vendredi 29 juin 2018

Günther Anders, inhumanité

"Tout le monde est d'une certaine manière occupé et employé comme 'travailleur à domicile'. Un travailleur à domicile d'un genre pourtant très particulier. Car c'est en consommant la marchandise de masse - c'est à dire grâce à ses loisirs- qu'il accomplit sa tâche, qui consiste à se transformer lui-même en homme de masse. Alors que le travailleur à domicile classique fabriquait des produits pour s'assurer un minimum de biens de consommation et de loisirs, celui d'aujourd'hui consomme au cours de ses loisirs un maximum de produits pour, ce faisant, collaborer à la production des hommes de masse. Le processus tourne même résolument au paradoxe puisque le travailleur à domicile, au lieu d'être rémunéré pour sa collaboration, doit au contraire lui-même la payer, c'est à dire payer les moyens de production dont l'usage fait de lui un homme de masse (l'appareil et, le cas échéant, les émissions elles-mêmes). Il paie donc pour se vendre. Sa propre servitude, celle là même qu'il contribue à produire, il doit l'acquérir en l'achetant puisqu'elle est, elle aussi devenue une marchandise."
Günther Anders, L'Obsolescence de l'homme (1956). Quatrième de couverture. Editions Ivrea.

Le ton est pessimiste et l'exagération est pour Günther Anders le procédé qui permet de distinguer 'les signaux faibles' révélateurs des tendances de fond qui déterminent nos choix et notre devenir. Pour lui ce n'est plus l'anatomie qui marque notre destin mais la dynamique propre des technologies de production face auxquelles l'homme devient un gadget fasciné par un déferlement d' images qui dissimulent le monde et le remplacent par le Spectacle. Il devance en cela la pensée de Guy Debord sur la société du spectacle et précède celle de Herbert Marcuse qui déclarait dans l'homme unidimensionnel : ."Aujourd'hui l'individu est entièrement pris par la production et la distribution de masse et la psychologie industrielle a depuis longtemps débordé l'usine.../..Par conséquent, il n'y a pas une adaptation mais une 'mimésis', une identification immédiate de l'individu avec sa société et à travers elle, avec sa société en tant qu'ensemble. .../... L'efficacité du système empêche les individus de reconnaître qu'il ne contient que des éléments qui transmettent le pouvoir répressif de l'ensemble."

Günther Anders dans son analyse de la dés-humanisation moderne distingues trois étapes, ou révolutions industrielles successives par lesquelles nous en sommes arrivés là : 

La première révolution, qui part de la révolution industrielle, se caractérise par la supériorité ontologique de l’objet fini, produit pour une fonction déterminée qui laisse l’homme dans une indifférenciation métaphysique, laquelle engendre la honte métaphysique, « honte prométhéenne » de l’homme. Si nous voulons comprendre la modernité, il faut comprendre que les objets ont plus de valeur que les hommes. L’objet parfait, abouti, correspond parfaitement à sa fonction. A l’antipode, l’homme n’est qu’un projet, un être indéfini, dont le dessin repose sur de la contingence, sur son existence. Il est un être qui a à se faire. Dans ce cadre, réussir sa vie, c'est devenir aussi parfait, aussi convoité (bankable) que peut l'être une marchandise

La seconde révolution industrielle est apparue avec la destruction de l’homme par l’homme  symbolisé par Hiroshima et Auschwitz. L’infini de la technique, qui rend possible l’immonde en dématérialisant la responsabilité, remplace l’infini de la religion. La modernité, qui dissocie décision et action, fonctionne sur la même structure discursive que ce qui a rendu possible le pire. Nul besoin d’être méchant pour devenir bourreau, il suffit d’obéir aux ordres. (cf la "Banalité du mal" de Hannah Arendt).

La troisième révolution s’effectue à partir de l’idée selon laquelle l’homme travaille constamment à sa disparition. Le monde moderne s’instaure et s’impose comme système, de sorte quel'on n’arrive plus à le changer. Ce point, pour Anders, conduit au nihilisme. Le nihilisme s’éprouve quand tout le monde est d’accord pour dire que le système est intenable, mais qu’il n’y a personne pour pouvoir le changer parce qu’il n’y en a pas d’autre.
Le nihilisme se déploie comme un « totalitarisme technique ». Il n’y a aucune alternative parce que la réalité sociale n’est pas politique, mais technique. Or, Anders montre que la technique, dans son essence, est d’ordre métaphysique, de sorte qu’elle doit être repensée pour être reconnue pour ce qu’elle est.
Avec la technologie et la puissance de production industrielle, nos instruments sont devenus notre monde et les moyens de production sont devenus LA décision prise à l'avance. La technique est aujourd'hui le destin de l'humanité. L'ensemble des cadences humaines doivent désormais se régler sur celles de la production. Dans un tel rapport de force, la critique devient impossible car perçue comme un sabotage réactionnaire du progrès. 

