Aujourd'hui, voyager au bout du monde est devenu impossible et le réel disparaît sous des tonnes de fake-news et des avalanches de story-telling. Ce qui nous reste à découvrir, ce qui aura toujours du sens, est à l'intérieur de nous.
Dans ce contexte, et alors que de nombreux pays ont redémarré la recherche et les essais cliniques avec les psychédéliques, le voyage psychédélique à l'aide de produits tels que LSD, LSA, psilocybes, ou DMT constitue un moyen radical d'échapper, au moins pendant quelques heures, au triangle Boulot-Dodo-Conso.
Les produits psychédéliques permettent d'explorer notre conscience et nous ouvrent l'accès aux mondes de 'hyperespace. Comme dans tout voyage, pour que tout se passe bien, un minimum de préparation est nécessaire, c'est ce que Tim Leary, guru du LSD dans les années 60, a formalisé sous les vocables de "set (état d'esprit) and setting (environnement) " du trip. L'ambiance, et l'humeur, dans lesquelles se déroule le voyage ont une influence déterminante sur son contenu, et c'est ce que je rappelle ici :
Le plus important d'abord : Ne jamais se laisser 'forcer la main'. Tripper est une expérience personnelle, la décision de tripper est un choix personnel !
Côté 'Set' . Le 'Set' concerne le sujet qui se prête à l'expérience psychédélique (son état d'esprit, sa disponibilité, son histoire, ses antécédents, sa culture, ses expériences précédentes). Pour bien tripper, mieux vaut se sentir serein. Si l'on est en groupe, il faut se sentir en accord avec le groupe, éviter d'être en délicatesse ou même en concurrence avec une personne du groupe. Par exemple sous LSD, et souvent en phase de descente, certaines personnes ont l'impression qu'on les observe, qu'on parle d'eux.
Côté 'Setting' Le but du setting est de se sentir en sécurité, car en trip les petites mésaventures du quotidien peuvent vite devenir insurmontables. Par exemple vous pouvez oublier les moustiques le temps d'un trip, mais les moustiques eux ne vous oublieront pas. Pour cela, on va se préparer et prendre soin de l'environnement matériel dans lequel se déroule le trip, pour en faire un lieu préservé à la fois nid (qui protège) et base spatiale (d'où l'on part, où l'on revient). La première des choses est de ne rien avoir à faire pendant toute la durée du trip et durant la journée qui suit.
Si possible, manger une heure ou deux avant de consommer (sauf pour les champis où il vaut mieux avoir le ventre vide), car les psychédéliques ouvrent rarement l'appétit, mais le cerveau et le corps auront besoin de glucose et de nutriments pour éviter malaises, crampes et autres désagréments. Si vous dansez, pensez également à vous hydrater régulièrement en évitant de forcer sur l'alcool.
L'environnement sera choisi en fonction du produit consommé et de l'intention de l'expérience. Pour voyager au cœur de vous-même privilégiez un setting très calme et propice à l'introspection. Un sofa, une couverture, un casque sur les oreilles et un masque sur les yeux par exemple. Si vous vous sentez inspiré, munissez vous d'un stylo et d'un carnet pour noter les enseignements reçus ou les commentaires que vous voulez retrouver.
Pour tripper en extérieur, choisissez des vêtements confortables qui permettront de rester au sec et de ne pas avoir froid. Privilégiez les poches amples et qui ferment. Un petit sac à dos, ou une banane peuvent être bien utiles. Rangez soigneusement vos affaires car l'important est de ne rien perdre, de ne pas passer la soirée à chercher une clé, ou le papier à rouler. Pensez à charger votre téléphone. En extérieur, une batterie externe est bien utile. Préparez vos playlists, votre bouteille d'eau, roulez vos pétards à l'avance.
Même pour un usage récréatif, en festival, il est bon d'avoir un lieu où se poser et garder ses affaires, une tente, un duvet, une lampe. Pour les déplacements, pensez au vélo, à la marche à pied (sauf la nuit en bord de falaise) et ne conduisez surtout pas. Par contre une montre ou un moyen d'avoir l'heure peut être rassurant car la perception du temps est complètement modifiée par l'expérience. Certains notent au creux de leur main l'heure à laquelle ils ont gobé. Cette balise permet de savoir où l'on en est du trip et de se souvenir que tout ça ne durera pas indéfiniment.
Tenir compte du bodyload propre au produit. Certains produits ne permettent ni de bouger ni de parler (DMT), d'autres peuvent causer des nausées ou des vertiges (champignons, LSA...).
La notion de "respect" du produit est également importante. Respecter la drogue, c'est avant tout comprendre qu'elle n'est pas anodine, qu'elle modifie notre perception, et donc qu'on ne peut pas la contrôler. Il ne s'agit pas de chercher à prendre le dessus sur elle, mais de chercher à s'y abandonner en toute sécurité. Autour de vous, n'essayez jamais de convaincre, ou d’administrer un produit à son insu à quelqu'un qui ne serait pas clairement prêt à tenter la même expérience que vous. Vous pouvez même faire du moment de l'ingestion un moment sacré car c'est toujours un moment de vérité, de courage et de choix.
Une autre dimension de l'expérience est celle de l'Intention que l'on pose avant le trip en espérant diriger le trip et recevoir des enseignements du produit. Même s'il est impossible de diriger son trip, on peut définir ses attentes avec précision afin d'aborder ces questions dans le courant du trip. A partir de là des enseignements viendront,... ou pas.
