mercredi 5 février 2014

Eloge de la fessée

"Frappez, et on vous ouvrira." Mathieu, VII, 7.

Quelques passages bien sentis à propos de la fessée érotique, geste où se mélangent  jeux, caresses et violence. 

Eloge de la Fessée. Jacques Serguine. Gallimard. 1973.
"Le terme fessée est plus charnel, plus suggestif et gentil, plus sournoisement brûlant que le mot dont il dérive, les fesses, vraiment bien lourd et bien laid, ce terme parait n'être associé, dans et pour l'esprit masculin, et plus simplement adulte, qu'à un certain monde de l'enfance. Ou bien, encore, il peut l'être à une pure perversité, si ce n'est à une perversion, à un penchant libidineux, avec tout ce que ceux-ci impliquent de fléchissant et de sénile, de malsain."  
.../... Plus que la profondeur vertigineuse et préhensile du sexe, il semble que ce soit la convexité même du derrière, sa masse et son équilibre oppressant de rocher dense au dessus du vide qui me restent inaccessibles, à la fois si imminents, de perfection et de présence, réellement comme la voûte du ciel et, réellement toujours comme comme celle ci, lointains, désespérants dans la mesure, ou dans la démesure même où ils arrachent du plus enfoui de moi le cri extrême du sempiternel espoir de l'amour."

Jean Jacques Rousseau. Confessions. La Fessée donnée par Mlle Lambercier.

".../...J'avais trouvé dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui m'avait laissé plus de désir que de crainte de l'éprouver derechef par la même main. Il est vrai que, comme il se mêlait sans doute à cela quelque instinct précoce du sexe, le même châtiment reçu de son frère ne m'eût point du tout paru plaisant."

:« Qui croirait que ce châtiment d'enfant, reçu à huit ans par la main d'une fille de trente ans, a décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie. » 



.
Bettie Page. Années 50. La grande fessée classique.
Bettie Page. La fessée vintage.
"Au royaume des blondes, cette bombe brune fut bombardée « Miss January 1955 » dans « Playboy ». « Reine des pin-ups », elle devint ensuite, dans des publications clandestines, l’icône espiègle de la fessée et de la cravache, ces deux indispensables accessoires de la culture BDSM (Bondage, Domination, Sadisme & Masochisme) avant de sombrer dans le fondamentalisme religieux et la maladie mentale." 

Paul Sigognac.






L'art de la fessée. Manara & Enard.

'On ne sait pas ce qu'est la fessée. certains y voient une punition enfantine. D'autres une manie ridicule. Mais c'est la meilleure façon de rendre hommage à ce que la femme a de plus noble, de plus délicat, de plus généreux: ses fesses. L'être humain est les seul être vivant doté de fesses. Les animaux ont un cul! Nous, nous avons ces rondeurs arrogantes et adorables qui attirent, saillent et provoquent. Chez la femme elles prennent des courbes délicieuses qui appellent irrésistiblement la main. Je ne connais rien de plus merveilleux que les fesses qui se cabrent sous la main, se roidissent, puis se tendent en appelant le coup suivant. Elles se révoltent et s'offrent 
dans le même mouvement...Fesser un cul de femme, c'est mieux que le baiser. C'est lui faire l'amour tout en observant les effets. Enard. L'art de la fessée.


Georges Brassens "La fessée".

.../...Un tablier d' sapeur, ma moustache, pensez !
Cette comparaison méritait la fessée.
Retroussant l'insolente avec nulle tendresse,
Conscient d'accomplir, somme toute, un devoir,
Mais en fermant les yeux pour ne pas trop en voir,
Paf ! j'abattis sur elle une main vengeresse !

"Aï’ ! vous m'avez fêlé le postérieur en deux !"
Se plaignit-elle, et je baissai le front, piteux,
Craignant avoir frappé de façon trop brutale.
Mais j'appris, par la suite, et j'en fus bien content, 
Que cet état de chose durait depuis longtemps :
Menteuse ! la fêlure était congénitale.

Quand je levai la main pour la deuxième fois,
Le cœur n'y était plus, j'avais perdu la foi,
Surtout qu'elle s'était enquise, la bougresse :
"Avez-vous remarqué que j'avais un beau cul ?
Et ma main vengeresse est retombée, vaincue !
Et le troisième coup ne fut qu'une caresse...

Silence... on tourne ! 

