samedi 23 avril 2022

DMT : Caractérisation des visions, de leurs interprétations, et de leurs effets durables

Présentation d'un article de Alan Davis et Roland Griffiths paru dans le journal of Psychopharmacology 2020 (Vol34)

"Survey of entity encounter experiences occasioned by inhaled N,N-Dimethyltryptamine : Phenomenology, interpretation and enduring effects


Le lien vers la vidéo de la présentation, suivie d'une discussion. 

DiMiTrips et moi

DMT: qu'est-ce que je retire de cette substance ? Voici quelques notes de trips et une discussion sur le sens que je donne à ces expériences.

Mon premier breakthrough.
Tester sa première extraction est toujours un grand moment. Sur mon canapé, j’y allais donc très progressivement jusqu’au jour où une partie du sachet a glissé dans le vapo. J’aspire. Déconnection avec la réalité, fractales lumineuses, puis je deviens une sorte de voile lumineux bleu vert semblable à une aurore boréale. Me voilà transformé en aurore boréale avec en même temps un puissant sentiment physique d’extase. Puis changement de palette, tons bruns ocres et orangés, comme un couloir bordé de symboles et de déités égyptiennes puis le cosmos où ces dieux sont vivants. Enfin, arrivée dans un univers bleuté, sombre comme une nuit étoilée avec en son centre une immense géode transparente, un demi-globe complexe et lumineux. Une entité féminine, dans des tonalités bleues, entre en contact avec moi et me montre les secrets de l’univers, de la création et de la connaissance contenus dans ce globe et qui sans cesse se transforment comme dans un diorama divin. Serais-je au paradis ? Je recherche d’autres âmes car je me sens comblé mais aussi seul ici, surtout si je dois rester là pour l’éternité. L’expérience se termine par un effacement graduel des visions. Les couleurs deviennent moins vives l’immersion n’est plus totale, se réduit à un écran. Les détails s’estompent et je reviens en douceur sur mon canapé avec un profond sentiment de surprise, de béatitude, de réussite, et de gratitude.
La dame en bleu ressemblait à ça

Autres fois. A l'occasion de cette pleine lune, (essai d'un mix harmaline 100mg gobé 1h plus tôt + DMT vaporisée). Trip report : J'aspire et tout de suite je bascule dans l'hyperespace qui ruisselle des symboles et des images géométriques mobiles et colorées habituelles et là, énorme coup de boule, vent de tempête force10, une force colossale me met à terre, chasse les couleurs et prend possession de mon esprit.  le Maître !!!. Il peut tout, je ne suis rien. Il paraissait comme impatient de retrouver l'espace de mon esprit. Il était pressé, brutal, imprévisible, invisible et tout puissant. Devant tant de puissance et de force, toute beauté disparait. La seule évidence est que ma vie est un détail. Face à l'Univers, à l'infini du temps et face à la mécanique des choses, je suis rien. Je découvre et ressens physiquement ce sentiment de domination absolue et imparable. Pas de question possible zéro degré de liberté. Tout est contrition. Dans cet univers marqué par les couleurs vert-sombre, je ne peux qu'implorer  je veux seulement que le Maître m'enseigne l'humilité et l'abnégation. Dans le même temps, sur mon canapé,  je prends de grandes inspirations d'air par la bouche, comme pour accueillir le Maître dans mes poumons, et aussi pour ne pas me noyer dans ce maelström.  Après une dizaine de minutes, ce monde sombre s'efface doucement. Je me sens revivre, je reprends mon souffle, mes jambes sont secouées d'une vibration rapide mais je peux me lever et même danser dans une arène où siègent des Esprits que je ne connais pas.

Dans la même soirée, donc avec le même set&setting que l'expérience précédente,  plusieurs fois je suis retourné dans ces salons dont beautés inimaginables me procurent comme un orgasme en prime. Avec encore, cette sensation de me noyer. Ces salons sont si beaux qu'ils font oublier de vivre et je comprends que c'est la raison pour laquelle ils sont si éphémères. Je réalise que toutes les beautés de ces mondes surnaturels, ou pas, ne sont qu'une première étape, des sortes de purgatoires enchantés qui sont un préalable à d'autres rencontres plus élevées encore, dans l'attente de la vision du 'MAITRE' le plus haut, celui que je n'ai jamais vu.

De cette soirée je me souviens avoir compris la réincarnation alors que je dansais pour un Dieu indien. Ne me demandez pas de vous l'expliquer, je n'ai rapporté que cette phrase : "De qui vit on la vie ?" . La même nuit j'ai vu aussi "les Vérités" alignées dans des urnes bibliques et brillantes. Visualisation kinesthésique de l'histoire, de tout ce qui s'écrit et ce qui disparait dans des tons bruns. Mais d'ici aussi, ne reste qu'une phrase "La vérité s'oublie si facilement".

D'autres sessions DMT:

Sentiment d'être une expérience parmi une infinité d'autres expériences. Sentiment d'être une sorte de poupée qui serait l'objet d'une simulation destinée à instruire une entité supérieure. Je ne distingue pas l'entité auprès de laquelle je sers de poupée, ou d'animal de compagnie. Je me sens "comme au service d'entités qui m'ont choisi mais que je ne connais pas et dont j'arrose les jardins..."

Parfois je vois ma vie, je vois mon moi comme je verrais objectivement celui d'un autre : solitaire et perdu dans trop d'inutiles rêveries. Parfois j'entrevois la possibilité d'affronter dans mon trip un challenge pour un nouveau départ dans le passé, comme si je pouvais reprogrammer ma mémoire, changer mon souvenir, effacer un trauma. Parfois c'est aussi le sentiment d'entrer pour quelques instants dans l'esprit de personnes que je connais bien. Je visualise alors leurs goûts et leurs sentiments de manière si précise sous forme de synesthésies colorées que je me sens gêné comme un voyeur de l'âme.  J'ai ainsi ressenti tout l'amour qu'une jeune maman, que je connais, ressent pour son bébé. C'était si fort que j'avais l'impression de 'hacker' son esprit. J'ai même cru hacker l'esprit de mon jeune chat, Tout était là très gai, vif et très coloré.

 La DMT me désintègre atome par atome puis me reconstitue sous de multiples formes dans une multiplicité de réalités et de mondes fantasques qui s'ignorent. Peur mais confiance dans la Force qui saura me réagencer. Parfois aussi, ce sont des rubans lumineux qui entrent par ma bouche, des esprits qui scannent mon corps et mon esprit, le 'vérifient' ou des elfes qui me demandent la permission d'accéder à mon cerveau 'pour une mise à jour' Parfois, le temps se dilate tellement que la musique s'arrête et n'a plus de sens. 

