Mysticisme. Le sentiment d'unité du moi et le sentiment d'exister plus intensément se trouvent au cœur de la définition actuelle du mysticisme. Underhill écrit que "le mysticisme est l'art de l'union avec la réalité". H. Leuba, définit le terme "mystique" comme suit : Le terme "mystique" . signifiera pour nous toute expérience considérée par l'expérimentateur comme un contact (non par les sens, mais "immédiat", "intuitif") ou une union du soi avec un plus grand que soi, qu'on l'appelle l'Esprit du Monde, Dieu, l'Absolu, ou autre.
Réflexions sur les psychédéliques, philosophie et décontamination idéologique. Ce qui m’émeut, ce qui me meut.
vendredi 26 mai 2023
Métaphysique et psychédéliques
Mysticisme. Le sentiment d'unité du moi et le sentiment d'exister plus intensément se trouvent au cœur de la définition actuelle du mysticisme. Underhill écrit que "le mysticisme est l'art de l'union avec la réalité". H. Leuba, définit le terme "mystique" comme suit : Le terme "mystique" . signifiera pour nous toute expérience considérée par l'expérimentateur comme un contact (non par les sens, mais "immédiat", "intuitif") ou une union du soi avec un plus grand que soi, qu'on l'appelle l'Esprit du Monde, Dieu, l'Absolu, ou autre.
samedi 22 avril 2023
Psychédéliques et toxicophobie
Le mouvement pro-psychédélique actuel, qui en France est porté notamment par les Sociétés Psychédéliques, se tient prudemment à distance des communautés d'usagers de produits telles que Psychoactif ou Support dont Punish, comme si un rapprochement ou une alliance risquait d'altérer la respectabilité des mouvements pro Psychédéliques; comme pour éviter d'aborder frontalement la question de la prohibition et celle d'un plaidoyer pour les droits des utilisateurs de drogues. Il faut dire que les dispositions de l'article L3421-4 sont particulièrement claires et sévères "Il est interdit de présenter sous un jour favorable l'usage ou le trafic de stupéfiants. Cela concerne aussi bien les articles de presse que les discours ou les représentations (images) idéalisées de la drogue". Il y a donc un risque à promouvoir les psychédéliques et surtout de très gros enjeux d'image publique. Dans leur souci de faire évoluer les mentalités et la loi, les promoteurs des psychédéliques qui veulent changer les choses, ont avant tout besoin d'être pris au sérieux par nos "autorités" médicales et politiques. Les sociétés psychédéliques, leurs responsables, leurs membres (dont je fais partie), qui craignent d'être poursuivies pour incitation à l'usage de stupéfiants se montrent donc extrêmement soucieuses de donner aux "autorités" une image acceptable des psychonautes (et d'eux même) quitte à les opposer aux autres usagers, et à discriminer les utilisateurs festifs et récréatifs. Par crainte pour leur respectabilité et parfois leurs carrières, les 'notables' de l'écosystème psychédélique se gardent bien de placer le débat sur le terrain de la prohibition des drogues et de l'autosupport communautaire entre usagers.
vendredi 31 mars 2023
Set, Setting and Support
Set, Setting, and Support
Malgré les bienfaits indéniables des psychédéliques, le discours médiatique qui les entoure est souvent empreint d'un langage sensationnaliste, qui tend à en faire des remèdes miracles pour tous les problèmes de santé mentale. Ce postulat trompeur ne met pas en évidence les innombrables défis que présente l'expérience psychédélique. Même lorsque le set & le setting sont sous contrôle, il n'y a pas de garantie que des contenus et des situations difficiles ne se présenteront pas.Le soutien d'un pair, d'un accompagnateur ou d'un facilitateur pendant une expérience peut aider le psychonaute à mieux naviguer dans son expérience et à adapter le cadre pour un meilleur confort et une plus grande sécurité", explique Hanifa Nayo Washington, cofondatrice et responsable de la stratégie de Fireside Project, une ligne d'assistance psychédélique qui offre un soutien téléphonique gratuit et en direct aux personnes en phase de trip ou d'intégration. https://firesideproject.org/app.
