mercredi 11 janvier 2017

DXM

Le DXM (Dextrométorphane) est un opiacé de synthèse, utilisé en médecine comme antitussif. Contrairement aux autres opiacés il a un puissant effet dissociatif et hallucinogène et il est vendu sans ordonnance. DXM c'est aussi le titre du livre de Laurent Gersztenkorn, DXM paru chez 'Mon petit Editeur'  en 2011.

Laurent Gersztenkorn  c'est pour moi le Guillaume Dustan de la défonce. Même si le style est beaucoup plus plus lyrique que chez Dustan, DXM est une 'chronique défonces'  jusqu’au-boutiste comme  'Dans ma  chambre' ou 'je sors ce soir'  (de Guillaume Dustan) sont des chroniques  'pédés'  jusqu’au-boutistes. Les deux auteurs partagent un engagement total et aussi une même recherche initiatique des possibles, et de la limite. Le slogan olympique « Citius, Altius,Fortius » est quelque-part leur devise et leurs "exploits" ne sont pas à la porté de tout un chacun. En matière de purisme Gersztenkorn et Dustan atteignent tous deux l'excellence et une même hauteur de solitude. Certaines scènes comme une visite de Noel aux parents se retrouvent d'ailleurs chez les deux auteurs. Chacun est dans son genre champion dans sa spécialité et veut ne rien nous épargner.

Ce qui me plait dans "DXM" c'est que la défonce n' y est pas réduite à une simple addiction, ni un usage, mais  constitue un choix, une voie. La défonce est la spécialité de Laurent Gersztenkorn, son centre d’intérêt et son moyen de s’extraire du monde 'réel' qui ne l’intéresse pas (LG utilise les drogues pour "sortir d'un univers commun, banal à pleurer jusqu'à la mort"). Se défoncer ne l'empêche ni le dispense de penser, de lire de la philosophie, de faire du théâtre, d'écrire. Par contre la réussite et donc la domination sociale ne constituent pas la finalité de ces activités. C'est plutôt une attitude de dandy esthète en quête de connaissance et de liberté. 
"Il me faut regarder mon besoin d'évasion et de liberté non pas comme un asservissement à la drogue mais comme une ouverture totale de tout mon être sur l'univers exalté !"
Bien que très lyrique, Gersztenkorn évite aussi le new-age fumeux ou le trip mystique gonflant que l'on retrouve chez de nombreux auteurs (Castaneda par exemple avec "le diable et la petite fumée". Ses références sont Nietzsche, Foucault; c'est plus solide, et moins fumeux.
Par ailleurs 'DXM' est précieux car il aide à différencier les différentes façon d'utiliser les drogues. Le psychonautisme n'a rien à voir avec la dépendance à un produit. Les utilisateurs ne sont pas tous des toxicomanes. La toxicomanie n'est pas qu'un symptôme psychique comme le répètent trop facilement les psy ou l'OMS et les médias.
"Les psychiatres ne comprennent pas le principe de réalité; se droguer n'est pas un mal de société en soi, ni une échappatoire, ni un principe, mais une culture qui nourrit l'art et la beauté encore que tout dépende des substances et des individus" (p11).

Voici donc un nouveau livre sur la drogue. Plus cultivé que 'Portrait du jeune homme en fumeur de crack', moins gonflant que du Castaneda, sans visées éducatives et morales comme l'Herbe bleue ou Flash. Moins élégant pourtant que les 'rêveries du toxicomane solitaire' (écrites par Anonyme et publiées chez Allia ) que je recommande au passage.

Etant grippé alors que je lisais ce livre, j'ai vérifié personnellement l'efficacité du DXM pour ce qui concerne les toux sèches et les effets secondaires...
A ce sujet, voici quelques idées de lecture si vous avez la grippe :

http://www.psychoactif.org/psychowiki/index.php?title=Livres_stup%C3%A9fiants_:_les_livres_qui_parlent_de_drogues


dimanche 8 janvier 2017

le jeu de la vie

Un bien gros gâteau pour un tout petit vieillard !