Partant du constat que "Rien ne discrédite plus promptement un homme que d'être soupçonné de critiquer les machines" (p17) , Gunther Anders réalise qu'une conception humaine de l'homme est aujourd'hui devenue totalement 'has-been'. Pour lui, le recours aux algorithmes dans un souci 'd'objectivité' est En-soi une décison , car :
"En considérant que les seules questions qui ont un sens sont celles auxquelles un appareil conçu de façon univoque peut répondre de façon univoque, on a d'avance écarté toutes les autres questions comme absurdes, et on a renoncé dès le départ aux questions morales. Avec le recours à l'appareil, on renonce à deux choses qui ne comptent plus désormais : 
1. La compétence de l'homme à résoudre lui même ses problèmes puisque sa capacité de calcul est quasi nulle.
2. Ces problèmes eux-mêmes - dans la mesure où ils ne sont pas calculables. (p80)

Nos instruments, nos appareils sont devenus notre monde, un monde où la technique est notre destin et où l'homme n'est plus qu'un appendice de lui même. D'où le titre de son ouvrage : "Obsolescence de l'homme".

Ozias


(http://iphilo.fr/2016/05/23/gunther-anders-lobsolescence-de-lhomme-et-la-question-du-nihilisme-moderne-didier-durmarque/)

https://www.lemonde.fr/livres/article/2011/06/09/l-obsolescence-de-l-homme-tome-ii-sur-la-destruction-de-la-vie-a-l-epoque-de-la-troisieme-revolution-industrielle-de-gunther-anders_1533798_3260.html

http://next.liberation.fr/livres/2011/06/09/le-plein-d-obsolescence_741421


Biographie : De son vrai nom Günther Stern, Günther Anders est né en 1902, dans une famille de psychologues. Élève de Heidegger, il fut le premier mari de la philosophe Hannah Arendt - ils se marient en 1929, divorcent en 1937 -, l'ami de Bertolt Brecht, de Walter Benjamin, de Theodor Adorno. Il a choisi pour pseudonyme Anders ("autrement", en allemand) par provocation autant que par hasard. Il gagnait sa vie comme journaliste, mais signait trop d'articles dans le même journal. Son rédacteur en chef lui suggéra : "Appelez-vous autrement"... et c'est ce qu'il fit. http://www.guenther-anders-gesellschaft.org/en/vita-guenther-anders/

Günther Anders dans les années 80
 Articles connexes dans ce blog : 
https://emagicworkshop.blogspot.com/2017/02/le-temps-de-la-societe-du-spectacle.html
https://emagicworkshop.blogspot.com/2017/02/le-spectacle.html
https://emagicworkshop.blogspot.com/2017/09/obeir.html

dimanche 3 juin 2018

Addiction

Équation du lien sujet/objet (Lacan)
Le terme anglais 'd'addiction' a remplacé celui de 'toxicomanie' en français et a participé à la redéfinition des méthodes d'explication et de soin de ces comportements. En effet, si 'Toxicomanie' renvoie au Toxique qui est le produit 'objet' de l'addict, 'Addiction' renvoie étymologiquement à la situation d'asservissement et insiste sur le lien entre l'usager et le produit. Partant de là on réalise que la lutte contre la toxicomanie conduit  à une politique de répression des drogues tandis que le traitement de l'addiction recouvre une approche plus anthropologique, et plus humaine.

Marion Blancher, philosophe, considère l'addiction comme un mode de relation à un objet et à l'autre et en définitive à soi, qui se caractérise par l'excès, l'univocité et la répétition.  Dans son approche il n'est pas question de relation exclusive au produit ni de jouissance exclusive dans la domination de sa loi, mais d'une  relation aux autres qui n'est possible que par le l'intermédiaire d'un produit.

Être dépendant est en fait caractéristique commune à tous les hommes. Les liens sont constituants et constructifs de tout individu et de sa vie et il est impossible de s'en défaire totalement. L'étude de l'addiction consiste à distinguer les liens qui conduisent à l’autonomie de ceux qui deviennent pathologiques et mènent à l'asservissement de l'individu. 

Dans son article "L’addiction et la difficulté de vivre l’incertitude de la relation" Marion Blancher définit l'addiction comme une pathologie du lien ou plus précisément, comme un lien pathologique. Car l'addiction n'est pas une exception anormale mais une modalité particulière du développement psychique qui, comme tout autre comportement, peut s'expliquer par les lois de la nature humaine. L'addiction est un processus intrinsèque inhérent au fonctionnement humain . En ce sens, c'est moins une maladie résultant d'un écart à la norme (pathologie du lien) qu'un lien pathologique que le sujet subit à tel point qu'il ne peut développer d'autonomie singulière. 

L'addiction, une incapacité à vivre l'incertitude :
Donald Winnicott, psychanalyte, explique l'addiction par le manque d'autonomisation de l'individu lors du passage à l'âge adulte. Une 'maladie de la séparation avec la mère' en quelque sorte.  L'attitude des personnes 'addictes' serait due à une trop forte dépendance à l'Autre, quand l'incertitude que celle ci implique est vécue de manière insupportable et devient comme une disparition de soi. Pour l'addict, la seule manière de supporter l'incertitude semble de chercher une certaine autosuffisance dans la consommation d'un produit qui peut être disponible et maîtrisable à tout moment. 

