mercredi 10 septembre 2014

La honte

Esthétique de la honte. Arno.
A cause de leur gravité et de leurs modes de transmission (sexe, salive, sang)  Les maladies stigmatisantes, transmissibles telles que le sida, la tuberculose ou l'hépatite sont de puissants générateurs de honte. Honte d'être contaminé, peur d'être contagieux, colère d'être malade, secret sur les origines de la maladie et honte finalement de se trouver affaibli, plombé, fêlé, humilié exclu.

La honte est un sentiment obscur, un détracteur intime, un "abjecteur de conscience".  Elle diffère par cela de la culpabilité qui est une forme imaginaire de "tribunal de l'âme".
La honte est un mélange de peur et de colère. On peut se la représenter comme un "court-circuit" en interne entre peur et colère face à une situation de souffrance sociale. D
ans l'expérience de la honte, la peur vient en premier et nous alerte sur notre état d'insécurité et d'isolement. Sitôt qu' arrive la colère, réaction naturelle de défense aux attaques, nous bloquons cette colère réparatrice , soit parce nous nous trouvons  dans une situation où objectivement se défendre n'est pas possible du fait du rapport de force inégal, soit parce que nous sommes dans une situation où réagir signifie renier une partie de nous-même ou de notre groupe d'appartenance (notamment la famille). Dans la honte, la colère qui permettrait de restaurer l'estime de soi est bloquée car elle est impossible.
 A l'origine de nos hontes il y a la conscience et l'intériorisation de notre infériorité.  Quoi que je fasse je me sens raté, quoi que je dise, je me trouve minable. 
Et cela est difficile à changer car la honte est aussi un facteur qui empêche la résilience.
Au sens biologique du terme la résilience est la capacité d'un écosystème, d'une espèce ou d'un individu à récupérer un fonctionnement ou un développement normal après avoir subi une perturbation
La résilience se nourrit de relations affectives et de sens (car pour partager il faut un récit).
Sculptés par nos niches sensorielles nous dépendons de ce qui est. 
Après un trauma la plupart des gens ont honte, la plupart des gens ont du mal à en parler. Deux raisons au moins à cela : d'abord se souvenir c'est faire revenir l'horreur et surtout, faire comprendre à l'autre que je suis humilié, c'est lui donner le pouvoir de me faire honte. La honte interdit donc le récit, qui porte le sens, et  détruit la confiance qui permet l'expression, l'écoute le partage, la socialisation.

La honte a une vertu dé-socialisante. Les expressions "Faire honte","Porter la honte" montrent que la honte externe au sujet au départ s'intériorise ensuite dans son Être. Bras armé du conformisme, la honte est sociale. Il n'y a pas de honte sans l'existence d'autrui
Goya
. Elle est un affect éminemment contagieux, qui se transmet de personne à personne dans une logique de verticalité.

En période de guerre, la transmission volontaire de la honte est utilisée auprès des femmes par le viol. Le viol systématique est alors une arme de destruction psychique. L'homme guerrier ne pouvant tuer physiquement la femme ennemie, il la tue psychologiquement en lui faisant honte par le viol. Dans certains pays, notamment en Afrique, ce viol organisé se fait avec la conscience de la violence et du rejet social que la honte du viol va déclencher dans la vie de la victime après le crime.
En même temps, beaucoup de militaires, rongés par la honte, s'appliquent à nier leurs traumatisme psychologique. Ils craignent d'être considérés comme faibles et d'être mis de côté en tant qu'éléments dysfonctionnants pouvant entraver la bonne marche du groupe'. Un grand nombre d'entre eux peinent à retrouver une vie normale et bénéficient rarement d'une véritable écoute. (Pauline Maucort).

D'après Le théâtre intime de la honte (Boris Cyrulnik) et http://www.lahonte.org/4.html
Autre lien à consulter: La honte toxique. Hervé Kopyto : http://kopyto.fr/la-honte-toxique/
http://sansdire.blogspot.fr/2015/08/la-honte-annie-ernaux.html?view=sidebar
Crédit images Arno 'Esthétique de la honte' : http://anartistepeintre.fr/. Goya 'persécution de celui qui n'est pas d'ici'

"La honte est une impossibilité de se fuir pour se cacher de soi même. Horreur d'être "cela" sans pouvoir y échapper."  
Shaming : "Piégé par l'aliénation du groupe, la honte de soi est aussi une dépendance à la pensée du plus grand nombre".