Autre soirée avec petit break-through avec dissolution (eCig):
 Je tire deux taffes je garde la vapeur dans mes poumons. 
C'était le vide immense. Une dalle infinie et colorée où rien n'existe et où tout est à sa place. Et moi, là au milieu, j'étais nulle part. Mort ou vivant, qu'importe, et pourtant en extase, traversé d'un flux d'énergie lumineuse et de sérénité. 
Etre où ne pas être, c'était ici la réponse. Absence du temps et de l'espace. Ici même la musique s'arrête, mais pas le flux.  Vision d'un paradis sans Dieu. Impossible de dire tout ce qui se passe au  cours de ces virons dans l'autre monde, mais la DMT est de toute évidence le produit qui permet de visualiser et de vivre l'inouï.

Changa: En écoutant les bruits de la nuit d'été des motifs répétitifs émergent, s'amplifient, deviennent de plus en plus clairs et entraînants, comme une musique qui se rapproche. Je les suis et le paysage qui m'entoure semble vibrer de plus en plus vite et de plus en plus fort.  Le rythme répétitif  monte en amplitude et s'en va crescendo dans l'aigu comme un attracteur qui m'attire et m'emporte. Au dessus de moi le ciel est remplacé par un dôme fantastiquement architecturé sous lequel des entités cernées de halos irisés apparaissent, me regardent et m'attirent. Souvent elles ressemblent à des sortes de 'barbapapas' immenses et vaporeuses qui s'élèvent dans le ciel d'où elles m'observent, ou encore d'immenses cortèges silencieux qui dérivent là haut dans leurs chars aériens. Un soir, c'était l'image de Jésus Christ qui se formait dans le ciel étoilé. Je me suis détourné de cette vision car je ne suis pas croyant, mais plus tard je me suis demandé pourquoi j'ai fait ça.
En fumant la changa je réalise que les "Guides" ont laissé dans l'ADN des plantes de quoi communiquer avec eux. Après avoir fumé,  je reçois parfois des messages télépathiques des Guides, plus rarement sous forme de voix, même si les entités ne parlent ni français, ni anglais. Voici quelques messages que j'ai retenu :

"Elevez vous ! c'est si facile de voir la vérité de là haut !
Ou bien ce peut être un dialogue :  Question télépathique  "Veux tu savoir si tu es sorcier ?"- Moi " Non. "

Ou encore, réponse à ma question : "Qu'est ce qu'être" ?- "être, c'est cela". 

Enseignements télépathiques "Les archétypes sont les constructions mentales des anciens", "l'esprit est tout ce qui n'est pas réalisé", "le mystère est la nature de l'esprit", "croire est une expérience", "aimer, c'est faire exister"

Essai d'analyse de l'expérience DMT

L'hyperespace

Géométriquement l'hyperespace est au moins hyperbolique. Il est fait de symétries, de fractales et de constructions kaléidoscopiques. Ici, d'infimes déplacements conduisent à des changements considérables. Difficile de décrire tous ces impossibles agencements que l'on voit pourtant très nettement car au retour du trip c'est comme si leur projection sur notre espace euclidien perdait l'information. 

Dans sa dimension temporelle l'hyperespace est comme une conscience dans tous ses états possibles à la fois. Par exemple, parfois sous effet, la musique s'arrête, le temps suspend littéralement son vol. C'est rare de ressentir ça physiquement par les oreilles. Curieusement, cette effacement n'est pas un vide car en même temps les pensées déboulent à toute vitesse dans mon esprit. Avec la DMT l'hyperespace semble nous montrer tous les états du monde connectés à un présent qui résulterait sans cesse de la réalisation d'un seul de ces états. 

De la même façon que le photon est connu sous les aspects duals et incompatibles d'onde et de corpuscule, l'hyperespace semble être pour notre réalité ce que l'onde est à la particule : deux phases duales et incompatibles. Comme avec le photon, l'échange d'énergie, l'interaction, conduit à une matérialisation qui effondre la fonction d'onde tandis que la forme ondulatoire conserve l'énergie lumineuse ou les plausibilités du futur. L'hyperespace n'est pas l'espace des phase du futur, mais plutôt celui du présent compte tenu des paramètres dont je dispose. En cela, il ne peut porter de prédictions d'avenir certaines, seulement des plausibilités.

Je visite l'hyperespace en touriste existentiel. Ce que je vois, ce que j'apprends dans l'hyperespace ne m'autorise pas à exercer un pouvoir, une influence dans le monde social, dans ma réalité. Dans l'hyperespace, je ne vais pas chercher d'amour ni de relations car le monde des vivants est le seul monde actuel existant pour moi. 

Moi

je suis une petite chose abandonnée à l'onde infinie. Mon moi s'incarne dans un corps construit à partir d'éléments chimiques et d'un code ADN issu de l'évolution. Je ne peux visualiser qu'une infime partie qui est faite d'histoires et de relations: mon moi. Je peux connaître ma réalité faite d'histoire, de savoirs, de croyances, de culture etc. mais je sais que cela ne sera jamais qu'une mince partie de l'univers dans lequel je vis. Par construction il m'est impossible d'aller au-delà de cet 'horizon de mes évènements'.  Je sais que le plus important m'échappe, mais je peux quand-même parfois en ressentir la nature au travers de l'expérience de la DMT, dans cet état où "la graine se moque d'être plante". Avec la DMT l'esprit rejoint des espaces où le corps n'a plus de place ni de repères, où le corps devient même un obstacle à la connaissance. La DMT rend possible la rencontre de purs esprits avec un être vivant. En cela l'expérience est à la fois prise de conscience et expérience des dimensions immatérielles de nos existences.

Vivant, je laisse des traces, des conséquences qui tissent le quotidien autour de moi. De près ou de loin tout est interconnecté, chaque chose que je fais, chaque trace que je laisse a une conséquence qui interagira autour d'elle dans le présent ou le futur. Les gestes de mon être vivant, les traces que ces gestes laissent, sont tout ce que je peux faire pour inspirer le dépliement des choses. Bien sûr, je ne suis pas tout seul et je ne suis pas au centre, mais, que je le veuille ou non, je suis un coefficient quelque part dans cette matrice de dimension infinie qui fait que tout se transforme sans fin ni commencement. La complexité est derrière notre porte, mais hors de notre portée. 

Parmi toutes les configurations possibles dans un instant mon moi choisit, comme il peut, 'sa réalité' . Notre corps, nos actions donnent une forme aux possibles qui se présentent, que nous choisissons, et qui ouvrent à leur tour le champ à de nouveaux possibles.    

Conscience et esprit

Adyashanti:  Maintenant est juste ce qui se passe moins tout ce que vous en pensez. Après quelques taffes de changa, ou une bouffée de DMT l'espace autour de moi se peuple d'esprits et d'entités. Tous ces esprits semblent vouloir se présenter à moi pour exister dans ma conscience. Il me semble même percevoir une forme de compétition entre eux pour parvenir à exister dans mon cerveau. Les entités m'observent, m'attirent, elles cherchent et souvent parviennent à entrer en communication. 