Le modèle  de Marion Blancher, qui atténue la dimension pathologique de la consommation de psychotropes et met en évidence les mécanismes de compensation et d'autosuffisance face aux frustrations de la relation aux autres, recoupe une expérience personnelle que j'ai relatée sur ce blog sous le titre 'je m'isole'  et où j'écrivais à propos de l'usage de drogues :

" Ces expériences sont une cause d'isolement autant que la conséquence de me sentir trop souvent sans réponse, sans retour ou sans un signe. Seul aussi d'être en constant décalage par mes goûts ou mon âge. Ce que je fais ne compte pas, ce que j'écris met mal à l'aise et je reste sans retour, ni personne pour échanger. Trop de mails sans réponse, d'invitations qui tombent à plat, d'images sans commentaires de la part de ceux qui me côtoient. Le sentiment d'incompréhension et le silence conduisent à l'isolement [et donc à la consommation]."

Ozias
(d'après l'article de  Marion Blancher : 'l'addiction et la difficulté de vivre l'incertitude de la relation') 

"Le produit apporte une satisfaction, mais pas de sens. Le plaisir disparu, reste l'absence de sens que sait réparer le produit" 
"La drogue, c'est bien quand on ne sait pas ce que c'est" (moi)

PS: Un rêve, que j'interprète comme une représentation de l'addiction aliénante.
"J'ai en permanence un mec qui n'est pas moi mais qui est collé à moi. Il est pesant. Je le porte sur mon dos. Il m'accompagne et me suit partout bien que je le chasse. Personne d'autre que moi ne le voit. Pourtant, je n'arrive pas à m'en débarrasser. Il est très lourd à porter. J'essaie de la frapper avec un tournevis pour le faire partir mais, comme il est dans mon dos, j'ai peur de me blesser moi. Il se moquait de moi et me parlait. "Tu m'emmènes où je veux !". Comme un singe derrière la tête." Ozias

Ce rêve m'en rappelle un autre rêve que j'ai fait de façon récurrente jusqu'à ce que je dise à mon psy que je prenais des prods " j'étais en voiture, comme en cavale, avec un cadavre dans le coffre"

Chroniques de la Toxicomanie : https://beta.solid.tube/channel/cto



Drogue et violence symbolique

Distinguer consommation et discrimination Dr Carl Hart 
https://uphns-hub.ca/product/drug-use-for-grown-ups-une-conversation-entre-stephanie-et-le-dernier-livre-du-dr-carl-hart/

http://www.implications-philosophiques.org/actualite/une/laddiction-et-la-difficulte-de-vivre-lincertitude-de-la-relation/ 


Pour Hanna Pickard "les conduites addictives sont  comme une solution intentionnelle trouvée par les personnes pour « pallier une détresse psychologique », dans la veine de ce qu’on appelle l’automédication. Les patients manquent de liberté au sens où ils manquent de « mécanismes d’adaptation alternatifs » c'est-à-dire où ils n’ont pas de meilleure solution, au moment où ils assouvissent l’addiction, pour pallier leur souffrance."
https://www.rvh-synergie.org/images/stories/pdf/trouessin.pdf?fbclid=IwAR1lEo1Djj2RVFguCkStDLYPcyfn2pJCH62vwyKZNdI9c6tsIx4605EQQto

Sur ce blog : 
https://emagicworkshop.blogspot.com/2017/04/je-misole.html
https://emagicworkshop.blogspot.com/2017/08/pourquoi-tu-fais-ca.html
https://emagicworkshop.blogspot.com/2013/07/la-vie-anterieure.html (voir le poème 'avant')

à écouter : https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-a-moudre/sommes-nous-addicts-aux-addictions
à voir https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/lusage-de-drogue-14-les-processus-de-laddiction 

une vidéo qui dit beaucoup de choses : https://www.ted.com/talks/johann_hari_everything_you_think_you_know_about_addiction_is_wrong?language=fr
( https://www.youtube.com/watch?v=PY9DcIMGxMs)


jeudi 24 mai 2018

Violence moderne

John Riordan
Dans notre démocratie 'apaisée', la violence est prohibée, mais n'a pas reculé. Elle a juste changé de formes. Avec son essai paru en mars dernier "Le déchaînement du monde" François Cusset, historien des idées, étudie les formes modernes de violence.

En 1770, Mirabeau écrivait : "La civilisation d'un peuple est l'adoucissement de ses meurs, l'urbanité, la politesse".  Cette croyance très répandue constitue le fond de l'argumentaire de vente de nos démocraties. Pourtant en 1939  Simone Weil notait déjà qu'un état peut être "extrêmement civilisé, mais bassement civilisé" et surtout que "lorsqu'un groupement humain se croit porteur de civilisation, cette croyance même le fera succomber à la première occasion qui pourra se présenter à lui d'agir en barbare".
En effet, si  la violence accomplit d'un coup ce que la raison et la délibération empêcheront toujours : faire plier tout le monde sans discussion (p47), alors pourquoi s'en passer ?

