lundi 24 octobre 2022

Les psychédéliques et la philosophie (1)

Dr Peter Sjöstedt-Hugues
Peter Sjöstedt est un philosophe anglo-scandinave influencé par Schopenhauer, Nietzsche et Whitehead spécialiste des domaines de la philosophie de l'esprit et de la métaphysique, notamment en ce qui concerne le panpsychisme et les états de conscience modifiés. Interviewé par Richard Marshall et Lindsay Jordan pour le blog 3:AM
Sjöstedt nous parle ici des psychédéliques et du 'problème difficile de la conscience', du panpsychisme, de la raison pour laquelle les psychédéliques sont source de nombreuses polémiques,  des raisons pour lesquelles l'utilisation du mot spirituel le met mal à l'aise, de Nietzsche, de la conscience et des hallucinations, de A.N. Whitehead et du mysticisme, de l'influence des drogues psychédéliques sur la philosophie, de la question de savoir si les psychédéliques sont des amplificateurs cognitifs, et enfin des questions éthiques liées aux psychédéliques.    [Traduction Ozias]

So, let’s freak out !

3:AM : Vous affirmez que l'expérience psychédélique tend à entamer les conceptions matérialistes de l'esprit. Comment comprenez-vous le "problème difficile de la conscience" et qu'est-ce que l'expérience psychédélique peut apporter à ce sujet ?

Peter Sjöstedt-H: Dans les années 1960, lorsque les psychédéliques sont devenus un moteur de transformation culturelle, le "problème difficile de la conscience" (problème de l'origine des qualia, c'est-à-dire du contenu subjectif de l'expérience d'un état mental) - découvert en 1995 - la plupart des philosophes et chercheurs universitaires de l'esprit l’auraient considéré comme une erreur de raisonnement, un faux problème. Ce problème concernant la relation entre la matière et l'esprit semblait aussi dénué de sens que celui du rapport entre la matière et les dieux pour un athée. Au milieu du XXe siècle, l'esprit était considéré comme réductible au comportement, à l'activité neuronale humaine, voire à de simples embrouilles linguistiques. Ainsi, la rencontre avec l'usage des psychédéliques, conduisant à des sommets de conscience, et du réductionnisme mental académique et condamnant la conscience à l'insignifiance, fut assurément conflictuelle. Je suis persuadé que les psychédéliques peuvent apporter beaucoup à la philosophie de l'esprit, de même qu’aux neurosciences cognitives et à la psychologie - mais le ‘problème difficile’ exige surtout des apports cognitifs plus objectifs. Néanmoins, les mécanismes mentaux psychédéliques pourront contribuer ultérieurement à cette réflexion.

Donc si nous considérons ce problème difficile de la conscience - en fin de compte le problème de savoir comment ce qui est descriptible spatio-temporellement (par exemple l'activité neuronale) peut causer, être causé par, avoir une cause commune avec, fonctionner en parallèle ou être identique à des corrélats mentaux qui sont essentiellement non descriptibles spatio-temporellement (par exemple le bleu) - nous constatons qu'aujourd'hui ce problème est étudié par le monde universitaire. Ce respect nouveau (ou retrouvé) a été favorisé par les impasses logiques rencontrées par les réductionnistes matérialistes.  Le behaviourisme matérialiste ne peut pas résister à la force de l'expérience psychédélique : soutenir que les états mentaux ne sont rien d'autre qu’un comportement physique lorsque l'on a fait l'expérience du moi multiples déchirant les confins du tout en visualisant la couleur du temps – et tout cela en étant allongé inerte - se présente comme une absurdité.

De plus, les psychédéliques ont beaucoup à offrir au niveau de la phénoménologie - l'analyse de l'expérience - car ils donnent accès à des zones mentales inexplorées. J'ai éprouvé [en trip] des émotions inconnues pour lesquelles il n'existe pas de mots mais seulement un souvenir. J'ai atteint des sommets d'émotions esthétique inimaginables, et encore moins expérimentables, pour les esthètes qui n'ont pas exploré cette voie. Le potentiel pour nous philosophes de l'esprit est immense car il nous fournit des esprits neufs : des états mentaux inédits et supérieurs.

La tentation classique, qui est de réduire tout cela à la matière-énergie - la dicibilité spatio-temporelle - semble ici insensée mais démontre notre propension naturelle à réduire l'inconnu au connu pour avoir l'esprit tranquille. Je soutiens que ce que nous appelons esprit et matière sont des abstractions d’une réalité concrète qui prend les deux aspects. Par conséquent, essayer de résoudre le problème difficile de la conscience en se demandant comment l'esprit peut émerger de la matière est futile, car c'est une tentative d'expliquer le concret à partir d'une abstraction de celui-ci - un peu comme essayer d'expliquer comment distinguer l'acidité par l’image du citron. La résolution du problème difficile de la conscience réside donc dans la compréhension de la nature de l'abstraction, et pas dans son mode d'émergence. Cela implique toutefois que la matière contienne des éléments de l'esprit - et pas seulement la matière du cerveau, mais toute la matière. Cette résolution conduit donc au panpsychisme.

3:AM : Vous êtes un partisan du panpsychisme, c'est-à-dire de l'idée que tout a une mentalité ou une sensibilité. En quoi le panpsychisme se distingue-t-il de l'animisme ?

Peter Sjöstedt-H: Il existe de nombreuses variétés de panpsychisme, et il en va de même pour l'animisme - mais une distinction généralement utile est que le panpsychisme est une doctrine philosophique alors que l'animisme est une doctrine religieuse. Le terme "animisme" a été inventé au XIXe siècle par Edward Tylor pour désigner ce qu'il considérait comme le type de religion le plus primitif, celui qui attribuait des âmes aux objets de la nature. Le terme "panpsychisme" a été inventé plus tôt par le philosophe de la Renaissance Francesco Patrizi, qui a fourni des arguments en faveur de sa plausibilité. Ainsi, au moins d'un point de vue historique, l'"animisme" a une connotation négative et religieuse qui s'oppose au "panpsychisme" qui a une connotation positive et logique. De nombreux penseurs de la Renaissance étaient favorables au panpsychisme, y compris Giordano Bruno, qui a fini sur le bûcher pour de telles hérésies en 1600.

3:AM : Vous faites une distinction entre ce que vous appelez "le Port humain des idées" et "l'Océan inhumain" de la conscience psychédélique. Pouvez-vous nous expliquer ce choix de métaphore, d'autant plus que vous ne prétendez pas que le Port  soit un lieu sûr ?

Peter Sjöstedt-H: Oui, j'écris dans mon livre que le Port n'est pas un refuge pour un nouménaute - un psychonaute philosophe - car même au retour des profondeurs de l’Océan, l'Océan fait de l'effet sur le marin qui en revient. Le retour des profondeurs psychédéliques peut conduire à une remise en question importante de la société dans laquelle on se trouve, avec ses idéologies, ses coutumes et ses morales. C'est là certainement un danger pour ceux dont le but est de se réconcilier avec leur culture. J'ai découvert depuis que le lauréat du prix Nobel Octavio Paz avait, au sujet de l'émancipation et du nihilisme, des idées proches de ce que les drogues psychédéliques peuvent apporter - en faisant référence à Nietzsche...

3:AM: Vous établissez un lien entre l'expérience psychédélique et l'idée que le cerveau transmet, plutôt qu'il ne produit, la conscience. C'est une idée proposée par le philosophe français Henri Bergson, lauréat du prix Nobel, et également un principe clé sous-jacent au roman utopique d'Aldous Huxley, L'île. Comment défendez-vous ce point de vue et quel lien faites-vous avec l'expérience psychédélique ?

