Esthétique de la honte. Arno. |
La honte est un sentiment obscur, un détracteur intime, un "abjecteur de conscience". Elle diffère par cela de la culpabilité qui est une forme imaginaire de "tribunal de l'âme".
La honte est un mélange de peur et de colère. On peut se la représenter comme un "court-circuit" en interne entre peur et colère face à une situation de souffrance sociale. Dans l'expérience de la honte, la peur vient en premier et nous alerte sur notre état d'insécurité et d'isolement. Sitôt qu' arrive la colère, réaction naturelle de défense aux attaques, nous bloquons cette colère réparatrice , soit parce nous nous trouvons dans une situation où objectivement se défendre n'est pas possible du fait du rapport de force inégal, soit parce que nous sommes dans une situation où réagir signifie renier une partie de nous-même ou de notre groupe d'appartenance (notamment la famille). Dans la honte, la colère qui permettrait de restaurer l'estime de soi est bloquée car elle est impossible.
A l'origine de nos hontes il y a la conscience et l'intériorisation de notre infériorité. Quoi que je fasse je me sens raté, quoi que je dise, je me trouve minable.
Et cela est difficile à changer car la honte est aussi un facteur qui empêche la résilience.
Au sens biologique du terme la résilience est la capacité d'un écosystème, d'une espèce ou d'un individu à récupérer un fonctionnement ou un développement normal après avoir subi une perturbation
La résilience se nourrit de relations affectives et de sens (car pour partager il faut un récit).
Sculptés par nos niches sensorielles nous dépendons de ce qui est.
Après un trauma la plupart des gens ont honte, la plupart des gens ont du mal à en parler. Deux raisons au moins à cela : d'abord se souvenir c'est faire revenir l'horreur et surtout, faire comprendre à l'autre que je suis humilié, c'est lui donner le pouvoir de me faire honte. La honte interdit donc le récit, qui porte le sens, et détruit la confiance qui permet l'expression, l'écoute le partage, la socialisation.
La honte a une vertu dé-socialisante. Les expressions "Faire honte","Porter la honte" montrent que la honte externe au sujet au départ s'intériorise ensuite dans son Être. Bras armé du conformisme, la honte est sociale. Il n'y a pas de honte sans l'existence d'autrui
Goya |
En période de guerre, la transmission volontaire de la honte est utilisée auprès des femmes par le viol. Le viol systématique est alors une arme de destruction psychique. L'homme guerrier ne pouvant tuer physiquement la femme ennemie, il la tue psychologiquement en lui faisant honte par le viol. Dans certains pays, notamment en Afrique, ce viol organisé se fait avec la conscience de la violence et du rejet social que la honte du viol va déclencher dans la vie de la victime après le crime.
En même temps, beaucoup de militaires, rongés par la honte, s'appliquent à nier leurs traumatisme psychologique. Ils craignent d'être considérés comme faibles et d'être mis de côté en tant qu'éléments dysfonctionnants pouvant entraver la bonne marche du groupe'. Un grand nombre d'entre eux peinent à retrouver une vie normale et bénéficient rarement d'une véritable écoute. (Pauline Maucort).
D'après Le théâtre intime de la honte (Boris Cyrulnik) et http://www.lahonte.org/4.html
Autre lien à consulter: La honte toxique. Hervé Kopyto : http://kopyto.fr/la-honte-toxique/
http://sansdire.blogspot.fr/2015/08/la-honte-annie-ernaux.html?view=sidebar
Autre lien à consulter: La honte toxique. Hervé Kopyto : http://kopyto.fr/la-honte-toxique/
http://sansdire.blogspot.fr/2015/08/la-honte-annie-ernaux.html?view=sidebar
Crédit images Arno 'Esthétique de la honte' : http://anartistepeintre.fr/. Goya 'persécution de celui qui n'est pas d'ici'
"La honte est une impossibilité de se fuir pour se cacher de soi même. Horreur d'être "cela" sans pouvoir y échapper."
