mercredi 28 novembre 2018

arabesques

L'Islam, un art psychédélique ?

Devant la décoration des mosquées on est frappé par le labyrinthe des ornements géométriques qui en composent les décors.  En effet, afin de préserver la pureté du monothéisme et d'éviter toute forme d'idolâtrie, l'islam considère que toute représentation d'être possédant une âme est illicite. Toute forme de représentation est donc bannie alors que la répétition et l’enchevêtrement de motifs géométriques sont censés donner une idée de la grandeur d'Allah et de l'univers qu'il a créé. 

Ce qui frappe aussi, c'est que ces répétions de motifs géométriques colorés font souvent penser aux paysages mentaux que l'on voit fréquemment en fermant les yeux après avoir consommé des produits psychotropes tels que du cannabis, ou de la psilocybine. 
On sait bien que le haschich a joué un rôle important dans la pratique du soufisme qui est une branche mystique de l'Islam. Déjà au XIIIème siècle,le botaniste Ibn Baitar témoigne que la prise de haschich était un élément du culte Sufi servant à rapprocher les fidèles de leur Dieu. Dans son recueil  'la Connaissance par les gouffres, Henri Michaux, poète et psychonaute écrit justement en parlant des minarets des mosquées 'Ce n'est pas l'Orient qui donnait ces formes, si exagérément minces, effilées. C'étaient ces formes amincies qu'avaient vues et tenté de copier les architectes orientaux, persans et arabes. Le chanvre a fait "les minarets", en a montré la direction à des gens qui l'ont suivie qu'à moitié ou plutôt au dixième."





“Allah is beautiful and he loves beauty.”

Il est clair que la recherche de la beauté est un thème central pour Islam. Mais le goût pour les arabesques et les patterns géométriques n'est pas propre à l'Islam et soulève cette question de comprendre pourquoi de telles formes sont si agréables à nos yeux.

Pour l'homme préhistorique, déjà les formes géométriques décoraient les grottes.

De très sérieux scientifiques (Tom Froese, Alexander Woodward and Takashi Ikegami pensent que les décorations des grottes pariétales ont été produites par des chamans sous emprise de drogues hallucinogènes. En effet, en étudiant 40000 ans d'art pariétal ils ont remarqué que l'on retrouve sur les murs de grottes distantes de milliers de kilomètres les mêmes motifs géométriques appelés "instabilités de Turing". Le plus troublant est que ces motifs eux-mêmes semblables à ceux décrits par les témoignages des utilisateurs de plantes ou champignons aux propriétés psychoactives. Les motifs géométriques de type psychédéliques semblent donc être un fond commun que partage et apprécie l'humanité depuis qu'elle existe.




D'après le neurologue Oliver Sacks, si les répétitions de motifs géométriques plaisent, cela pourrait être en quelque sorte, 'par construction' , dans le sens où ces motifs géométriques sont à l'image de l'organisation même du cerveau. 

Les hallucinations géométriques que l'on peut ressentir après la prise de produits psychoactifs seraient donc des projections des structures géométriques de notre cerveau.  Ainsi, nous trouverions beau l'agencement de motifs géométriques complexes car il nous rappellerait l'agencement de notre propre cerveau, un miroir de nous même en quelque sorte.
Voilà, en tout cas, qui expliquerait pourquoi les motifs géométriques sont largement appréciés depuis l'aube de l'humanité.

La morale de cette histoire, c'est que l'homme a toujours aimé l'art, mais qu'il a aussi toujours aimé les drogues.

Ozias

Sources : Divers articles de Sam Wolfe  et autres références ci-dessous

dimanche 4 novembre 2018

Psychédéliques

DMT-inspired artwork by SalviaDroid
Étymologiquement, psychédélique provient du grec ancien ψυχή = psychẽ « âme », et δηλοῦν = dẽloun « rendre visible, montrer ». L'adjectif psychédélique signifie donc "qui rend visible l'âme"

Notre société monophasique réduit la pensée a sa dimension rationnelle tandis que des sociétés multiphasiques,par exemple les sociétés traditionnelles africaines ou indiennes, considèrent que les états modifiés de conscience font partie de toute expérience du réel. 

Si la plupart des psychiatres ne voient dans la prise de psychédéliques qu'une intoxication et conçoivent les trips comme des psychoses 'sur demande', d'autres pensent que les consommations de drogues enthéogènes telles la psilocybine, le LSA, ou l’ayahuasca sont à l'origine de l'invention des religions  (Julien Bonhomme, anthropologue). 
De toute évidence, les états de conscience modifiés à l'aide de psychotropes permettent d'aller plus loin dans nos représentations et même notre compréhensions des choses. L'expérience mystique que procurent les substances psychédéliques ou enthéogènes apporte des informations, des 'connaissances' utiles pour gérer nos rapports avec le surnaturel, le passé, la mort. Enfin, la prise ritualisée de psychédéliques permet de constituer et de souder la communauté des utilisateurs autour d'une expérience à la fois spirituelle, intime et partagée.

