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mardi 12 juillet 2022

Transhumanisme et psychédéliques

 

Les états de conscience modifiés, tels que ceux obtenus par l'utilisation de substances psychédéliques, seraient ils une façon 'd'augmenter' chimiquement notre niveau de conscience à l'instar du dopage sportif qui est une forme de transhumanisme chimique ?

Effectivement, un pan entier de la philosophie de Timothy Leary est ancrée dans le transhumanisme et fait penser aux idées d'Elon Musk sur la conquête spatiale et l'expansion de la conscience. (Gael Millet)

Cet aspect de la pensée de Leary trouve son illustration dans la BD   neurocomics éditée en 1979 et basée sur les travaux de Leary,

Pour Leary, chaque individu est constitué d'un corps/robot servant de véhicule à son esprit qui crée une  réalité en fonction la bande passante dont il dispose. Par nature, seule une infime partie du spectre de la réalité nous est accessible. Notre système nerveux transforme l'énergie en conscience. 

Pour Tim Leary, l'évolution a un sens et  l'homme est une créature technologique en route vers la dématérialisation. Déjà les moteurs ont remplacé les muscles et les ordinateurs remplacent les cerveaux. Notre espèce va "quelque part" dans un monde conçu par une intelligence supérieure.  

Le but de nos vies est d'utiliser l'espace, notre esprit et le temps. Notre espèce est confrontée à trois challenges : celui d'une migration dans l'espace (la Terre étant l'utérus de notre espèce); celui du  développement de l'intelligence jusqu'à la Singularité de l'IA; et enfin, l'allongement de la durée de la vie afin d'en découvrir le sens.

Dans son dernier ouvrage, "Chaos et cyberculture" (1994), Tim Leary s'est totalement investi dans la cyberculture et la connexion homme-machine. Chaos et Cyberculture reflète la conviction de Timothy Leary selon laquelle le vingt-et-unième siècle verra l'émergence d'un nouvel humanisme, dont les idées forces seront la contestation de l'autorité, la liberté de pensée, la créativité personnelle, le tout soutenu et encouragé par la vulgarisation de l'ordinateur et des nouvelles technologies de la communication.

https://www.nothuman.net/images/files/discussion/4/37561d7460de8b72d318bacea6d16d11.pdf

Les réflexions de Leary et sa (trop grande ?) ouverture d’esprit l’amenèrent à côtoyer pendant plusieurs années différents personnages à la démarche plus ou moins scientifique. Ses propres écrits peuvent eux-mêmes faire penser à du gloubi-boulga new age, mélangeant l’évolution dirigée à un hypothétique “modèle quantique de la conscience” ou à des digressions sur une influence extraterrestre sur l’évolution humaine. Le magazine Omni n’hésite pas à mixer les idées de Leary ou du physicien Eric Drexler à des délires concernant la communication homme-dauphin ou les perceptions extrasensorielles, le tout copieusement arrosé de mysticisme et de théories archéologiques farfelues.
.../...
Un deuxième travers de Leary et de ses suiveurs californiens jettera l’opprobre sur le mouvement : leur élitisme assumé et décomplexé. Leary établit par exemple un “Top 100 génétique” de personnalités (artistes et scientifiques) dans son livre de 1979 Les Agents Intelligents. Selon lui, de 1 à 2% des humains, à n’importe quelle période historique, sont génétiquement programmés pour “voyager dans le futur, revenir dans la ruche et informer leurs semblables” à la manière d’abeilles exploratrices. Ce sont ces “individus exceptionnels” qui doivent être sélectionnés pour coloniser l’espace.
Basées sur les écrits libertariens d’Ayn Rand (La Grève), ce genre de positions politiques donnèrent au transhumanisme naissant une connotation fortement exclusive, puérile, égoïste et arrogante qui se fait encore sentir aujourd’hui, d’Elon Musk à Laurent Alexandre. Il faudra attendre le début des années 2000 pour que ce courant soit mis en minorité au sein des transhumanistes.