L'esprit est tout ce qui n'est pas réalisé et donc, le mystère est la nature de l'esprit. J'entends par esprit tout ce qui n'est pas tangible, comme par exemple ce qui aurait pu être ou qui n'est pas encore.  Différents modes d'existence s'échelonnent de l'évidence du phénomène jusqu'à l'existence incertaine des réalités virtuelles. Toute chose, nous y compris, a une existence inachevée : tout est dans le demi-jour. Reste ainsi à savoir pourquoi l’existence qui nous semble donnée n’est en fait jamais donnée, mais peut devenir enfin réelle. La physique moderne nous enseigne qu'une chose n'existe qu'à travers les relations qu'elle entretient avec d'autre choses et pousse à nous interroger sur l'éventualité qu'une forme de conscience ou d'interaction participe à la construction de notre réalité tangible . Plus prosaïquement, nous vivons entourés de sons possibles que nous n'entendrons jamais, car il faudrait un choc, une action, une énergie pour produire ces sons. Il en est de même de tout ce qui ne se réalise pas.

 Selon la théorie quantique une particule subatomique peut exister simultanément en plusieurs endroits à la fois et elle n'est qu'une potentialité jusqu'à ce qu'elle soit mesurée autrement dit, réalisée ou perçue par un observateur, une conscience. Dans l'interprétation de la dualité onde/particule, Everett considère que notre univers se dupliquerait, à chaque instant, en un nombre astronomique de branches. Ces univers vivraient ensuite en parallèle, sans lien possible entre eux. Dans l'expérience de la DMT tout se passe comme si ces univers pouvaient être accessibles au moyen de l'esprit. Ce qui ne veut pas dire que ces univers puissent être utiles ou pertinents par rapport à notre univers physique et encore moins que ce qui s'y passe ait une quelconque valeur de prédiction pour le futur.

On pourrait dire que l'hyperespace permet de voir ce que sont potentiellement les choses avant l'effondrement de la fonction d'onde qui les transforme en réalité suite aux interactions que nous entretenons avec elles. Ce que l'on voit autour de nous est peut-être une forme d'esprit réalisée. Une trace, un fossile, tandis que reste tout le reste tout autour.

Que puis je faire de ces enseignements ? Quelle importance donner à ces expériences ?

Le phénomène n'est pas la nature, mais ce qui nous apparaît. Il m'est donc impossible d'affirmer que les mondes et les entités aperçues sous DMT aient une existence autonome. Par contre, il en est des visions comme des personnes que l'on rencontre dans la vie physique :  je peux établir une relation ou pas et par conséquent leur accorder une place dans ma vie ou pas. Cela n'est pas nouveau. Ainsi certaines personnes peuvent consacrer leur vie terrestre à Dieu, à une cause, d'autres à leurs enfants etc... Pour ma part, ce que je viens chercher ici est l'exploration des états de conscience modifiés ainsi que la connaissance des facultés de mon cerveau. J'aime faire jouer mes neurones à travers ces expériences tout comme en réfléchissant.

Personnellement, je ne souhaite pas prendre en compte les visions et les entités de l'hyperespace pour orienter ma vie physique au quotidien. Les circonstances quotidiennes et mes proches sont suffisamment présents pour me guider, et c'est à ell.eux que je me dois le plus dans cette vie. Aussi, une fois le trip terminé je demande aux esprits de regagner le monde des esprits et de ne demander ni ne procurer rien aux vivants. Par exemple, pourquoi deviendrais-je sorcier pour entretenir des liens avec le monde des esprits quand il y a déjà tant à faire avec le monde des vivants ? - à vrai dire, je n'ai pas vraiment trouvé de réponse à cette question-

Nos pensées ne devraient pas dépasser les bornes de la communication. Je souhaite à toustes de ne pas chercher à vivre trop, ni à "penser plus" car alors vous devrez être seul.e.s. Il faut comprendre que  comprendre, c'est souffrir, par empathie, par travail ou par incompréhension. 

Et pourtant, ce qui danse derrière la porte, c'est à nous d'aller vers ça.

Ozias

 "Toute matière tient son origine et son existence d'une force qui amène les particules d'un atome à vibrer et à maintenir leur fonctionnement cohérent dans un temps imparti" Max Planck.

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !

Un article à lire (surtout la partie où il est question des archétypes) https://emagicworkshop.blogspot.com/2022/11/carl-gustav-jung.html

Carl Jung et les visions provoquées par les drogues https://davidprice-26453.medium.com/getting-to-the-truth-1587f982399

Une vidéo à ne pas manquer https://www.youtube.com/watch?v=4zFB5TvqodQ


vendredi 25 février 2022

Tryptamines et protection psychique

Je ne sais pas vous, mais moi avec la changa, ou la DMT, j'ai souvent une appréhension avant de décoller car je me demande toujours de quelle nature vont être les créatures que je vais rencontrer dans l'hyperespace. En fait, quand je prends la changa, la DMT, et dans une moindre mesure les champignons j'ai carrément l'impression  de 'louer l'étage aux aliens' autrement dit, de prêter mon cerveau aux habitants de l'hyperespace. Tous.tes celleux qui se sont lancé.es dans ce genre d'expérience comprennent de quoi je parle.

Après quelques taffes de changa, ou une bouffée de DMT, l'espace se remplit d'esprits, de magie, d'entités ou de déités. Certaines entités sont spectaculaires, semblables à des barbapapas immenses et vaporeuses qui s'élèvent dans le ciel d'où elles m'observent, ou bien d'immenses cortèges silencieux qui dérivent là haut dans leurs chars aériens, ou encore au ciel ces visages divins qui se tournent vers moi et m'invitent à les rejoindre. D'autres esprits sont moins monumentaux mais plus actifs, et je perçois leur désir d'accéder à ma conscience afin d'exister le temps d'une vision. Je ressens même comme une intense compétition parmi tous ces esprits qui peuplent l'hyperespace. Comme si tous recherchaient un temps de conscience disponible pour se faire connaitre et exister quelques instants dans le monde des vivants. Une troisième sorte de créatures est carrément interactive, ce sont des dieux, des sorciers, des elfes ou des bouffons qui peuvent communiquer par télépathie, apporter des enseignements et qui parfois investissent mon corps. Par exemple des rubans lumineux qui entrent par ma bouche, des elfes qui me demandent la permission d'accéder à mon cerveau 'pour une mise à jour', ou des esprits télépathes dématérialisés qui scannent mon corps et mon esprit, le 'vérifient', le désintègrent puis le recréent, bricolent mon cerveau ou s'y installent comme on installerait une appli sur un portable. 

Bien que je sois matérialiste, souvent au retour de ces excursions, je me demande si dans mon extase je n'ai pas trop ouvert mon esprit, et laissé entrer de mauvaises énergies, des pensées ou quelque esprit malfaisant. Pour voyager sereinement dans l'hyperespace, je recherche donc des protections psychiques, contre les énergies négatives, les mauvaises intentions, contre l'attachement des esprits et l'attaque psychique. La protection psychique permet de ne pas absorber d'entités nuisibles. C'est surtout une protection contre mes propres peurs et des négativités que je pourrais ancrer en moi à l'occasion d'une visualisation trop précise ou d'une expérience trop convaincante. Comme les pensées et les sentiments négatifs semblent attirer les évènements négatifs, pour une protection psychique efficace, mieux vaut se concentrer sur les sentiments joyeux, les convictions positives. Un préalable à toute session est donc l'ancrage dans mon corps, accompagné d'une respiration profonde depuis le ventre, la conscience d'une connexion avec la Terre ou avec des esprits protecteurs et des pensées positives.