Trouver des supports
La recherche de soutien est un moyen d'améliorer la préparation, le voyage et l'intégration psychédéliques. L'un des types de soutien, qui peut sembler plus évident, est le soutien social et communautaire avec l'aide d'un tiers. Même si les psychédéliques peuvent susciter des sentiments de connexion et d'unité, certaines personnes qui en utilisent peuvent se sentir aliénées et incomprises.Cette mue peut concerner l'emploi, l'appartenance religieuse, l'identité sexuelle etc. Lorsqu'une personne traverse ce processus de mue sans bénéficier d'un soutien adéquat, le risque est qu'au lieu de trouver un soulagement à ses afflictions mentales et psycho-spirituelles, celles-ci s'aggravent. Par exemple, que se passe-t-il lorsqu'une personne se rend compte que son stress est dû à son travail, mais qu'elle ne peut pas démissionner parce qu'elle ne pourra pas subvenir aux besoins de sa famille autrement ? Ou que se passe-t-il lorsque que la personne se défait de son identité cisgenre tout en étant engagée dans un mariage qui risque de s'effondrer, entraînant une série d'effets problématiques ? Le processus de mue n'est pas toujours un mal, mais il peut le devenir si l'on ne dispose pas d'un soutien adéquat pour le rendre possible.
A lire dans ce blog sur le même sujet :
samedi 4 mars 2023
LSD histoire et mythes
Paru en 1933 ! |
Ainsi, la découverte du LSD s'est faite en 1943 dans l'ombre de la Seconde Guerre mondiale. Si la légende veut que le LSD25 ait été découvert par accident, l'histoire semble toute autre, puisque déjà en 1933 (10 ans avant la découverte de A. Hofmann), paraissait un roman autrichien à succès intitulé "St Petri-Schnee" ("La neige de St Pierre") dans lequel un chimiste synthétise une drogue hallucinogène à partir de l'ergot de seigle en vue de manipuler la population ! Il est très possible que Albert Hofmann ait lu ce roman à succès avant de découvrir le LSD. Mais comment Leo Perutz (l'auteur autrichien de St Petri-Schnee) connaissait-il le potentiel de l'ergot de seigle 10 ans avant la découverte du LSD ?
Leo Perutz faisait partie du milieu littéraire et intellectuel viennois qui, de la fin de siècle à l'entre deux guerres était largement influencé par l'occultisme (théosophie, astrologie, voyance, spiritisme, etc). A cette même époque Freud découvrait l'inconscient et Jung écrivait sur l'alchimie, les gnoses anciennes et les arrières mondes. De nombreux intellectuels comme Walter benjamin, Ernst Bloch, Antonin Artaud s'intéressaient alors aux drogues et à leurs effets tandis que d'autres comme Gershom Scholem, Rudolf Steiner, Kantorowicz se passionnaient pour la mystique, les gnoses anciennes et les usages traditionnels de préparations initiatiques provoquant des visions extatiques. Sans doute la connaissance des pouvoirs psychoactifs de l'ergot de seigle, et l'utilisation de psychotropes par les peuples baltes et nordiques s'est transmise par le biais de cercles paganistes néo-gnostiques qui ont inspiré le post romantisme viennois ainsi que le rapporte Mark Stahlman.
Albert Hofmann & Ernst Jünger |
Quoiqu'il en soit de l'exactitude de ce dernier fait, il est évident que le LSD n'a pas été découvert par accident. Les recherches de Hofmann sur l'ergot de seigle ont été sciemment menées dans le but d'isoler les principes psychotropes de l'ergot de seigle. Hofmann n'a jamais caché sa fascination pour les épiphanies. Visiblement il était proche du mouvement 'Lebensreform" qui inspirait les milieux intellectuels germaniques de l'époque. Que ce soit sous forme d'expérience spontanée telle qu'il la décrit dans son autobiographie, ou au travers des lectures de Jünger ou de Perutz, Hofmann était fasciné par les drogues hallucinogènes et connaissait déjà les potentialités de l'ergot. La soit disant "surprise" du 'bicycle-day' fait suite à une longue tradition de gnose mystique et de connaissance de l'ergot de seigle auprès de cercles initiés.