Poème de mes hontes
Ordinaire bien comme il faut, mes hontes sont silences.
Créatures de ces eaux obscures, des mots suintent la nuit de plaies narcissiques et secrètes.
Épaves et coquillages, les mots de la nuit sont laisses de mer au rivage du jour, qu'un soleil lourd œuvre à sublimer.


Ozias


Etude sur l'origine de la honte https://www.ehbonline.org/article/S1090-5138(17)30387-2/fulltext
"La honte servirait à nous inciter à la prudence –ne pas commettre d'actes potentiellement générateurs de dévaluation sociale– et à limiter les dégâts de cette même dévaluation, en endiguant notamment la propagation de notre mauvaise réputation. Une réputation bien plus largement déterminée par la force des croyances d'autrui que par la solidité de tel ou tel fait." 

"La honte isole, elle n'invite pas au partage. Elle pousse au contraire à se distinguer de ce qui porte la marque de l'échec, à les rejeter. Mais si elle ne peut être partagée, elle est particulièrement contagieuse. Le spectacle de la honte d'autrui rend honteux, ce qui suscite immédiatement une réaction de défense vis-à vis du porteur de la honte. On le met à distance parce qu'il "fait" honte. C'est comme un affront à la communauté, une tache qu'il faut effacer. Il y va de la dignité "de l'espèce" de refuser l'identification avec ceux qui représentent "la lie de la société". On perçoit un mouvement contradictoire entre la compassion et le rejet, entre la sollicitude et le mépris, entre la pitié et la stigmatisation, entre la compréhension et le refus de l'autre. La honte unit et répare. Elle conduit à reconnaître autrui comme son semblable et à rejeter tout ce qui, en lui, donne une mauvaise image au groupe d'appartenance". 
Vincent de Gaulejac. Les sources de la honte. 1996.


jeudi 4 septembre 2014

Mélancolies

Albrecht Dürer. Mélancholia.
Septembre est le premier mois d'automne et l'automne est la saison de la mélancolie.  
La mélancolie peut se définir comme une crainte, une tristesse liée à une humeur particulière du corps, une disposition de l'esprit. 
Aventure du narcissisme ou deuil non surmonté selon Freud, la mélancolie nous renvoie à nos énigmes. Énigme de notre finitude; énigmes de la mort et du langage; énigme du rapport de l'âme au corps (ou de l'esprit à la matière). Ces énigmes exposent au mal de vivre. Mais sans ce mal, peut on vivre bien ?

La mélancolie est associée au noir au  pesant, à l'automne au 'jamais plus', au crépuscule et à l'océan, le labyrinthe le gouffre. Ses thèmes multiples traversent les siècles. Contrairement à la tristesse qui est monotonie, la mélancolie est protéiforme et se révèle pleine de créativité. A la plate sagesse des gens des gens rassis, le mélancolique oppose une sagesse paradoxale qui ne redoute ni la contradiction, ni l'excès : "on jouit de ce qui n'est pas commun, même quand cette chose est un malheur". De cette façon, par la lucidité qu'elle autorise, la mélancolie en dépit de ses dangers, ou grâce à eux précisément permet de mieux voir le monde. L'état mélancolique est bien autre chose qu'une maladie : le malaise naît en même temps que la culture, lorsque l'homme se découvre double, duel et portant l'autre en soi. La création artistique notamment naît d'une altération qui le travaille au plus intime. Le mélancolique est l'homme des rêves et rêveries, des fictions et des chimères. De l'allégorie aussi qui produit des êtres autres.  
La question soulevé par le mélancolique est redoutable : "peut on donner un sens à la souffrance ?".  Cette approche, au passage, me parait caractéristique du christianisme pour lequel la "pitié rend sage"  et pour qui la souffrance rachète le péché. Ainsi pour nombre d'artistes, la plainte ne signifie pas seulement qu'on souffre, mais que la souffrance est signifiante. Il semble que l'affliction poussée à un certain degré déploie une énergie qui incite à l'oeuvre d'art. On retrouve ici une idée que Rilke exprime à sa manière: "un monde naquit de la plainte, un monde où tout fut recrée".  Les mot, les images peuvent l'emporter sur le vécu : de l'impossibilité de vivre, on passe alors à la possibilité d'en parler. Ainsi je ne peux m'empêcher de penser que l'art thérapie est une forme médicalisée de la mélancolie créatrice.
Source : Mélancolies. Yves Hersant.
A consulter aussi : http://litterature2point0.blogspot.fr/2010/12/melancholia-premiere-partie_4426.html
https://www.franceculture.fr/conferences/universite-de-nantes/la-melancolie-est-une-maladie-qui-permet-de-voir-les-choses-comme