Il dit avoir 146  bougies, mais ni le G
uiness-Book, ni les démographes ne veulent le croire.
Impotent, il ne peut quasiment plus se laver et le moindre de ses faits et gestes est devenu un calvaire. Il ne voit plus, il n'entend plus.
Pourtant, il fait le buzz sur la toile et dans la presse internationale. Même s'il peut dégoûter, il fait  aussi rêver et espérer beaucoup d'autres aspirants à la longévité. Pensez, à 70 ans vous seriez juste en milieu de carrière !

Le vieil homme a confié que le secret de sa longévité était la patience. A l'époque, en 1992, année de ses 122 ans, il a fait l'acquisition de sa pierre tombale. Voilà donc 24 ans qu'il attend patiemment. A ce jour, il a enterré ses dix frères et sœurs, ses quatre épouses et tous ses enfants. 
Sa carte d'identité, qui mentionne sa naissance sur l'île de Java le 31 décembre 1870, est le grand oeuvre de sa vie. Dommage qu'aucun registre des naissances ne puisse authentifier le document. 
Mbah Gotho a déclaré (pour son anniversaire ?) ne souhaiter qu’une seule chose : «Ce que je veux c’est mourir». Un sage heureux d'après ses dires, mais au niveau où il est rendu, il risque d'être seul à souhaiter sa disparition. Même si dans les années 90 il a soigneusement laissé des directives de fin de vie cela est remonte à si longtemps que ses supporters ont oublié et réclament maintenant avec impatience l'homologation, et le record !
Faut il lui souhaiter longue vie ou  mort prochaine ?

En tout cas le record officiel de longévité reste français avec notre Jeanne, Calment (122 ans).
Alors que l'homme le plus âgé vivant actuellement est Yisrael Kristal (113 ans):
http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/2913953/2016/10/11/Le-doyen-de-l-humanite-fete-sa-bar-mitsva-a-113-ans.dhtml?utm_medium=rss&utm_content=mondepar7sur7betoutel%27actualit


- See more at: http://www.espritsciencemetaphysiques.com/un-homme-age-de-256-ans-revele-les-secrets-de-sa-longevite.html#sthash.skcUMZvG.dpuf
Sources http://www.parismatch.com/Actu/Insolite/Mbah-Gotho-qui-pretend-etre-le-doyen-de-l-humanite-a-fete-ses-146-ans-1158401
http://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/906/reader/reader.html?t=1483550337407#!preferred/1/package/906/pub/907/page/7

Au sujet des directives anticipées et à lire dans ce blog 
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2016/02/directives-anticipees.html


Plus loin, plus fort, pas sûr :
D’autres nombreux cas notamment dans les pays les moins développés, dont l’âge n’a pu être certifié de façon incontestable,sont souvent soumises à controverse,quelques exemples:
Turinah, une indonésienne de 157 ans, encore vivante (et en forme) aujourd’hui (Whatsonxia‌men.com/ne‌ws12688.html)
Moloko Temo, serait née le 4 juillet 1874 près de Bochum en Afrique du Sud, et décédé le 2 juin 2009 à l’âge présumée de 135 ans.
Habib Miyan (né au Rajasthan à Jaipur, en Inde en 1870 – mort le 18 août 2008)(http://new‌s.bbc.co.u‌k/2/hi/sou‌th_asia/7569656.stm)
La Géorgienne Antissa Khvitschava aurait fêté en juillet 2010 son 130e anniversaire.
Lien complémentaire :
En.wikiped‌ia.org/wik‌i/Li_Ching-Yuen

