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Howard Lefthand |
Cynthia Fleury est philosophe et psychanalyste. Pas étonnant donc que son dernier livre 'Les irremplaçables' se place à la croisée de l'intime et du politique. 'Les irremplaçables' raconte comment le pouvoir et ses systèmes d'évaluation s'y prend pour nous “exproprier de notre propre expérience”. Dans son livre Cynthia Fleury définit l'individuation, comme le tissage des liens que l'individu établit avec le réel. Pour l'auteur, l'irremplaçabilité n'est autre que la porte d'entrée du réel. Le pouvoir, lui cherche à détruire les capacités d'individuation de chaque individu ou plutôt de nous faire croire que notre individuation nécessite un strict individualisme.
La première partie du livre étudie et définit l'individuation et l'irremplaçabilité. La seconde pose la question de la légitimité de l'exercice du pouvoir et des conditions de son maintien tandis que le dernier chapitre (en cours de lecture) traite de l’éducation.
Les analyses du pouvoir, qui occupent le cœur du livre, sont particulièrement pertinentes et subversives. Exemples et extraits "Si l'exploitation capitaliste génère si peu de révoltes, c'est parce qu'elle capte, plus encore que les richesses, l'attention des individus. Les individus sont distraits, divertis au sens pascalien. Ils sont pleinement occupés à ne pas penser car la non pensée est une jouissance. Si les sujets ne sont pas dans la lutte, c'est qu'ils n'ont pas le temps de la mener."(p103).
Cynthia Fleury démonte la dé-verbalisation orwellienne du langage 'Les acronymes, les mots amputés permettent "d'économiser du temps" : Parler plus vite pour ne pas penser ce que l'on dit' .../... 'Le fascisme n'est pas d'empêcher de dire, c'est d'obliger à dire'. Elle décortique la condition du courtisan dans laquelle le pouvoir enferme chacun d'entre nous. "Aujourd'hui la cour s'est indifféremment agrandie aux champs professionnels, privé ou culturel. Il n'est pas demandé à l'individu d'être le courtisan d'hier . Il faut être quelqu'un, et être flexible. Donner l'apparence du nom et de l'irremplaçable, mais bien veiller également à être remplaçable pour éviter d'être taxé de rigidité pathologique. .../... La vérité ancestrale de la cour reprend la main dans le champ actuel du capitalisme : n'être quelqu'un qu'à la condition d'être au service de l'autre, l’intéresser au sens où l'on fait siens ses intérêts, soi même croyant protéger ainsi ses propres intérêts, et dans le piteux calcul, y perdre le peu de de soi qui reste, et le peu de (lien à) l'autre dont l'altérité n'a jamais fait sens ni joie. Cynthia Fleury s'attaque aussi au système d'évaluation qu'elle compare au pénitencier Panopticon de Bentham : l'individu enfermé seul au milieu de tous les autres sous le regard du pouvoir invisible qui le contrôle." L'idéologie de l'évaluation est une forme de continuation du panoptique. Celle qui s'affiche sous la bannière de l'égalitarisme et de la méritocratie est en fait l'opposé du paradigme de l'émancipation." (p136). Voir à ce sujet l'article suivant : http://emagicworkshop.blogspot.fr/2015/11/evaluations.html
Les Irremplaçables est un ouvrage de réflexion accessible et salutaire dans notre "monde social où la passion pour le pouvoir prévaut comme s'il était le nom du réel".
Je vous souhaite de trouver le trouver le temps de le lire.
'Sapere aude' !
(ose penser !)
Ozias
(Lecture novembre 2015)
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Pénitencier Panoptique
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