Shaming : "Piégé par l'aliénation du groupe, la honte de soi est aussi une dépendance à la pensée du plus grand nombre".
Créatures de ces eaux obscures, des mots suintent la nuit de plaies narcissiques et secrètes.
Épaves et coquillages, les mots de la nuit sont laisses de mer au rivage du jour, qu'un soleil lourd œuvre à sublimer.
Ozias
Etude sur l'origine de la honte https://www.ehbonline.org/article/S1090-5138(17)30387-2/fulltext
"La honte servirait à nous inciter à la prudence –ne pas commettre d'actes potentiellement générateurs de dévaluation sociale– et à limiter les dégâts de cette même dévaluation, en endiguant notamment la propagation de notre mauvaise réputation. Une réputation bien plus largement déterminée par la force des croyances d'autrui que par la solidité de tel ou tel fait."
"La honte isole, elle n'invite pas au partage. Elle pousse au contraire à se distinguer de ce qui porte la marque de l'échec, à les rejeter. Mais si elle ne peut être partagée, elle est particulièrement contagieuse. Le spectacle de la honte d'autrui rend honteux, ce qui suscite immédiatement une réaction de défense vis-à vis du porteur de la honte. On le met à distance parce qu'il "fait" honte. C'est comme un affront à la communauté, une tache qu'il faut effacer. Il y va de la dignité "de l'espèce" de refuser l'identification avec ceux qui représentent "la lie de la société". On perçoit un mouvement contradictoire entre la compassion et le rejet, entre la sollicitude et le mépris, entre la pitié et la stigmatisation, entre la compréhension et le refus de l'autre. La honte unit et répare. Elle conduit à reconnaître autrui comme son semblable et à rejeter tout ce qui, en lui, donne une mauvaise image au groupe d'appartenance".
Vincent de Gaulejac. Les sources de la honte. 1996.
"La honte est une impossibilité de se fuir pour se cacher de soi même. Horreur d'être "cela" sans pouvoir y échapper."
Shaming : "Piégé par l'aliénation du groupe, la honte de soi est aussi une dépendance à la pensée du plus grand nombre".
Poème de mes hontes
Ordinaire bien comme il faut, mes hontes sont silences.Créatures de ces eaux obscures, des mots suintent la nuit de plaies narcissiques et secrètes.
Épaves et coquillages, les mots de la nuit sont laisses de mer au rivage du jour, qu'un soleil lourd œuvre à sublimer.
Ozias
Etude sur l'origine de la honte https://www.ehbonline.org/article/S1090-5138(17)30387-2/fulltext
"La honte servirait à nous inciter à la prudence –ne pas commettre d'actes potentiellement générateurs de dévaluation sociale– et à limiter les dégâts de cette même dévaluation, en endiguant notamment la propagation de notre mauvaise réputation. Une réputation bien plus largement déterminée par la force des croyances d'autrui que par la solidité de tel ou tel fait."
"La honte isole, elle n'invite pas au partage. Elle pousse au contraire à se distinguer de ce qui porte la marque de l'échec, à les rejeter. Mais si elle ne peut être partagée, elle est particulièrement contagieuse. Le spectacle de la honte d'autrui rend honteux, ce qui suscite immédiatement une réaction de défense vis-à vis du porteur de la honte. On le met à distance parce qu'il "fait" honte. C'est comme un affront à la communauté, une tache qu'il faut effacer. Il y va de la dignité "de l'espèce" de refuser l'identification avec ceux qui représentent "la lie de la société". On perçoit un mouvement contradictoire entre la compassion et le rejet, entre la sollicitude et le mépris, entre la pitié et la stigmatisation, entre la compréhension et le refus de l'autre. La honte unit et répare. Elle conduit à reconnaître autrui comme son semblable et à rejeter tout ce qui, en lui, donne une mauvaise image au groupe d'appartenance".
Vincent de Gaulejac. Les sources de la honte. 1996.