Mon parfum pour l'hiver. A Goutal |
En se dressant sur ses jambes l'homme s'est éloigné de la source des odeurs. Le nez reste pourtant le poste avancé de la perception. Comme le souligne l'expression 'à vue de nez', l'odorat est le sens premier. L'odorat est en effet le seul sens où les terminaisons des neurones sont en contact direct avec l'extérieur. Techniquement, la reconnaissance des odeurs se fait grâce au système des récepteurs olfactifs (l'épithélium olfactif contenant les neurones olfactifs) situés dans le toit des fosses nasales. Cette petite zone d’à peine 2 cm2 qui reçoit l’odeur, est une voie directe vers les zones intimes du cerveau. Ensuite, les odeurs sont interprétées dans des régions liées aux souvenirs et aux émotions. L'olfaction est un sens essentiel une part importante de notre génome (environ 5%) est exclusivement consacrée au système olfactif.
Au commencement,les odeurs étaient une question de survie, de vie ou de mort. En détectant la présence de molécules soufrées ou ammoniaquées liées à la décomposition, l'odorat permettait d'éviter l'empoisonnement. Aujourd'hui encore, les plus personnes privées d'odorat courent le risque de ne pas détecter une fuite de gaz ou de consommer des produits avariés.
Les odeurs en elle même n'existent pas. C'est la forme même des molécules dissoutes dans l'eau du mucus de nos fosses nasales que nous détectons lorsque ces molécules entrent en contact avec celles de nos récepteurs. Ainsi, chaque odeur est une création virtuelle et particulière qui nous est propre.
Pour un enfant de moins de cinq ans il n'y a pas de mauvaises odeurs. Alors que les souriceaux prennent la fuite en percevant une odeur de chat (sans jamais avoir croisé la route d’un félin de leur vie), il n’y aurait pas de consensus chez l’être humain, pas de bombe olfactive connue. Tout laisse à penser que les préférences olfactives découlent directement du vécu, y compris le vécu 'in utero', de chaque personne. Ainsi l’odeur de fromage est insupportable pour les Thaïlandais, alors qu’ils apprécient l’odeur des plats de poisson fermenté dont les senteurs font fuir les Occidentaux.
Les odeurs ont la vie dure ainsi, le mammouth qu'on décongèle retrouve son odeur sui generis, un tombeau étrusque récemment découvert avait conservé l'odeur de l'encens pendant des millénaires. Les souvenirs olfactifs ont la peau dure est savent ressusciter le passé mieux que n'importe quel autre sens. La spécificité de l’olfaction réside dans son formidable pouvoir d’évocation. Ce phénomène est bien connu sous le nom de Syndrome de Proust, en référence à un passage de son roman A la recherche du temps perdu, dans lequel le goût d’une petite madeleine trempée dans son thé transporte le narrateur dans sa petite enfance. Véritables catalyseurs de souvenirs, les odeurs renvoient aux souvenirs des événements qui leur sont associés. Les sensations olfactives font ainsi revenir des souvenirs très anciens – souvent liés à la petite enfance et chargés d’émotions.
Le plus surprenant est que cet exceptionnel pouvoir d’évocation s’accompagne d’une extrême difficulté à identifier et à décrire les odeurs. Tant un cube rouge est facile à décrire, autant l’odeur du frésia est difficile à exprimer… L’explication : "C’est tout simplement que les voies de l’olfaction ne sont pas connectées avec les centres du langage", rappelle Jean-Didier Vincent. La description d'un parfum, est donc résolument pifométrique et synestésique.
« Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Mon parfum d'été : "Unum" de Lavs |
Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens. »
C. Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857.
«Odeur de foin: diabète»; «De pain cuit: scarlatine»; «De musc: hépatite». La liste des odeurs associées à des maladies est longue, comme en témoigne une édition du Larousse médical du début du XXe siècle. En fait, cette pratique remonte au moins à l’Antiquité, lorsque médecins grecs et romains examinaient les humeurs du malade aussi bien avec leurs yeux qu’avec leur langue ou leurs narines. Mais par la suite, l’odorat a été négligé par rapport aux autres sens. Que de nos jours un médecin écoute le bruit de l’air pénétrant dans nos poumons, cela n’étonne personne. Mais qu’il tente d’établir un diagnostic en reniflant l’air expiré entraînerait une toute autre réaction! Vous même, n'avez vous pas déjà repéré l'odeur de la mort, particulière et tenace.