Les psychédéliques ont longtemps été ignorés et écartés par la communauté académique médicale en tant que sujet de recherche, au nom d'un positionnement qui tient plus compte des peurs collectives du corps social que d'une approche rationnelle. 
Au XXème siècle les moralistes occidentaux ont imposé au reste du monde la prohibition et déclaré la guerre à la drogue et aux drogués.
Aujourd'hui encore, la plupart des débats sur les drogues portent sur les addictions, les risques sanitaires, la délinquance économique et la criminalité sans jamais évoquer les dimensions de plaisir, de connaissance, ou de dépassement de soi qui expliquent l'usage immémorial des psychotropes.


Le retour, (recours ?)  aux plantes et aux substances psychédéliques est re-apparu dans notre société autour des années 68  lorsque des "tribus d’indiens métropolitains" ont cherché à échapper aux limites d'une connaissance réduite à la dimension rationnelle. 
Expérimentées en psychiatrie dans les années 1940-60, remplacées par les neuroleptiques à la faveur du prohibitionnisme, les substances psychédéliques semblent faire ces dernières années un retour dans les psychothérapies.
Après cinquante ans de guerre inutile contre la drogue, et au delà de l'approche moraliste et prohibitionniste construite par les institutions, des anthropologues et des psychiatres, portent des regards nouveaux sur les substances psychédéliques, leur potentiel thérapeutique et leurs usages dans notre société.
 
Voici donc une conférence enregistrée en janvier 2018 qui réunissait Vittorio Biancardi, anthropologue, doctorant EHESS, Christian Sueur, psychiatre, David Dupuis, anthropologue, post-doctorant Durham University, Vincent Verroust, historien des sciences, doctorant EHESS. 
"Sans tomber dans le prosélytisme, il faut se rendre à l'évidence : certaines drogues sont un catalyseur inépuisable d'images mentales, doublées d'une centrifugeuse de plaisirs inconnus et de sensations inouïes. Et c'est précisément parce-qu’elles sont inouïes qu'elles suscitent un tel engouement. Dans cette réalité "dissociée" à laquelle expose la prise de certains stupéfiants, une infinie variété de mondes perceptifs se font subitement jour. Des mondes diffractés, fractionnés et emboités les uns dans les autres - et non plus un monde. L'unité s'y conçoit par la multiplicité et la dispersion, à travers les modalités d'une schizotopie. Le hiatus entre le réel et l'irréel s'estompe sans que l'un ne dicte sa loi à l'autre. L'environnement de la consistance que nous appelons réalité se révèle être une sorte de fond sans fond, un principe premier, une entité qui n'est elle même pas fondée, un élémennt de la pensée que la logique ne peut appréhender."  

"Plutôt que l'expression d'un solipsisme exalté ou d'un principe de transcendance, qui expose tôt ou tard à l'aliénation ou à la crise mystique , l'expérience psychédélique doit être envisagée à la fois comme recherche éthique et principe d'irraison. De par les vertus à la fois introspectives et dissociatives, elle aide à reconsidérer l'existence sous le prisme d'un panpsychisme (philosophie proche de l'animisme, selon laquelle tout ce qui existe et vit possède une âme) ou d'un hylozoïsme (doctrine qui soutient que la matière est dotée de vie par elle même). Les altérations perceptives qu'elle déclenche ne doivent plus être envisagées comme pathogènes, mais inhérentes au vivant. La doctrine psychédélique n'a rien d'un doux délire d'illuminés, elle participe, au contraire d'un matérialisme rigoureux tout en ouvrant des espaces de liberté inconnus. Il ne tient qu'à chacun de la mettre en oeuvre au sein d'une réalité tangible -celle que nous partageons tous, et qui nous rappelle à notre fragile condition d'être humain.

Après le Psychédélisme : dépasser l'entendement. Julien Bécourt. Revue Audimat #10. 2018 

Pour la petite histoire : https://societepsychedelique.fr/fr/blog/histoire-de-la-decouverte-de-quelque-hallucinogenes

Trip report: compte rendu d' expérience psychédélique :
 https://www.psychoactif.org/forum/t38779-p1-synesthesie-etat-pur.html?fbclid=IwAR3u6s_mFg_eCU5Gf2zvyjWjVe383SI6YiqMLZRuRxkgIxRl-zBloxZgxog

Pub ! https://psychedelicsociety.org.uk/experience-retreats
https://synthesisretreat.com/

un blog calé : https://froufrouettransendance.wordpress.com/2019/03/20/outils-chamaniques-le-psilo-et-la-ceremonie/