On recommande par exemple la technique de la boule protectrice de lumière qui utilise la visualisation mentale pour créer un champ protecteur autour de l'individu. "Fermez les yeux, respirez doucement et aisément. Concentrez votre attention à une longueur de bras devant vous. Imaginez une boule de lumière éclatante qui s'élargit lentement et vous entoure, passant sous vos pieds et montant au dessus de votre tête, de sorte que vous soyez assis en son centre. Sentez l'énergie de cette lumière protectrice éclatante vous baigner doucement, purifiant et fortifiant votre aura. Laissez ensuite les bords de la boule durcir, comme la surface d'un cristal. Cette boule vous protègera où que vous soyez". A essayer, mais me parait plus adapté à un usage en intérieur (ce qui est difficile avec la changa).

Sinon, la respiration semble aussi toute indiquée pour purifier le corps comme le décrit l'exercice suivant: "Tenez vous debout, pieds bien ancrés dans le sol et légèrement écartés, genoux détendus et souples. Placez les mains sur le nombril en formant un "V". Respirez profondément depuis le ventre, en faisant descendre l'air dans l'espace entre vos mains. Maintenez un moment. Expirez avec un gros soupir. Sentez l'énergie négative, les sentiments destructeurs, le stress et la tension quitter votre corps sur l'expiration. Attendez un moment, puis prenez une autre respiration profondément purifiante depuis le ventre. Faites une pause, puis laissez sortir l'air, purifiant davantage votre énergie (?). Répétez au moins quatre autre fois. En inspirant, imaginez des boules de lumière accompagnant le souffle, remplissant tous les espaces de votre être d'énergie joyeuse, éclatante. En expirant, retenez cette lumière en vous".

D'autres préfèrent tracer un cercle magique (forme puissante de protection) en se servant des quatre éléments air (bâtonnets encens), feu (bougie), eau (un verre d'eau)  et terre (un caillou. Bon, ok, mais pas toujours pratique en extérieur, surtout si le vent souffle.

Certaines formules "magiques" servent plus largement à invoquer les esprits ou à leur signifier la fin de la session. Par exemple:

"Que je sente à chaque instant mes racines. Que je découvre à chaque instant les éléments assemblés en moi. Que je pénètre ainsi l'être de mon être. Que je m'accorde au grand Tout. Que je redevienne ainsi ce que je suis."  

Plus simple encore, et très efficace, une formule qui permet l'ancrage dans la confiance en soi : "Je m'accepte tel que je suis, avec toutes mes erreurs, tous mes défauts et toutes mes qualités"

Savoir comment fermer les connexions psychiques est aussi important que d'apprendre à les ouvrir. Une méthode est de taper les pieds sur le sol pour signifier la fin de la séance. on peut aussi visualiser la fermeture des chakras, comme les pétales d'une fleur au crépuscule. Ou encore, pour la fin de la session, cette formule : "Disparaissez ! Vous êtes loin de moi je ne vous vois plus. Vous n'êtes plus là. Je suis seul". 

Voilà donc quelques bonnes résolutions préalables à mes prochains voyages. J'avoue ne pas être spécialiste des rites, des formules, et du blindage énergétique. Je serais donc très heureux d'avoir vos avis et vos conseils dans ce domaine. Merci pour votre attention, vos commentaires, et à bientôt dans l'hyperespace ou ailleurs !

Ozias


PS un retour de psychonaute suite à ma question (Flower power 25 février 2022)
"Ce que j'ai toujours fait, dès ma première expérience, à voix haute, avant de consommer, c'est de demander protection et guidance aux esprits bienveillants.
Ensuite pour orienter l'expérience au mieux, une prière de base que je trouve très efficace, toujours à voix haute, c'est de demander guérison aux esprits bienveillants. Si on ne sait pas quoi demander de plus, c'est pas grave, ça ratisse large (guérison psychologique, physiologique, spirituelle...).
Je formule ça comme ça: "I ask to be freed of all things that hinder life within and around me" (ça a l'avantage de ne pas être une requête trop nombriliste).
Ensuite je demande une protection de façon un peu plus précise: je demande protection de mon esprit, de mon mental, de ma mémoire, de mon corps, de ma maison...
Se bénir soi-même, toujours à voix haute, avec coeur, bénir notre corps, notre logement, etc... C'est aussi une bonne façon d'éloigner des trucs chelou et de réharmoniser des choses à tout moment.
Faire tout ça à voix haute, c'est vraiment important.
Dans ma compréhension et perception des choses, les "esprits" nous entendent mieux si on est en plein air ou, si on est en intérieur, si une fenêtre est au moins entrouverte. Et si on est à la terre sur le plan électrique..., ça peut paraître foufou, mais bon vu la nature de la discussion... Bref, si on est à la terre sur le plan électrique, c'est à dire pieds nus dans l'herbe ou sur du carrelage en rez de chaussée, tout cela fonctionnera encore mieux, parce que notre corps fonctionnera mieux et donc rayonnera mieux, aura une énergie plus tonique, on sera mieux entendu, etc..."

lundi 6 décembre 2021

Antagonismes et tolérance

La dialectique est une rhétorique d'argumentation basée sur le raisonnement classique: Thèse Antithèse Synthèse, mais c'est aussi un mode de pensée reconnaissant le caractère inséparable de propositions contradictoires. 
Selon cette entrée du mot, la dialectique s'entend comme une pensée antagoniste qui s'oppose à la pensée identitaire. La pensée antagoniste considère que l'opposition est le lieu même de la régulation adaptative alors que la pensée identitaire souligne l'altérité, le plus souvent pour la réduire, la dominer, la détruire. La pensée antagoniste met l'accent sur l'opposition irréductible des contraires, leur complémentarité, voire leur fusion.

De plus en plus nos références identitaires empruntées à l'univers de la physique déterministe classique sont remises en cause par les modèles antagonistes issus de la mécanique quantique ou de la cosmologie moderne qui nous apprend que le plein et le vide ne sont finalement que deux formulations abstraites. Dans le cosmos, entre vide sidéral et trous noirs, il existe une infinité de réalités présentant des densités et des distances infiniment diversifiées. Même quand il manifeste des forces inimaginables de puissance et de violence, l'univers n'est pas un chaos permanent car il est le fruit d'une dynamique antagoniste faite d'expansions et de rétractations, de big-bangs et de trous noirs. La cosmologie nous montre que les conflits entrainent d'irréductibles destructions débouchant sur d'infinies créations faites d'équilibres plus ou moins provisoires. Car les équilibres eux mêmes sont le produit de forces qui s'opposent. 

