objet de fascination esthétique pour l'artiste. Une des images les plus emblématiques de cette ligne mince qui départage le corps vivant et le corps mort reste la représentation du Christ. 



Andrea Mantegna
La représentation du Christ mort est illustrée ici par Mantegna qui peint le Corps allongé selon un angle de vue inhabituel et entièrement structuré par une perspective virtuose.

Mantegna. Le Christ mort. Fascination esthétique de l'artiste et du regardeur.
Depuis la fin du siècle dernier, subitement la mort s’est tue : la mort est devenue dans les sociétés occidentales l’obscénité par excellence, le mot que l’on ne doit pas prononcer, la chose que l’on ne peut évoquer. » Pourtant, ce thème de la mort effectue un retour en force dans la société occidentale et ce particulièrement au travers de la création contemporaine.



Ron Mueck
Ron Mueck sculpteur australien travaillant en Grande Bretagne, nous montre à voir, dans un format réduit au 2/3 de la taille réelle, la sculpture de son père mort. Cette sculpture 'Dead Dad', est terrible de réalisme et c’est ce qui choque une partie des visiteurs qui trouvent impudique de montrer à tous l’intimité la plus profonde de cet homme sans vie. C’est aussi une façon de mettre les gens face à certains tabous de notre société comme la représentation de la mort. http://www.macultureconfiture.com/2010/02/27/ron-mueck/


Dead Dad. Ron Mueck.  La mort tabou jusqu'où ?.
Silicone, résine, peinture à l'huile, implants. Echelle 2/3.

Andres Serrano,
Andres Serrano, photographe américain né en 1950, est auteur - entre autres- de la photographie 'Christ piss' ( qui a fait le buzz en 2011 lorsqu'elle fut détruite par des catholiques intégristes).  En 1991 Andrès Serrano a réussi à s’introduire et à travailler au sein d’une morgue new-yorkaise afin de réaliser la série photographique 'The Morgue'. Il décide alors de montrer la mort au plus près, au travers d’une somptueuse série de portraits de défunts, rendant esthétique un sujet qui ne l’est à priori pas.
http://www.artnet.com/usernet/awc/awc_thumbnail.asp?aid=424202827&gid=424202827&cid=118026&works_of_art=1


© Andres Serrano, Rat Poison Suicide II.  Poésie de l'horreur.
La représentation de la mort provoque des sentiments violents chez le spectateur. Attraction et répulsion du regard où le dégoût se marie volontiers avec la fascination de ce qu’on pourrait oser appeler une certaine poésie de l’horreur. 

Berlinde De Bruyckere
Berlinde de Bruyckere est une plasticienne belge née en 1964. Le corps et le cheval sont des thèmes qui lui sont chers. Ses chevaux ont une puissance d’évocation forte, invitent à une réflexion sur le corps, la douleur ou la décomposition. Nouvelle dualité entre la vie et son contraire. A la violence des thèmes abordés répond la douceur des matériaux employés : cires mêlées aux pigments, objets domestiques, matériaux organiques (cuir, poils, cheveux). Ces corps au réalisme troublant, aux couleurs cadavériques nous rappellent la condition charnelle du corps.
http://www.boumbang.com/berlinde-de-bruyckere/

Berlinde De Bruyckere.  Représenter la mort, un défi pour l’imaginaire.


Art conceptuel : 
le cas d'Alan Sonfist. Last will and Testament.1973.
Réalisme conceptuel.

"Moi Alan Sonfist, sain d'esprit et de mémoire, et considérant l'incertitude de la vie, fais, publie et déclare que ce qui suit constitue mes dernières volontés annulant ainsi toutes les dispositions que j'ai pu prendre auparavant. Premièrement après apurement de mes dettes, je donne tous mes biens à ma femme, à l'exception de: Attendu que mon corps est mon musée, il est mon histoire. Il rassemble et enregistre les observations-interactions. C'est le déchiffrement de ces enregistrements que je projette dans le monde extérieur. Mes propres limites définissent le monde de l'art. Je mets au clair mes limites communes avec l'extérieur. Quels que soient l'endroit où je vis, le pays où je vis. En ajoutant une autre conscience, je redéfinis constamment mes limites et je projette ces consciences successives dans mon art. [..]Pour finir, attendu que la croissance et la dégradation de mon corps représenteront la continuation de mon oeuvre, je lègue mon corps, dans un habitacle transparent, au Museum of Modern Art de New York, pour y être conservé comme une oeuvre d'art présentée au public."





Finalement, la transgression du tabou social de la mort, au travers de codes et de moyens esthétiques, permet de nous interroger sur ses limites.
« Mais que l’artiste se rassure ! Quoi qu’il propose aux yeux des autres dans l’ordre du réalisme, de la violence, de l’horreur, de l’abject ou de l’infâme, il sera toujours dépassé par la réalité vraie ! » Marc Jimenez,  2006.

Pour ceux qui souhaitent poursuivre au delà, un autre lien à suivre. Bon voyage !

« The Dead » de Jack Burman
http://archee.qc.ca/ar.php?page=article&section=texte5&note=ok&no=391&surligne=oui&mot=&PHPSESSID=99bc26f13c88ac5b642e7cf35b829ca9#5
Photographie post mortem:
 http://www.racontemoilhistoire.com/2015/10/30/photographies-post-mortem/

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