Le parfum est rare, le parfum est précieux, le parfum est noble. Aux âges bibliques, le parfum réservé à Yahvé était interdit au peuple sous peine de bannissement. (Exode 30,34-37). Le roi Ozias lui même a appris à ses dépens le prix du parfum sacré :
".../...lorsqu' Ozias fut puissant, son coeur s'éleva pour le perdre. Il pécha contre l'Eternel, son Dieu: il entra dans le temple de l'Eternel pour brûler des parfums sur l'autel des parfums. Le sacrificateur Azaria entra après lui, avec quatre-vingts sacrificateurs de l'Eternel, hommes courageux, qui s'opposèrent au roi Ozias et lui dirent: Tu n'as pas le droit, Ozias, d'offrir des parfums à l'Eternel! Ce droit appartient aux sacrificateurs, fils d'Aaron, qui ont été consacrés pour les offrir. Sors du sanctuaire, car tu commets un péché! Et cela ne tournera pas à ton honneur devant l'Eternel Dieu. La colère s'empara d'Ozias, qui tenait un encensoir à la main. Et comme il s'irritait contre les sacrificateurs, la lèpre éclata sur son front, en présence des sacrificateurs, dans la maison de l'Eternel, près de l'autel des parfums.…"
Bible Louis Segond. Chronique2-26.
Poème :
Le parfum (Charles Baudelaire)
Lecteur, as-tu quelquefois respiré
Avec ivresse et lente gourmandise
Ce grain d'encens qui remplit une église,
Ou d'un sachet le musc invétéré ?
Charme profond, magique, dont nous grise
Dans le présent le passé restauré !
Ainsi l'amant sur un corps adoré
Du souvenir cueille la fleur exquise.
De ses cheveux élastiques et lourds,
Vivant sachet, encensoir de l'alcôve,
Une senteur montait, sauvage et fauve,
Et des habits, mousseline ou velours,
Tout imprégnés de sa jeunesse pure,
Se dégageait un parfum de fourrure.
Romans :
Le Parfum, de Patrick Süskind :
Jean-Baptiste Grenouille, le personnage central du roman, est né à Paris en 1738, au milieu des relents de la poissonnerie de sa mère.
A travers une jeunesse misérable et une adolescence perturbée pendant lesquelles il s'ouvre au monde de l'odorat comme nul n'en est capable. Il ira même, à l'âge de quinze ans, jusqu'à tuer une jeune fille pour en posséder le sublime parfum.
Après avoir développé son art de la parfumerie à Paris et rendu riche le propriétaire qui l'employait, Jean-Baptiste Grenouille traverse la France à pieds et atteint Grasse 7 ans plus tard. Seul durant tout ce temps, il est alors dégoûté des hommes et de leurs odeurs, et a même perdu la sienne!
Enfin arrivé, Jean-Baptiste étudie à nouveau la parfumerie et l'art de capter les fragrances délicieuses qu'il trouve dans la nature. Et il va ainsi capturer les odeurs de nombre de jeunes filles innocentes qui seront aussi toutes assassinées...
L'Odeur, de Radhika JHA :
C’est grâce à ce sens, particulièrement aiguisé chez elle, que la jeune fille, timide et révoltée, appréhende l’univers qui l’entoure : « En moins d’une minute, la pièce se remplit de l’odeur chaude de l’ail et du gingembre. Elle tissait à mes sens comme une couverture de velours et me plongeait dans une pesanteur et une langueur nouvelle. […] L’odeur de la bouillie d’épices me donnait faim et me comblait en même temps. […] »Lîla invente des recettes que lui souffle son instinct olfactif, communique avec les gens selon les effluves qu’ils dégagent et découvre le plaisir dans les bras d’un homme « qui sent le saucisson ». Pourtant, en dépit de ses dons culinaires, de sa beauté qui séduit toute la gent masculine, la jeune fille ne parvient pas à s’épanouir, car son nez délicat peut devenir son pire ennemi… Notamment lorsqu’il lui renvoie une odeur épouvantable qui se révèle être la sienne.
C’est grâce à ce sens, particulièrement aiguisé chez elle, que la jeune fille, timide et révoltée, appréhende l’univers qui l’entoure : « En moins d’une minute, la pièce se remplit de l’odeur chaude de l’ail et du gingembre. Elle tissait à mes sens comme une couverture de velours et me plongeait dans une pesanteur et une langueur nouvelle. […] L’odeur de la bouillie d’épices me donnait faim et me comblait en même temps. […] »Lîla invente des recettes que lui souffle son instinct olfactif, communique avec les gens selon les effluves qu’ils dégagent et découvre le plaisir dans les bras d’un homme « qui sent le saucisson ». Pourtant, en dépit de ses dons culinaires, de sa beauté qui séduit toute la gent masculine, la jeune fille ne parvient pas à s’épanouir, car son nez délicat peut devenir son pire ennemi… Notamment lorsqu’il lui renvoie une odeur épouvantable qui se révèle être la sienne.
http://isabelle.giffard.free.fr/france/livres/romans.html
Un Blog très au parfum: dr-jicky-and-mister-phoebus
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