Comme le savoir humain s’est essentiellement constitué en misant sur les régularités, les constances, les équilibres, il a défini les êtres et les situations à partir d’identités stables. En revers, cette orientation dominante de la pensée identitaire a entraîné des fixités, voire des rigidités qui ont nui à l’accompagnement, à l’anticipation, à l’invention du changement. Dans le monde contemporain l'individualisme de masse, les "lois du marché", le "sacre du présent" propres à la culture occidentale n'ont fait que renforcer le mythe de l'identité comme  source permanente et instantanée d'elle même. Le résultat en est que les polémiques, les clivages et les replis identitaires ont rarement été aussi puissants qu'aujourd'hui. D'où le risque moral et politique de vouloir chasser toute contradiction au nom de la pureté et de la cohérence. La contradiction est en réalité le moteur de la liberté et de l'évolution et la condition de l'équilibre. 

Ce que je veux dire ici c'est que de la même façon qu'il n'y a pas d'ombre sans la lumière, il n'existe pas d'équilibre sans forces qui s'opposent, pas d'adaptation sans écart et pas d'évolution sans adaptation. 
Aucune chose n'existe par elle même mais uniquement par les relations qu'elle entretient avec d'autres objets. La réalité est comme un tissu de relations sans essence ni substance première ni point de départ ou d'arrivée. La grande erreur serait de vouloir des certitudes ou croire en une essence. 
Toute pensée, toute croyance ira jusqu'où le phénomène la retourne sur elle même. Elle atteint alors sa limite où elle peut contredire son principe même. Inutile de croire que l'on a compris ou de se persuader que l'on a raison. Ce que l'on sait, ce en quoi l'on croit n'est juste, n'est vrai que sur un domaine restreint (au sens mathématique de domaine de définition) ou dans le cadre d'une relation contingente. Plus prosaïquement on pourrait dire que l'enfer est pavé de bonnes intentions, que le diable est dans les détails ou que celui qui veut faire l'ange fait la bête. Rien de nouveau sous le soleil de la lucidité sauf qu'il faut encore plus de courage pour vivre sans croyance que pour vivre sans dieu. Et si l'on veut changer le monde, pour plus de justice et d'équité, où trouver les forces, comment mobiliser avec des idées qui font si peu rêver ? Sans doute la pensée identitaire, produit dérivé de la pensée antagoniste sera utile ici, même si le changement se paye aux prix de l'erreur. 
Tout cela est contradictoire, absurde et me rappelle Camus selon qui il faut imaginer Sisyphe heureux.


Voici donc trois exemples de problématiques, sans lien entre elles, mais qui peuvent faire apparaitre le continuum existant entre une chose et son contraire. Comme sur le ruban de Möbius, intérieur et extérieur sont une seule et même face 


1. Pharmakon. Du remède au poison

En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le bouc-émissaire.
Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin, au sens où on doit y faire attention. Cet 'à la fois' est caractéristique de la pharmacologie qui tente d’appréhender par un même geste le danger et ce qui sauve. Etant en même temps poison et remède, le pharmakon conduit fréquemment à désigner des boucs-émissaires tenus responsables des effets calamiteux auxquels il peut conduire en situation d’incurie.
Le bouc émissaire est une construction type de la pensée identitaire. La désignation et le sacrifice de bouc-émissaires permettent d'évacuer les tensions et de renforcer le paradigme de l'identité mais interdit la régulation par le jeu des contraires.
L'exemple du pharmakon est particulièrement parlant car il montre que la pensée identitaire elle même (le bouc-émissaire) est le produit dérivé de la pensée antagoniste (continuum remède/poison).


2. Santé globale, réduction des risques et libertarisme

L’illégalité de l’usage de drogues génère pour les consommateurs des risques spécifiques au niveau sanitaire, juridique et social qui doivent être pris en compte dans une approche de santé globale.
Plutôt que de (re)nier les pratiques et identités, la réduction des risques consiste à construire avec les usagers des solutions adaptées à leurs besoins pour améliorer leur santé. Sur le terrain, cela consiste à sortir des traditionnelles injonctions de sevrage et d'abstinence, d'accepter les pratiques mais de limiter les risques induits par les usages de drogues. Par exemple en mettant à disposition des usagers du matériel de consommation adapté et stérile (seringues, salles de consommation, etc).
Or, en ce qui concerne le tabac et les fumeurs, ' sous prétexte de défendre la liberté individuelle des usagers, de fausses organisations de consommateurs défendent le vapotage. Elles font illusion dans le but d'influencer la règlementation sur ces nouveaux produits et de contrer la lutte contre le tabagisme (astroturfing). Derrière elles, l'argent secret du lobby du tabac et les réseaux des milliardaires américains du pétrole.' [Le Monde 3 Novembre 2021]. Autrement dit, "Big tobacco" se sert de la réduction des risques comme cheval de Troie pour se présenter comme un interlocuteur crédible auprès des institutions de santé publique. Cette démarche fait l'impasse sur l'objectif de santé globale promu par la réduction des risques mais va dans le sens d'un prosélytisme libertarien financé par les multinationales du tabac.
Ce qui est m'intéresse ici est de voir comment le principe de réduction des risques, destiné à protéger les usagers peu, en toute logique, se retourner contre son objectif premier et se mettre au profit d'intérêts économiques et idéologiques.

3. Laïcité et tolérance

Le débat autour de la laïcité est aussi délicat qu'intéressant. Comme le ruban de Möbius certaines interprétations se retournent aisément contre les principes qui les dictent. C'est actuellement le cas de la laïcité qui, depuis que le respect a remplacé la tolérance, a évolué  d'une posture anticléricale qui privilégiait le pouvoir séculier vers un principe qui viserait principalement à garantir l'exercice des pouvoirs religieux. Intéressant de mettre en perspective l'allégorie de 1905 avec le mème  pêché en 2021 sur Internet qui pose la question de savoir si c'est à la religion de s'adapter à la laïcité ou bien le contraire. 

Si la tolérance rend acceptable le fait qu'il y ait 2 points de vue, il faut bien admettre qu'en matière de religions, et de laïcité, on doit tenir compte de la sensibilité de son auditoire. En réalité il est tout aussi difficile pour un occidental laïque de comprendre la pensée d'un croyant convaincu que l'est l'inverse. Par exemple,  défendre les caricatures de Mahomet ou les versets sataniques peut choquer les croyants de la même manière qu'une nouvelle comme celle de la mort  d'Ali Reza, jeune iranien décapité par sa famille quand elle a appris son exemption de service militaire pour cause d'homosexualité, peut choquer les laïques occidentaux. De plus il est vain d'espérer convaincre un croyant pour qui 'Dieu, c'est la vérité'. Concrètement, on ne peut opposer aux religions des arguments laïcs qui seront rejetés par leur nature même, mieux vaut opposer des principes de base que promeut la religion elle même. 