Alan Piper |
dimanche 29 janvier 2023
LSD25. Histoire de la découverte du LSD
Le LSD a été découvert en Suisse en 1943 par Albert Hofmann chimiste aux laboratoires Sandoz alors qu’il travaillait sur de nouvelles propriétés thérapeutiques aux dérivés de l’ergot de seigle.
Bien que l’ergot de seigle soit un redoutable poison identifié dès le XVIIème siècle on connaissait déjà de nombreux usages médicaux dérivés de ce minuscule champignon qui colonise les épis de seigle. Secale cornutum désigne la forme sclérote du Claviceps purpurea, champignon parasite toxique long de quelques millimètres qui pousse sur les épis de céréales et que l’on appelle couramment ’ergot de seigle’. L’ergot de seigle est décrit dès 1595 par Bauhin (botaniste suisse) puis sera identifié au XIXème siècle par Adolphe de Candolle (autre botaniste suisse) comme étant un champignon.
Source : Wikipedia |
L’historien Rodolphe écrivait : « En 993, il régna en France une grande mortalité parmi les hommes. C’était un feu caché qui, dès qu’il avait atteint quelque membre, le détachait du corps après l’avoir brûlé. Souvent l’espace d’une nuit suffisait pour cet effet. Beaucoup de gens de toutes classes périrent, et quelques-uns restèrent privés d’une partie de leurs membres pour servir d’exemple de la justice divine à ceux qui viendraient après eux.» Au 11e siècle, Guérin la Valloire, un jeune noble français, souffrait du feu de Saint Antoine. Il parvint à se remettre du mal qui l'affligeait et attribua sa santé recouvrée aux reliques du saint ; son père et lui fondèrent alors ce qui allait devenir l'Ordre hospitalier de Saint-Antoine vers 1095. À la fin du 15e siècle, les moines avaient construit environ 370 hôpitaux à travers l'Europe, en France, en Flandre, en Allemagne, en Espagne et en Italie pour traiter les foyers de feu de Saint Antoine.
En 1918 le chimiste suisse Arthur Stoll isole l'ergotamine qui ouvre la voie à l'usage thérapeutique moderne de l’ergot de seigle connu pour ses propriétés vaso-constrictrices (qui resserrent les vaisseaux sanguins) utiles pour lutter contre les saignements à la suite de l’accouchement, et aussi contre certaines migraines, crampes etc. En 1929, A la fin de ses études en chimie, à l'Université de Zurich, Albert Hofmann, futur père du LSD, entre au laboratoire de recherches Sandoz à Bâle, comme collaborateur du Pr. Arthur Stoll alors fondateur et directeur de la division Pharmacie de Sandoz.
Très jeune Albert Hofmann s’est intéressé aux agencements moléculaires des poisons végétaux (ciguë, curare…), aux champignons vénéneux (amanites, ergots…), aux venins, aux plantes psychotropes sacrées, aux phantasticum (haschich, mescaline). En 1930, utilisant du suc digestif d’escargot de Bourgogne, il réussit à isoler la structure chimique de la « chitine » dont sont faites les carapaces, les ailes et les pinces des insectes. En 1932, il s’intéresse à la scille et à la digitale laineuse, des fleurs vénéneuses dont les glucoses sont capables de soutenir un cœur affaibli – ou de l’arrêter. En 1935 Hofmann proposa de reprendre les recherches autour des alcaloïdes de l’ergot de seigle qui avaient conduit à l’isolement de l’ergotamine en 1918. C’est ainsi qu’en 1938, dans l’intention d’obtenir un stimulant circulatoire et respiratoire, il inventa la vingt-cinquième substance dans la série des descendants synthétiques de l’acide lysergique : le LSD25. Les essais faits sur les animaux ne révélèrent pourtant pas d’intérêt pharmacologique ou médical et les recherches furent de ce fait suspendues. Pourtant, après cinq années d’interruption le chimiste reprit les expérimentations au printemps 1943, mû par le pressentiment que cette substance, dont il “aimait la structure chimique”, pouvait avoir d’autres propriétés. Hofmann a déclaré qu'il avait un "pressentiment particulier" le poussant à resynthétiser le LSD et que cette substance lui "parlait".