Peter Sjöstedt-H : Mon intention dans ce chapitre était de développer de manière significative le lien établi par Aldous Huxley dans Les Portes de la Perception entre l'expérience psychédélique et la philosophie d'Henri Bergson, principalement d’après son magnum opus Matière et Mémoire. Les personnes qui évoluent dans les cercles psychédéliques ont toutes entendu parler de la théorie de la "valve réductrice" avancée par Huxley, mais peu d'entre elles connaissent cette théorie en détail et savent comment elle peut être appliquée à l'état psychédélique. J'ai beaucoup de affinités avec la philosophie de Bergson, même si je ne dirais pas que je l'accepte sans y apporter quelques modifications importantes. Quoi qu'il en soit, le point principal en est que la mémoire consciente ne peut pas, en toute logique, être "stockée" dans la matière, que toute conscience implique la mémoire, que la relation entre le sujet et l'objet est celle de la partie au Tout plutôt que celle entre la représentation et l'objet, et que la fonction du cerveau est simplement de canaliser les processus de l'extérieur vers les processus à l'intérieur du corps et peut être en sens inverse aussi. Selon cette hypothèse, nous devrions constater une corrélation entre l'esprit et le cerveau bien que le cerveau ne produise pas l'esprit.

La fonction du corps est d'extraire de l'ensemble de la mémoire, ce que Huxley appelle le "mind-at-large", une sélection qui peut être utilisée à des fins pratiques courantes. Lorsque nous dormons, et à l’endormissement, ce besoin pratique disparaît, et la mémoire devient alors plus libre et arbitrairement accessible. Je soutiens dans mon livre que la consommation de psychédéliques interrompt le fonctionnement pratique habituel du corps, de sorte que ce que l'on appelle l'esprit au sens large se présente de façon encore plus manifeste qu’au cours des rêves ou des hallucinations hypnagogiques. Il est intéressant de noter que, bien que Bergson n'ait pas, à ma connaissance, ingéré de substances psychoactives, il a néanmoins fait un rêve très psychédélique qu'il a raconté à William James dans une lettre, incitant ce dernier à poursuivre son étude de "la valeur noétique des états mentaux anormaux".

3:AM: Vous parlez de l'interprétation de l'expérience spirituelle comme un acte influencé par la culture. Que pensez-vous de l'utilisation du mot "spiritualité" dans le contexte de l'expérience psychédélique ?

Peter Sjöstedt-H: Ce mot de spiritualité me met mal à l'aise. Bien que le Spiritualisme ait été utilisé au cours des derniers siècles dans le registre des arts et des humanités, il semble aujourd'hui être revenu à ses racines dualistes, ce qui cause mon inquiétude. Il implique une division fondamentale entre le corps et l'esprit, et un tel dualisme suppose une ontologie qui me parait éloignée des psychédéliques - malgré mes influences bergsoniennes. Je devrais dire que l'expérience psychédélique est semblable à une expérience spirituelle, bien que je préfère pour cette dernière l'appellation d'état de conscience modifié pour éviter de pré-cadrer la discussion.

3:AM : Votre propre expérience psychédélique vous a donné un aperçu au-delà du dualisme du bien et du mal, n'est-ce pas ? Pourriez-vous en dire un peu plus à ce sujet, et comment votre expérience vous a conduit à établir des liens entre l'acceptation de soi et le nihilisme de Nietzsche ?

Peter Sjöstedt-H : De la même façon qu’une haute dose de Nietzsche, l'expérience psychédélique arrache la personne à sa culture et l’ouvre à des réflexions nouvelles. J'ai mentionné comment une telle expérience peut conduire à la remise en question de son milieu métaphysique implicite, mais cela peut aussi amener la personne à remettre en question son environnement éthique. Si les coutumes de son époque et de son lieu semblent absurdement arbitraires après avoir fait l'expérience d'états apparemment célestes, il n'est pas exagéré de commencer à remettre en question l'objectivité de la morale dans laquelle on a été élevé. À ce stade, l'expérience psychédélique et l'anti-moralisme de Nietzsche se croisent. L'analyse d'un tel anti-moralisme est contenue dans le chapitre de mon livre intitulé Neo-Nihilisme, un texte qui a donné naissance à un super-héros Marvel - et qui conduit au transhumanisme psychédélique de l’avenir.

3:AM : Vous dites que le fait de priver les philosophes de l'esprit d'accès aux substances psychédéliques reviendrait à priver les musiciens de leurs instruments. En quoi considérez-vous les substances psychédéliques essentielles à la philosophie de l'esprit, et comment cela se traduit-il dans vos relations avec les philosophes ignorants l'expérience psychédélique ?

Peter Sjöstedt-H : En plus de ce que j'ai dit précédemment, je devrais ajouter que les psychédéliques peuvent contribuer à l'étude des domaines suivants.

L'étude des corrélats neuronaux de la conscience, et de la nature de cette corrélation, a déjà fourni des données intéressantes à partir de la consommation de psychédéliques. Par exemple, il a été constaté qu'une diminution d'activité cérébrale peut entraîner une "augmentation" de l'activité mentale - selon les principes bergsoniens. Il a été constaté que les visions sous l'influence du LSD sont corrélées à des régions du cerveau autres que le "cortex visuel". Ce seul fait a des conséquences sur ce que l'on appelle en philosophie de l'esprit la "réalisation multiple" - un concept qui s'est d'abord imposé pour ébranler la théorie de l'identité psycho-neurale qui prévalait au milieu du vingtième siècle : des qualia, par exemple une couleur, peuvent être réalisés par de multiples types de cellules et ne sont donc pas propres à une structure particulière. Dans le même ordre d'idées, on peut citer le cas intéressant du psychédélique Salvia divinorum ("la sauge du devin") : il présente une structure moléculaire très différente de celle de la plupart des autres composés psychédéliques, sans que ses effets ne soient pour autant très différents. D'autres applications de l'expérience psychédélique concernent les questions de causalité mentale et d'épiphénoménisme, ainsi que le débat millénaire sur la réalité des universaux. En ce qui concerne ce dernier point, je renvoie à mon article sur Whitehead et l'expérience psychédélique dans lequel je me concentre sur la variété d'universaux de Whitehead : les " objets éternels ".

J'ai mentionné précédemment certaines des possibilités inexplorées de la phénoménologie et de l'esthétique. Pour en revenir à la phénoménologie, j'ajouterais que l'étude du soi phénoménologique peut progresser considérablement grâce à l'introspection psychédélique au cours de laquelle le soi s’effiloche ou se dissout. De même, notre expérience subjective du temps peut être radicalement modifiée. J'ai même émis l'hypothèse, en accord avec la vision non-représentationaliste de la perception de Whitehead et Bergson, que l'expérience psychédélique pourrait fournir une voie expérimentale plutôt que simplement intellectuelle pour sortir du solipsisme.

Pour ce qui concerne l'esthétique, j'ajouterais que les discussions sur le sublime, lancées il y a deux siècles par Burke, Kant, Schopenhauer et autres, peuvent maintenant être poursuivies à la lumière des expériences psychédéliques. Kant est connu pour avoir affirmé que les cieux étoilés remplissaient son esprit d'un émerveillement et d'une crainte toujours plus grands - de tels sentiments sublimes peuvent maintenant être amplifiés et aliénés, puis analysés une fois de plus en utilisant une expérience plus profonde [un microscope mental].

Lorsque je parle du merveilleux potentiel des psychédéliques avec des philosophes naïfs de leur usage, ils manifestent presque toujours une vive curiosité. Pourtant, ils hésitent à concrétiser ce projet pour diverses raisons, dont bien sûr l’illégalité des substances et les mises en gardes médicales découlant principalement d’une propagande historique - ils ne veulent pas risquer la santé de leur esprit, leur outil de travail. Et ils me disent souvent cela en buvant de l'alcool, drogue dont les dangers sont médicalement établis. Les possibilités de financement sont l’autre raison de cette hésitation. Si les psychédéliques étaient décriminalisés, les financements deviendraient plus accessibles et nous verrions alors sans doute un florissement du nombre d’études.