Il faut bien admettre que la tolérance perd son sens face au dogmatisme d'une parole divine pour laquelle 'Dieu, c'est la vérité'. Aucun argument ne peut s'opposer à un Dieu transcendant (à la fois extérieur et supérieur), si ce n'est la violence que ce soit celle des hommes, ou d'un autre Dieu.

C'est ainsi que la tolérance devient elle-même paradoxale. Autrement dit, peut on tolérer l'intolérance ?
L'idée d'une tolérance universelle s'avère difficile à tenir : l'étendre à ceux qui refusent la discussion et répondent aux arguments par la violence reviendrait à laisser les mains libres à ceux qui veulent s'en débarrasser ! 
De plus le relativisme a ses limites. Toutes les opinions n'ont pas la même valeur et la liberté d'expression n'autorise pas à mentir sans avoir à rendre de comptes.
Ainsi que l'a décrit Karl Popper, « pour maintenir une société tolérante, la société doit être intolérante à l'intolérance. »
Le "seuil de tolérabilité" de tel individu ou groupe ne se mesure pas au degré de tolérance ou de non-tolérance dont il fait preuve, mais plutôt à la menace effective qu'il représente. Selon Popper, nous devrions revendiquer le droit d'interdire une action intolérante, si et seulement si, elle met en péril les conditions de possibilité de la tolérance.
Question subsidiaire : qui détermine le  "seuil de tolérabilité" et sur la base de quels critères ... ?

Ozias


Bonus...

Sources et articles relatifs :

https://www.arretsurimages.net/articles/charlie-hebdo-raciste-un-ancien-accuse-article11

https://gerflint.fr/Base/Chine2/demorgon.pdf

https://www.franceculture.fr/philosophie/doit-encore-tolerer-trump-ou-le-paradoxe-de-la-tolerance-applique-au-president-des-etats-unis

https://www.lemonde.fr/sante/article/2021/11/03/vapotage-les-vrais-millions-des-fausses-organisations-de-consommateurs_6100830_1651302.html

https://www.medecinsdumonde.org/fr/qui-sommes-nous/reduction-des-risques-rdr

https://images.math.cnrs.fr/La-bande-que-tout-le-monde-connait.html

Pour prolonger la réflexion : Dualisme et dualité :

https://fr.wikiversity.org/wiki/Concept_de_Dualit%C3%A9

https://fr.wikipedia.org/wiki/Dualisme_(philosophie)

lundi 8 novembre 2021

Toxicophobie


La toxicophobie se définit comme la stigmatisation juridique et morale des usagers et des usages de drogues. 

Il existe tout un corpus de poncifs au sujet des usagers de drogues et des toxicomanes validé médiatiquement autant qu'institutionnellement: les 'toxicos' seraient tou-te-s des menteurs/euses, des manipulateurs/trices, des pervers-es, des psychopathes, des gens indignes de confiance. Le but est d'inspirer de la honte aux usagers ainsi que la honte des usagers afin de dissuader ceux qui pourraient être tentés de consommer.
 
Aux yeux de la loi, comme de la majeure partie de l'opinion, le consommateur de drogues ne peut être perçu que comme comme un délinquant ou un malade. C'est l'image que répètent tous les films où des junkies en manque vendent père et mère pour une dose, où les fumeurs de crack assassinent, les fumeurs d'herbe tournent mal, et les amateurs de LSD finissent fous ou défénestrés. Au quotidien les journaux de province n'hésitent pas à faire un couplet sur l'automobiliste qui 'conduisait sous l'emprise de stupéfiants'  3 jours après avoir fumé un joint plutôt que sur celui qui s'est fait arrêter avec 2g d'alcool dans le sang.  Notons d'ailleurs que l'appellation de 'toxicomane' ne concerne pas les utilisateurs des psychotropes légaux nocifs et addictifs, que sont l'alcool et le tabac.

Le premier effet de la toxicophobie est d’invisibiliser les usagers de stupéfiants.
La majorité des usagers de stups et des toxicos est invisible. Elle ne se dit pas, ne se montre pas, car elle a très bien intégré la toxicophobie ambiante. Elle n’a le droit à aucune espèce de forme de réunion, de revendication, puisqu’elle n’a tout bonnement pas le droit d’exister.
La première conséquence est un manque de soins par peur des conséquences pénales en cas d'overdose, ou la peur du jugement du médecin traitant en cas de désagréments ou pour de simples informations. Le consommateur vit en permanence avec une épée de Damoclès au dessus de la tête et tant que la consommation sera criminalisée, son come-out est impossible à cause du risque d'être poursuivi, ou socialement ostracisé.  

Finalement, là où la vindicte populaire croit discriminer et mépriser la catégorie des usagers de drogues (ce qui est ouvertement légitimé), elle s’ acharne surtout -et comme d’ habitude- surtout sur la catégorie de ceux qui n’ont pas les moyens matériels de se cacher, de s’entretenir, et de s’intégrer.
Ceux qui sont 
sont le plus punis sont les plus démunis : les étrangers en situation irrégulière, les sans abris, les “accidentés” de la vie et les inadaptés du système.
Cette situation fait le bonheur de la politique du chiffre l’usage de stupéfiant constitue une proportion déraisonnable de l’activité policière tout en se tenant au service d'intérêts  politiques. La politisation des thèmes sécuritaires est une plaie. Ceux qui n'y connaissent rien imposent leur point de vue et leurs idées simples (taper toujours plus fort) alors que les solutions sont connues de tous les professionnels et par ceux qui sont concernés. 

La lutte contre la drogue et par extension contre les drogués, est en fait responsable de bien des méfaits qu’on attribue aux drogues elles-mêmes... L' esprit toxicophobe et prohibitionniste provoque bien plus de dégâts que les produits eux-mêmes.  Les politiques prohibitionnistes, qui consistent à rendre impossible la vie des usagers, ont fait énormément de tort. La criminalisation des consommateurs est une grossière erreur qui persiste en France. Il y a tellement d’exemples de la toxicité de ces politiques. Par exemple, aujourd’hui, quand on arrête une personne qui consomme de la drogue, elle peut en garder une trace dans son casier judiciaire pendant des années, cela l’empêche d’obtenir un job et de suivre le cours d'une vie normale. Combien de fugues d'adolescents, de séparations, d'overdoses évitables, de maladies ou de dépendances non traitées peut-on mettre au compte de la prohibition ?
Mieux vaudrait se tourner du côté de pays comme la Suisse, le Portugal, le Luxembourg qui adoptent une politique de réduction des risques pragmatique et bien plus efficace que le sacro saint "zéro tolérance".