Depuis le premier film des frères Lumière, la fessée a enrichi le patrimoine cinématographique des réalisateurs. Fort en émotions, cet acte qui se veut punitif au départ peut prendre une connotation érotique et servir d'exutoire entre adultes consentants. De John Ford aux frères Cohen en passant par les scénaristes de tous les pays du monde, la tentation d'exposer sur l'écran blanc de nos fantasmes cet acte majeur d'amour a souvent titillé les plus grands partenaires du cinéma populaire, érotique ou X. Je vous propose de revisiter quelques-unes des fessées les plus fameuses tournées au grand vent de l'histoire du cinéma.Silence... on fesse !  
Merci camrafesse !

Luce. La fessée. Un geste attendrissant !


Catherine Cisinski



dimanche 2 février 2014

Plat du jour : le poulpe sauce Daikichi

Poulpe en salade.
C'est dimanche, cuisinons ! Aujourd'hui,  poulpe !

Nettoyer minutieusement le poulpe. Il faut nettoyer chaque ventouse.
Ouvrer le corps, et retirer les viscères ainsi que les 2 mandibules.
Une fois le poulpe nettoyé, le réserver.
Préparer une marmite d'eau salée bouillante.
Piquer le poulpe à l'aide d'une fourchette et le plonger dans l'eau pendant quelques secondes, ensuite le retirer.
Répéter ces opérations trois fois de suite, puis laisser le poulpe cuire entre 30 à 40min, il est cuit une fois que l'on peut le traverser facilement à l'aide d'une fourchette. Blablabla...


Quelques images pour accompagner ce délicat céphalopode.
.
Ozias
Piia Lehti.


 




















Le Poulpe
Jetant son encre vers les cieux, 
Suçant le sang de ce qu’il aime 
Et le trouvant délicieux, 
Ce monstre inhumain, c’est moi-même.

Guillaume Apollinaire. Bestiaire.

Daikichi Amano. Poulpe1.
Le cœur principal du poulpe est relayé par deux petits cœurs branchiaux qui pompent le sang oxygéné par les branchies. Le poulpe a le sang bleu et non rouge comme chez les vertébrés à cause de l'absence d'hémoglobine qui est remplacée par l'hémocyanine.

Daikichi Amano. Poulpe2.
La copulation des poulpes peut durer de une à plusieurs heures. Sécrétées par le pénis interne, les poches de sperme (ou spermatophores) sont acheminées par le siphon vers une gouttière du bras hectocotyle qui servira à les introduire dans la cavité palléale de la femelle.

Daikichi Amano. Poulpe3.
Enfin, le poulpe fait preuve d'une intelligence étonnante pour un invertébré. Elle serait capable de déduction, de mémorisation et d'apprentissage. 
Pour des raisons inexpliquées, il arrive également aux poulpes de disposer des coquillages ou débris autour de leur habitat. Certains comparent ce comportement à une forme de décoration.

Daikichi Amano. Poulpe4.
Entre 2008 et 2010, un poulpe appelé Paul et vivant en captivité dans un aquarium d'Oberhausen (Allemagne) est utilisé pour prédire les résultats des principaux matchs de l'équipe nationale de football allemande. Il crée la sensation à la Coupe du Monde 2010 en désignant systématiquement l'équipe vainqueur, à l'occasion des 7 matchs de l'équipe d'Allemagne et de la finale Pays-Bas - Espagne. Paul le poulpe est mort le 25 octobre 2010.

Daikichi Amano. Poulpe5.
L'animal peut entretenir une relation amicale avec l'homme. Comme certaines murènes, il arrive que certains poulpes tiennent compagnie et même jouent avec des plongeurs lorsqu'ils sont mis en confiance, sans quoi ils se montrent plutôt craintifs.

Encore un petit creux ? alors, séquence cinéma. extrait de Old boy (2003) film sud-coréen réalisé par Park Chan-wook.

Et pour finir, laissez vous manger par le Poulpe :
Hokusai, la femme du pêcheur
«Une Japonaise couverte par une pieuvre ; de ses tentacules, l’horrible bête pompe la pointe des seins, et fouille la bouche, tandis que la tête même boit les parties basses. L’expression presque surhumaine d’angoisse et de douleur qui convulse cette longue figure de pierrot au nez busqué et la joie hystérique qui filtre en même temps de ce front de ces yeux fermés de morte, sont admirables.»
Voici comment, dans les années 1880, Huysmans décrit la fameuse estampe d’Hokusai 'la femme dupêcheur'.