samedi 31 décembre 2016

artistes premiers


Visite à la Caverne du Pont D'Arc, l'artefact de la Grotte Chauvet.
Pour commencer, ce n'est pas au pont d'Arc, c'est à 300 m (à vol d'oiseau) mais par la route c'est plus long et du coup l'heure de la réservation était dépassée à notre arrivée. 
Architecture type caserne ou plutôt monastère. Visible de loin et  tout en béton nu, ce qui -étonnamment- ne semble pas avoir inspiré - jusqu'à ce jour- les grapheurs contemporains. 
A l'entrée de la grotte dégage une légère odeur d'espace public comme au Futuroscope. Là, le groupe de 36 visitants dont je fais partie poirote. Puis nous sommes appareillés d'un casque sur les oreilles, et d'un récepteur à la ceinture. Cet équipement est bien pratique pour empiler les groupes, ménager la voix des guides et éviter les 'bavardages' entre visiteurs.
Le pointeur laser hystérique du guide papillonne sur les détails des fresques qu'il commente. Tout au long de la visite, téléguidé par les commentaires du guide, je crains de me faire absorber par le groupe suivant qui tortille derrière moi sur le parcours de la 'grotte'.

Finalement je débranche le casque et je visite avec mes yeux.  Les peintures ont été faites dans les parties de la grotte qui n'ont jamais reçu la lumière. Plus on s'éloigne et plus les fresques sont complexes.
Ces dessins qui semblent effectués rapidement comme des tags sont en fait des mises en scène. Les grandes fresques sont dessinées sur des parois qui évoquent des sexes féminins. Sous le grand panneau des chevaux, par temps humide, l'eau sort en gargouillant d'un orifice de la grotte.
Panneau des chevaux. En bas à droite s'ouvre un orifice humide.
Sur une large stalactite pendant comme une large bite on peut voir un triangle (représentation de venus) qu'approche un faune moitié homme moitié bison.
Pendant calcaire avec dessin de triangle pubien, tête de bison et bras humain.
La grotte est un monde obscur, imaginaire et enchanté. Selon Jean Clottes la configuration géologique et l'atmosphère de la grotte permettent des hallucinations, autant visuelles qu'auditives, en raison notamment d'une présence importante de gaz carbonique. Dans cette grotte, il y a trois cents siècles, se serait donc jouée une expérience quasi-mystique chamanique. Pour ce chercheur, les cavités, en autorisant les visions, facilitaient le contact avec des esprits à travers les murs. "Ces hommes d'il y a trente millénaires sont exactement comme nous, sauf qu'ils n'ont pas du tout la même représentation du monde." 


En trente mille ans les paysages ont été bouleversés et nous avons muté. Notre monde et nos représentations diffèrent radicalement et pourtant ces dessins parlent une langue éteinte qui a été la notre.
Ces peintures nous plongent dans les abysses de notre passé.  Même si nous ne pourrons jamais comprendre la vision de ces artistes, il est évident que ces hommes maîtrisaient les représentations et  les techniques picturales qui leur permettaient de communiquer de façon plus durable que par le langage. 
Ces témoignages d'humanité préhistoriques sont rassurants car au travers du temps ils montrent ce caractère spécifique de notre espèce qui est de représenter et  communiquer. Ils ont aussi un côté  inquiétant car même si ces dessins sont aussi aboutis que les nôtres il faut admettre que leur sens est à jamais perdu. Transmission oui mais incommunicabilité aussi.
Art pariétal ou pas, "Tous les matins du monde sont à jamais perdus"

Ozias

A voir : "La grotte des rêves" de Werner Herzog 
Visite virtuelle : http://archeologie.culture.fr/chauvet/fr

Les spéléologues découvreurs en 1994
La caverne du Pont d'Arc synthétique (ouverte au public en 2015).