Lire ici https://transhumanistes.com/smi%C2%B2le-les-voyages-de-timothy-leary/

Un autre auteur psychédélique très influent est John C Lilly, en particulier par son ouvrage "Programming and metaprogramming in the human biocomputer" où il explore les possibilités de manipuler et de 'reprogrammer' nos 'logiciels biologiques'  à l'aide de LSD et en utilisant des caissons d'isolation sensorielle : https://archive.org/details/programmingmetap00lill_0. Selon John Cunningham Lilly, le système de réseau électronique capable de numérisation (le hardware) développé par les hommes, développera (ou a déjà développé) une « bioforme » autonome. Comme les conditions de survie optimale (vide et très basse température) de celle-ci sont radicalement différentes de celles requises par les humains (air ambiant tempéré et approvisionnement en eau), John Cunningham Lilly prédit (ou prophétise à partir de ses visions sous l'influence de la kétamine, une drogue utilisée en anesthésie) un terrible conflit entre les deux formes d'intelligence (thème repris dans la science-fiction, notamment la série Terminator).

Le psychédélisme se rapproche aussi beaucoup des concepts de "téléchargement de l'esprit'" qui considère que l'on peut simuler, reproduire ou sauvegarder un esprit humain dans une simulation informatique (vision 100% matérialiste et 100% désincarnée) qui donne un aperçu de ce que pourrait être un esprit "téléchargé" . Ceci est purement fictif, mais il faut savoir qu'il semble que l'on simule déjà partiellement le cerveau d'un ver : https://openworm.org et https://en.wikipedia.org/wiki/openworm.

Finalement, il existe des liens étroits entre la psychédélisme et la technologie, par exemple Steve Jobs et le LSD, Google qui est actionnaire principal du Burning Man, Elon Musk et ses dérives psychédéliques (à propos de la DMT sur Twitter), sans parler de tout le mouvement Open Source et même les bases de l'Internet qui est issu de la contre-culture américaine baignée du summer of love.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culture-musique-ete/60-70-s-l-echo-psychedelique-du-bout-des-tuyaux-1705776

D'après  un post de Gael Millet, paru le 03/05/22 sur la page FB de la Communauté Psychédélique française

à lire à ce sujet : https://www.theguardian.com/wellness/2023/dec/08/longevity-psychedelics-mental-health-ageing

vendredi 3 juin 2022

La conscience selon Antonio Damasio

"La raison d'être d'un être est d'être", c'est à dire d'assurer son propre maintien le plus longtemps possible.

Antonio Damasio est neurologue et neuroscientifique. Il est l'auteur de 'Sentir et Savoir', un livre par lequel il tente d'analyser le phénomène de la conscience et de son rôle dans le vivant. Pour Damasio, la conscience nous vient de l'évolution qui a intégré progressivement des réactions, des sensations, des perceptions, des images mentales et enfin la représentation de soi. Tout cela avec un seul et unique objectif : maintenir la vie. Voici quelques extraits et réflexions suite à la lecture de 'Sentir et Savoir'.

D'après les deuxième et troisième principe de la thermodynamique, sous l'effet  d'un gradient d'entropie (constitué par l'énergie du soleil et la Terre qui reçoit cette énergie), certaines formes d'organisation ont tendance à remplacer le chaos. Même si cela ne nous dit pas pourquoi au commencement était quelque chose plutôt que rien, cela peut expliquer le commencement de la vie sur terre. Aujourd'hui, les scientifiques s'accordent à dire que toute la vie actuelle découle d'une vie antérieure, qui est devenue progressivement plus complexe et s'est diversifiée grâce au mécanisme d'évolution par sélection naturelle décrit par Charles Darwin.