Dans les travailleurs de la mer (1866) , Victor Hugo décrit ainsi l'étreinte du poulpe : «C’est la machine pneumatique qui vous attaque. Vous avez affaire au vide ayant des pattes. Ni coups d’ongles, ni coups de dents ; une scarification indicible. Une morsure est redoutable ; moins qu’une succion. La griffe n’est rien près de la ventouse. La griffe, c’est la bête qui entre dans votre chair ; la ventouse, c’est vous-même qui entrez dans la bête. Vos muscles s’enflent, vos fibres se tordent, votre peau éclate sous une pesée immonde, votre sang jaillit et se mêle affreusement à la lymphe du mollusque. La bête se superpose à vous par mille bouches infâmes ; l’hydre s’incorpore à l’homme ; l’homme s’amalgame à l’hydre. Vous ne faites qu’un. Ce rêve est sur vous. Le tigre ne peut que vous dévorer ; le poulpe, horreur ! vous aspire. Il vous tire à lui et en lui, et, lié, englué, impuissant, vous vous sentez lentement vidé dans cet épouvantable sac, qui est un monstre. Au-delà du terrible, être mangé vivant, il y a l’inexprimable, être bu vivant».


Zak Smith.

Crédits, wikipédia. Entrée: Pieuvre.

jeudi 30 janvier 2014

Nasty critics

Matisse. Pied sur bouse de génisse.
 Il est un sujet 'artistique' sur lequel peu de critiques d'art (dignes de ce nom) s'aventurent. Ce sont les œuvres mineures  des grands artistes. Je parle de ces œuvres que l'on croise dans les musées au détour des couloirs les moins fréquentés, les moins bien mis en valeur. La plupart du temps on passe heureusement sans les remarquer. Ce sont des petits formats, esquisses, ébauches, études ou sujets qui hors du contexte de leur création  ne présentent plus que peu d'intérêt. Ces travaux méritent un large détour. Y porter le regard fait se demander pourquoi ces objets sont là, dans la vitrine de musées nationaux, et qu'est ce qui dans leur facture, et mise à part la notoriété de leur auteur,  les distinguent de croûtes ou de plâtres dont je ne voudrais pas chez moi. 
Matisse. Vaisselle.
Un exemple. Matisse au musée de Grenoble. Un nom illustre, un géant de la peinture. Si l'on connait, on pense bien sûr aux 'aubergines' (cf ill ci-dessous).
Il y a ici pourtant ici dans un couloir une série d'assiettes que je trouve réellement mineures dans l'oeuvre de ce peintre. Pas vilaines, peut être, décoratives, certes, mais sûrement mieux à leur place dans une salle à manger de résidence secondaire cosy, dans la cuisine de Matisse  que dans les couloirs d'un musée national.
Il y a ce pied de bronze aussi. Lourd, peu lisible et détaché de tout contexte. Il évoque pour moi l'écrasage d'une bouse de génisse par un pied nu. 
C'est du Matisse... Bon d'accord. Mais on est bien loin ici des compositions dansantes et des raccourcis fulgurants que j'apprécie tant chez cet artiste. Je me demande même ce qu'il dirait en voyant ces travaux là mis en stèle, sous vitrine, et livrés à l’œil du public pour la postérité.
Matisse. Intérieur aux aubergines. Musée de Grenoble.  Chef d'oeuvre.


Même musée, autre exemple: Picasso.

Picasso, c'est un must pour tout musée. ça tombe bien, le maître a beaucoup produit. Trop même peut être. Par exemple,  je ne suis pas intimement persuadé que les trois statuettes de bronze présentées ci -contre soient un coup de maître...
Comprenez moi bien, je ne suis pas ici dans le "j'aime,/j'aime pas", mais dans la reconnaissance de ce que nous devons aux maîtres que j'essaie de débrouiller de l'idolâtrie qui est vouée à leur notoriété. Donner à admirer des œuvres qui ne sont pas admirables  me paraît toucher à l'ignorance (de ce qui est grand);  à la supercherie  (des canons sans intérêt)  et tend à encombrer les musées où trop de chefs d’œuvres contemporains (ou anciens) sont absents.
Picasso. Femme lisant. Musée de Grenoble. Une grande oeuvre.