3:AM: Beaucoup de gens pensent aux hallucinations lorsqu'ils considèrent les substances psychédéliques ; ils pensent qu'on voit des choses qui "ne sont pas vraiment là". Vous soutenez que la conscience quotidienne ordinaire est une hallucination, dans le sens où elle est une perspective fragmentaire de la réalité. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la relation - telle que vous la concevez - entre hallucination et conscience ?

A.N. Whitehead
PS : Personne ne peut nier que nos perceptions de l'environnement se limitent à une mince fraction de tout ce qui existe - l'étroite bande de fréquences électromagnétiques que nous percevons comme des couleurs en est l'exemple typique. Déjà, notre conscience perceptive, n'est pas une image de la totalité du réel, mais simplement une abstraction ou une extraction transformée. Outre cette distorsion perceptive de la réalité, il existe souvent une distorsion conceptuelle, à laquelle A.N.Whitehead fait référence par le biais de sophismes tels que celui du caractère concret erroné et celui de la simple localisation. Un excellent exemple du premier est lié au panpsychisme dont nous avons parlé plus haut : nous considérons généralement la "matière" que nous voyons autour de nous comme étant théoriquement comprise dans le cadre d'une description spatio-temporelle, mais cette hypothèse ne fait que conduire à des paradoxes ultérieurs entre l'esprit et la matière, tels que le « Hard Problem of Consciousness ». Il semble donc que nos perceptions communes et nos représentations communes fournissent trop peu à notre conscience - et c'est en ce sens que je veux dire que la conscience peut être considérée comme une hallucination : nous confondons le spectre avec le réel.

Les psychédéliques permettent une déstructuration de cette conscience ordinaire, et ils semblent parfois nous apporter une plus grande variété de perception, de représentation, de sentiment, etc. qui peuvent enrichir le quotidien de la conscience. La question de la véracité des phénomènes ineffables dotés d'une existence autonome est une des tâches de la théologie de demain.

3:AM: Vous notez que la représentation que  A.N. Whitehead a de la philosophie, est d’être mystique, et que son but était de rationnaliser le mysticisme. Qu'est-ce que cela signifie de rationaliser le mysticisme ?

PS: La description de Whitehead fait référence à son concept de la philosophie : la découverte et le développement de nouvelles idées qui transcendent et qui transgressent les lieux communs des idées anciennes et traditionnelles. Au départ, de telles idées sont mystiques dans le sens où elles sont nouvelles et font donc partie de l'inconnu. C'est alors le rôle de la philosophie d'examiner puis de rationaliser ces états et idées originellement mystiques. La phénoménologie psychédélique serait, à mon avis, une démarche essentielle à cette rationalisation du mysticisme. Je dois ajouter que "rationaliser" ne signifie pas ici réduire, comme dans la connotation de l'expression courante "expliquer rationnellement". Plutôt que de réduire à ce qui est une connaissance établie, 'rationaliser' signifie ici augmenter la connaissance à la fois en termes de contenu et de structure.

3:AM : Vous parlez de l'intuition d'unité et de place dans l'univers que procure l'expérience psychédélique et mystique, ce qui suggère une vision du monde psychédélique spécifique - une vision de paix et d'acceptation, peut-être. Cela semble en contradiction avec la volonté de puissance de Nietzsche, mais vous dites que les deux doivent s'entrecroiser. Pouvez-vous développer ?

PS : L’intuition d'unité et de connexion avec le Tout est fréquemment rapportée après l'absorption de fortes doses de psychédéliques. La question de la véracité de cette intuition reste ouverte. L'intuition s'accorde bien avec la philosophie de Schopenhauer car ici la différenciation est conditionnée par les délimitations spatiales et temporelles, mais l'espace et le temps ne sont que des projections de l'esprit sur la réalité - de sorte que la réalité en elle-même reste Une, en une sorte d'hénologie. Nietzsche a beaucoup emprunté à Schopenhauer, mais a rejeté une telle hénologie. Les volontés de puissance sont multiples et ne sont harmonisées que dans une moindre mesure et pour former des structures de puissance supérieures, comme celle de l'organisme humain. Je devrais donc dire que la vision du monde hénologique induite par les psychédéliques est incompatible avec la philosophie du pouvoir tardive de Nietzsche. Je suis personnellement convaincu de la volonté de puissance, avec des réserves, mais je rejette donc la véracité d'une telle hénologie. En outre, les tentatives de renoncer à la volonté (ou à l'ego) en se référant à une unité perçue sont elles-mêmes un moyen de la volonté de puissance. En fin de compte, l'unité et la multiplicité font toutes deux partie du modus operandi de la nature, et rabaisser l'une ou l'autre revient à rabaisser la nature elle-même.

3:AM: Vous avez écrit sur l'utilisation par Nietzsche de drogues psychotropes - en particulier l'hydrate de chloral - et sur d'autres philosophes qui vous ont influencé, comme William James qui soutenait que l'ivresse au protoxyde d'azote était la clé des secrets de la religion et de la philosophie. Et vous avez suggéré que les Grecs de l'Antiquité tripaient tous en même temps qu'ils travaillaient. Dans quelle mesure pensez-vous que la philosophie occidentale a pu être influencée par les substances psychotropes ?

PS : J'ai supposé que Platon avait ingéré des substances psychoactives dans la potion kykeon que les initiés devaient boire lors des mystères éleusiniens. Que ce kykeon ait contenu ce que nous appellerions aujourd'hui une substance psychédélique est plus plausible que son contraire, pour de nombreuses raisons. Les visions de Platon sont rapportées dans son Phédon, également connu sous le nom de "Sur l'âme", où Platon parle de l'intuition de la dualité corps-âme qu'il cherche ensuite à justifier rationnellement dans le dialogue, parallèlement à sa théorie des formes. Si l'on accepte la boutade de A. N. Whitehead selon lequel la tradition philosophique européenne consisterait en une série de notes de bas de page sur Platon, on peut alors justifier l'importance des psychédéliques pour la philosophie telle que nous la connaissons. L'autoproclamé "philosophe chimique" Humphry Davy a écrit en 1800 un traité sur les ramifications philosophiques de la prise d'oxyde nitreux, se rangeant du côté des idéalistes - et par la suite nous pouvons suivre une lignée de philosophes qui ont expérimenté les psychotropes. Parmi eux, citons Nietzsche, James, W Benjamin, Jünger, Paz, Sartre, Foucault et Nick Land, entre autres. William James a d'ailleurs écrit que la philosophie de Hegel ne lui est apparue clairement que sous l'influence du protoxyde d'azote. Dans les années 1950, Aldous Huxley, le psychiatre Humphrey Osmond (qui a inventé le terme "psychédélique") et le neuro-philosophe John Smythies ont failli créer un précédent philosophico-psychédélique avec leur projet "Outsight" : d'éminents penseurs devaient être réunis pour prendre de la mescaline sous supervision et enregistrer leurs expériences. Malheureusement, le financement de ce projet n'a jamais été accordé – ce qui est bien dommage car les participants invités et enthousiastes comprenaient C. D. Broad, A. J. Ayer, H. H. Price, J. C. Ducasse, Gilbert Ryle, Carl Jung et Albert Einstein.

3:AM : Vous décrivez le mode d'esprit psychédélique comme plus libre, moins concentré. Quelle est votre position sur l'utilisation de substances psychédéliques en tant que stimulants cognitifs ?

PS : En ce moment, il y a beaucoup de discussions autour du "microdosage" : prendre des psychédéliques en quantités infimes pour améliorer la cognition, ceci dans la veine des nootropes. Savoir si le microdosage est efficace en tant que tel est une question empirique sur laquelle plusieurs études sont lancées. S'il s'avère - comme beaucoup le prétendent - que le microdosage est efficace pour stimuler la mémoire, l'intelligence logique, les aptitudes artistiques, etc. alors, comme la plupart des transhumanistes, je suis favorable à son utilisation caeteris paribus. .../.... Les nootropes sont déjà utilisés par les militaires - par exemple, l'armée de l'air américaine utilise le modafinil - et il se pourrait donc que, contrairement aux valeurs contre-culturelles des années 60, le LSD soit utilisé à des fins militaires. Je dois ajouter que le macrodosage, c'est-à-dire l'utilisation des doses habituelles, agit aussi assurément comme un stimulant cognitif - non seulement pendant l'expérience elle-même, mais aussi comme une incitation à la créativité. J'ai soutenu ailleurs, par exemple, que certaines parties du Zarathoustra de Nietzsche ont été inspirées par des rêves induits par l'opium.