Ainsi, les proto-cellules seraient apparues il y a environ 4 milliard d'années suivies par l'entrée en scène de structures de plus en plus complexes  Premières cellules sans noyau (ou procaryotes, dont les bactéries) 3,8 milliards d’années ; Photosynthèse 3,5 milliards d’années; Premières cellules individuelles à noyau (ou eucaryotes) 2 milliards d’années; Premiers organismes multicellulaires 700-600 millions d’années; Premiers systèmes nerveux 500 millions d’années; Poissons 500-400 millions d’années; Plantes 470 millions d’années; Mammifères 200 millions d’années; Primates 75 millions d’années; Oiseaux 60 millions d’années; Hominidés 14-12 millions d’années: Homo sapiens 300 000 ans

Homéostasie. Au commencement la vie s'est déployée sans mot ni pensée, sans sentiment et sans raison, sans esprit ni conscience.  Pourtant les organismes élémentaires ont dès le commencement dû savoir 'détecter' les éléments de leur environnement bénéfiques à la poursuite de leurs existences. Cette 'intelligence' implicite obéissait aux règles de 'l'homéostasie' qui doivent garantir à la cellule tel ou tel niveau de température, de pH ou de nutriments. l'homéostasie est un ensemble complexe de mesures régulatrices qui a rendu la vie possible à l’époque des tout premiers organismes unicellulaires.

Quelque 3,5 milliard d'années plus tard, avec les organismes multicellulaires et multisystèmes (comme les poissons), de nouveaux outils de coordination sont apparus : les systèmes nerveux qui se sont mis à gérer des actions, à engendrer des images, à représenter des modèles (patterns) à établir des cartes.  Le système nerveux a rendu possible l'existence de l'esprit. L'esprit requiert un système nerveux et la création de représentations et d'images. Les images mentales composent un flux incessant et se prêtent à des manipulations qui génèrent de nouvelles images. Le système nerveux et l'esprit ouvrent la voie au sentiment et à la conscience.

 Les systèmes nerveux permettent des niveaux de coordination fonctionnelles requis par les organismes multicellulaires pourvus de systèmes différenciés (respiratoires, digestifs, reproductifs etc ). Les systèmes nerveux permettent aussi de confier à la mémoire les connaissances représentées dans les images, ce qui permet la réflexion et le raisonnement et la construction de symboles. La conscience requiert de nombreuses interactions entre le cerveau proprement dit et les sensations produites par les organes du corps.

Antonio Damasio imagine 3 stades d'évolution distincts et consécutifs. Le premier porte la marque de l'être (bactéries), le second celui du ressentir (ex: les méduses qui peuvent se déplacer), le troisième celui du connaître au sens général du terme (les poissons, les mammifères etc ). Les étapes de l'être, du ressentir et du connaître peuvent être associés à des systèmes anatomiques et fonctionnels distincts qui cohabitent encore en chacun de nous. Autrement dit, 'je pense donc je suis', mais la réciproque n'est pas vraie. De nombreux organismes 'sont', mais ne sont pas capables de penser.

Etre précède sentir. Au premier stade de l'existence (celui des bactéries) il n'y a rien que nous puissions appeler capacité explicite de sentir ou de connaître. Le système nerveux est le point de départ de l'esprit et les sentiments sont les premiers phénomènes mentaux intégrés par l'esprit. Pour Antonio Damasio, les sentiments permettent à un organisme d'éprouver sa propre vie. Les sentiments sont des expériences mentales qui donnent la connaissance de la vie dans notre corps et par l'appropriation de cette perception les sentiments rendent cette connaissance consciente. Les sentiments sont un équivalent mental de notre organisme physique. Les sentiments sont ancrés dans notre charpente corporelle (intéroception) et ils jouent un rôle capital dans la création du 'soi' qui est un processus mental animé par l'état de l'organisme. La douleur est la forme la plus élémentaire de sentiment éprouvée. A la différence des perceptions du corps conventionnelles (vue, ouïe, etc ), les sentiments sont des hybrides, et tiennent tout autant du corps et de l’esprit. Le véritable objet des sentiments est situé à l'intérieur de celui qui perçoit. Les sentiments incitent l'esprit à agir en accord avec les signaux positifs ou négatifs de leurs messages. Les sentiments comblent naturellement le vide qui séparait le corps physique des phénomènes mentaux. Pour Antonio Damasio ces sont les sentiments qui chevillent les représentations mentales aux états physiques d'un organisme rendant ainsi évidentes l'identification de soi et l'apparition de la conscience.