Autre lieu de l'art moderne,  également peu visité par les critiques : le rayon encadrement et décoration de Castorama (ou Alinéa) .
Ici le choix des œuvres est fonction de leur taux de rotation dans le rayon. 
Les tableaux doivent donc plaire au plus grand nombre des consommateurs de ces magasins (soit beaucoup de monde comme vous et moi).  Les sujets sont neutres, zen ou trendy, et surtout sans volonté de choquer, de questionner. On baigne dans le consensuel. On trouve des fleurs (beaucoup), des villes sous la pluie ou dans la nuit, des guitares électriques (branché !) ou quelques chats plus ou moins rock. Les techniques picturales empruntent à la peinture du XXème siècle et même aux techniques mixtes des collages modernes (présence de boutons, de traînées de colle, d'éléments d'affiches arrachées) parfois quelques mots incompréhensibles jetés ça et là plantent le décor qui se veut 'moderne'. Voilà donc de quoi décorer un pan de mur entier, dans un esprit passe partout qui frôle le bon goût (enfin, mon mien), sans jamais y tomber. Excellent rapport qualité prix puisque ces images de grandes surfaces qui dépassent pour la plupart le 40x50cm sont proposées pour moins de cent Euros et se voient de loin. L'art devient un revêtement mural à l'instar de ceux que proposent les rayons peinture, moquette ou papier peint. Vides d'émotion, lavées à la machine, ces images livrent un message absent ou neutre, et dans le meilleur des cas se risquent à l'humour. Leur finalité , dans tous les sens du terme, est de meubler.





















Bref, l'art qui décoiffe et qui parle n'est pas toujours dans les musées et ne se vend pas en grandes surfaces. J'aime être surpris par l'oeuvre d'artistes inconnus. Plus encore j'aime les rencontrer les artistes outsiders tout en souhaitant les voir plus tard copiés dans leur style et exposés dans les musées.
A bientôt,
Ozias

vendredi 24 janvier 2014

Un bon mal

Je vais bien, tout va bien. Oui, et ça arrange tout le monde, ou presque.

Les médecins d'abord. Eux, ils veulent guérir la maladie, un point c'est tout. Pour ça, ils sont irremplaçables. Par contre, pas question pour eux d'admettre que le foie ça fait mal, ou que les nausées puissent être dues à un foie qu'ils ont soigné, pardon, qu'ils ont guéri. 
Tout ça me fait penser au garagiste à qui je veux faire entendre un bruit qui siffle au freinage de ma voiture. Sourdingue. "Ah si, peut être...mais alors, c'est le turbo de filtre à air qui siffle un peu, ça" .. En tout cas,  impossible ,que ça vienne des plaquettes de freins qu'il vient de changer. Non, c'est pas chez lui !
Des douleurs, c'est pareil. Possible peut être, mais alors, c'est pas le foie. Ah non, pas ça ! "Le foie ça ne fait pas mal".  Un foie, c'est comme un ministre " ça ferme sa gueule ou ça se transplante" . Et puis, vu tout ce qui traîne autour du foie, il y a forcément d'autres organes, dans le coup,  et c'est sûrement de ce côté là qu'il faudrait voir. Le ressenti, les notes du patient , n'ont pas de valeur, pas d'importance. Le diagnostic  appartient à la médecine, et même les erreurs de diagnostic. Il ne manquerait plus que les malades se mêlent de leur maladie. Ni auto diagnostic , ni suivi perso ! Non mais !

"Ah ! Tu as bien meilleure mine que l'autre fois !".
Je me sens pourtant bien à plat alors, qu'est ce que ça devait être l'autre fois !...  Pour mon entourage, enfin, pour ceux qui me connaissent moins, ça n'est pas la maladie qui fatigue. Non. Un foie même bien entamé, ça ne doit pas faire de différence. 
Eux aussi sont fatigués, dorment mal, trop ou pas assez, manquent de concentration. On m'envierait presque de perdre 20 kilos sans régime ni efforts. Si je suis fatigué c'est parce-que je vieillis, comme tout le monde. Quand je dis que je faisais infiniment plus de choses il y a deux ans, et sans fatigue, on me rappelle que c'est normal parce-que en deux ans j'ai vieilli, et que justement, c'est parce-que j'en ai trop fait avant qu'aujourd'hui je suis fatigué. Je ne fais que payer mon hyperactivité passée ! Je comprends bien que je ne dois m'en prendre qu'à moi même qui me suis usé prématurément et que je me plains sans raison.
A part ça,ça va. Juste un petit coup de barre, bien normal à cause de la saison, du mauvais temps, ou parce que je n'ai pas assez le moral. Bref, je suis prévenu, tout ça c'est dans la tête et d'ailleurs tout le monde a ses soucis de santé. Et même si tout le monde les raconte, ses soucis, et bien personne ne se plaint pour autant. Quand même ! 
Moralité :  on n'a jamais mal aux autres.