L'art pariétal est il psychédélique ?

vendredi 9 décembre 2016

la loi du marché

Le sofosbuvir (commercialisé sous la marque Sovaldi par la firme américaine pharmaceutique Gilead Sciences est une molécule, développée par Pharmasset comme médicament pour le traitement de l'hépatite C.
La firme californienne
 Gilead a racheté Pharmasset en 2011 pour 11 milliards de dollars tandis que les coûts de développement de la molécule de Sofosbuvir sont eux estimés à 62 millions de dollars. Excellente affaire donc pour Pharmasset, mais aussi pour Gilead qui a déjà vendu pour plus de 30 milliards de dollars de Sovaldi.

Aux USA, le prix d'un comprimé en 2014 a été fixé à 1000 dollars, ce qui fait revenir la cure de 12 semaines à 84 000 dollars. En France la cure de 12 semaines coûte 41 000 € par patient (novembre 2014). En 2014-2015 les dépenses publiques de traitement de l'hépatite C s’élevaient en France à 1.3 milliards d'Euros. 
Le prix de vente n'a donc rien à voir avec le coût de développement. Il est établi par négociation entre les états (rembourseurs) et le laboratoire pharmaceutique qui définissent un "prix socialement acceptable".
Dans ces négociations, les labos pharmaceutiques menacent les états de pénurie de livraison, de délocalisation des activités et jouent sur les remises accordées. Les états eux décident de l'autorisation de mise sur le marché, du déremboursement des médicaments, (le Royaume Uni refuse de rembourser si les prix sont trop élevés), et  disposent même de la possibilité de casser juridiquement le brevet pour ouvrir le marché aux génériques. Ainsi, en Algérie, les laboratoires Beker produisent un générique du Sofosbuvir commercialisé 30 fois moins cher mais ce générique est illégal en France où Sovaldi est protégé par brevet jusqu'en 2024.

Les prix exorbitants sont justifiés par la financiarisation de l'industrie pharmaceutique et non par les coûts de développement (environ 15% du Chiffre d'affaire) , ce que dit bien Eric Baseilhac de Gilead "L'innovation thérapeutique vient de la capitalisation. Pour pouvoir investir les firmes doivent donc avoir des niveaux de rentabilité élevés" En d'autre termes, les firmes pharmaceutiques prennent les systèmes de remboursement pour des vaches à lait pour le plus grand profit de leurs investisseurs. 
Le prix du médicament est le prix que le système social est capable de payer. Sachant qu'en France  l'enseignement post universitaire est financé à plus de 90% par les labos pharmaceutiques on sent que les lobbys sont omniprésents et que le système n'est pas prêt de changer sans une forte pression sur l'industrie pharmaceutique. 
Sources :
http://www.arte.tv/guide/fr/068399-011-A/vox-pop  (début à 7mn)

Autre cas intéressant, celui du Victrelis introduit en 2011 dans les tri-thérapies qui ont précédé l'arrivée du Sofosbuvir : http://www.liberation.fr/societe/2014/06/03/merck-attaque-pour-mauvais-traitement_1032966
http://hepatites.net/index.php?name=PNphpBB2&file=printview&t=22766&start=0

mercredi 30 novembre 2016

Vanités

La peinture de Vanités est un genre particulier de nature morte qui se développe au XVIIe siècle, particulièrement dans la peinture hollandaise à l'époque baroque.
Les Vanités représentent la vie humaine au moyen de motifs symboliques destinés à mettre en évidence son inconsistance et sa fragilité. Les vanités disent le caractère transitoire de la vie et sollicitent la capacité des objets à matérialiser des symboles. L
es objets représentés sont des allégories de la fragilité et de la brièveté de la vie, du temps qui passe, de la mort. Leurs compositions se présentent comme un amoncellement de vains trophées au milieu desquels la figure de lʼhomme est absente même si le symbole du crâne rappelle, dans une ambiguïté volontaire, la fragilité de lʼexistence humaine.
Il s’agit de donner la vision parfaite scrupuleuse de la réalité concrète que l’on imite fidèlement. On recherche le sens de la perfection dans le rendu du velouté des fruits ou l’exécution de gouttes de rosée dans un constant souci de l’effet décoratif, du rendu émouvant des objets les plus simples.  La représentation dʼobjets quotidiens favorisait alors lʼexpression des connaissances picturales les plus raffinées, dont la vérité plastique sʼalliait aux sentiments très humains de la vanité.