Lorsque l'être et le ressentir sont structurés et opérationnels, il sont prêts à accueillir le savoir. Les cartes et les images engendrées sur la base des informations sensorielles deviennent alors les composants les plus abondants et les plus divers de l'esprit, aux côtés des sentiments continuellement présents et liés à ces sensations. La mise en place coordonnée des trois types de traitements - Etre, ressentir et savoir - permet aux images d'être connectées à notre organisme. L'expérience du Soi peut alors émerger.  La conscience est un produit de l'évolution .

Notre esprit est rempli d'images. Certaines images sont le fruit de la perception de nos sens, mais la plupart d'entre elles sont des images hybrides produites par la relation qu'entretient le cerveau avec le monde à l'intérieur du corps. La conscience est un ensemble d'images (cartes, représentations, savoirs), de sentiments (perceptions de l'état du corps) ainsi que de l'évidence que ces phénomènes nous sont propres.  Etre capable de conscience c'est être conscient du contenu de notre esprit. Le champ d'intervention des organismes dotés d'esprits conscients s'étend. Ils ont plus de dispositions à exploiter dans leur lutte pour la vie. La conscience élargit leur horizon et leur habitat. 

Ozias, d'après des extraits de 'Sentir et savoir'


 https://waitbutwhy.com/2017/04/neuralink.html#part1

Quelques définitions trouvées dans le livre: 

Homéostasie : le processus qui maintient les paramètres physiologiques d’un organisme vivant (température, pH, niveaux de nutriments, fonctionnement des viscères, etc.) dans la fourchette la plus propice à son fonctionnement optimal et à sa survie. (Le terme « allostasie » est proche, mais bien distinct : il fait référence aux mécanismes que l’organisme utilise lorsqu’il cherche à rétablir l’homéostasie3 .)

Émotions : ensembles d’actions internes involontaires et concomitantes (contractions des muscles lisses, changements du rythme cardiaque, de la respiration, des sécrétions hormonales, des expressions faciales, de la posture, etc.) déclenchées par des événements perceptifs. Les actions émotionnelles visent en général à soutenir l’homéostasie, pour faire face à une menace (par la peur ou la colère), signaler une réussite (via la joie), etc. Nous pouvons également produire des émotions lorsque nous nous remémorons des souvenirs. 

Sentiments : les expériences mentales qui suivent et accompagnent divers états de l’homéostasie au sein de l’organisme. Ils peuvent être primaires (sentiments homéostatiques : la faim et la soif, la douleur et le plaisir) ou provoqués par des émotions (sentiments émotionnels : la peur, la colère, la joie, etc.) .

L’affect est l’univers de nos idées, transmué en sentiments. On peut également penser les sentiments en termes musicaux : ils sont en quelque sorte la partition musicale qui accompagne nos pensées et nos actions

Esprit Notre esprit est constitué de convois d’images de toutes sortes, qui se succèdent dans le temps : certaines nous donnent la vue et le son ; d’autres sont des fragments de sentiments. Nous savons également que les images dominantes se présentent généralement comme un « schéma » (pattern) : un motif géométrique et spatial où les éléments sont disposés en deux dimensions ou plus. Cette spatialité est au cœur de ce qu’est un esprit. L’esprit conscient aide l’organisme à identifier clairement les éléments nécessaires à sa survie – à se frayer un chemin parmi les besoins grâce aux sentiments. En fonction de l’intensité des sentiments en question, il arrive souvent que la conscience exige, voire impose une réponse aux besoins identifiés.  