François Cusset remarque que dans le grand virage néolibéral des années 80, "La violence qui est la sage femme de l'histoire"  s'est vue désavouée, exorcisée. Toute forme de révolte politique directe et active s'est retrouvée disqualifiée stratégiquement et réprimée policièrement. Partout on a rendu les armes, désavoué la violence, et fait le deuil de la violence politique avec ce qu'il suppose d'oubli, de mélancolie et d'abjuration (p203)

Ce qui domine aujourd'hui dans notre société, c'est, d'un côté l'hypersensibilité à la violence, la chute du seuil admissible de violence interpersonnelle, et de l'autre côté, indissociablement, l'acceptation indifférente de la violence de masse (sans-abris, demandeurs d'asile, licenciements etc).  
 La violence est désormais dissimulée, un peu comme l'est celle de la mise à mort industrielle de l'animal dont la viande sous vide de nos rayons de supermarché ne porte plus aucune trace (p73). 

D'autre part la violence est devenue systémique dans le sens où elle traverse et s'inscrit au cœur de l'ensemble de nos structures économiques, sociales et de nos dispositions affectives. 

(p88) La finance, qui coiffe le système économique mondial est littéralement une structure, l'architecture même de la société mondiale, au double sens de plan abstrait et de lieu où l'on vit . Les flux du capital, dans leur opacité, dictent une partie des lois et, par le relais de l'état, la conduite d'institutions majeures qui répondaient autrefois à des logiques partiellement autonomes - biaisées peut être , mais pas avant tout par la règle comptable.

 (p82) L'impératif comptable d'optimisation de rentabilisation du temps est à l'origine de la violence systémique. La violence ponctuelle, non systémique, est celle qui voit surgir un drame dans le temps ordinaire qu'elle déchire soudain. La violence systémique elle, est la colonisation systématique du temps . L'obligation intériorisée de faire mieux, plus vite, moins cher, plus d'argent, moins d'attente. La fin du vide. Cette violence là n'explose pas; elle s'approprie le temps, surcharge l'atmosphère, l'électrise sans répit. C'est bien en s'exerçant sur le temps, à même la durée effectivement vécue, que la violence du pouvoir devient systémique.
La violence systémique est surtout celle des règles et des structures. Elle parait être sans cause et sans volonté propre et détruit des vies sans qu'on puisse la localiser ni l'imputer à un ennemi précis. Elle est une ambiance, comme dans une séance de spiritisme ou  dans un concert, une sorte d'envoûtement des choses les unes par les autres.

p99) La mondialisation a permis d'étendre et d'harmoniser les règles favorables aux multinationales et aux grands argentiers, pendant que les avocats internationaux profitaient des vides juridiques entre états pour faire autoriser ici ou là les pratiques de délocalisation, de dumping social ou d'évasion fiscale.

p132) De nos jours le monopole de la violence légitime n'appartient plus à l'état, ou plus seulement, mais au capital et à sa domination systémique. L'état qui pendant plus de trois siècles a policé les sociétés n'est plus chargé que de la police*. 
Aujourd'hui, c'est  le marché qui s'occupe de policer et de civiliser les peuples et de les dé-civiliser.


Ozias


* à ce sujet la déclaration que le ministre de l'intérieur vient de faire au sujet des casseurs est significative :
«Si on veut garder demain le droit de manifester, qui est une liberté fondamentale, il faut que les personnes qui veulent exprimer leur opinion puissent s’opposer aux casseurs et ne pas, par leur passivité, être complices de ce qui se passe.» 

(dixit Gérard Collomb 27mai2018)

mardi 8 mai 2018

Art génératif

Vu au Grand Palais l'expo 'Artistes et robots' dont le thème est l'utilisation du computer et de l'intelligence artificielle pour la création artistique.  L' imagination artificielle (assistée par l'ordinateur), porte un nom et même plusieurs : art virtuel, art algorithmique, art interactif, art génératif (visuel et sonore)  et c'est justement le sujet de l'expo 'Artistes et robots'. Un sujet actuel puisque l'IA (intelligence artificielle) est copieusement médiatisée ces derniers temps.

VISUELS
L'architecture algorithmique des colonnes de Michael Hansmeyer se prête très bien au selfie. Les millions de facettes de ces colonnes de carton conçues algorithmiquement et découpées numériquement créent un décor indessinable et  digne des meilleures hallucinations psychédéliques.
Selfie parmi les colonnes algorithmiques de Michael Hansmeyer

Immersive, l'installation de Raquel Kogan est tout aussi idéale pour se tirer un selfie façon matrix dans une installation interactive.


Selfie 'dans la matrice' de Raquel Kogan

Une autre installation vidéo-générative devant laquelle il fait bon tripper en silence est celle de Catherine Ikam et Louis Fléri. Sur un très grand écran des visages se dessinent et s'effacent sans fin.