Comment cette intuition a-t-elle pu s’imposer à Hofmann ?
Dans le cadre d’une entreprise comme Sandoz, il n’était pas évident d’allouer des
ressources à la reprise de recherches considérées comme sans intérêt. Nous ne
saurons jamais ce qui a pu le motiver. Hofmann recherchait il secrètement un nouveau
psychotrope « phantasticum » ?
Et en quoi la structure chimique de cette molécule lui parlait elle ?
Ce que l’on sait, il nous l’a dit, c’est qu’au cours d'une
de ses promenades de jeunesse Hofmann avait eu une épiphanie, une expérience
décisive qui conditionna toute sa vie future de chimiste et de d’explorateur du
pouvoir des plantes. Ainsi la décrit il bien plus tard dans la préface de son
livre « LSD mon enfant terrible » :
"Cela s'est passé un matin de mai - j'ai oublié
l'année - mais je peux encore désigner l'endroit exact où cela s'est produit,
sur un chemin forestier à Martinsberg, au-dessus de Baden",. "Alors
que je me promenais dans les bois fraîchement verdoyants, remplis du chant des
oiseaux et éclairés par le soleil du matin, tout à coup, tout est apparu dans
une lumière d'une clarté peu commune. Elle brillait du plus bel éclat, parlant
au cœur, comme si elle voulait m'englober dans sa majesté. J'étais rempli d'une
indescriptible sensation de joie, d'unité et de sécurité béate."…/… Et
plus loin il écrit : Il s'est
produit dans ma vie une corrélation aussi inattendue que peu fortuite entre mon
activité professionnelle et le spectacle visionnaire de mon enfance. Je voulais
accéder à la compréhension de la structure et de l'essence de la matière :
c'est ainsi que je suis devenu chimiste. Comme, depuis ma plus tendre enfance, j'étais
passionné par le monde des plantes, j'ai décidé de me vouer à la recherche sur
les substances constitutives des plantes médicinales. C'est ainsi que j'ai
découvert des substances psychoactives, capables de produire des hallucinations
et, dans certaines circonstances, d'induire des états visionnaires comparables
aux expériences spontanées que je viens de décrire. La plus importante de ces
substances a été désignée sous l'appellation "LSD" ».
Hofmann(à droite) dans le labo Sandoz |
Convaincu par son expérience (celle du bicycle day) Albert
Hofmann fut de suite persuadé que le LSD25 allait ouvrir un champ
d’expérimentation psychique et thérapeutique extraordinaire. Surprenant mais
authentique, Hofmann invite le professeur Rothlin, directeur du département de
pharmacologie des laboratoires Sandoz, à répéter lui-même l’expérience avec ses
collaborateurs qui ingérèrent 50 µg de LSD-25 et subirent des effets qui
restaient “tout à fait impressionnants et fantastiques”. Stoll et
Hofmann déposent alors le brevet du LSD en 1943 en Suisse - et en
1948 aux États-Unis.
Dès 1947 le Professeur Werner A. Stoll, fils d’Arthur Stoll (le
boss de Albert Hofmann) publie dans le Schweizer Archiv für Neurologie und
Psychiatrie sous le titre « Diéthylamide de l'acide lysergique, un
phantasticum du groupe de l'ergo » les premiers résultats d'une
expérimentation systématique du LSD chez l'homme, et en particulier sur ses
patients.
La suite, est une autre histoire, celle du succès, puis du bannissement,
puis de la renaissance d’une substance aussi puissante que magique.
Ce qui me surprend dans cette histoire, c’est l’audace de Hofmann, son intuition, et même son acharnement pour à découvrir les propriétés psychoactives du LSD25. Pourquoi insiste t’il en 1935 pour reprendre des recherches sur l'ergot de seigle jusqu'en 1938 ? Puis il remet ça en 1943 bien que le LSD25 ait été déclaré sans intérêt en 1938 ? Comment se fait-il qu’après son expérience fortuite du 16 avril 1943, qui a été déstabilisante au point qu’il a dû quitter le labo, Hofmann décide de s'auto-administrer le 19 avril (bicycle-day) 250µg d'une substance inconnue aux effets inattendus ?