.../...

3:AM: Et quelles sont, selon vous, les questions éthiques liées à ces états de conscience modifiés. Considérez-vous qu'ils ne sont une opportunité éthique, ou ont-ils leur côté obscur? Après tout, la plupart des technologies ont un effet Frankenstein.

PS : En tant que Nietzschéen, je reste persuadé qu’il y a un côté obscur : ‘avec la grandeur vient la terreur’, comme il aimait le dire. Il y a un côté sombre à l'expérience psychédélique qui est en grande partie éludé dans l’engouement actuel du psychédélisme thérapeutique. En trip, j'ai connu des abimes de terreurs sublimes comparé auxquelles les vers de Milton sont à l’eau de rose. En fait, pour le théologien Rudolf Otto, plonger dans l’âbime est une condition préalable à une vraie révélation empyrée. Je comprends que pour beaucoup de gens, de tels risques constituent une ligne rouge qui empêche l'expérimentation. J'imagine aussi que pour d'autres, de telles expériences peuvent être psychologiquement dommageables, surtout si le patient a des croyances religieuses. Ernst Jünger pensait que les psychédéliques ne devaient pas être utilisés par la majorité des gens, et peut-être se montre-t-il plus sage qu’injuste en ce psychonautisme élitiste . 

En dehors des questions liées aux côtés sombres de l'expérience, il reste beaucoup d'autres questions éthiques à discuter ici, comme le droit à la liberté cognitive, les causes et les effets de la prohibition, les changements possibles de perspectives politiques après l'utilisation de psychédéliques, la nécessaire harmonisation des lois sur les psychédéliques avec les lois sur l'alcool, la différenciation de classe potentielle à l’instar des nootropes, le conflit potentiel avec les croyances religieuses, et ainsi de suite. Je le répète, tout ce domaine est fertile pour une réflexion approfondie.

Interview by Richard Marshall and Lindsay Jordan. Traduction : Ozias Myssos

https://www.3-16am.co.uk/articles/the-noumenaut-psychedelics-and-philosophy

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mercredi 14 septembre 2022

Actualités psychédéliques : où s'informer ?

Depuis quelques temps, de partout, il est de plus en plus question de psychédéliques. Le sujet est vaste car il  comporte des aspects thérapeutiques, scientifiques, philosophiques, politiques, spirituels, juridiques, moraux, pratiques etc. Comment s'y retrouver parmi les dizaines d'articles et de publications publiés chaque semaine, vers quels sites se tourner pour suivre l'actualité du secteur ?

Voici donc quelques liens permettant de retrouver de l'information en ligne au sujet des psychédéliques. Je n'ai pas lu tous les articles de chaque magazine. Tous ne se valent pas d'un point de vue scientifique ou divertissement et  vous trouverez vous même lesquels vous conviennent. Merci donc de vos commentaires et de vos infos si vous en connaissez d'autres sources recommandables.

Sources thérapeutique, scientifique et économique.

The Mind foundationLa Fondation MIND est une organisation scientifique et éducative européenne à but non lucratif qui encourage la recherche et la thérapie psychédéliques. MIND a pour mission de promouvoir la recherche et l'enseignement sur l'utilisation thérapeutique des psychédéliques. C'est une source parmi les plus sûres du secteur, mais pas forcément dénuée de conflits d'intérêts. Afin de faciliter la recherche d'articles pertinents, MIND propose des listes de recommandations d'articles sélectionnés . Merci Mind-Foundation !  https://mind-foundation.org/


MAPS  
L'Association multidisciplinaire pour les études psychédéliques (MAPS) est une organisation de recherche et d'éducation qui développe des projets médicaux, légaux et culturels pour de meilleurs  usages des psychédéliques et de la marijuana.

PSR: Psychedelic Science ReviewPsychedelic Science Review offre une perspective exclusivement scientifique sur les psychédéliques.  PSR s'intéresse à la recherche scientifique et aux connaissances sur les psychédéliques, de la chimie à la psychologie. PSR ne se positionne pas en partisan ou des adversaire du changement politique ou social. PSR s'assigne pour but d'offrir des informations factuelles sur la base de la pertinence scientifique. Chaque semaine PSR sélectionne notamment un article scientifique traitant des psychédéliques.

Basé en Oregon, Psychedelic Alpha est une lettre d'information "indépendante"? qui s'efforce de divulguer les connaissances, le réseau et les informations nécessaires auprès de la communauté psychédélique et des professionnels du secteur en vue de faire progresser la médecine psychédélique et les découvertes qui en découlent. C'est un site assez pragmatique et donnant une certaine visibilité sur l'économie du secteur psychédélique.


Sources Ethnobotaniques, développement personnel, transformation sociale

Chacruna : Une référence pour les infos et les articles traitant des aspects sociétaux, spirituels, thérapeutiques des plantes sacrées. Chacruna est un institut sud américain qui se définit ainsi :"Nous éduquons le public et créons une culture et une légitimité concernant les substances [enthéogènes] afin qu'elles cessent d'être stigmatisées et interdites. Chacruna jette également un pont entre "l'usage cérémonial traditionnel" et les contextes cliniques et thérapeutiques, en apportant les connaissances et les perspectives des sciences sociales aux professionnels de la santé et aux praticiens de la thérapie assistée par les psychédéliques..../... Nous voulons un monde où les plantes médicinales et autres substances psychédéliques sont préservées, protégées et valorisées comme faisant partie de notre identité culturelle et intégrées dans nos systèmes sociaux, juridiques et de soins de santé.

Iceers L'International Center for Ethnobotanical Education, Research, and Service (ICEERS) est une organisation à but non lucratif qui se consacre à la transformation des relations entre les sociétés et les plantes psychoactives. A ce titre, Iccers traite des problématiques résultant de la mondialisation de l'ayahuasca, de l'iboga et d'autres plantes ethnobotaniques. Je recommande notamment les pages décrivant en détail les principales plantes et champignons psychoactifs, les effets, les dosages, les précautions à prendre.

The Psychedelic society : "Nous défendons le potentiel de guérison des psychédéliques et les pratiques qu'ils inspirent. Avec une profonde appréciation de la science, une révérence pour la nature et un respect pour la sagesse des traditions établies de longue date, nous cultivons des terrains de jeu pour l'exploration de soi et la connexion profonde." Une source inépuisable d'évènements, de pratiques, et de réflexions sur l'usage des psychédéliques et des états de conscience modifiés.

Psymposia Psymposia est une organisation médiatique qui offre des perspectives progressistes sur les drogues, la politique et la culturePsymposia+3 propose souvent un point de vue décalé qui tranche sur l'angélisme de la renaissance psychédélique mainstream. Par contre pas sûr que ce media soit encore tenu à jour…

Psychedelic support : Une société US qui se donne pour mission la transformation sociale par le biais des thérapies psychédéliques. On y trouve des articles d'actualité sur la sujet, mais aussi des liens pour se former à ces pratiques ou participer aux études en cours en tant que pionnier. 


Magazines d'information communautaire sur les psychédéliques

Psychedelic frontier promeut une approche éclectique des psychédéliques "Il existe de nombreuses cultures et attitudes entourant les états de conscience modifiés, allant des chamans amazoniens aux raveurs en roue libre. Aucune d'entre elles n'a le monopole de la "bonne" façon de voir et d'entreprendre l'expérience psychédélique, mais il y a des leçons à tirer de toutes les approches. Nouveautés, art, musique, spiritualité et articles scientifiques sont les principales rubriques de ce site plutôt recommandable.