Troisième et dernier selfie   devant un tableau interactif de Christa Sommerer et Laurent Mignonneau  (deux spécialistes du  tamagotchi d'art) où 10 000 mouches virtuelles font, et défont au moindre mouvement, le portrait du visiteur qui pose devant l'écran.

Selfie 'on the fly' . Tableau interactif par Christa Sommerer & Laurent Mignonneau.

La question qui se pose toujours avec les œuvres interactives c'est de savoir si elles laissent le regardeur faire le tableau ou si au contraire, c'est l'interactivité prend en charge l'imaginaire du regardeur et la piège dans l'algorithme du computer.

MUSIQUES et SONS
Dans les arts et en musique notamment, on a vu les groupes supplanter les orchestres, puis les DJ supplanter les groupes. A l'heure où la musique dépend plus que jamais des canaux de distributions et où la différenciation nivelle par le bas la notoriété des auteurs et interprètes on imagine bientôt les algorithmes remplacer nos DJs qui s'agitent derrière leurs platines. Côté musique, Artistes & Robots présente d'intéressantes compositions visuelles et sonores de Ryoji Ikeda. C'est immersif, mathématique et minimal. En tout cas ça m'a donné envie d'écouter sa musique et voir ses installations en concert.



De même, la composition musicale générative et interactive de Jacopo Balboni Schilingui produite en temps réel et générée par des algorithmes réagissant à la respiration du compositeur (sous capteurs 24x7 depuis juin 2017) m'a impressionné.

  
Conclusion
Parfois absconse et aride, parfois envoutante, l'exposition Artistes Robots mérite une visite si vous vous intéressez à la création électronique.
Plus immersive que subversive l'exposition pose quand même la question de savoir si la conscience a un support biologique (le cerveau) ou si l'on peut laisser aux robots le soin de créer la création comme le prétend un certain scientisme sectaire.

Au point de vue pratique j'ai regretté l'accumulation de plusieurs œuvres sonores dans les dernières salles. Il y a notamment un androïde d'Orlan grandeur nature qui fait la retape. Une sculpture qui parle c'est chiant, et quand la gouaille poissonnière d'Orlan se mélange aux musiques génératives ça donne une ambiance supermarché en fin de semaine. J'ai même demandé au gardien assis là comment il faisait pour tenir le coup. Très professionnellement il m'a répondu que c'est une question d'habitude.

Les sponsors de cette exposition sont IMERYS (qui fait partie des entreprises fondatrices du CHNC, organisme cherchant à promouvoir l'exploitation des gaz de schiste en France), la MAIF, le Crédit agricole, le groupe Kinoshita  au sujet duquel je n'ai pas vu grand chose sur le web et enfin, IBM France dont le Président se fend dans le catalogue de l'expo d'une préface dégoulinante par laquelle il nous explique que : " .../...il milite pour que l'IA améliore le potentiel humain, ne soit pas une boîte noire incompréhensible et permette de créer de nouveaux emplois grâce à de nouveaux modèles économiques et sociaux". Amen !


Le CA, un des sponsors de l'expo, vous remercie de votre visite !

dimanche 29 avril 2018

Spinoza

Baruch (Benoît) d'Espinoza (1632-1677) est un philosophe rationaliste qui écrivait et polissait des lentilles optiques à Amsterdam au cours du siècle d'or hollandais. 
En utilisant le modèle du savoir mathématique, Spinoza s’efforce d’exprimer, dans l’Éthique (son traité pratique, et posthume, de ce qui est), de manière objective, l’essence fondamentale de toutes choses. En plein XVIIème siècle, Spinoza, rejette toute transcendance divine, identifie Dieu et la Nature, allant jusqu'à poser que 'La volonté de Dieu est l'asile de l'ignorance'.

Spinoza nous dit que l'homme qui fait Dieu  à son image se trompe. Il critique le principe de toute attitude religieuse.  Cette critique de la religion a des implications politiques essentielles puisque les croyances religieuses justifient l'édification de tout un système de pouvoir, celui des prêtres et des pouvoirs despotiques fondé sur la crainte et l'espérance. 
Pour Spinoza, le libre arbitre (possibilité dans une situation donnée de réagir de plusieurs manières différentes) est l'illusion de la liberté et c'est le désir qui constitue notre essence même car il exprime notre nature. Les passions sont considérées comme des images déformées du réel; des désirs qui s'appuient sur un défaut de lucidité, . 
Pour l'homme, la sagesse consiste à se libérer de ses illusions et d’accepter sa place dans la Nature. Être vertueux c'est augmenter sa puissance d'agir. L'homme libre est celui qui peut agir. Pour Spinoza, la puissance est une force productive et non une autorité dominatrice. La Liberté n'est pas le décret arbitraire d'une volonté mais le déploiement d'une nécessité.
La perfection n'est pas la conformité à un modèle idéal, mais la réalité de l'être. Ainsi, le vertueux est celui qui découvre le dynamisme qui l’anime, ce qui lui permet de d'être libre et être soi, c'est à dire être et exister [conatus] . Pour Spinoza, liberté, être et perfection sont synonymes. 
Faute de norme transcendante,  le désir par lui même n'est ni bien ni mal, ni bon, ni mauvais. Le désir ne vise rien d'autre qu'à l'épanouissement le plus complet possible de la puissance d'agir. Le souci de l'autre n'est aucunement pour Spinoza un impératif a priori, mais il est une exigence a posteriori de mon désir. Ainsi, le méchant est un ignorant frustré par la tristesse de ses désirs et l'égoïste ne peut être heureux car il n'aime que lui, alors qu' il va mourir.