Bons mots :
"Le seul plaisir que s’autorise le mélancolique, et c’est un plaisir puissant, est l’allégorie." (Walter Benjamin Origine du drame baroque allemand).
"La mélancolie, c'est le bonheur d'être triste." (Victor Hugo)
"La mélancolie est une maladie qui consiste à voir les choses comme elles sont."
Paradoxe et vérité  'Gérard de Nerval)

"La mélancolie est la mélodie du néant". Sentences Létales de Nihil Messtavic


Illustrations :

Stosskopf. Vanité. 1641

Wan der Weyden. Détail

Lars von Trier. Mélancholia.














jeudi 28 août 2014

Mark Ryden : mélancolie, kitsh et viande.

Incarnation. Mark Ryden.
'Mark Ryden est le chef de file des nouveaux surréalistes américains. Il puise son inspiration dans ses souvenirs d’enfance et crée des paysages enchantés aux couleurs pastels, peuplés d'enfants aux allures de poupées perverses, d'animaux aussi mignons que mutilés, et de monstres comiques ou terrifiants' (wikipédia).Ses tableaux ont le ton et la précision des vanités baroques, dans lesquelles la viande constitue un thème de premier choix.
'J'aime peindre la viande parce que la viande revêt de multiples signification auprès des gens. Il y a en effet beaucoup de raisons à cela. Nous sommes des créatures de pure energy et "la viande" est ce qui nous garde vivant. Je me demande souvent par quels processus "la viande" qui a été le corps d'une créature vivante devient une "substance" inanimée que nous traitons comme une chose et sans être conscient de ce qu'elle a pu être. Récemment l'artiste autrichien Flatz a créé l’événement  en jetant une vache morte  sur Berlin depuis un hélicoptère. https://www.youtube.com/watch?v=MBuV3clz4jY
Inside Sue. Mark Ryden
Bien que je ne sois pas très fan d' "art brutal", il est intéressant de voir qu'un protecteur des animaux qui voulait s'opposer juridiquement à cette performance a été débouté pour la bonne raison que la vache est  considérée, au vu de la loi, comme de la nourriture et non comme un animal. Je trouve cela fascinant. A quel moment exactement un animal devient il viande ?


La bible nous dit "Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le donna aux disciples, en disant: Prenez, mangez, ceci est mon corps. " Voici qui est bien curieux. Drôle de rituel que celui des catholiques qui chaque dimanche partagent le corps du Christ en communion. L'interprétation littérale de l'eucharistie est une source infinie de visions oscillant entre l'humour et l'horreur.



Meat shop. Mark Ryden.
Il y a une horreur intrinsèque à l'industrie de la viande: le sang, l'éviscération, l'inhumaine boucherie. La plupart d'entre nous, par leur appétit pour la viande, participent à ce massacre. Sue Coe  , artiste anglaise militante de la cause animale, explore avec puissance ce thème dans son travail et ses écrits. 

Sue Coe. Lete concentration camp.
Sue Coe. Modern man followed by the ghosts of his meat.
Dans son art Mark Ryden, lui, ne porte pas de jugement direct ou personnel  sur la consommation de la viande mais il s'interroge et nous questionne sur le paradoxe qu'il y a à ne pas chercher à savoir ce que cachent nos steaks:  
"Je me se demande ce nous ferions si nous devions nous même tuer les animaux que nous consommons."
Mark Ryden. Traduction approximative Ozias.

