Prologue : 18 février 2020 Olivier Véran, ministre de la santé, sur France Inter :« La France est prête car nous avons un système de santé extrêmement solide. »
Le 16 mars, dans un discours qui se veut martial, le Président nous apprend et répète ad-nauseam que 'nous sommes en guerre'. Pour ambiancer le tout chaque mobile reçoit un SMS de gouv.fr (qui n' avait encore jamais écrit) annonçant
"Des règles strictes que vous devrez impérativement respecter...!"
Au commencement
C'est comme ça que du jour au lendemain, on s'est retrouvé en quarantaine pour cause de sécurité sanitaire avec autorisations de sorties datées signées, plages surveillées par hélico et état d'urgence pour une durée indéterminée.Depuis quelques temps déjà ce confinement nous pendait au nez. Mais même en ayant l'Italie sous les yeux, on ne s'était pas préparé, on ne voyait pas, ou on ne voulait pas le voir. Le confinement, était réservé aux vaches ou aux canards dans les élevages, comme on avait pratiqué à l'occasion de la crise vache folle ou des grippes aviaires ou porcines précédentes. Mais pour nous humains, nous ne pouvions y croire avant que ce COVID19 ne fasse de nous des champions des gestes barrières et de la distanciation sociale.
Evidemment, à partir du moment où la Chine a confiné, la comparaison publique mondiale a fait que le confinement devenait inévitable partout. Le gouvernement s'est fait un devoir de garantir à ses citoyens que 'rien ne leur arrivera'. D'autres pays comme le Royaume Uni ou les USA ont bien essayé de jouer l'immunité de groupe, mais ils se sont fait déborder par les gros paquets d'hospitalisations avant d'emboîter le pas aux états confineurs. Incapable d'approvisionner masques et tests de dépistages, notre startup-nation championne du juste à temps et du flux tendu a forcément décidé du remède le plus moyenâgeux, le plus autoritaire aussi : le confinement de toute la population. Mais il était impossible de faire autrement je crois, car l'opinion elle-même aurait crié au génocide. Quand les valeurs « sanitaires » semblent indiscutables alors tout discours alternatif est indicible et la compétition politique ne peut se traduire que par une surenchère.
A ce sujet, le destin des animaux, et le sort que leur réservent nos sociétés humaines, me parait prophétiquement représentatif du 'foutur' de notre humanité. Depuis longtemps déjà tous les animaux libres vivent sauvages dans l'illégalité, tandis que nous produisons les animaux domestiqués comme de banales marchandises. Les races ont été sélectionnées, élevées, améliorées, différenciées, spécialisées normalisées pour s'adapter à la 'demande du marché'. Même chose pour les plantes où seules sont autorisées les graines de variétés sélectionnées et inaptes à se reproduire. Cette évolution pourrait bien préfigurer notre propre destin à l'aube du transhumanisme. Par exemple, la crise du Covid nous montre que l'avenir est aux Ehpads grands comme des fermes des mille-vaches où nos vieux jours seront professionnellement protégés de la mort par nos économies et pour la plus grande gloire de la sécurité sanitaire nationale et celle des actionnaires des groupes Korian et consorts. Bref, si tu confines bien, tu auras la chance de finir en Ehpad !
Mais, trêve d'anticipation et retour au réel... Donc le 16 mars , France Inter nous met en garde :"Arrêtez de vous embrasser", on fait les dernières courses (du tabac, des graines, des médocs, des patates), puis pour se remonter le moral on s'appelle, on échange les dernières blagues, et comme on est tous sidérés sous le soleil radieux du printemps, on joint les mains, on serre les fesses, on croise les doigts et on attend la suite... Let it be !
Le plus pénible pour moi est l'infantilisation dans laquelle le pouvoir veut nous tenir. Pour sortir, il faut remplir une attestation signée, comme au collège. Sibeth, la porte-parole du gouvernement nous explique que le port du masque peut être 'contre -productif' et Etienne Klein, démontre dans un savant calcul pour 'Marianne', que dépister ne sert à rien !
Par temps de confinement rester chez soi et se taire fait de nous des héros !
Ici, les plus extravertis donnent chaque jour à 20 heures un concert de casseroles et de klaxons pour encourager
Nous Pesterons donc chez nous en briguant légion d'honneur et croix de guerre du héros confiné.
Premières semaines
17 mars 2020. 'Nous sommes en guerre' |
D'autres semblent apprécier cette parenthèse qui les maintient chez eux, les rapproche de leur famille, de la nature, de leur vraie nature parfois.
Dehors la nature reprend ses droits, sans que l'on sache toujours démêler le vrai du fake. Ainsi, ces dauphins vus dansle port de Hyères, mais filmés dans le Bosphore, ou encore ces loups qui entrent dans Grenoble le ...1er avril !!!.
Plus d'avions dans le ciel, plus de brume dans la vallée et pour le futur, on hésite entre utopie, effondrement et dystopie. Le Centre Patronal Suisse y va même de son couplet : "Certaines personnes pourraient être tentées de s'habituer au confinement, voire à se laisser séduire par ses apparences insidieuses : beaucoup moins de circulation, un ciel déserté par le trafic aérien, moins de bruit et d'agitation, le retour à une vie simple et un commerce local. La fin de la société de consommation.' Pendant 45 jours il fait honteusement beau. Ici le printemps est partout et me rappelle la chanson de Nino Ferrer 'Le Sud'...Et toujours pas moyen de savoir ce qui se passe en ville.