Oz

"Spinoza nous sauve du à la fois du fanatisme (pour lequel les valeurs sont autant de commandements divins qu'il faut imposer à tous) et du nihilisme (pour lequel rien ne vaut)."(A. Comte-Sponville). 

"Alors, un petit Juif, au long nez, au teint blême,
Pauvre, mais satisfait, pensif et retiré,
Esprit subtil et creux, moins lu que célébré,
Caché sous le manteau de Descartes, son maître,
Marchant à pas comptés s’approcha du Grand Être:
"Pardonnez-moi, dit-il en lui parlant tout bas,
Mais je pense entre nous que vous n’existez pas."
Voltaire 


Extrait de l'Ethique, partie1, appendice (1675).

"Ainsi les hommes jugent ils nécessairement de la nature des choses d'après la leur propre. En outre, comme ils trouvent en eux-même et hors d'eux un grand nombre de moyens contribuant grandement à obtenir ce qui est utile (par exemple des yeux pour voir, des dents pour mâcher,des végétaux et des animaux pour se nourrir, etc... ) ils en viennent à considérer toutes les choses existant dans la nature comme des moyens à leur usage. Et puisque ces moyens, ils savent qu'ils les ont trouvés sans les avoir disposés eux-mêmes, ils ont tiré de là un motif de croire qu'il existait quelqu'un d'autre qui avait prévu ces moyens pour qu'ils en fissent usage. En effet, une fois qu'ils eurent considéré les choses comme des moyens, il ne leur fut plus possible de croire qu'elles s'étaient faites d'elles-mêmes; mais jugeant selon les moyens qu'ils avaient l'habitude de mettre en œuvre pour eux-mêmes, ils durent conclure qu'il existait un ou plusieurs gouverneurs de la nature, doués d'une liberté humaine, qui avaient tout prévu et fait toutes choses pour leur usage. De plus, n'ayant jamais reçu au sujet de ces êtres aucune information, ils durent aussi en juger d'après la leur propre, et ainsi crurent-ils que les Dieux dirigent toutes choses pour l'usage des hommes afin de se les attacher et d'en être vénérés. C'est ainsi que chacun inventa, à partir de sa constitution propre, diverses manières de rendre culte à Dieu afin d'en être aimé plus que les autres, et afin qu'il dirigeât la Nature entière au profit de son désir aveugle et de son insatiable avidité. Et c'est ainsi que ce préjugé, se tournant en superstition s'enracina profondément dans les esprits ; ce qui poussa chacun à consacrer tous ses efforts à comprendre et à expliquer les causes finales de toutes les choses".


L'atelier de Spinoza avec machine à polir les lentilles.

mercredi 28 mars 2018

la haine

Affiche "Oui à la guerre". Cobie Cobz
Je suis toujours surpris de voir un nombre croissant d'indignations, de pétitions, ainsi que le succès grandissant des sujets polémiques qui circulent sur Facebook et dans les soit-disant 'actualités' de l'espace public que nous adressent les sites web. 
Voici quelques exemples de sujets qui divisent, qui clivent  ces temps-ci: la corrida toujours, mais aussi le retour de Bertrand Cantat sur scène, une photo de Caroline de Haas, le nom de Michel Onfray etc.

L'animosité, la haine sont des passions tristes, des pulsions de mort, qui marchent bien ces temps-ci, en particulier sur les réseaux sociaux . Sans doute parce-qu'elles sont plus fédératrices que l'entente ou le consensus. Il est évidemment plus facile de se mettre d'accord sur ce que l'on ne veut pas que sur ce que l'on aime. Avis aux putes à clic et aux chaudasses du like qui lisent cet article, c'est avec les pire brûlots que l'on fait le plus gros buzz !.
Pour illustration, trois titres qui apparaissent aujourd'hui spontanément sur mon écran pour m'inciter à cliquer :"Yann Moix Dézingue Joseph Dicker !", "Thierry Ardisson insulte Stéphane Guillon !", "Clash avec Yann Barthès !" ...