'Ryden ne critique pas le fait de consommer de la viande, il aime en manger lui même. Il est intrigué par son aspect, par la signification qu'elle revêt dans le cycle de la vie, par le fossé entre la consommation de la viande et sa préparation : l'acte de savourer un hamburger juteux se situe à des années lumière du moment où la génisse est entrée à l'abattoir et a ressenti la décharge électrique du pistolet assommoir pressé contre son front.' (Mike Mc Gee)

Mark Ryden own words In english 

vendredi 22 août 2014

Poètes sépia

Quelques images, quelques vers de grands poètes. Images sépia du temps passé.
Correspondances et mystères.
Rimbaud Arthur, 30 ans. 
Rêvé pour l'hiver (7 Oct. 1870)

L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.

Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.

Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...

Et tu me diras: "Cherche!" en inclinant la tête,
Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
Qui voyage beaucoup...

Arthur Rimbaud, 16 ans.



http://www.larevuedesressources.org/-arthur-rimbaud,114-.html



Charles Baudelaire. 1850.
La mort des amants . (Baudelaire 1857)

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de ROSE et de BLEU mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;

Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.




Marcel Proust sur son lit de mort. 1922, par  Man Ray.
Antoine Watteau (poèsie de Marcel Proust)

Crépuscule grimant les arbres et les faces,
Avec son manteau bleu, sous son masque incertain ;
Poussière de baisers autour des bouches lasses...
Le vague devient tendre, et le tout près, lointain.

La mascarade, autre lointain mélancolique,
Fait le geste d'aimer plus faux, triste et charmant.
Caprice de poète - ou prudence d'amant,
L'amour ayant besoin d'être orné savamment -
Voici barques, goûters, silences et musique


Le lac
Edgard Poe. Traduction de Stéphane Mallarmé

Au printemps de mon âge ce fut mon destin de hanter de tout le vaste monde un lieu, que je ne pouvais moins aimer, — si aimable était l’isolement d’un vaste lac, par un roc noir borné, et les hauts pins qui le dominaient alentour.

Mais quand la Nuit avait jeté sa draperie sur le lieu comme sur tous, et que le vent mystique allait murmurant sa musique, — alors — oh ! alors je m’éveillais toujours à la terreur du lac isolé.

Cette terreur n’était effroi, mais tremblant délice, un sentiment que, non ! mine de joyaux ne pourrait m’enseigner ou me porter à définir — ni l’Amour, quoique l’Amour fût le tien !

La mort était sous ce flot empoisonné, et dans son gouffre une tombe bien faite pour celui qui pouvait puiser là un soulas à son imagination isolée — dont l’âme solitaire pouvait faire un Éden de ce lac obscur.

mercredi 13 août 2014

Ambiguités


Sous le règne de Louis XIV, l'écrivain et prêtre François-Timoléon de Choisy a passé une partie de sa vie habillé en femme, courtisé(e), apprécié(e) ou moqué(e). "L'envie d'être belle me prit avec fureur; je fis faire des habits magnifiques, je remis de beaux pendants d'oreilles...Les rubans, les mouches, les airs coquets, les petites mines, rien ne fut oublié...Je croyais être aimable, et je voulais être aimée." L'abbé de Choisy, auteur de ces lignes fut écrivain, académicien, diplomate, mais aussi prêtre. En vivant en femme, en entretenant des liaisons avec les deux sexes, il reçoit bien parfois des moqueries et des lettres anonymes, ses frasques font l'objet d'un écho dans une gazette, il est gentiment brocardé par les chansonniers, il entend des chuchotements à l'église mais protégé et heureux de se donner en spectacle, il ne s'en souciera guère. L'abbé passera la seconde moitié de sa vie en historien prolixe. Son grand oeuvre est une histoire de l'Eglise rédigée en 5000 pages et onze volumes.  D'Alembert lui prête ce bon mot "j'ai écrit, grâce à Dieu, l'histoire de l'Eglise; il me reste présentement à l'étudier". Ce sera son journal dans lequel il assume pleinement son propre plaisir qui lui assurera la postérité. Jusqu'à ses derniers jours, il travaille chez lui habillé en femme. Il s'éteint octogénaire en 1724.
Sources: Libération 12 août 2014 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2079262/f5.image
http://www.racontemoilhistoire.com/2014/05/13/labbe-fanfreluche-lhistoire-du-cure-se-maquille/