Comme nous avons tous peur du moindre pépin, nous sur-réagissons : par exemple, j‘ai eu peur que le chien du promeneur que je croisais morde, et j'ai eu envers son maître une réaction inhabituellement agressive.
Confiner, c'est beau, mais alors, la question qui tâche et qui fâche, est de savoir comment faire pour aller travailler quand on sait que se promener seul sur une plage est une violation de la sécurité sanitaire. Le monde s'aperçoit qu'il n'était rien sans le travail de ceux 'qui ne sont rien' et nous découvrons que - peut être- et après tout nous ne servons 'à rien' (autrement dit, que la société se passerait très bien de nous).
Bref : Si tu travailles tu es vecteur potentiel craint et respecté. Si tu ne travailles pas, alors reste chez toi ! On est essentiel ou pas.
Finalement, dans ce confinement personne n’est à sa place. Le dilemme protection individuelle/continuité sociale est incompatible avec le confinement, insurmontable. Chacun fait son flic, et le keuf-virus nous a tous contaminés.
Rythme de croisière
Après 8 longues semaines de confinement mes jours ont trouvé un nouveau rythme ponctué de grasses matinées, de longs face à face avec un écran, de séances de jardinage et d'appels téléphoniques. L'angoisse de la première semaine a fait place à la sérénité. Les meilleurs moments de la journée sont le petit déjeuner (café pain beurre salé) sur le coup des 10-11 heures, puis la sieste de 15 à 17h, puis le jardin de 18 à 20h. Comme il se passe moins de choses dans une journée, curieusement, le temps confiné passe plutôt plus vite que le temps normal.
Même si je me demande si l'effondrement de notre société pourrait commencer par une mauvaise grippe, le CAC 40 lui reste optimiste et me donne quelque espoir d'un 'retour à l'anormal' !!! 😄 Total, j'ai perdu 2kg. A cause de l'angoisse ? Well... Wait &see...
Finalement, voici ce que j'ai apprécié pendant ces 50 jours de confinement :
- On apprend à se connaître. D'ailleurs, à titre personnel il ne faudrait pas que le confinement se prolonge trop longtemps, car la distanciation sociale a tendance à me rendre encore plus misanthrope (simple distanciation sociale ou syndrome de la cabane ?) . Mais surtout, quand on confine à plusieurs, c'est bas les masques. Difficile de cacher ses petites habitudes en étant 24/7 sous un même toit. Pareil sans doute si on a des voisins. Depuis que le port du masque s'est généralisé plus moyen de se fuir ou se cacher, tout se voit tout se sait tout se sent.... Transparence 360° !
- Avec un cours du baril de pétrole négatif (-37$ au plus bas), c'est un plaisir de faire le plein de gazole pour aller nulle part. Côté exploitation des gaz de schistes et on est tranquille. Plus besoin de s'exciter là dessus pour l'instant.
- On a enfin la preuve que l'Europe n'est rien d'autre qu'un vaste marché commercial sans initiative commune audible au niveau politique ou social, quelques velléités mais pas de résultats niveau sanitaire. Même la BCE (Banque Centrale Europe), qui faisait son possible au niveau monétaire et soutien de l'économie, se fait tacler par la cour constitutionnelle allemande. Fracture en vue pour la zone Europe ? Une histoire à suivre, qu'on pourrait payer cher.
- Du point de vue existentiel, on voit mieux à quoi on sert. Je veux dire socialement surtout: Que se passe t'il si je ne sors pas, et si je n'existais pas, qui s'en rendrait compte ?
qu'est-ce que ça changerait ? Dans le cas où la réponse est 'Rien' cette prise de conscience peut être difficile, ou au contraire infiniment réconfortante..
-Le harcèlement commercial au téléphone s'est arrêté comme par magie. En huit semaines d'isolement j'ai reçu zéro proposition d'isolation à 1€ !
- En réalité, ce que j'ai le plus apprécié c'est qu'on retrouve toujours son smartphone ! Bien qu'il puisse se cacher dans le lit, sur le sofa ou sur la table, je suis enfin serein car je sais qu'il n'est jamais loin 😀
Mes prévisions pour la suite : "Le monde d'après sera un monde de queues, d'oreilles décollées et de buée sur les lunettes" (enfin, on verra bien :)
Et si ça se trouve, en sortant de nos tanières avec les cheveux à la Raoult, la prise de poids et le masque, on ne va même pas se reconnaître.
Bon, allez zou ! On se lève, et on se casse !
Ozias mai 2020
Une autre expérience (TBH) https://www.facebook.com/notes/thibaud-bernard-helis/faire-de-la-fen%C3%AAtre-interview/1630994530386598/
Ailleurs : https://chacruna.net/the-corona-crisis-a-view-from-the-ayahuasca-capital-of-iquitos
En France : https://fr.forumviesmobiles.org/projet/2020/04/23/enquete-sur-impacts-confinement-sur-mobilite-et-modes-vie-des-francais-13285
https://fr.forumviesmobiles.org/sites/default/files/editor/enquete_confinement_et_mobilite_avril2020_forum_vies_mobiles_1.pdf
Vers une dystopie ? L'exemple singapourien
https://www.courrierinternational.com/article/temoignage-le-covid-19-ma-revele-lautre-visage-de-singapour