Et suite à son auto-expérimentation du bicycle-day qu'il résume dans ses écrits par « à travers ma propre expérience au LSD, je n'en ai connu que les effets démoniaques » comment se fait qu'il propose à ses proches collaborateurs de faire la même expérience ? Dans un contexte professionnel, faire ingérer un produit inconnu pour tester ses effets psychotropes semble irresponsable et frise la lourde faute professionnelle. En pleine guerre mondiale (Europe 1943), quel pouvait être l’état d’esprit des chimistes de ce laboratoire ? Que recherchaient ils vraiment ?
Autant de questions que je me pose et que j’aimerais poser aux descendants de chimistes qui ont travaillé chez Sandoz à l’époque et avec Hofmann. Si vous en connaissez, si vous êtes de ceux là, Merci !
Have a good trip,
Ozias
Reférences :
https://hal-univ-rennes1.archives-ouvertes.fr/hal-01163248/document
https://www.mycodb.fr/forum/viewtopic.php?f=7&t=17
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/petite-histoire-medicale-et-hallucinee-du-lsd_29129
https://blog.nationalmuseum.ch/fr/2018/10/voyage-psychedelique/
https://www.davidjaybrown.com/albert-hofmann-ph-d/
Petits chimistes : https://archive.org/details/BookOfAcid/page/n3/mode/2up
samedi 31 décembre 2022
Arrière-Monde Noosphère Inconscient collectif
Météorologie populaire. C.Flammarion 1888 |
Pour les vivants la connaissance du réel est une question de vie ou de mort. Etre, ressentir, connaître, avoir conscience de soi sont les états psychiques successifs résultant du processus de l'évolution et permettant l'homéostasie ou la survie des organismes vivants. Pour nous humains il est bien évident que nos sens comme nos connaissances sont limitées et que le Réel dans son entièreté dépasse les représentations de notre réalité quotidienne. Aussi nous sommes nombreux à avoir déjà fait -au moins un peu- l'expérience du dévoilement dans le psychisme de réalités perceptives que l'on ressent totalement différentes et 'plus réelles' que de simples fictions ou d'hallucinations ou de représentations qui excèdent la manifestation des choses 'naturelles' de notre quotidien.
Le monde de la réalité, c'est-à-dire le monde culturel et social dans lequel nous vivons, est un monde signifiant et limité. Dans notre réalité, nous évoluons par accumulation du savoir et analyse rationnelle des phénomènes. C'est un monde conceptuel permettant à l’homme de créer du sens pour son existence mais au sein duquel il ne parvient parfois plus à percevoir ce qu’il y a au-delà de cette réalité construite et qui finalement, est illusoire.
C'est en étudiant la spiritualité et la philosophie islamique iranienne que Henri Corbin a élaboré le concept d'Imaginal à partir de l'idée qu'il existe un monde intermédiaire entre le sensible et l'intelligible, entre la réalité et le Réel , entre le visible et l'invisible : le monde Imaginal. Il faut ici distinguer fantaisie et Imaginaire, imagination et Imagination active (ou agente). Il faut comprendre par 'agente' une imagination autonome opérant indépendamment des individus à travers lesquels elle se déploie.