On peut bien sûr invoquer des causes, des postures 'politiques'
Ainsi, à un certain point de détresse, on renonce facilement à la liberté et on attend que l'on nous dise quoi faire, quoi être, quoi dire. Hurler avec les loups a toujours été un principe de base du fascisme. La haine sert alors d'exutoire, d'identité et de lien à des suiveurs manipulés (cf les 2mn de la haine et la semaine de la haine dans le '1984' de George Orwell). 
A l'autre extrémité du spectre, si la culture est une forme de consensus, il existe aussi une tentation à transgresser cette forme de consensus, une séduction à aller au delà du langage pour dire ce qui ne s'exprime pas. La déconstruction titille le consensus, et ouvre naturellement des voies aux polémiques et aux réactions pulsionnelles car il faut bien reconnaître que celui qui n'offense jamais personne est toujours un peu fade.
Troisième facteur dans l'air du temps, la politique des identités qui place au premier plan nos appartenances, en en sélectionnant certaines : on nous classe en blancs ou noirs, homosexuels ou hétérosexuels. Ignorant notamment les situations intermédiaires… Chacun assénant d’entrée de jeu cette identité, la discussion ne saurait monter en généralité. Du reste, on ne cherche plus à persuader les autres : l’altérité radicale dont on est soi-même porteur est censée structurer une vision du monde qui interdit tout dialogue d’égal à égal. Dans cette logique, la politique est réduite à une lutte entre des communautés pour l’attribution préférentielle des ressources. (d'après joshua Mitchell).


Ce qui est nouveau, c'est que la polémique, l'indignation, et même parfois l'insulte ou la menace ont de plus en plus largement droit de cité dans l'expression écrite. L'existence de choses que l'on aime pas, la réalité de l'aversion, n'est pas un scoop, mais ce qui a changé c'est qu'il est devenu possible de se regrouper 'numériquement' pour exprimer son opposition à une échelle planétaire, tout en restant protégé par une identité numérique.
Le fait que la haine soit devenue plus "accessible" ou "démocratique" ne suffit pas à expliquer le succès actuel de la haine.  Pourquoi tant de haine ? sûrement, parce-qu'il y a une jouissance dans la haine. En premier lieu la jouissance par l'audience que procure la haine, et la notoriété qui est tout bénéfice pour l'ego.
D'autre part, il faut bien admettre que la haine se propage généralement plus vite que l'amour. La construction d'une relation pacifique demande des années de confiance alors qu'une déclaration de guerre peut se faire en un clic. Or, nous vivons dans une société de l'urgence qui favorise la vitesse, la pulsion et la surréaction. Comme 'statistiquement' il est plus facile, plus rapide, de rompre que de lier, il existe un excédent naturel des situations de conflit que vient magnifier et aggraver l'exigence de réaction dans l'instant.  

De plus l'audience publique des échanges numériques augmente cette "pulsionalité"  d'une volonté forte de sauver la face, attitude qui à son tour rigidifie les protagonistes dans leurs identités.  Car l'ensemble de notre société narcissique pousse à "l'identité" mais une identité calibrée, faite d'un avatar sélectionné dans une société d'images où il n'y a plus de ressources possible en soi-même. Sauver la face revient alors à maintenir la conformité à l'image de notre avatar. Mais cette exigence de cohérence n'est possible qu'en tuant une partie de nous-même : celle de nos propres contradictions que nous ne pouvons supporter. La lutte pour notre 'identité' génère alors une haine de soi que seule peut soulager la haine des autres. Aussi, je reste toujours méfiant devant les injonctions telles que  "Ne lâche rien !", "Bats-toi ! qu'on nous assène comme des mantras sans avoir à revenir sur soi même.

Comme le dit avec humour le slogan du chien à deux queues (parti politique parodique hongrois), "Sache que ta haine t'aime" 


Alors ouste ! allez en paix !

Ozias
crédit : BRKN/WRLD

A lire: Hélène L'Heuillet  "Tu haïras ton prochain comme toi même" https://soundcloud.com/radiocampus/podcast-pourquoi-tant-de-haine-rc-paris

http://www.liberation.fr/debats/2018/04/11/le-but-c-est-de-provoquer-la-mort-sociale_1642717

https://www.madmoizelle.com/cancel-culture-definition-1037892

A lire aussi sur ce blog : 
à propos du narcissisme de notre société
https://emagicworkshop.blogspot.fr/2014/10/narcissisme-de-masse-1.html
à propos des réseaux sociaux 
https://emagicworkshop.blogspot.fr/2015/09/seuls-ensemble.html

Pas plus tard que ce matin, un exemple de dérapage gratuit et savoureux, dont Facebook a le secret :


jeudi 8 mars 2018

la connaissance par les gouffres


La connaissance par les gouffres est un livre de Henri Michaux (Poète) paru en 1961. L'auteur y explique que, en fin de carrière (de 55 à 60 ans),  "il a expérimenté la plupart des démolisseurs de l'esprit et de la personne que sont les drogues hallucinogènes, l'acide lysergique, la psilocybine, une vingtaine de fois la mescaline, le haschich quelques dizaines de fois, seul ou en mélange, à des doses variées, non seulement pour en jouir, surtout pour les surprendre, pour surprendre des mystères ailleurs cachés". (Sic p179)