Voici quelques exemples d'intentions, ou de raisons de tripper, qui me parlent plus ou moins :
- Accès à des états de méditation profonds, découvrir et voyager dans l'hyperespace
- Lâcher prise et accueillir en nous le monde extérieur
- Augmenter mon empathie et ma facilité à me mettre à la place de l'autre
- Accéder à des visions esthétiques, ou spirituelles
- Améliorer sa créativité, visualiser, se représenter des phénomènes complexes
- Apprendre à s'apprécier, à s'estimer et voir clair en soi. Briser l'enchaînement au Moi.
- Pouvoir visualiser ses organes et leur fonctionnement
- Faire une expérience mystique
- Remercier celui qui a sauvé mon fils et savoir s'il existe
- Synesthésies (visualisation de la musique)
- Euphorie, amour, extase
- Prendre conscience de vérités sur nous et sur la vie.
- Sortir de moi-même. Me mettre à la place d'un autre pour mieux le comprendre
- Changer de schéma mental, de croyances. Élever mon esprit.
- Y voir plus clair dans les buts et les valeurs de la vie : Quel est le mieux que je puisse faire ici pour la suite de ma vie ?
- Intégration de traumatismes. Faire la paix avec ses chagrins et ses cicatrices. Expulsion de souvenirs
- Retrouver dans sa mémoire des éléments clé de nos vies, des souvenirs précis
- Découverte de soi, de nos désirs enfouis. Identification de notre 'saboteur intérieur'
Le bad trip a été volontairement instrumentalisé dans les années 70 pour discréditer l'usage des psychédéliques. Il fonctionne depuis en prophétie auto-réalisatrice où la peur du bad trip devient la première cause de bad trip. Peut être que le bad trip n'existe pas, peut être y a t'il seulement des enseignement plus difficiles à recevoir que d'autre ?Pour éviter le bad trip, quelques consignes de vol : Confiance, abandon et ouverture à ce qui vient. Le mieux est de se laisser porter car tout ce qui semble terrifiant au premier abord se transforme. Il parait qu'il faut toujours avancer, ne jamais fuir, quelque soit le caractère menaçant d'une éventuelle rencontre, affronter sa peur et demander aux 'esprits' qui nous visitent "qu'est-ce que vous faites dans ma tête, qu'est-ce que je peux apprendre de vous ?.. "
De toute manière, en cas d'images pénibles et insistantes, il sera bien pratique de changer de musique, d'ambiance, de porter son regard vers d'autres scènes plus sereines.
Pour se protéger, tout au long de son trip on peut aussi se choisir des guides et des gardiens. Si trop de visions pénibles nous assaillent, le secours d'un rite, ou d'un esprit allié familier peut être bienvenu. Dans une approche chamanique cela peut être une plume d'oiseau ou du tabac fumé qui chassent les "mauvais esprits". Pour d'autres une prière ou un saint Patron. Sinon, la présence d'une amulette, d'une figurine, à laquelle on tient, ou le souvenir d'une personne aimée ou d'une scène qui nous remplit de joie peuvent se montrer efficaces pour se recentrer et 'protéger son trip' d'affects trop négatifs et pénibles. Finalement, le plus important est de faire confiance à l'Univers et d'accepter de se perdre pendant quelques heures sans se poser la question de savoir si tout redeviendra 'normal' ou pas.
Intégration. Lorsque l'effet psychoactif s'efface, on retrouve la terre ferme tout en ayant en tête les visions et les émotions de son voyage. Ce serait alors dommage de rebasculer dans la réalité quotidienne sans prendre le temps de faire le point sur les enseignements reçus, et se remémorer les espaces découverts. Pour cela, le mieux est de s'accorder quelques heures d'intégration et battre le fer tant qu'il est chaud sur le lieu même du voyage en échangeant avec ses compagnons ou en prenant quelques notes pour soi. Si l'on a pris des notes en cours de trip, l'intégration est le moment où les consulter ou, si on veut, d'écrire un trip report.
Ethique du trip . Tout d'abord prendre soin des autres, respecter son environnement. Si l'on est en groupe veiller les uns sur les autres tout en restant discret, et en évitant d’être moqueur ou agressif. Le must est de tripper en compagnie d'un 'sitter' qui reste sobre et pourra "assurer" en cas de nécessité. En fin d'articles vous trouverez quelques mots sur l'éthique du trip-sitter
Charte du voyageur. D'autre part, comme le vécu du voyage est d'une réalité qui égale ou même dépasse celle de notre expérience courante du réel, je pense qu'il faut éviter de chercher à mélanger ce qui se passe dans la réalité et ce que l'on vit dans l'hyperespace. Ce que je vois, ce que j'apprends dans l'hyperespace ne m'autorise pas à exercer un pouvoir et prétendre influencer le monde perçu habituellement. Dans l'hyperespace je donne de l'amour, mais je ne dois pas venir en chercher, ni solliciter l'appui d'aucune force occulte. Une fois le trip achevé, les esprits que j'ai pu rencontrer, et auxquels j'ai ouvert mon cerveau regagnent le monde des esprits et ne demandent ni ne procurent rien aux vivants.
Alprazolam. C'est un peu le siège éjectable, le joker si le trip tourne mal. La présence d'un comprimé ou deux (mais pas plus !) dans la poche peut être rassurante, et pour moi l'effet placebo a toujours été suffisant. En fin de trip, l'effet relaxant des benzodiazépines, permettra en tout cas de trouver plus rapidement le sommeil.
Enfin, en cas de mal de crâne un bon vieux Doliprane peut être bienvenu.
Bons voyages !
Ozias