Reality sandwich se donne pour objectif de couvrir la culture psychédélique sous les aspects les plus divers tels que la sexualité, les arts, la science et les pratiques de consommation. On y trouve aussi un guide sur les différentes substances ainsi que sur le microdosage. Plutôt hype et bien illustré, je recommande !


Lucid News se définit comme un media  informé, honnête et transparent qui couvre le renouveau des psychédélique actuel. Fondé par d'anciens membres des communautés psychédéliques, Lucid News veut faire preuve de discernement et d'un scepticisme sain dans sa ligne éditoriale. Le site est bien fait, régulièrement mis à jour et surtout très éclectique. 

Psychedelics Today
 Un média plaidoyer de la cause psychédélique. Psychedelics Today couvre les découvertes scientifiques, universitaires, philosophiques, sociétales et culturelles afin de faire avancer la connaissance des psychédéliques et de leurs usages. 



Consultez aussi le portail de Psychedelic press qui édite et revend des ouvrages spécialisés et tient un blog sur l'actualité des psychédéliques. Ne passez pas à côté de https://psychedelicpress.substack.com/ qui compile des articles souvent érudits à propos des plantes et des états de conscience modifiés.


Un autre blog super intéressant, très à jour sur les psychédéliques, et notamment les questions liées aux expériences difficiles. Plutôt "new-age" et gonzo style dans l'ensemble ! 

https://www.ecstaticintegration.org/ 

Citons aussi le blog de l'APRA (Amsterdam Psychedelic Research Association), une association multidisciplinaire basée à Amsterdam.

Voilà donc quelques titres pour rester dans le coup. Vous aurez remarqué qu'ils sont tous en anglais. Du côté des sites français je ne vois rien de tel. Il y a quand même le site de la SPF (Société Psychédélique Française),  deux magazines en ligne très gonzo style  vice et  neon mag qui abordent parfois le sujet et relaient quelques articles traduits,  et de nombreuses pages Facebook comme la SPL (Société Psychédélique de Lyon)  Grenoble psychonaute, ou groupes Facebook tels que la CPF communauté psychédélique francophone et tant d'autres passionnants.

Bonne lectures, merci de vos commentaires et retours

Ozias

mardi 23 août 2022

Cardiotoxicité des substances

Les stoners et les psychonautes vieillissent aussi. Parmi les 20% de français qui ont dépassé l'âge de 65 ans beaucoup ont découvert les drogues dans les années 60/70s et certains continuent à les apprécier. Pourtant, beaucoup d'usagers séniors se retrouvent sous traitement médical chronique suite à des problèmes d'hypertension, cardio-vasculaires, de diabète ou autres. Pour eux se pose la question de la compatibilité entre l'usage de substance et  celle de leur condition physique, plus celle des interactions entre produits et traitements. Etant moi même concerné, et intervenant en Caarud, j'aimerais échanger avec des professionnels sensibles à cette question, ou avec d'autres usagers seniors intéressés par ce sujet.
Au terme de quelques semaines de recherche, voici quelques articles qui m'ont paru pertinents, sérieux et utiles sur ces questions et pour le cas spécifique des affections cardiaques.
Cependant, il existe de multiples formes de pathologies cardiaque (arythmie, cardiopathie structurelle, insuffisances cardiaques, coronaropathies). Cet article cible les risques d'infarctus par obstruction des artères coronaires. A ce sujet, et d'après les lectures référencées plus loin, je propose un schéma dans lequel j'ai classé différents produits selon le risque perçu en termes de coronaropathie. Ce schéma qualitatif n'engage que moi, je ne suis pas médecin, et je serais ravi de vos commentaires à son sujet.


D'une manière générale, ce qu'il faut savoir

Une étude de fond sur les récepteurs à sérotonine et leur action sur le système cardiovasculaire.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10661823/



Recreational drug misuse: issues for the cardiologist.

Cannabis

Avec le cannabis les études se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Il semblerait que le risque d'infarctus augmente dans l'heure qui suit la consommation (+0,8%) mais d'autres publications montrent que l'on ne constate pas de différence significative. Voici un article qui fait le point sur le sujet https://www.cureus.com/articles/45502-association-between-marijuana-use-and-cardiovascular-disease-in-us-adults#!/

Article de référence : The Impact of Marijuana on the Cardiovascular System: A Review of the Most Common Cardiovascular Events Associated with Marijuana Ushttps://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7355963/

Cardiovascular effects of cannabis and derivates :
https://www.edimark.fr/Front/frontpost/ … /13535.pdf

Effects of Cannabis on Cardiovascular System: The Good, the Bad, and the Many Unknowns

Mode d'action des cannabinoïdes, notamment du THC, sur le corps humain et conséquences de la consommation de cannabis.

LSD
Dans la THÈSE POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE MEDECINE SPECIALISEE CLINIQUE. Joyce DEMEY le 22 octobre 2020 "LES EFFETS INDESIRABLES SOMATIQUES ET PSYCHIATRIQUES DU LSD", on peut lire :
"Sur le plan cardiovasculaire, le LSD est un cardio-stimulant et entraînerait des troubles du rythme, en particulier des tachycardies sinusales, des arythmies supra-ventriculaires, de l’hypertension artérielle et un risque accru d’infarctus du myocarde. (34) Cela ne semble pas être médié par ses effets adrénergiques et sympathiques relativement légers. En réalité, le LSD, dérivé de l’ergot de seigle, entraînerait des variations des taux de sérotonine, à l’origine d’un phénomène d’agrégation plaquettaire. Cette coagulation anormale pourrait aboutir à la formation de caillot, lui-même à l’origine de vasospasmes artériels et des complications cardiovasculaires centrales et périphériques de type ischémique similaires à celles retrouvées dans l’ergotisme. (34) (66). Ces effets seraient potentialisés par l’activité agoniste alpha adrénergique et prostaglandinergique. Il semble judicieux de contre-indiquer le LSD chez les patients souffrant de troubles cardio-vasculaires ou d’anomalie hématologique. "

Psychédéliques en général

Cas particulier du 1cpLSD . Les dérivés ou prodrogues du LSD semblent avoir causé quelques soucis au niveau cardio vasculaire et des risques de vaso-constriction. Détails dans l'article de Not for Human

https://notforhuman.org/index.php/2023/04/08/1cp-lsd-effets-secondaires-sur-le-coeur/

https://www.psychoactif.org/forum/t20801-p1-1p-lsd-vasoconstriction-douleurs-coeur-dans-les-membres.html

https://www.psychonaut.fr/threads/douleur-persistante-avec-le-1p-lsd.32517/

Tryptamines

Risk assessment of ritual use of oral dimethyltryptamine (DMT) and harmala alkaloids
https://catbull.com/alamut/Bibliothek/Ayahuasca%20paper%20PDF.pdf

Microdosing psychedelics: More questions than answers? An overview and suggestions for future research

Kétamine

Cocaine, crack, amphétamines
Ces produits causent les plus fréquentes et les plus sévères atteintes cardiovasculaires

RCs Simulation de cardiotoxicité

https://www.psychoactif.org/blogs/2-Predire-la-cardiotoxicite-d-un-RC-RdR-par-l-IA_6728_1.html#

Polyconsommation, mélanges

La polyconsommation de psychotropes et les principales interactions pharmacologiques associées.
http://www.santecom.qc.ca/BibliothequeVirtuelle/CPLT/2551225450.pdf

Cette liste n'est qu'un commencement. Je serai heureux d'enrichir cet articles par d'autres liens que vous connaissez, d'autres expériences que vous avez faites. 

Ozias

PS: autre article sur le même thème 

https://emagicworkshop.blogspot.com/2021/06/avancer-en-age-et-consommer-des-drogues.html

Il existe aussi un forum psychoactif dédié à cette question : https://www.psychoactif.org/forum/viewtopic.php?pid=593890#p593890

samedi 13 août 2022

Mon infarctus

 

D'abord tout le monde s'en fout, et moi le premier. 