Conscience la conscience est un état d’esprit enrichi. Cet enrichissement consiste à inclure dans les processus continus de l’esprit des fragments d’esprit supplémentaires. Ces fragments d’esprit supplémentaires sont faits du même matériau que le reste de l’esprit – ils relèvent du domaine de l’image – mais, grâce à leur contenu, ils annoncent clairement que tous les contenus mentaux auxquels j’ai actuellement accès m’appartiennent, sont à moi, sont en train de se déployer au sein de mon organisme. La conscience est un rassemblement de connaissances assez nombreuses pour engendrer – automatiquement, et au beau milieu du flux d’images – l’idée que ces images sont à moi, sont en train d’être produites au sein de mon organisme vivant, et que l’esprit… eh bien, est à moi lui aussi. Finalement, la conscience est la propriété de soi.

Intelligence la capacité à opposer des solutions satisfaisantes aux problèmes posés par la vie – qu’il s’agisse de se procurer les ressources énergétiques élémentaires telles que les nutriments ou l’oxygène, de contrôler le territoire et de se défendre des prédateurs – et à développer des stratégies susceptibles de surmonter ces problèmes – confrontation ou coopération sociales, par exemple.

Une brève histoire de l'évolution de l'esprit selon E.Musk  https://waitbutwhy.com/2017/04/neuralink.html#part1

samedi 23 avril 2022

DiMiTrips et moi

DMT: qu'est-ce que je retire de cette substance ? Voici quelques notes de trips et une discussion sur le sens que je donne à ces expériences.

Mon premier breakthrough.
Tester sa première extraction est toujours un grand moment. Sur mon canapé, j’y allais donc très progressivement jusqu’au jour où une partie du sachet a glissé dans le vapo. J’aspire. Déconnection avec la réalité, fractales lumineuses, puis je deviens une sorte de voile lumineux bleu vert semblable à une aurore boréale. Me voilà transformé en aurore boréale avec en même temps un puissant sentiment physique d’extase. Puis changement de palette, tons bruns ocres et orangés, comme un couloir bordé de symboles et de déités égyptiennes puis le cosmos où ces dieux sont vivants. Enfin, arrivée dans un univers bleuté, sombre comme une nuit étoilée avec en son centre une immense géode transparente, un demi-globe complexe et lumineux. Une entité féminine, dans des tonalités bleues, entre en contact avec moi et me montre les secrets de l’univers, de la création et de la connaissance contenus dans ce globe et qui sans cesse se transforment comme dans un diorama divin. Serais-je au paradis ? Je recherche d’autres âmes car je me sens comblé mais aussi seul ici, surtout si je dois rester là pour l’éternité. L’expérience se termine par un effacement graduel des visions. Les couleurs deviennent moins vives l’immersion n’est plus totale, se réduit à un écran. Les détails s’estompent et je reviens en douceur sur mon canapé avec un profond sentiment de surprise, de béatitude, de réussite, et de gratitude.
La dame en bleu ressemblait à ça

Autres fois. A l'occasion de cette pleine lune, (essai d'un mix harmaline 100mg gobé 1h plus tôt + DMT vaporisée). Trip report : J'aspire et tout de suite je bascule dans l'hyperespace qui ruisselle des symboles et des images géométriques mobiles et colorées habituelles et là, énorme coup de boule, vent de tempête force10, une force colossale me met à terre, chasse les couleurs et prend possession de mon esprit.  le Maître !!!. Il peut tout, je ne suis rien. Il paraissait comme impatient de retrouver l'espace de mon esprit. Il était pressé, brutal, imprévisible, invisible et tout puissant. Devant tant de puissance et de force, toute beauté disparait. La seule évidence est que ma vie est un détail. Face à l'Univers, à l'infini du temps et face à la mécanique des choses, je suis rien. Je découvre et ressens physiquement ce sentiment de domination absolue et imparable. Pas de question possible zéro degré de liberté. Tout est contrition. Dans cet univers marqué par les couleurs vert-sombre, je ne peux qu'implorer  je veux seulement que le Maître m'enseigne l'humilité et l'abnégation. Dans le même temps, sur mon canapé,  je prends de grandes inspirations d'air par la bouche, comme pour accueillir le Maître dans mes poumons, et aussi pour ne pas me noyer dans ce maelström.  Après une dizaine de minutes, ce monde sombre s'efface doucement. Je me sens revivre, je reprends mon souffle, mes jambes sont secouées d'une vibration rapide mais je peux me lever et même danser dans une arène où siègent des Esprits que je ne connais pas.