Melchior de Hondecoeter

Rachel Ruysh
Les méditations sur les vanités du monde recouvrent un large ensemble de représentations dont les lignes de force sont lʼexposé malin et provocateur des richesses et des biens terrestres, de la sensualité, des plaisirs et du jeu face au nécessaire dépouillement et à lʼacceptation spirituelle de la destinée.
La vanité dans la peinture est tour à tour une méditation, une expression fascinée et obsessionnelle de la beauté naturelle, un art dʼagencer les formes et les objets, une technique sublime. 
Aujourd'hui la Vanité est devenue, certes, une réflexion sur la mort, mais avant tout sur la vie: sa brièveté comme sa beauté. Le sujet de la Vanité n’est ni la mort, ni la vie mais la transition entre l’une et l’autre qui, elle, s’inscrit dans le temps.
Performance marina Abramovic
Olya. Vanité (2018)

Dimitri Tsykalov
*
Nicolas Rubinstein


Gerhard Richter

samedi 19 novembre 2016

Précis de médecine imaginaire


Eric Demelis.
Les maladies circonspectes

Emmanuel Venet est un psychiatre lyonnais né en 1959 qui exerce à l'hôpital  du Vinatier. Pour moi c'est surtout un auteur que je découvre avec bonheur. Son "Précis de médecine imaginaire" est un essai de poétique des maladies. Emmanuel Venet tente ici de "rendre à la médecine la part de poésie qu'elle rechigne à assumer". Exemple :

Cancer:
Où qu'on se tourne on rencontre des gens qui ont le cancer ou qui l'ont eu. C'est d'autant plus accablant qu'il est difficile de dialoguer avec eux: l'échange frivole prend des allures de refus, le propos grave parait presque mortel. Au bout du compte, on n'est pas mécontent quand les cancéreux se cachent ou réduisent leurs relations à la plus simple expression, bonjour bonsoir, ça atténue les scrupules. Reste qu'on devine les nuits d'inquiétude et les pensées testamentaires, la terreur du passage et la conscience cosmique par quoi on tente de se consoler de sa brièveté. Au fond, le cancer fait accéder à la pleine conscience de la vie, c'est à dire de l'absurdité et de la dissipation de tout - et sous cette lumière, même les plus beaux souvenirs ressemblent à des collusions fortuites entre la matière et soi.
Je dois mon initiation au cancer à une tante Marie, visitée vers l'âge de six ans à l'hôtel Dieu. Dans le dortoir incroyablement haut de plafond, elle n'était pas très différente d'elle même, ses mèches grises bouclant sur l'oreiller, le teint peut être un peu plus pâle que d'habitude - mais je n'aurais rien remarqué par moi-même. On chuchota qu'elle n'en avait plus pour très longtemps, ce qui me parut farfelu jusqu'à ses funérailles, un matin de neige à Sainte Foy-L'Argentière.
Malgré les progrès de la science, le scénario reste souvent identique: un symptôme anodin, des examens médicaux, le mot cancer qui retourne un sablier devant le malade, lequel se ressemble encore mais nul ne sait jusqu'à quand. Il en découle que vous-même, le supposé bien portant, pourriez être colonisé en douce et que ce même calvaire vous attend peut être dans le repli de votre avenir. Il faut alors un énorme effort de lâcheté pour se laisser reprendre par l'obstination à vivre, retrouver la paix intranquille des jours ordinaires.
Le cancer signe une forme d'arrogance biologique: des cellules, échappant à leur condition, accèdent à l'immortalité. Dominé par leur toute puissance, l'organisme perd une à une les batailles qu'il livre, et il lui faut souvent mourir pour tuer l'adversaire. Punition ou victoire, la mort des cancéreux nous écrase de trop de symboles et de trop peu de sens. Alors on parle du défunt, de son courage, de ses goûts, de ce qu'il aurait voulu faire de son bref parcours terrestre - et l'on prierait volontiers Dieu pour le salut de l'âme s'il ne partageait avec le cancer les mêmes attributs et les mêmes effets."