Charles-Geneviève-Louis-Auguste-André-Thimothée d'Eon de Beaumont, dit Chevalier d'Eon est né le 5 octobre 1728 . Trois prénoms féminins, pour 3 masculins, disent  toute l'ambiguïté du personnage. Le chevalier d'Eon est Espion de son état. Pour des raisons professionnelles, il lui arrive à d'Eon de sortir de chez lui déguisé en femme. Mais il prend goût au jeu et lorsqu'en, deuxième partie de carrière l'attention du roi, mais aussi des anglais, se détourne de lui, le Chevalier supporte bien mal ce désintérêt soudain et il multiplie les provocations se promenant désormais travesti en femme. Progressivement, les rumeurs vont se multiplier à travers l'Europe sur le sujet de son identité sexuelle, conduisant même certains à lancer des paris.  Le silence de l'intéressé qui ne démentira jamais ces rumeurs ne fera qu'amplifier le doute qui se transformera alors chez beaucoup en une certitude : le chevalier est une femme.  Le chevalier d'Éon choisira sciemment de signer une proclamation dans laquelle il annonce être de sexe féminin. Le roi Louis XVI lui imposera en échange d'une rente à vie de porter des vêtements féminins jusqu'à la fin de ses jours ce qu'il fera pendant plus de trente années. Destitué de tous ses titres militaires, il finira sa vie dans la misère en tant que saltimbanque et ce n'est qu'après sa mort et son autopsie en 1810 que beaucoup comprendront enfin que le chevalier d'Éon était un homme.
"Je soussigné [Th Copeland]  certifie que j’ai inspecté et disséqué le corps du chevalier D’Eon en présence de M. Adair, de M. Wilson, du père Elysée, et que j’ai trouvé les organes mâles de la génération parfaitement conformés sous tous les rapports.
http://mylene.net/mylene/chevalier-d-eon.php

http://archives.chez-alice.fr/eon1.html

Plus près de nous, en mai dernier, Conchita Wurst, la drag-queen autrichienne à la barbe taillée en forme de cœur a remporté le concours Eurovision de la chanson début mai. Conchita Wurst (Tom Neuwirth) sait que son statut de femme à barbe peut choquer, que certains la perçoivent comme une bête de foire, cousine de Quasimodo plus que de Mona Lisa. "Es ist mir Wurst !" ("Cela m'est égal !") s'exclame la nouvelle Queen d'Autriche. "C'est exactement la raison pour laquelle j'ai choisi "Wurst". Homme ou femme, barbu ou non barbu, cela n'a aucune importance, explique-t-elle. Nous sommes tous des êtres humains."
Pour Tom S'habiller en femme est un plaisir ancien et "un hommage aux femmes". Et en particulier à sa mère, dont il s'est récemment fait tatouer le visage sur le dos.

 
Hermaphrodite. Le Bernin.
Le fantasme de l'androgynie est vieux comme le monde. Platon affirmait déjà que les sexes sont la trace de la blessure infligée par Jupiter pour punir les hommes de leur révolte contre les dieux. Pour certains humanistes de la renaissance l'hermaphrodite, puisqu'il est idéal d'unité perdue, est la créature  la plus aboutie au niveau philosophique et alchimique.  Le XIXe siècle s'est intéressé avec insistance à la question de l'hermaphrodisme et de l'ambiguïté sexuelle.  
Au XIXème siècle la photographie, se donne pour but l'archivage des races, des formes humaines et des mutations du corps et voici les photographies sans pitié de Nadar (1820-1910) concernant l'hermaphrodisme.





L'hermaphrodite occupe ainsi dans nombre de champs de savoir une place stratégique et déstabilisante, parce qu'il oblige sans cesse à penser la frontière des sexes : le discours médical s'interroge sur l'origine et la nécessité de la distinction sexuée ; le droit, en ayant à statuer sur l'identité sexuelle, impose avec hésitation une définition complexe à partir d'éléments anatomiques et/ou du comportement social (différenciant ainsi le sexe et le genre).



mercredi 6 août 2014

Images Ozias

J'aime bien les images. Les images sont agréables à regarder,  faciles à retenir et plus rapides que les mots. Pour le plaisir, quelques compositions maison. 