Ce lundi matin, le dernier de février 2022, en allant courir, j'ai l'impression de pas trop avancer. Je raccourcis mon tour habituel. Puis, après le repas je ressens un drôle de malaise avec à la fois la peur de tomber et l'envie de dégueuler. ça dure 30 secondes, pas plus. Puis dans la nuit de lundi à mardi je retrouve dans mon lit la sensation d'avoir un succube posé sur l'épaule gauche. Il se déplace parfois. Comme un gros chat couché sur moi. Il attaque aussi par l'arrière ou bien il se déplace vers mon bras gauche. Oppression, donc, zen, détendons nous !

ça passe, et puis ça revient. C'est une sensation que j'ai déjà rencontrée à plusieurs reprises en me couchant. Une impression d'oppression qui me rappelle tous ces tiraillements que j'ai eus depuis la mâchoire jusqu'à l'estomac depuis 2005 et qui se sont multipliés ces dernières années, qui disparaissaient après quelques gorgées d'eau froide et à cause lesquels j'ai mangé des kilos de Maalox contre les maux d'estomac. Un matin à Metz en 2020 aussi où j'ai dû sortir trempé de sueur d'une salle de conférence où j'étais assis. Par contre, ce qui est nouveau ce soir c'est cette nausée qui ne me lâche plus et en plus , des gargouillis inhabituels dans mon ventre. Comme une longue nausée sans pouvoir vomir, entrecoupée de quelques gros spasmes à tomber raide et douloureux à mourir.

Mardi matin, plus de douleur dans la poitrine, mais nausée à ne pas pouvoir me lever et fatigue tellement intense que je ne peux appeler mon médecin traitant qui prend des rendez-vous seulement avant 9h15 ou après 17h. Serait-ce le Covid ? Je fais un test, et je suis déçu de constater qu'il est négatif. Vers 15h, je sors du lit, impossible de manger, à 18h, j'appelle mon médecin qui me donne rendez-vous le lendemain à 18h00.

Mercredi, journée sur le canapé, tout patraque. A 18h, je prend la voiture et je me rends chez le médecin. Il me dit que j'ai de la fièvre (38C). Il me fait un électrocardiogramme. Diagnostic possible, mais sans trop y croire : c'est peut être un infarctus. Il me fait une ordonnance pour des médicaments (aspirine, nitroglycérine Natispray) et un dosage de la troponine.

Comme j'habite la cambrousse et vu l'heure, le labo d'analyses ouvert le plus proche est à 25 km. 18h30 , il est déjà tard et je repars direct au volant de ma voiture de chez le médecin, direction la vallée . Premier stop à la pharmacie, longue file d'attente. Deuxième stop 15 km plus loin à la recherche d'un labo d'analyse qui ferme à 19h. L'accueil est introuvable car la clinique "B." est justement en chantier et en février, il fait nuit . Je erre dans le chantier sombre, puis je trouve l'accueil, où on me dit:  "Le laboratoire est fermé depuis 19h, il faut que vous alliez aux urgences privées de la clinique "C". 

Je repars avec ma voiture pour une dizaine de kilomètres encore. Attente, 12 personnes devant moi. ça fait maintenant 3 heures que je suis parti de chez le médecin. Finalement, prise de sang. Je regarde mon sang couler dans le tube, épais et sombre comme du civet de lapin. Enfin je repars chez moi en voiture (25km). Arrivé je prépare des pâtes et je mange. A peine posé sur mon canapé, coup de fil du labo d'analyse qui me demande de partir direct aux urgences pour cause de souffrance cardiaque aigue. Bref, après plus de deux jours de malaises, voilà que je fais officiellement un infarctus ! Là, le plan Orsec est lancé !

A l'hôpital je suis pris un max en charge  par une demi-douzaine d'intervenants tous très jeunes et tous en mode Matrix. Ils se présentent militairement, "bonjour monsieur Ozias, je suis Joe, Votre infirmier stagiaire et je .... bla bla..." et  j'oublie leur nom spontanément. Après un grand tour des couloirs en lit roulant, lardé de perfusions et ficelé d'électrodes, j'attends dans une chambre double pour subir une angio-plastie dès que possible. 

Un vrai problème avec la cardiologie, c'est le monitoring cardiaque : 6 électrodes sur la poitrine plus un bracelet pour la tension, sans parler des perfusions. Beaucoup de fils à la patte et donc, impossible de sortir du lit, quel que soit le besoin. Et quand un "gros besoin" se fait sentir, j'ai honte pour mon voisin (because le bruit, et l'odeur). Bref, en fin de matinée, après quelques allées et venues de groupes d'internes et un questionnaire intrusif et désagréable sur mon 'hygiène de vie', où l'on me fait comprendre qu'en fumant du cannabis je n'ai pas volé ce qui m'arrive, et jurer que je ne recommencerai plus, c'est mon tour et je pars au bloc. 

L'angioplastie consiste, à l'aide d'un cathéter, à faire remonter depuis la veine du poignet droit deux petits ressorts qui maintiendront les coronaires ouvertes au niveau du cœur (les stents). Mon opérateur me demande si j'autorise son collègue débutant à pratiquer cette opération pour la première fois. Déjà bien dans le colletar, je réponds que oui,  et c'est parti pour 20-30mn de ramonage des artères . Avec le Subutex la morphine ne fait pas trop d'effet et j'ai trouvé ce temps bien long. Résultat Méga hématome sur l'avant bras droit. D'ailleurs, plus d'un an après j'ai toujours la marque du méga-hématome qui s'ensuivit, comme un tatouage souvenir.

Ce qui m'a le plus cassé les pieds, c'est que les médecins, comme toutes les personnes de mon entourage ont spontanément trouvé une explication à cet évènement. Et bien sûr, dans tous les cas, la cause ne tenait qu'à moi. Pour certains, c'était dû au vaccin anti-covid, pour d'autres au cannabis,  ou encore au manque d'exercice, ou au sucre trop présent dans mon alimentation.  Tous.tes avaient trouvé une explication qui leur permettait surtout de se rassurer en se disant qu'elleux -au moins- n'avaient pas ce travers là. Plus tard, en rééducation j'ai cotoyé de nombreux autres patient.es victimes d'infarctus. Certains étaient plus jeunes que moi, d'autres plus âgés. Des hommes dans l'ensemble. Il y avait des gros et d'autres pas. des sédentaires, des sportifs, des stressés ou pas des usagers de drogues ou pas. 

Un an plus tard, qu'en est il ? Grace à la réadaptation qui a suivi l'infarctus je me suis remis au sport. Cardio et gymnastique dans un premier temps à l'hôpital, puis natation en été, musculation hebdomadaire et escalade 2 fois par semaine. J'ai donc perdu 5 kilos et gagné en muscles. Pompes et tractions ne me font pas peur et j'ai presque retrouvé mon niveau d'escalade d'homme jeune. Pourtant, je ressens toujours parfois quelques malaises (douleurs dans la poitrine, ou transpiration sans raison), et je redoute en permanence d'avoir à remettre tout en branle à cause d'un caillot qui bouche une coronaire.

Qui vivra verra

mardi 12 juillet 2022

Transhumanisme et psychédéliques

 

Les états de conscience modifiés, tels que ceux obtenus par l'utilisation de substances psychédéliques, seraient ils une façon 'd'augmenter' chimiquement notre niveau de conscience à l'instar du dopage sportif qui est une forme de transhumanisme chimique ?

Effectivement, un pan entier de la philosophie de Timothy Leary est ancrée dans le transhumanisme et fait penser aux idées d'Elon Musk sur la conquête spatiale et l'expansion de la conscience. (Gael Millet)

Cet aspect de la pensée de Leary trouve son illustration dans la BD   neurocomics éditée en 1979 et basée sur les travaux de Leary,

Pour Leary, chaque individu est constitué d'un corps/robot servant de véhicule à son esprit qui crée une  réalité en fonction la bande passante dont il dispose. Par nature, seule une infime partie du spectre de la réalité nous est accessible. Notre système nerveux transforme l'énergie en conscience. 