Le bouquin est une suite de trip reports, écrits en bon style distancié certes, mais qui au final ne livre pas grand chose de nouveau. Dans son essai Michaux précise rarement dans quelles conditions il fait son expérience. Est il seul ? avec des amis ? sont ils là en observateurs, en consommateurs ? Ni le set (son état d'esprit) , ni le setting (son environnement) sont clairement décrits. On note qu'en cas de 'bad trip' il téléphone à un ami, qui téléphone à un médecin (Misérable Miracle).
Michaux est un psychonaute prudent (ce qui avec les drogues est une qualité) qui voyage toujours avec une double casquette : celle du trippeur et celle du contrôleur.  Il souhaite découvrir une autre conscience, mais sans jamais perdre la sienne, celle de l'observateur.
Il explique à longueur de page ses luttes avec les effets des drogues, ses difficultés avec l'écriture lorsqu'il est intoxiqué, et finalement son refus de lâcher prise. Il circonscrit l'usage des hallucinogènes à l'expérimentation d'états mentaux qu'il assimile à la psychose. Comme disait Cioran à propos de son ami poète, c'est "Un ermite qui connait l'heure des trains" .
Finalement  à la lecture des récits Michaux on a presque du mal à différencier les effets du Cannabis de ceux de la Psilocybine, ce qui n'inspire guère confiance. Pour ce qui concerne la mescaline, je n'ai eu qu'une expérience, mais ne demande qu'à me perfectionner.

Quelques notes intéressantes quand même, comme ici à propos du haschich :

A propos des visions géométriques (p23) :
" Dans le chanvre je voyais plutôt des formes élancées .../...Formes fluettes, inimaginablement effilées. Une multiple verticalité grêle, à la base étriquée. Ce n'est pas l'Orient qui donnait ces formes, si exagérément minces, effilées. C'étaient ces formes amincies qu'avaient vues et tenté de copier les architectes orientaux, persans et arabes. Le chanvre a fait "les minarets", en a montré la direction à des gens qui l'ont suivie qu'à moitié ou plutôt au dixième."
En illustration, le plafond de la mosquée de Samarcande, qui pourrait bien être inspiré de visions cannabiques.

A propos du rire (p25) :
" Rire. Commun à tous les hallucinogènes. Les rires interminables que provoque le chanvre sont célèbres et facilement reconnaissables. Le rire fait abandonner des positions de trop de contraintes. Dans le haschich, le rire vient après une sorte de sinuosité, extrêmement déliée, qui est à la fois comme une onde, comme un chatouillement et comme un frisson et comme les marches d'un escalier très raide. Desserrages brusques. Le comique vient ensuite. Il ne tarde pas. L'imagination, tout l’intéresse. Tout la pique, aussitôt amusée à broder, fabuler, placer et déplacer. L'une entraînant l'autre, ce sont alors des rires interminables, des cascades de relâchement qui ne relâchent rien du tout, et le rire, toujours en course, après un instant de halte pour retrouver le souffle, reprend, impossible à assouvir. Rire sur courroies d'entraînement. Rire sans sujets de rire. Des sujets on en trouve au début. Ensuite l'imagination se lasse mais le rire court toujours.
[Le rire] exprime particulièrement la prodigieuse absurdité de tout, à la fois métaphysiquement et (par le chatouillis) très physiquement ressentie "

A propos de la psilocybine (p64-66):
Moins forte que la mescaline ou que l'acide lysergique, la psilocybine est étonnante par les transformations intérieures. On peut après cela songer sans divagation aux pilules à moraliser, peut être aux pilules à mathématiques..../... 
Une drogue, plutôt qu'une chose, c'est quelqu'un. Le problème est donc la cohabitation..../... Questionné sur le champignon [la psilo] ,, un indien du Mexique disait d'une phrase : "Il conduit là où est Dieu"". Il acceptait l’entraînement, il retournait volontairement avec élan et soumission à l'adoration suivant la religion de ses pères. Pour moi, la religion de mon adolescence n'étant plus dans mon horizon actuel [l'auteur n'est plus croyant], j'étais gêné comme d'une piété d'autrefois , je faisais le sourd, je contrecarrais ce mouvement et le mettais incessamment en échec..../...Le plus grand prodige me paraissait d'être conduit par un champignon, et qu'un champignon voulût ma bonne conduite et me voulût bien pensant.
.../...Il faut savoir établir de bonnes relation avec une drogue nouvelle venue. Je ne suis pas assez liant. Rencontre assez ratée."

A propos de la folie, et des 'situations gouffres' (p180):
" Il [Henri Michaux] sait maintenant, en ayant été la proie et l'observateur [des situations gouffres dues à la drogue], qu'il existe un fonctionnement mental autre, tout différent de l'habituel, mais fonctionnement tout de même. Il voit que la folie est un équilibre, une prodigieuse, prodigieusement difficile tentative pour s'allier à un état disloquant, désespérant, continuellement désastreux, avec lequel il faut, il faut bien que l'aliéné fasse ménage, affreux et innommable ménage."

Michaux Henri, poète et psychonaute  "Un ermite qui connait l'heure des trains"

 Un lien pertinent sur les report-trips de Michaux :
 http://www.arllfb.be/ebibliotheque/communications/emmanuel120507.pdf


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