Santé !

Ozias

mercredi 22 janvier 2014

Opium... poison de rêve

Jean Cocteau. Opium. journal d'une désintoxication.
Aujourd'hui encore l'opium continue à fasciner. Le mot "Opium" évoque et cristallise à lui seul un monde d'aventures et de romantisme sombre. 
L'opium est un don du ciel. Le 'papaver somniferum' est  connu pour le traitement efficace de diverses maladies (asthme, dysenterie, malaria), comme pour sa faculté de soulager la douleur et celle de procurer l'ivresse thébaïque.
 "La science ne sait pas désunir les principes curatifs et destructeurs de l'opium".
L'euphorie, qui suit la consommation de l'opium repose avant tout sur l'effet des alcaloïdes dont les plus importants sont la morphine (10-14%), la codéïne, la narcéine..

 L'opium donne accès à un monde intérieur intemporel, fonctionnant profondément par associations, où la réalité et le rêve se fondent dans une expérience à la fois lucide et très intérieure.
Dans son mode de consommation  "L'opium est à l'opposé de la seringue Pravaz. Il rassure. Il rassure par son luxe, par ses rites, par l'élégance anti-médicale des lampes, fourneaux, pipes, par le mise au point séculaire de cet empoisonnement exquis." Jean Cocteau. Opium.

Aussi, indispensable à tout fumeur : Une cassolettes servant à épaissir l'opium liquide, la burette remplie d'huile afin d'alimenter le réservoir de la lampe. La lampe à opium, pour faire grésiller la boulette sur la flamme, un cache lampe, pour tamiser l'éclairage, les billots à arrondir l'opium et les aiguilles pour façonner la boulette et la présenter à la flamme sur l'entrée du fourneau, des ciseaux, des pincettes et autres objets servant à régler la hauteur de la flamme. Enfin, un grattoir, pour nettoyer fourneaux et aiguilles ainsi que la boîte à dross (pour récupérer le résidu recyclable de la première combustion). 
Nécessaire de voyage.  Fin du XIXème (Louis Vuitton ?)

Londres 1821, voici comment Thomas de Quincey, mangeur d'opium et écrivain nous décrit son expérience . 
"La nuit, lorsque je reposais dans mon lit sans dormir, de vastes processions défilaient avec une pompe lugubre, frises d'histoires interminables que je ressentais comme aussi tristes et aussi solennelles que si elles eussent été tirées des temps d'avant Oedipe et Priam. - d'avant Tyr- d'avant Memphis. A cette même époque, un changement correspondant se fit dans mes rêves : il semblait qu'un théâtre se fût soudain ouvert et illuminé dans mon cerveau, offrant chaque nuit des spectacles d'une splendeur plus que terrestre.
.../... "A mes architectures succédèrent des rêves de lacs et d'étendues d'eau argentées.../...[puis] les eaux changèrent de caractère: de lacs transparents qu'elles étaient, brillants comme des miroirs elles devinrent des océans et des mers. Alors se produisit un terrible changement, qui, se déroulant lentement comme un parchemin, pendant de longs mois, me promit une torture permanente; et en effet, elle ne me quitta plus que mon cas ne fût résolu. Jusqu'alors la face humaine avait été souvent mêlée à mes rêves, mais non de manière despotique ni sans aucun pouvoir spécial de me tourmenter..../... Sur les eaux mouvantes de l'océan commença à se montrer le visage de l'homme ! la mer m'apparut pavée d'innombrables têtes tournées vers le ciel. : des visages furieux, suppliants, désespérés, se mirent à danser à la surface, par milliers, par myriades, par générations, par siècles  ...
Thomas de Quincey. Confessions d'un mangeur d'opium.1821.