Plus en amont, il y a énormément de biais dans la recherche scientifique. On fait dire aux données des choses que les données ne disent pas, notamment en ce qui touche aux comportements des consommateurs et aux problèmes physiologiques engendrés par les drogues. De nombreux scientifiques qui étudient les substances psychoactives exagèrent régulièrement l'impact négatif que la consommation de drogues récréatives a sur le cerveau. Ils taisent en revanche les effets bénéfiques que la consommation peut avoir (automédication, compensations). Ces scientifiques n'osent pas partager une telle perspective par peur des répercussions sur leur capacité à obtenir des subventions.
Dans son livre 'drugs for grown-up' (des drogues pour les adultes) Le neuro-scientifique Carl Hart dénonce les effets pervers de la criminalisation ainsi que les biais de la recherche sur l'usage des drogues.

La toxiphobie est si répandue, qu'on la retrouve retrouve au sein même des communautés d'utilisateurs. Par exemple, en milieux festifs, les injecteurs et les utilisateurs d'opiacés sont plutôt mal venus. On remarque le même phénomène quand il est question de la légalisation du cannabis, où de nombreux partisans distinguent 'drogues douces' et 'drogues dures'. Bref, la drogue des autres est toujours celle qui craint et qui fait peur.

Toute question liée à la drogue est actuellement traitée au travers d’un prisme idéologique qui diabolise sa consommation. Cela nous empêche de réfléchir correctement. Le simple fait de consommer des drogues ne constitue pas un risque ou un préjudice en soi. En réalité il n'existe que des produits et des personnes ayant chacun leurs caractéristiques et une histoire qu'il nous faut connaître avant de pouvoir juger.

Ozias


Un texte de référence:
http://sociologie-narrative.lcsp.univ-paris-diderot.fr/IMG/pdf/toxicophobie_mon_amour_anonyme_.pdf

Un blog sensible et documenté:


EGUS 2021

Cinquante ans de répression : bila, OFDT 

Médecine et réduction des risques

samedi 2 octobre 2021

Champignons fantastiques

Les champignons dans les imaginaires collectifs :

Article référent : https://publicdomainreview.org/essay/fungi-folklore-and-fairyland

James Sowerby's English Mushrooms (1803).
 The mushrooms 1, 2, and 3, are all liberty caps
Que ce soient les ronds de sorcière de champignons dans les prés ou bien Alice au Pays des Merveilles, les champignons sont volontiers associés au surnaturel et au féérique dans l'art et la littérature. Cela proviendrait il d'une connaissance ancienne des pouvoirs hallucinogènes des champignons ? 
Cet article de Mike Jay s'intéresse aux premiers trip reports dus aux champignons, et comment un champignon, en particulier, est devenue symbole du romantisme féérique victorien.

Psylocibes liberty caps
Le premier trip report avec psilo vient de Green Park à Londres le 3 octobre 1799. Comme cela arrive parfois encore, c'était par accident. 
Un homme nommé « J. S. » avait l'habitude de cueillir de petits champignons dans un parc et d'en préparer du bouillon pour sa jeune famille. Mais ce matin-là, une heure après le bouillon, tout a commencé à devenir étrange. J. S. a remarqué des taches noires et de drôles d'éclairs de couleur interrompant sa vision; il se sentait désorienté et avait des difficultés à se tenir debout et à se déplacer. Toute la famille se plaignait de crampes d'estomac et d'avoir les extrémités froides et engourdies. L'idée d'un empoisonnement aux champignons lui vint à l'esprit. Il partit titubant dans la rue pour chercher de l'aide, mais cent mètres après, il avait oublié où il allait, et fut retrouvé errant et dans un état totalement confus. Everard Brande, médecin prit en charge J. S. et sa famille. La scène dont il était témoin était si inhabituelle qu'il l'a longuement décrite puis publiée quelques mois plus tard dans The Medical and Physical Journal : "Respiration laborieuse, retournant périodiquement à la normale avant de s'accélérer dans une autre crise. Tous étaient obsédés par la peur de mourir, à l'exception du plus jeune, le fils de huit ans dont les symptômes étaient les plus étranges de tous. Il avait mangé une grande partie des champignons et était « attaqué de fous rires immodérés " que les menaces de ses parents ne parvenaient pas à maîtriser. Il semblait comme transporté dans un autre monde, d'où il ne revenait que  pour dire des bêtises rapport à ce qui lui avait été demandé ".
C'était une intoxication aux Psilocybe semilanceata, autrement appelés 'liberty caps', des  «champignons magiques » qui poussent un peu partout en Grande-Bretagne chaque automne. 

L'illustrateur botanique James Sowerby, qui rédigeait son ouvrage phare Colored Figures of English Fungi or Mushrooms (1803), a spécialement rendu visite à J. S. pour identifier l'espèce en question. L'illustration de Sowerby (en tête de cet article) montre 3 Liberty caps, et une espèce similaire d'apparence  du genre Stropharia. Dans sa note d'accompagnement, Sowerby souligne que c'est la variété à tête pointue («avec le pileus acuminé») qui «s'est presque avérée fatale à une famille de Piccadilly, à Londres, ayant commis l'imprudence d'en consommer en quantité pour son repas".

  Omniana , un dictionnaire de choses naturelles, publié en 1812, décrit un « champignon commun, qui représente si exactement le poteau et le bonnet de la Liberté qu'il semble offert par la Nature elle-même comme l'emblème approprié du républicanisme gaulois ». Le bonnet phrygien porté par les esclaves affranchis dans l'empire romain, est devenu une icône de la liberté politique à travers les mouvements révolutionnaires des XVIIe et XVIIIe siècles. On retrouve ce bonnet de la liberté hissé au sommet de mâts dans l'iconographie révolutionnaire . Il aussi apparaît sur une médaille battue pour commémorer le 4 juillet 1776, sous la bannière LIBERTAS AMERICANA, et il a été porté pendant la Révolution française par les sans-culottes comme signe de ralliement. Ce sont ces ressemblances et non les propriétés psychoactives du champignon, qui ont conduit le baptiser "Liberty cap" (bonnet de la liberté).


Les aventures d'Alice témoignent elles d'une auto-expérimentation des champignons hallucinogènes ?

Au XIXème siècle, parallèlement à un intérêt scientifique croissant pour les toxiques et hallucinogènes, tout un corpus de traditions féeriques associait les champignons vénéneux aux elfes, aux lutins, à un monde peuplé d'esprits de la nature. Les ressemblances de ce monde avec celui engendré par les plantes psychédéliques des cultures Amérindiennes,  qui utilisent les champignons à psilocybine  depuis des millénaires, sont flagrantes. 

Sous son apparence innocente l'iconographie féerique victorienne conduirait elle à une tradition cachée des connaissances psychédéliques ? Lewis Caroll, par exemple – était-il conscient du pouvoir de certains champignons  ?  Peut-être a t'il même écrit à partir d'une expérience personnelle ?
Les scènes "psychédéliques" d'Alice sont très célèbres. Alice, au fond du terrier du lapin, rencontre une chenille assise sur un champignon, qui lui dit d'une « voix langoureuse et endormie » que le champignon est la clé pour naviguer dans son étrange voyage : « un côté vous fera grandir, l'autre côté vous fera devenir plus petit ». Alice prend un morceau de chaque côté du champignon et entame une série de transformations vertigineuses de taille, s'élançant dans les nuages ​​avant d'apprendre à maintenir sa taille normale en mangeant des bouchées alternées. Tout au long du reste du livre, elle continue de manger du champignon : pour entrer dans la maison de la duchesse, approcher le domaine du Lièvre de Mars, et, point culminant, avant d'entrer dans le jardin caché avec la clé d'or.