C'est par l'Imagination active ou la méditation qu'il est possible d'atteindre ce monde de l'imaginal qui permet la transmutation des choses sensibles en symboles. Le monde imaginal invoque l'exaltation philosophique de l'image. Cette exaltation ouvre à la connaissance symbolique de la réalité des archétypes. L'introspection met à jour, après avoir dépassé les couches superficielles de l'inconscient personnel, des "images originelles" ou "images archétypiques" (transpersonnelles) indépendantes de l'histoire individuelle. Ces images archétypiques, qui peuplent l'inconscient et conditionnent le comportement humain, possèdent un double versant biologique et psychique. L'être humain ne nait pas 'tabula rasa', mais doté d'un inconscient collectif neutre (ni psychique ni physique) qui s'est formé au cours de millions d'années d'évolution. "Dans le cerveau, les instincts sont préformés, de même que les images primordiales qui ont toujours été à la base de la pensée de l'homme - tout le trésor des motifs mythologiques... Les archétypes, les symboles, ont un caractère nettement "épiphaniques" ; ils sont comme des produits dérivés de l'activité psychique inconsciente... ils se sont développés, à la manière des plantes, comme des manifestations naturelles de la psyché humaine." (CG Jung). Les archétypes (invisibles) que l'on retrouve dans les légendes, les contes, les rêves de toutes les cultures existent par la transmutation qu'effectue la conscience du sujet qui se les représentent sous forme d'images archétypiques. L'arrière monde est comme une grande antichambre dans laquelle les tendances psychiques se pressent, tels des êtres vivants.
D'un point de vue historique on peut noter que les concepts de champ (magnétique, électrique, de gravité) et d'inconscient apparaissent à la même époque et expriment une même distinction entre le phénomène visible qui s'observe et se perçoit et le et champ ou l'inconscient qui échappent à l'observation. Autrement dit, pour que le phénomène (psychique ou électromagnétique) ait lieu il faut que préexistent les coulisses (Imaginal, ou champ magnétique) qui le déterminent. Accéder à cet intermonde exige une « attitude réceptive spirituelle » faite de discipline de recueillement et d'écoute pour s'éveiller et s'ouvrir à un nouveau monde.
Comme l'aiguille de la boussole placée dans le champ magnétique terrestre indique le Nord, dans le champ imaginal la conscience ouvre à la transcendance, et nous révèle des aspects invisibles du "réel". L'intégration (transmutation) du monde imaginal en symboles nous fait accéder à de plus hauts degrés de compréhension du sens de nos vies par la réconciliation des contraires : le réel et la réalité, l’invisible et le visible, le spirituel et le matériel, l’Esprit et le corps. Quand cette réconciliation se produit elle permet de dépasser les limites de notre conscience personnelle (moi/ego), d'accéder à une conscience plus haute (Soi) et confère un sentiment de reliance (confiance et abandon) envers le monde et l’Autre.
Sources : L'arrière monde ou l'inconscient neutre. Bruno Traversi et Alexandre Mercier (Dir) . Editions du Cénacle de France (2018).
https://poesie-sociale.fr/limaginal-une-dimension-subjective-et-ou-transcendante-a-retrouver/
http://joelle.maurel.pagesperso-orange.fr/articlespdf/imaginaire/imaginaldimtranscendante.pdf
Mode imaginal et village global
https://www.cairn.info/revue-societes-2011-1-page-35.htmlundi 28 novembre 2022
Psychothérapie et chamanisme
Denis Dubouchet (DD) définit la conscience comme la capacité à nommer les évènements que je perçois à partir de mes sens ou de mon ressenti. Les états de conscience élargie nous donnent accès à des informations que notre conscience habituelle ne parvient pas à atteindre (monde imaginal). Quelles que soient nos croyances, nous pouvons tous faire le constat de notre présence minuscule au milieu de l'immensité de l'Univers. Le développement humain passe donc forcément par un développement spirituel, mais l'expérience mystique peut nous soutenir autant qu'elle peut nous couper de la réalité et susciter des comportements inadaptés. Vouloir que tous le monde s'adonne à l'expérience mystique serait finalement un signe de non intégration de l'expérience.
Pour DD les états de conscience élargis (obtenus par la transe ou par les plantes sacrées) sont autant des outils thérapeutiques que des sources de confusion car les visions non ordinaires qu'elles font vivre, ainsi que les différents paradigmes sur lesquels elles peuvent s'appuyer génèrent une complexité qui, si elle n'est pas éclaircie (intégrée), provoque l'inverse de ce que l'on veut obtenir. En fonction de la culture les délimitations de la conscience sont variables. Dans les sociétés traditionnelles la transe, ou les cérémonies de prises de psychotropes, ne sont pas des moyens de développement personnel mais adviennent dans un contexte particulier et au service de la communauté. Dans notre société se pose donc la question de la place à accorder à une vision : Quelle validité accorder à un phénomène perçu de moi seul ? Et pour le thérapeute, comment travailler avec les 'Invisibles' ?