Pour Tim Leary, l'évolution a un sens et  l'homme est une créature technologique en route vers la dématérialisation. Déjà les moteurs ont remplacé les muscles et les ordinateurs remplacent les cerveaux. Notre espèce va "quelque part" dans un monde conçu par une intelligence supérieure.  

Le but de nos vies est d'utiliser l'espace, notre esprit et le temps. Notre espèce est confrontée à trois challenges : celui d'une migration dans l'espace (la Terre étant l'utérus de notre espèce); celui du  développement de l'intelligence jusqu'à la Singularité de l'IA; et enfin, l'allongement de la durée de la vie afin d'en découvrir le sens.

Dans son dernier ouvrage, "Chaos et cyberculture" (1994), Tim Leary s'est totalement investi dans la cyberculture et la connexion homme-machine. Chaos et Cyberculture reflète la conviction de Timothy Leary selon laquelle le vingt-et-unième siècle verra l'émergence d'un nouvel humanisme, dont les idées forces seront la contestation de l'autorité, la liberté de pensée, la créativité personnelle, le tout soutenu et encouragé par la vulgarisation de l'ordinateur et des nouvelles technologies de la communication.

https://www.nothuman.net/images/files/discussion/4/37561d7460de8b72d318bacea6d16d11.pdf

Les réflexions de Leary et sa (trop grande ?) ouverture d’esprit l’amenèrent à côtoyer pendant plusieurs années différents personnages à la démarche plus ou moins scientifique. Ses propres écrits peuvent eux-mêmes faire penser à du gloubi-boulga new age, mélangeant l’évolution dirigée à un hypothétique “modèle quantique de la conscience” ou à des digressions sur une influence extraterrestre sur l’évolution humaine. Le magazine Omni n’hésite pas à mixer les idées de Leary ou du physicien Eric Drexler à des délires concernant la communication homme-dauphin ou les perceptions extrasensorielles, le tout copieusement arrosé de mysticisme et de théories archéologiques farfelues.
.../...
Un deuxième travers de Leary et de ses suiveurs californiens jettera l’opprobre sur le mouvement : leur élitisme assumé et décomplexé. Leary établit par exemple un “Top 100 génétique” de personnalités (artistes et scientifiques) dans son livre de 1979 Les Agents Intelligents. Selon lui, de 1 à 2% des humains, à n’importe quelle période historique, sont génétiquement programmés pour “voyager dans le futur, revenir dans la ruche et informer leurs semblables” à la manière d’abeilles exploratrices. Ce sont ces “individus exceptionnels” qui doivent être sélectionnés pour coloniser l’espace.
Basées sur les écrits libertariens d’Ayn Rand (La Grève), ce genre de positions politiques donnèrent au transhumanisme naissant une connotation fortement exclusive, puérile, égoïste et arrogante qui se fait encore sentir aujourd’hui, d’Elon Musk à Laurent Alexandre. Il faudra attendre le début des années 2000 pour que ce courant soit mis en minorité au sein des transhumanistes.

Lire ici https://transhumanistes.com/smi%C2%B2le-les-voyages-de-timothy-leary/

Un autre auteur psychédélique très influent est John C Lilly, en particulier par son ouvrage "Programming and metaprogramming in the human biocomputer" où il explore les possibilités de manipuler et de 'reprogrammer' nos 'logiciels biologiques'  à l'aide de LSD et en utilisant des caissons d'isolation sensorielle : https://archive.org/details/programmingmetap00lill_0. Selon John Cunningham Lilly, le système de réseau électronique capable de numérisation (le hardware) développé par les hommes, développera (ou a déjà développé) une « bioforme » autonome. Comme les conditions de survie optimale (vide et très basse température) de celle-ci sont radicalement différentes de celles requises par les humains (air ambiant tempéré et approvisionnement en eau), John Cunningham Lilly prédit (ou prophétise à partir de ses visions sous l'influence de la kétamine, une drogue utilisée en anesthésie) un terrible conflit entre les deux formes d'intelligence (thème repris dans la science-fiction, notamment la série Terminator).

Le psychédélisme se rapproche aussi beaucoup des concepts de "téléchargement de l'esprit'" qui considère que l'on peut simuler, reproduire ou sauvegarder un esprit humain dans une simulation informatique (vision 100% matérialiste et 100% désincarnée) qui donne un aperçu de ce que pourrait être un esprit "téléchargé" . Ceci est purement fictif, mais il faut savoir qu'il semble que l'on simule déjà partiellement le cerveau d'un ver : https://openworm.org et https://en.wikipedia.org/wiki/openworm.

Finalement, il existe des liens étroits entre la psychédélisme et la technologie, par exemple Steve Jobs et le LSD, Google qui est actionnaire principal du Burning Man, Elon Musk et ses dérives psychédéliques (à propos de la DMT sur Twitter), sans parler de tout le mouvement Open Source et même les bases de l'Internet qui est issu de la contre-culture américaine baignée du summer of love.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culture-musique-ete/60-70-s-l-echo-psychedelique-du-bout-des-tuyaux-1705776

D'après  un post de Gael Millet, paru le 03/05/22 sur la page FB de la Communauté Psychédélique française

à lire à ce sujet : https://www.theguardian.com/wellness/2023/dec/08/longevity-psychedelics-mental-health-ageing

vendredi 3 juin 2022

La conscience selon Antonio Damasio

"La raison d'être d'un être est d'être", c'est à dire d'assurer son propre maintien le plus longtemps possible.

Antonio Damasio est neurologue et neuroscientifique. Il est l'auteur de 'Sentir et Savoir', un livre par lequel il tente d'analyser le phénomène de la conscience et de son rôle dans le vivant. Pour Damasio, la conscience nous vient de l'évolution qui a intégré progressivement des réactions, des sensations, des perceptions, des images mentales et enfin la représentation de soi. Tout cela avec un seul et unique objectif : maintenir la vie. Voici quelques extraits et réflexions suite à la lecture de 'Sentir et Savoir'.

D'après les deuxième et troisième principe de la thermodynamique, sous l'effet  d'un gradient d'entropie (constitué par l'énergie du soleil et la Terre qui reçoit cette énergie), certaines formes d'organisation ont tendance à remplacer le chaos. Même si cela ne nous dit pas pourquoi au commencement était quelque chose plutôt que rien, cela peut expliquer le commencement de la vie sur terre. Aujourd'hui, les scientifiques s'accordent à dire que toute la vie actuelle découle d'une vie antérieure, qui est devenue progressivement plus complexe et s'est diversifiée grâce au mécanisme d'évolution par sélection naturelle décrit par Charles Darwin.

Ainsi, les proto-cellules seraient apparues il y a environ 4 milliard d'années suivies par l'entrée en scène de structures de plus en plus complexes  Premières cellules sans noyau (ou procaryotes, dont les bactéries) 3,8 milliards d’années ; Photosynthèse 3,5 milliards d’années; Premières cellules individuelles à noyau (ou eucaryotes) 2 milliards d’années; Premiers organismes multicellulaires 700-600 millions d’années; Premiers systèmes nerveux 500 millions d’années; Poissons 500-400 millions d’années; Plantes 470 millions d’années; Mammifères 200 millions d’années; Primates 75 millions d’années; Oiseaux 60 millions d’années; Hominidés 14-12 millions d’années: Homo sapiens 300 000 ans

Homéostasie. Au commencement la vie s'est déployée sans mot ni pensée, sans sentiment et sans raison, sans esprit ni conscience.  Pourtant les organismes élémentaires ont dès le commencement dû savoir 'détecter' les éléments de leur environnement bénéfiques à la poursuite de leurs existences. Cette 'intelligence' implicite obéissait aux règles de 'l'homéostasie' qui doivent garantir à la cellule tel ou tel niveau de température, de pH ou de nutriments. l'homéostasie est un ensemble complexe de mesures régulatrices qui a rendu la vie possible à l’époque des tout premiers organismes unicellulaires.