Inspirez ou soufflez, c'est selon... La libération ne vient pas toujours d'où on l'attend.
Sigmung Freud et William.S Burrough sont dans un bateau... Le psychonaute est il toxicomane ou introspecteur ?
Quand le wanderer solitaire de Caspar David Friedrich découvre la tour de Babel de Pieter Bruegel
Lolita Lempicka. Enviergement1.
Lolita Lempicka. Enviergement2.
Bestabée au Bain revue par un regardeur de Rembrandt.
Voir et être vu (Décembre 2013)

Bithérapie interféron (les seringues) et ribavirine (les cachets roses). Décembre 2011




Amicales pensées...

Plus d'images sur le site : https://sites.google.com/view/emagicworkshop-2017/images

mercredi 30 juillet 2014

Higozuiki, godemiche bio

Au Japon durant l'ère Edo (XVIIème siècle) les marchands d'accessoires érotiques vendent des cordelettes desséchées  qu'il faut tremper dans l'eau chaude pour les assouplir puis nouer autour du sexe, en un laçage esthétique proche du bondage. Ces lanières végétales prennent au contact des muqueuses une consistance si moelleuse qu'il s'en vend toujours aujourd’hui dans les catalogues de sex-shops
Leur nom 'zuiki'a curieusement été traduit en français par 'lanières de bardane'. Il semblerait que ce soit une erreur car la pauvre petite bardane (gobo en japonais) est une plante bien trop fragile pour que l'on puisse faire des noeuds avec. Le mot zuiki désigne en réalité la tige de taro bien plus capable de résister aux assauts amoureux. Les zuiki se présentent sous la forme d'une cordelette qu'il faut nouer autour de son pénis , en spirales entrecroisées. Le but est d’épaissir généreusement la
hampe, mais aussi de lui donner une consistance plus rapeuse augmentée d'une option point G. Le  'zuiki' , mot qui signifie aussi extase en japonais, est prétexte à d'innombrables poèmes satiriques mettant en scène des moines qui convertissent de jolies veuves aux délices de la religion par la découverte de quelques commotions mystiques. Le seul défaut du higo-zuiki (Higo est le nom de la région productrice de 'lanières érotiques') est qu'il arrive que ces lanières se dénouent 'in situ' dans le feu de l'action. Pour pallier la maladresse de certains hommes incapables de nouer correctement la lanière sur leur pénis, ou trop pressés pour perdre un temps précieux, les commerçants vendent donc des 'higo-zuiki' prêt à porter, c'est à dire des corsets péniens joliment tressés en diamant, en losange, ou en carapace de tortue, qui se portent à la façon de préservatifs. Au XVIIème siècle on les appelle "bateau pour sauver la vie" car ils permettent d'affronter stoïquement les éléments déchaînés. 

Pour rester à flot, certains amants poussent la délicatesse jusqu’à faire jouir leur partenaire à l'aide de godemichés en tige de taro. Ces répliques de phallus tressés existent encore de nos jours.

Après cette introduction, quelques Haiku  bien tournés qui restent bien dans le sujet :

Chose bien naturelle
son gode elle a trempé dans
du saké chauffé

A Yoshihô
comme venant laver des bardanes
les dames clientes

Mari d'Echizen
appelant à son secours
la province de Higo 
Echizen est une province au nord de Kyoto. les miliataires de cette province protégeaient la pointe de leurs lances avec une sorte de bonnet en peau d'ours. Par analogie de forme le mot Echizen est venu à signifier l'état de phimosis ou celui qui en est atteint. Higo est la province qui produit les higozuiki.

La chaleur de l'eau
comme les forgerons la maîtrisent
les dames du palais
 (La qualité d'une lame de sabre forgée dépend en grande partie de la température de l'eau où se font les trempes successives).

A la nuit profonde
c'est trop chaud, c'est trop tiède dit
la dame du palais

Dans les cas d'urgence
à froid elles en font usage
les dames du palais

Crédits :
Les objets du désir au Japon. Agnès Giard. Drugstore. Glénat 2003.
Haiku érotiques. Traduits et présentés par Jean Cholley. Picquier Poche 2002
http://www.paraverse.org/picsenryu.htm

Démonstration :
http://fr.xhamster.com/movies/341843/japanese_masturbation_with_higo_zuiki_bijin_dildo_xlx.html

Plus généralement
https://www.mariellebrie.com/histoire-du-godemichet/