Thérapie psychédéliques ?
Denis Dubouchet reste donc très interrogatif sur l'utilisation des plantes psychotropes comme outil de thérapie. Pour lui, l'utilisation de psychédéliques demande un véritable savoir et de multiples compétences (médicales, psychologiques) et peut déclencher des états mentaux aussi bien positifs que négatifs car avec les psychédéliques les images s'imposent au psychonaute expérimentateur. En trip, c'est comme si nous assistions à une réalité autonome qui ne dépend pas de nous. Le sentiment d'être le réceptacle de visions provenant d'un extérieur ne facilite pas un processus de dialectisation permettant de donner du sens et d'assimiler ce qui a été vu. Difficile de critiquer une parole venue "d'en haut". Difficile dans ces conditions de questionner les visions. Avec les psychédéliques, le 'Je' de l'utilisateur "se pense" dans une position de contemplation et de jouissance passive face à ce que le "Produit", "la Plante" ou "le Champignon" lui offrent à penser. La prise d'hallucinogènes impose les visions et les ressentis. Le voyageur subit. Le risque est alors que la vision soit prise au pied de la lettre, car trop nette pour être comprise sous ses différents aspects. L'intégration d'une expérience doit se faire au regard des autres expériences de vie que nous avons eues et des valeurs et croyances qui nous portent. Quand une seule expérience vient effacer les précédentes sans davantage les questionner cela peut donner des postures caricaturales où des personnes deviennent de véritables 'talibans' de la pensée, car irréfutablement, ce qui transcende ne peut être réfuté. Le risque est alors de prendre ces visions pour une réalité équivalente à notre réalité quotidienne (celle de nos 5 sens) et de s'enfermer dans nos certitudes. La force de l'évidence complexifie l'intégration de l'expérience car la facilité de décryptage apparente est souvent un leurre pouvant aller jusqu'au passages à l'acte. L'autre point problématique avec l'utilisation des psychédéliques est celui de l'illégalité de ces pratiques qui conduit à l'introjection de discours paranoïdes et à l'impossibilité de parler ouvertement et de partager avec tout le monde le contenu de ces expériences. Enfin, la dispense du produit par l'encadrant maintient son 'patient' dans un rapport de dépendance qui ouvre la porte à des schémas de domination et à de potentiels abus.
Du point de vue thérapeutique ce sont les intentions qui comptent, et non les moyens. Plus que le contenu de l'expérience, c'est la façon dont elle va ou ne va pas s'intégrer, prendre sens, ou se symboliser dans la réalité partagée qui est importante. Pour DD l'exploration et le travail sur les visions en état de conscience élargie ont un effet thérapeutique grâce à l'accompagnement particulier du thérapeute. La difficulté étant de trouver le langage de ces images pour chaque personne car il existe de multiples niveaux de lectures permettant de de décrypter les images contactées. DD pose le principe qu'il n'y a pas de cosmologie unique et véritable. Il existe des cosmologies évolutives et des symboles qui peuvent être propres à chacun ou partagés par tous. Quelle que soit la technique utilisée (hypnose, transe, psychédéliques etc) le rôle de l'accompagnant sera d'aider la personne à se construire un système de repères qui lui soit propre (p102) car le processus transformatif qu'induisent les visions importe plus que leurs contenus. Les états de conscience élargie permettent de regarder sous l'angle de l'imaginal, et avec détachement, les expériences passées, et de trouver des postures dans des situations complexes ou de crise. En revanche, pour DD, les séances non préparées peuvent entrainer le sujet dans des scénarios totalement traumatisants.
Notes et extraits de la lecture de "Etats de Conscience Elargie, Psychothérapie et Chamanisme" Denis Dubouchet 2017.
Ozias
Comme l'a dit CG Jung, "il ne faut pas confondre l'expérience intérieure et son interprétation métaphysique".