Dans la même soirée, donc avec le même set&setting que l'expérience précédente,  plusieurs fois je suis retourné dans ces salons dont beautés inimaginables me procurent comme un orgasme en prime. Avec encore, cette sensation de me noyer. Ces salons sont si beaux qu'ils font oublier de vivre et je comprends que c'est la raison pour laquelle ils sont si éphémères. Je réalise que toutes les beautés de ces mondes surnaturels, ou pas, ne sont qu'une première étape, des sortes de purgatoires enchantés qui sont un préalable à d'autres rencontres plus élevées encore, dans l'attente de la vision du 'MAITRE' le plus haut, celui que je n'ai jamais vu.

De cette soirée je me souviens avoir compris la réincarnation alors que je dansais pour un Dieu indien. Ne me demandez pas de vous l'expliquer, je n'ai rapporté que cette phrase : "De qui vit on la vie ?" . La même nuit j'ai vu aussi "les Vérités" alignées dans des urnes bibliques et brillantes. Visualisation kinesthésique de l'histoire, de tout ce qui s'écrit et ce qui disparait dans des tons bruns. Mais d'ici aussi, ne reste qu'une phrase "La vérité s'oublie si facilement".

D'autres sessions DMT:

Sentiment d'être une expérience parmi une infinité d'autres expériences. Sentiment d'être une sorte de poupée qui serait l'objet d'une simulation destinée à instruire une entité supérieure. Je ne distingue pas l'entité auprès de laquelle je sers de poupée, ou d'animal de compagnie. Je me sens "comme au service d'entités qui m'ont choisi mais que je ne connais pas et dont j'arrose les jardins..."

Parfois je vois ma vie, je vois mon moi comme je verrais objectivement celui d'un autre : solitaire et perdu dans trop d'inutiles rêveries. Parfois j'entrevois la possibilité d'affronter dans mon trip un challenge pour un nouveau départ dans le passé, comme si je pouvais reprogrammer ma mémoire, changer mon souvenir, effacer un trauma. Parfois c'est aussi le sentiment d'entrer pour quelques instants dans l'esprit de personnes que je connais bien. Je visualise alors leurs goûts et leurs sentiments de manière si précise sous forme de synesthésies colorées que je me sens gêné comme un voyeur de l'âme.  J'ai ainsi ressenti tout l'amour qu'une jeune maman, que je connais, ressent pour son bébé. C'était si fort que j'avais l'impression de 'hacker' son esprit. J'ai même cru hacker l'esprit de mon jeune chat, Tout était là très gai, vif et très coloré.

 La DMT me désintègre atome par atome puis me reconstitue sous de multiples formes dans une multiplicité de réalités et de mondes fantasques qui s'ignorent. Peur mais confiance dans la Force qui saura me réagencer. Parfois aussi, ce sont des rubans lumineux qui entrent par ma bouche, des esprits qui scannent mon corps et mon esprit, le 'vérifient' ou des elfes qui me demandent la permission d'accéder à mon cerveau 'pour une mise à jour' Parfois, le temps se dilate tellement que la musique s'arrête et n'a plus de sens. 

