jeudi 8 mars 2018

la connaissance par les gouffres


La connaissance par les gouffres est un livre de Henri Michaux (Poète) paru en 1961. L'auteur y explique que, en fin de carrière (de 55 à 60 ans),  "il a expérimenté la plupart des démolisseurs de l'esprit et de la personne que sont les drogues hallucinogènes, l'acide lysergique, la psilocybine, une vingtaine de fois la mescaline, le haschich quelques dizaines de fois, seul ou en mélange, à des doses variées, non seulement pour en jouir, surtout pour les surprendre, pour surprendre des mystères ailleurs cachés". (Sic p179)

Le bouquin est une suite de trip reports, écrits en bon style distancié certes, mais qui au final ne livre pas grand chose de nouveau. Dans son essai Michaux précise rarement dans quelles conditions il fait son expérience. Est il seul ? avec des amis ? sont ils là en observateurs, en consommateurs ? Ni le set (son état d'esprit) , ni le setting (son environnement) sont clairement décrits. On note qu'en cas de 'bad trip' il téléphone à un ami, qui téléphone à un médecin (Misérable Miracle).
Michaux est un psychonaute prudent (ce qui avec les drogues est une qualité) qui voyage toujours avec une double casquette : celle du trippeur et celle du contrôleur.  Il souhaite découvrir une autre conscience, mais sans jamais perdre la sienne, celle de l'observateur.
Il explique à longueur de page ses luttes avec les effets des drogues, ses difficultés avec l'écriture lorsqu'il est intoxiqué, et finalement son refus de lâcher prise. Il circonscrit l'usage des hallucinogènes à l'expérimentation d'états mentaux qu'il assimile à la psychose. Comme disait Cioran à propos de son ami poète, c'est "Un ermite qui connait l'heure des trains" .
Finalement  à la lecture des récits Michaux on a presque du mal à différencier les effets du Cannabis de ceux de la Psilocybine, ce qui n'inspire guère confiance. Pour ce qui concerne la mescaline, je n'ai eu qu'une expérience, mais ne demande qu'à me perfectionner.

Quelques notes intéressantes quand même, comme ici à propos du haschich :

A propos des visions géométriques (p23) :
" Dans le chanvre je voyais plutôt des formes élancées .../...Formes fluettes, inimaginablement effilées. Une multiple verticalité grêle, à la base étriquée. Ce n'est pas l'Orient qui donnait ces formes, si exagérément minces, effilées. C'étaient ces formes amincies qu'avaient vues et tenté de copier les architectes orientaux, persans et arabes. Le chanvre a fait "les minarets", en a montré la direction à des gens qui l'ont suivie qu'à moitié ou plutôt au dixième."
En illustration, le plafond de la mosquée de Samarcande, qui pourrait bien être inspiré de visions cannabiques.

A propos du rire (p25) :
" Rire. Commun à tous les hallucinogènes. Les rires interminables que provoque le chanvre sont célèbres et facilement reconnaissables. Le rire fait abandonner des positions de trop de contraintes. Dans le haschich, le rire vient après une sorte de sinuosité, extrêmement déliée, qui est à la fois comme une onde, comme un chatouillement et comme un frisson et comme les marches d'un escalier très raide. Desserrages brusques. Le comique vient ensuite. Il ne tarde pas. L'imagination, tout l’intéresse. Tout la pique, aussitôt amusée à broder, fabuler, placer et déplacer. L'une entraînant l'autre, ce sont alors des rires interminables, des cascades de relâchement qui ne relâchent rien du tout, et le rire, toujours en course, après un instant de halte pour retrouver le souffle, reprend, impossible à assouvir. Rire sur courroies d'entraînement. Rire sans sujets de rire. Des sujets on en trouve au début. Ensuite l'imagination se lasse mais le rire court toujours.
[Le rire] exprime particulièrement la prodigieuse absurdité de tout, à la fois métaphysiquement et (par le chatouillis) très physiquement ressentie "

A propos de la psilocybine (p64-66):
Moins forte que la mescaline ou que l'acide lysergique, la psilocybine est étonnante par les transformations intérieures. On peut après cela songer sans divagation aux pilules à moraliser, peut être aux pilules à mathématiques..../... 
Une drogue, plutôt qu'une chose, c'est quelqu'un. Le problème est donc la cohabitation..../... Questionné sur le champignon [la psilo] ,, un indien du Mexique disait d'une phrase : "Il conduit là où est Dieu"". Il acceptait l’entraînement, il retournait volontairement avec élan et soumission à l'adoration suivant la religion de ses pères. Pour moi, la religion de mon adolescence n'étant plus dans mon horizon actuel [l'auteur n'est plus croyant], j'étais gêné comme d'une piété d'autrefois , je faisais le sourd, je contrecarrais ce mouvement et le mettais incessamment en échec..../...Le plus grand prodige me paraissait d'être conduit par un champignon, et qu'un champignon voulût ma bonne conduite et me voulût bien pensant.
.../...Il faut savoir établir de bonnes relation avec une drogue nouvelle venue. Je ne suis pas assez liant. Rencontre assez ratée."

A propos de la folie, et des 'situations gouffres' (p180):
" Il [Henri Michaux] sait maintenant, en ayant été la proie et l'observateur [des situations gouffres dues à la drogue], qu'il existe un fonctionnement mental autre, tout différent de l'habituel, mais fonctionnement tout de même. Il voit que la folie est un équilibre, une prodigieuse, prodigieusement difficile tentative pour s'allier à un état disloquant, désespérant, continuellement désastreux, avec lequel il faut, il faut bien que l'aliéné fasse ménage, affreux et innommable ménage."

Michaux Henri, poète et psychonaute  "Un ermite qui connait l'heure des trains"

 Un lien pertinent sur les report-trips de Michaux :
 http://www.arllfb.be/ebibliotheque/communications/emmanuel120507.pdf


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