Depuis les années 1960, Alice au pays des merveilles est considéré comme un guide ésotérique des mondes psychédéliques - le plus célèbre illustration en est la chanson de Jefferson Airplane "White Rabbit" (1967), qui évoque le voyage d'Alice comme une découverte de soi où les conseils obsolètes des parents sont transcendés par des conseils reçus de l'intérieur en "nourrissant votre conscience". Mais cette interprétation est souvent critiquée par les spécialistes de Lewis Carroll. Pourtant les drogues et les états de conscience modifiés exerçaient une fascination sur L.Carroll qui lisait beaucoup sur le sujet. Cet intérêt était stimulé par sa propre santé délicate - insomnie et migraines fréquentes - qu'il traitait avec des remèdes dérivés de plantes psychoactives telles que l'aconit et la belladone. Sa bibliothèque comprenait des livres sur les plantes ainsi que des textes sur les drogues psychotropes, notamment le recueil complet de F. E. Anstie, Stimulants and Narcotics (1864). Il fut aussi très intrigué par la crise d'épilepsie d'un étudiant d'Oxford à laquelle il était présent, et en 1857, il visita l'hôpital St Bartholomew à Londres afin d'assister à une anesthésie au chloroforme, une nouvelle procédure qui avait attiré l'attention du public quatre ans auparavant lorsqu'elle a été administrée. à la reine Victoria pendant l'accouchement. 
L'érudit Michael Carmichael a démontré que, quelques jours avant de commencer à écrire Alice, L.Carroll a fait son unique visite à la bibliothèque d'Oxford, où une copie de l'enquête sur les drogues récemment publiée par Mordecai Cooke "Les Sept Sœurs du sommeil (1860)" venait d'être déposée. L'exemplaire d'Oxford de ce livre a encore la plupart de ses pages non coupées, à l'exception de la table des matières et du chapitre sur l'amanite tue-mouche, intitulé « L'exil de Sibérie ». Carroll s'intéressait aussi particulièrement à la Russie et c'est l'unique pays qu'il ait jamais visité en dehors de la Grande-Bretagne. Et, comme le dit Carmichael, Carroll « aurait été immédiatement attiré par les Sept Sœurs du Sommeil  pour une raison évidente : il avait sept sœurs et il fut insomniaque toute sa vie » !

Avec le romantisme, l'intérêt pour les cultures traditionnelles s'était étendu à tout le folklore européen. Une nouvelle génération de collecteurs, comme les frères Grimm, se rendit compte que l'exode rural effaçait avec une rapidité alarmante des siècles d'histoires folkloriques, de chants et d'histoires orales.  La tradition féerique victorienne était imprégnée d'une sensibilité romantique pour laquelle les traditions rustiques n'étaient point grossières et arriérées mais pittoresques et presque-sacrées, une évasion de la modernité industrielle vers une ancienne terre d'enchantement paganique. Ce vieux fond de traditions païennes permettait aux artistes d' explorer avec audace des thèmes sensuels. C'est alors que fleurirent les images d'elfes vivant sur les champignons jusqu'à devenir emblématiques du monde féérique victorien.

Amanita Muscaria
Mais finalement le champignon star du pays des merveilles ne fut pas le liberty cap mais la plus spectaculaire amanite tue-mouche  (Amanita muscaria). L'amanite tue-mouches est psychoactive aussi mais contrairement au Liberty Cap, qui délivre de la psilocybine, l'amanite contient un mélange d'alcaloïdes - muscarine, muscimol, acide iboténique - aux effets plus imprévisibles et toxiques. 


Au XVIIIe siècle, des explorateurs suédois et russes ont rapporté de Sibérie des récits sur les chamanes, leur possession par les esprits et la prise d'amanites ; mais c'est un polonais nommé Joseph Kopék qui le premier, en 1837, a publié le récit de son expérience avec l'amanite tue-mouches.

Vers 1797, après avoir passé deux ans au Kamtchatka, Kopék tomba malade avec de la fièvre et un habitant lui parla d'un champignon « miraculeux » qui le guérirait. Il manga la moitié d'une amanite et tomba dans un rêve intense. « Comme magnétisé », il fut entraîné à travers « les plus beaux jardins où seuls le plaisir et la beauté semblaient régner » ; de belles femmes vêtues de blanc le nourrissaient de fruits, de baies et de fleurs. Il s'est réveillé après un sommeil long et réparateur puis a pris une seconde dose plus forte qui l'a précipité dans le sommeil lui laissant le sentiment d'un voyage épique dans un autre monde. Il revit des pans de son enfance, retrouva des amis de toute sa vie et prédit même  l'avenir avec une telle confiance qu'un prêtre fut appelé pour en témoigner. Il conclut l'expérience avec ce défi à la science : « Si quelqu'un peut prouver que l'effet et l'influence du champignon sont inexistants, alors je cesserai d'être le défenseur du champignon miraculeux du Kamtchatka ».

Vous voudrez peut être, vous aussi, en apprendre plus sur ces champignons fantastiques voici quelques sites qui m'ont paru intéressants:

Plus sur l'amanita muscaria (amanite tue-mouche):

Le site d'une spécialiste de l'amanite muscaria:

https://www.amanitadreamer.net/

Un brevet sur la décarboxylation (c'est du sérieux, mais reste à savoir comment ça marche et pour ça faudra essayer !...)

https://patents.google.com/patent/US20140004084A1/en

Une société (secrète ?) spécialiste du champignon :

https://vdocuments.net/amanita-muscaria-herb-of-immortality-donald-e-teeter.html

A propos du microdosage de l'amanite tue-mouches

https://psychedeliques.home.blog/2020/04/23/decoction-et-microdosing-damanite-tue-mouche-recette-damanita-dreamer/

En tout cas, la puissance du champignon ne fait pas de doute. Mieux vaut se tenir à l'écart d'un tel champignon quand on ne connait ni les doses ni les effets ! Be safe !!

Plus sur les psilocybes lancéolés (liberty caps) ou psilocybe semilanceata

Un article de synthèse sur ce blog https://emagicworkshop.blogspot.com/2022/10/mycologie-doctobre.html

Comment les identifier ???

https://www.youtube.com/watch?v=OkdWanAy3r8

Où poussent ils et quand ? 

https://www.magicmushroommap.com/

Bravo pour votre intérêt mycologique pour ces deux champignons fantastiques. Je rappelle que le ramassage et la consommation des liberty-caps sont interdits en France et que l'amanite tue-mouche est une champignon toxique, même à faible dose . Be sharp ! keep safe !!

Ozias