Et voici la description - bien différente -  qu'en fait Jean Cocteau dans Opium, le journal de sa désintoxication. Oeuvre géniale d'art thérapie écrit en 1928 à l'hôpital de Saint Cloud . 
"Il faudrait en finir avec la légende des visions de l'opium. L'opium alimente un demi-rêve. Il endort le sensible, exalte le cœur et allège l'esprit".
"Après avoir fumé, le corps pense..../..Le corps songe, le corps floconne, le corps vole. 
Le fumeur embaumé vivant".
"Le fumeur monte lentement comme une montgolfière et retombe lentement sur une lune morte dont la faible attraction l'empêche de partir".
"L'opium permet de donner forme à l'informe; il empêche hélas ! de communiquer ce privilège à autrui".
"Je ne suis pas un désintoxiqué fier de son effort. J'ai honte d'être chassé de ce monde auprès duquel la santé ressemble aux films ignobles où des ministres inaugurent une statue "
Jean Cocteau. Opium. 1928.



L'espace et le temps se dissolvent
Dans les cavernes des esprits
La peine et la joie s'évanouissent
Au rivage de nos îles fortunées

Jin Ping Mei (XVIIème siècle)

Enfin, pour finir en chanson, un bijou de la coloniale du temps de l'Indochine: "Opium, poison de rêve". 
      

Faites de beaux rêves...
Ozias

Crédits
Opium. Art et histoire d'un rituel perdu. F.M.Bertholet. Fonds Mercator.
Les confessions d'un opiomane anglais. Thomas de Quincey.
Opium. Journal d'une désintoxication. Jean Cocteau. 1928.

Addendum : fumeur d'opium 1906.

dimanche 19 janvier 2014

Poésie senryû et godemiché

Le Senryû est une forme poétique japonaise du XVIIIème siècle, proche du Haïku , composée de trois mesures et possédant un sens à lui seul. 
En 1718 à Edo (Tokyo) naît Karai Masamichi Hachiemon. responsable administratif et juge de première instance du quartier d'Asakura, il a par son métier une profonde connaissance de la vie des citadins. Il a également une étonnante culture poétique, venue de la pratique du Haïku. En 1757, il devient maître de poésie sous le nom de Senryû. En 1779, il reçoit 25000  soumissions de poèmes amateurs. 
Comment procédait il ?
Par des annonces chez des barbiers, épiciers, poissonniers et autre commerçants, il organisait des concours de Haiku (de Senryû) auquel participaient les auteurs amateurs membres de cercles poétiques de quartier. Ensuite avait lieu l'annonce des poèmes choisis par le maître sur des feuilles que les commerçants 'affiliés' affichaient au petit matin. Chacun des endroits autorisés à publier les choix du maître de poésie était assiégé dès le début de la nuit par des foules de candidats anxieux de voir au plus tôt si leur contribution avait été retenue. Sur une moyenne de 25000 poèmes portés à son jugement, Senryû choisissait cinq à six cents "gagnants" (2%) !. 
Puis Senryû  distribuait les prix. En premier lieux venaient ceux qui traitaient de nobles sujets tels que la patrie, ou l'esprit de sacrifice. "Catégorie du haut" ils donnaient droit  à 520 sous ou à 10 mètres de coton. Pourtant, les auteurs ne se pressaient guère et les badauds venus connaître les résultats ne prenaient même pas la peine de les lire.
Suivaient, les poèmes, de loin les plus nombreux, qui traitaient de la vie quotidienne dans tous ses aspects.  Cette catégorie "du milieu" rapportait 200 sous, ou des bols de riz laqués. 
Tout d'abord, voici un peu d'histoire et un exemple, de  catégorie "du milieu" pour saisir l'esprit du Senryû : 
Dans le Tokyo de cette époque, le peuple souffre d'une administration pesante et pointilleuse à l'excès. Comme il ne peut pas trop ouvertement brocarder les tenants du régime il recourt au senryû et à l'insinuation:

Fils de fonctionnaire,              
très vite et très bien apprend
à fermer le poing               (Y.1.6)

Explication: Quand un fonctionnaire de la municipalité vient d'avoir un fils, on se précipite pour présenter ses félicitations (on ne sait jamais quand on pourra avoir besoin des bons offices du père...). On admire avec quelle vigueur et quel ,entrain le bébé ouvre et ferme ses petits poings, et il ressemble tellement à son géniteur ! Ce poème est en fait une allusion cynique à la façon dont l'heureux père referme avidement la main sur quelques pièces d'argent discrètement passées sous la table par un administré désireux de faire avancer une demande ou expédier une formalité. 
Comme on voit, la satyre sociale et la moquerie sont l'esprit même du senryû.  


