mercredi 17 décembre 2014

Alors, heureux ?


Rire jaune ?
"que du bonheur !", "un vrai bonheur! " J'ai l'impression que les temps sont aux "concours de bonheur" . 
Aujourd'hui, même s'il est souvent pour demain, le bonheur reste une quête partagée, quand il ne vire pas à l'utopie ou au pur produit marketing. 
"Bien souverain" selon Aristote, "vie bienheureuse" selon Epicure, capable dans sa plénitude d'éloigner la souffrance et même la peur de la mort, la quête du bonheur est aussi un des trois droits inaliénables gravés en 1776 dans la déclaration d'indépendance américaine par Thomas Jefferson avec la vie et la liberté. Idem côté français, où Saint-Just déclare en 1794 le bonheur  accessible à tous. 
Depuis, le "Bien souverain" s'est quelque peu dévoyé. Aujourd'hui  la valeur suprême de l'antiquité se décline souvent façon "Euphorie perpétuelle", plus accessible pour tous. Le bonheur industriel devient une sorte "d'injonction terrifiante et normative , inséparable d'une police des conduites" qui culpabilise ceux qui n'y ont pas accès selon le philosophe André Guigot. Le bonheur, ça doit se gagner coûte que coûte, aller se chercher 'avec les dents', en trois minutes chrono. En mettant en concurrence des masses assoiffées de béatitude, le développement personnel   prend des allures de triomphe de l'individualisme. Ainsi, en 2014 les petits livres des gourous du bonheur se sont vendus à plus de six millions d'exemplaires.
Tel est le credo de de la psychologie positive, venue des états unis: "ton bonheur ne
prix : 18,04€
dépend que de toi". Une vision du monde volontariste rejoignant un certain esprit du capitalisme. selon Nicolas Marquis, "cette idéologie valorise toujours l'action, jugée positive, sur la passivité". Cette idéologie se diffuse dans nos sociétés au point d'avoir été retenue par l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) dans deux rapports de 2010 qui donnent une étonnante définition de la personne en bonne santé : " capable de s'adapter aux diverses situations de la vie", apte à "accomplir un travail productif", et donc à "favoriser la croissance économique".  Cette nouvelle norme fait s'étrangler le psychiatre Mathieu Bellahsen qui redoute de voir ainsi l'être humain réduit au statut de salarié flexible, jugé sur sa capacité à rebondir.
Pourtant les pratiquants  du développement personnel "ne sont pas seulement convaincus que la psychologie positive est une solution pour eux mêmes: ils espèrent aussi changer le monde"   grâce à un mélange de "sagesse bouddhiste", promettant la félicité ici bas, et de "valorisation calviniste de l'effort". Le marketing du bonheur se transformerait il en utopie ?
A l'aube de tels lendemains, il ne me reste qu'à choisir entre  le meilleur des mondes et un monde meilleur.
Joyeux Noel !

Ozias

Crédits: article "Heureux à tout prix" Télérama décembre 2014
Bibliographie: "Pour en finir avec le Bonheur" Andre Guigot 
"Du bien être au marché du malaise" Nicolas Marquis
"Histoire du bonheur en France depuis 1945" Remi Pawin
"Métaphysique du bonheur réel" Alain Badiou
"La philosophie ne fait pas le bonheur" Roger-Pol Droit.


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