Vous voyez, c'est réussi, j'aime et je recommande

Ozias

vendredi 11 novembre 2016

Indésirable

Autoportrait à 18 ans
Dimanche 17h, il pleut. Désœuvré, j'ouvre les albums photo, je tourne des pages. Souvenirs...
Là je suis jeune, les enfants petits, les parents pas encore âgés. Ce sont les photos de  ma vie d'adulte, différentes de celles de mon enfance qui sont des images pleines de repères simples et rassurantsPage après page les vacances, les anniversaires et les fêtes s'enchaînent et se succèdent.  Instants d'une vie. Là c'est moi, et mes proches ici.
J'étais plus jeune, plus orgueilleux, plus fort et ambitieux avec la vie devant moi. Je revois mes désirs de l'époque, mes plaisirs mes envies. 
D'un côté j'envie et je regrette la force que j'avais et de l'autre je trouve mes efforts d'alors égoïstes et vains.  Aujourd'hui je peux mesurer leurs effets secondaires, voir ce que j'ai raté,  tout ce temps passé à travailler, ou me distraire et pas assez à écouter. Le pire c'est que c'est que je n'ai même pas changé.
Des souvenirs souriants, rien de méchant, juste le sentiment d'avoir vécu tout ça trop vite, sans réfléchir. Vague regret de ce que je n'ai pas fait, vague tristesse de ne pas avoir deux jeunesses pour tout recommencer. 
Aujourd’hui est moins riche de futur et plus usé qu'hier, triste comme une chanson de Gérard MansetNaturellement le passé et le futur sont sources de souffrances, mais en plus avec le temps même les désirs que portent notre corps se fatiguent et se marquent de cicatrices. Vaguement honteux de tant de nostalgie, on se sent alors comme fané, avec la vie derrière soi et indésirable à ce qui l'est. 

Pour rire un peu de cette "fa(r)ce B de l'existence", quelques dazibaos de Nicole Garreau* tout frais pêchés de sa page Facebook.

Pour savoir où Elle en est, [Elle] se fait sporadiquement passer des tests de sénilité : tenir debout sur un pied, réciter la table de sept, nommer les sous-préfectures du Lot-et-Garonne...
Aujourd'hui ça va. Et demain ? Demain est une chimère ; inutile de s'en tracasser.
24/10/2016

"Copines" Véronique Tissot
[Elle] est passée du côté sénile de la force, ça y est : c'est mesurable à l'œil nu, elle a les oreilles et les pieds qui grandissent. Au secours.
20/10/2016

[Elle] est en train de nettoyer DERRIÈRE l'espèce de meuble de la cuisine, alors que c'est un endroit où elle ne va habituellement jamais et que personne ne lui a mis un pistolet sur la tempe pour l'obliger à le faire.
C'est cela, la déchéance, jeunes gens : pendant des décennies on se prend pour l'égérie d'un tableau de Delacroix, et on finit à moitié gâteuse à faire des trucs chelous sans aucune raison valable.

 09/10/2016

[Elle] lit quelque part que va être instauré en France un fichier biométrique étendu « afin que les honnêtes gens ne puissent plus se faire dérober leur identité » (sic). Elle elle voudrait juste dire que s'il y a vraiment des ceusses qui veulent devenir vieilles, moches et pauvres à sa place, ça ne la gêne pas, hein.
04/11/2016


 Allez va ! bonne fin du monde chez vous aussi !

http://nicole.garreau.over-blog.fr/2016/11/photographie-n-34.html