Quelque 3,5 milliard d'années plus tard, avec les organismes multicellulaires et multisystèmes (comme les poissons), de nouveaux outils de coordination sont apparus : les systèmes nerveux qui se sont mis à gérer des actions, à engendrer des images, à représenter des modèles (patterns) à établir des cartes.  Le système nerveux a rendu possible l'existence de l'esprit. L'esprit requiert un système nerveux et la création de représentations et d'images. Les images mentales composent un flux incessant et se prêtent à des manipulations qui génèrent de nouvelles images. Le système nerveux et l'esprit ouvrent la voie au sentiment et à la conscience.

 Les systèmes nerveux permettent des niveaux de coordination fonctionnelles requis par les organismes multicellulaires pourvus de systèmes différenciés (respiratoires, digestifs, reproductifs etc ). Les systèmes nerveux permettent aussi de confier à la mémoire les connaissances représentées dans les images, ce qui permet la réflexion et le raisonnement et la construction de symboles. La conscience requiert de nombreuses interactions entre le cerveau proprement dit et les sensations produites par les organes du corps.

Antonio Damasio imagine 3 stades d'évolution distincts et consécutifs. Le premier porte la marque de l'être (bactéries), le second celui du ressentir (ex: les méduses qui peuvent se déplacer), le troisième celui du connaître au sens général du terme (les poissons, les mammifères etc ). Les étapes de l'être, du ressentir et du connaître peuvent être associés à des systèmes anatomiques et fonctionnels distincts qui cohabitent encore en chacun de nous. Autrement dit, 'je pense donc je suis', mais la réciproque n'est pas vraie. De nombreux organismes 'sont', mais ne sont pas capables de penser.

Etre précède sentir. Au premier stade de l'existence (celui des bactéries) il n'y a rien que nous puissions appeler capacité explicite de sentir ou de connaître. Le système nerveux est le point de départ de l'esprit et les sentiments sont les premiers phénomènes mentaux intégrés par l'esprit. Pour Antonio Damasio, les sentiments permettent à un organisme d'éprouver sa propre vie. Les sentiments sont des expériences mentales qui donnent la connaissance de la vie dans notre corps et par l'appropriation de cette perception les sentiments rendent cette connaissance consciente. Les sentiments sont un équivalent mental de notre organisme physique. Les sentiments sont ancrés dans notre charpente corporelle (intéroception) et ils jouent un rôle capital dans la création du 'soi' qui est un processus mental animé par l'état de l'organisme. La douleur est la forme la plus élémentaire de sentiment éprouvée. A la différence des perceptions du corps conventionnelles (vue, ouïe, etc ), les sentiments sont des hybrides, et tiennent tout autant du corps et de l’esprit. Le véritable objet des sentiments est situé à l'intérieur de celui qui perçoit. Les sentiments incitent l'esprit à agir en accord avec les signaux positifs ou négatifs de leurs messages. Les sentiments comblent naturellement le vide qui séparait le corps physique des phénomènes mentaux. Pour Antonio Damasio ces sont les sentiments qui chevillent les représentations mentales aux états physiques d'un organisme rendant ainsi évidentes l'identification de soi et l'apparition de la conscience.

Lorsque l'être et le ressentir sont structurés et opérationnels, il sont prêts à accueillir le savoir. Les cartes et les images engendrées sur la base des informations sensorielles deviennent alors les composants les plus abondants et les plus divers de l'esprit, aux côtés des sentiments continuellement présents et liés à ces sensations. La mise en place coordonnée des trois types de traitements - Etre, ressentir et savoir - permet aux images d'être connectées à notre organisme. L'expérience du Soi peut alors émerger.  La conscience est un produit de l'évolution .

Notre esprit est rempli d'images. Certaines images sont le fruit de la perception de nos sens, mais la plupart d'entre elles sont des images hybrides produites par la relation qu'entretient le cerveau avec le monde à l'intérieur du corps. La conscience est un ensemble d'images (cartes, représentations, savoirs), de sentiments (perceptions de l'état du corps) ainsi que de l'évidence que ces phénomènes nous sont propres.  Etre capable de conscience c'est être conscient du contenu de notre esprit. Le champ d'intervention des organismes dotés d'esprits conscients s'étend. Ils ont plus de dispositions à exploiter dans leur lutte pour la vie. La conscience élargit leur horizon et leur habitat. 

Ozias, d'après des extraits de 'Sentir et savoir'


 https://waitbutwhy.com/2017/04/neuralink.html#part1

Quelques définitions trouvées dans le livre: 

Homéostasie : le processus qui maintient les paramètres physiologiques d’un organisme vivant (température, pH, niveaux de nutriments, fonctionnement des viscères, etc.) dans la fourchette la plus propice à son fonctionnement optimal et à sa survie. (Le terme « allostasie » est proche, mais bien distinct : il fait référence aux mécanismes que l’organisme utilise lorsqu’il cherche à rétablir l’homéostasie3 .)

Émotions : ensembles d’actions internes involontaires et concomitantes (contractions des muscles lisses, changements du rythme cardiaque, de la respiration, des sécrétions hormonales, des expressions faciales, de la posture, etc.) déclenchées par des événements perceptifs. Les actions émotionnelles visent en général à soutenir l’homéostasie, pour faire face à une menace (par la peur ou la colère), signaler une réussite (via la joie), etc. Nous pouvons également produire des émotions lorsque nous nous remémorons des souvenirs. 

Sentiments : les expériences mentales qui suivent et accompagnent divers états de l’homéostasie au sein de l’organisme. Ils peuvent être primaires (sentiments homéostatiques : la faim et la soif, la douleur et le plaisir) ou provoqués par des émotions (sentiments émotionnels : la peur, la colère, la joie, etc.) .

L’affect est l’univers de nos idées, transmué en sentiments. On peut également penser les sentiments en termes musicaux : ils sont en quelque sorte la partition musicale qui accompagne nos pensées et nos actions

Esprit Notre esprit est constitué de convois d’images de toutes sortes, qui se succèdent dans le temps : certaines nous donnent la vue et le son ; d’autres sont des fragments de sentiments. Nous savons également que les images dominantes se présentent généralement comme un « schéma » (pattern) : un motif géométrique et spatial où les éléments sont disposés en deux dimensions ou plus. Cette spatialité est au cœur de ce qu’est un esprit. L’esprit conscient aide l’organisme à identifier clairement les éléments nécessaires à sa survie – à se frayer un chemin parmi les besoins grâce aux sentiments. En fonction de l’intensité des sentiments en question, il arrive souvent que la conscience exige, voire impose une réponse aux besoins identifiés.  

Conscience la conscience est un état d’esprit enrichi. Cet enrichissement consiste à inclure dans les processus continus de l’esprit des fragments d’esprit supplémentaires. Ces fragments d’esprit supplémentaires sont faits du même matériau que le reste de l’esprit – ils relèvent du domaine de l’image – mais, grâce à leur contenu, ils annoncent clairement que tous les contenus mentaux auxquels j’ai actuellement accès m’appartiennent, sont à moi, sont en train de se déployer au sein de mon organisme. La conscience est un rassemblement de connaissances assez nombreuses pour engendrer – automatiquement, et au beau milieu du flux d’images – l’idée que ces images sont à moi, sont en train d’être produites au sein de mon organisme vivant, et que l’esprit… eh bien, est à moi lui aussi. Finalement, la conscience est la propriété de soi.

Intelligence la capacité à opposer des solutions satisfaisantes aux problèmes posés par la vie – qu’il s’agisse de se procurer les ressources énergétiques élémentaires telles que les nutriments ou l’oxygène, de contrôler le territoire et de se défendre des prédateurs – et à développer des stratégies susceptibles de surmonter ces problèmes – confrontation ou coopération sociales, par exemple.

Une brève histoire de l'évolution de l'esprit selon E.Musk  https://waitbutwhy.com/2017/04/neuralink.html#part1