Les poèmes de la troisième catégorie "Le bout" de la publication, étaient consacrés à des considérations érotiques. Ils valaient aux auteurs sélectionnés 50 sous, ou un plat en bois.  
D'un point de vue historique, Il faut savoir qu'en contraste avec l'attitude européenne, dans le japon du XVIIIème, le godemiché  (harigata ), loin d'être méprisé fait l'objet de soins et d'attentions, parfois d'affection. Il est synonyme d'hygiène de vie. Une femme qui se procure du plaisir est forcément une femme qui entretient à la fois sa santé, sa bonne humeur... et sa fidélité. Le modèle de harigata le plus populaire à l'époque Edo est en corne de buffle. Il existe également en lanières de zuiki, mais les modèles les plus coûteux  et les plus recherchés sont ceux en écailles de tortue, parce qu'il suffit de les tremper dans l'eau chaude pour leur donner une tendresse irrésistible.  Voici donc quelques senryû de la catégorie "du bout",   quand il s'empare du thème du gode des veuves et de leurs consolations solitaires, sujet cher à l'univers érotique de Edo du XVIIème siècle.
     De ses propres doigts,               
     comme s'il était encore présent,
      la veuve en extase       (YH.36 )     
      
Parodie de Confucius (Analectes, Ba Yi, III,12): "[Confucius] faisait des offrandes à ses parents défunts comme s'ils étaient encore présents."

D'un godemiché                      
se contente pour suppléant  
la veuve sérieuse        (Y.42.10)  

En bas tout autant,                 
 les larmes de la veuve n'ont  
le temps de sécher         (YH.19)

Chose bien naturelle              
Son gode elle a trempé dans 
du saké chauffé                (S.4.8)

"D'où viens tu ?                      
De quel buffle, chéri ?     "    

Ma corne de buffle                 
s'est fendue, chuchote-t-elle
à son médecin                       (S.1.8)

D'une blessure de buffle     
le médecin doit soigner        
       nombre de victimes          (Y.24.20)


Les auteurs de senryû affirment que les clientes ont toujours tendance à commander des phallus une taille inférieure à celle de leur désir, suivant une fausse pudeur que le commerçant - s'il est bon - corrige de lui même.  Le vendeur, très galamment fait semblant d'être dupe, mais substitue les boîtes.  
D'un bon demi pouce       
                plus gros que la commande acheté
  le commissionnaire           
 ironise un senryû de l'époque Edo. 

L'appétit des dames du palais ou des veuves de l'époque est parfois tel que certaines dames n'hésitent pas "à se mettre à l'étroit" en commandant des godes aux formats exagérés. 
Si c'est le même prix      
je prends le plus épais,
dit la dame du palais    

Véritable 'dealer de godes', le kamamonoya (colporteur) vend ses produits au porte à porte. Il pousse la conscience professionnelle jusqu'à faire la démonstration de ses articles:  Il les agite devant la cliente en leur imprimant un mouvement si suggestif que...
Tout comme s'il était     
     doué de vie le fait s'activer
le colporteur                
    
Parfois même, certaines femmes demandent à se faire enterrer avec leur gode, dit on. C'est du moins ce que les satiristes prétendent...
Et que l'on enterre     
      aussi mon ami, agonise
la dame du palais      


Crédits: 
Haiku Érotiques. Traduit du japonais et présentés par Jean Cholley. Picquier Poche.
Les objets du désir au Japon. Agnès Giard. Editions Glénat. Drugstore. 2009

mercredi 15 janvier 2014

Shunga, en gros et en détail

Au temps du Japon ancien, les livres pour rire, livres d'oreiller, livres de printemps , etc ...étaient des recueils d'estampes destinées à réjouir les amateurs, ou à faire l'éducation des jeunes mariés avant la nuit de noces. On les trouvait dans les librairies, on pouvait en commander aux colporteurs, ou encore les emprunter à des libraires ambulants qui pratiquaient le prêt à domicile. Des peintres réputés comme Utamaro (1753-1806) ou Hokusai (1760-1849) ont produit de véritables chef-d’œuvres du genre.
Mon compteur me dit que vous aimez bien les 春画,  alors, je ne vous fais pas un dessin...