Autre soirée avec petit break-through avec dissolution (eCig):
 Je tire deux taffes je garde la vapeur dans mes poumons. 
C'était le vide immense. Une dalle infinie et colorée où rien n'existe et où tout est à sa place. Et moi, là au milieu, j'étais nulle part. Mort ou vivant, qu'importe, et pourtant en extase, traversé d'un flux d'énergie lumineuse et de sérénité. 
Etre où ne pas être, c'était ici la réponse. Absence du temps et de l'espace. Ici même la musique s'arrête, mais pas le flux.  Vision d'un paradis sans Dieu. Impossible de dire tout ce qui se passe au  cours de ces virons dans l'autre monde, mais la DMT est de toute évidence le produit qui permet de visualiser et de vivre l'inouï.

Changa: En écoutant les bruits de la nuit d'été des motifs répétitifs émergent, s'amplifient, deviennent de plus en plus clairs et entraînants, comme une musique qui se rapproche. Je les suis et le paysage qui m'entoure semble vibrer de plus en plus vite et de plus en plus fort.  Le rythme répétitif  monte en amplitude et s'en va crescendo dans l'aigu comme un attracteur qui m'attire et m'emporte. Au dessus de moi le ciel est remplacé par un dôme fantastiquement architecturé sous lequel des entités cernées de halos irisés apparaissent, me regardent et m'attirent. Souvent elles ressemblent à des sortes de 'barbapapas' immenses et vaporeuses qui s'élèvent dans le ciel d'où elles m'observent, ou encore d'immenses cortèges silencieux qui dérivent là haut dans leurs chars aériens. Un soir, c'était l'image de Jésus Christ qui se formait dans le ciel étoilé. Je me suis détourné de cette vision car je ne suis pas croyant, mais plus tard je me suis demandé pourquoi j'ai fait ça.
En fumant la changa je réalise que les "Guides" ont laissé dans l'ADN des plantes de quoi communiquer avec eux. Après avoir fumé,  je reçois parfois des messages télépathiques des Guides, plus rarement sous forme de voix, même si les entités ne parlent ni français, ni anglais. Voici quelques messages que j'ai retenu :

"Elevez vous ! c'est si facile de voir la vérité de là haut !
Ou bien ce peut être un dialogue :  Question télépathique  "Veux tu savoir si tu es sorcier ?"- Moi " Non. "

Ou encore, réponse à ma question : "Qu'est ce qu'être" ?- "être, c'est cela". 

Enseignements télépathiques "Les archétypes sont les constructions mentales des anciens", "l'esprit est tout ce qui n'est pas réalisé", "le mystère est la nature de l'esprit", "croire est une expérience", "aimer, c'est faire exister"

Essai d'analyse de l'expérience DMT

L'hyperespace

Géométriquement l'hyperespace est au moins hyperbolique. Il est fait de symétries, de fractales et de constructions kaléidoscopiques. Ici, d'infimes déplacements conduisent à des changements considérables. Difficile de décrire tous ces impossibles agencements que l'on voit pourtant très nettement car au retour du trip c'est comme si leur projection sur notre espace euclidien perdait l'information. 

Dans sa dimension temporelle l'hyperespace est comme une conscience dans tous ses états possibles à la fois. Par exemple, parfois sous effet, la musique s'arrête, le temps suspend littéralement son vol. C'est rare de ressentir ça physiquement par les oreilles. Curieusement, cette effacement n'est pas un vide car en même temps les pensées déboulent à toute vitesse dans mon esprit. Avec la DMT l'hyperespace semble nous montrer tous les états du monde connectés à un présent qui résulterait sans cesse de la réalisation d'un seul de ces états. 

De la même façon que le photon est connu sous les aspects duals et incompatibles d'onde et de corpuscule, l'hyperespace semble être pour notre réalité ce que l'onde est à la particule : deux phases duales et incompatibles. Comme avec le photon, l'échange d'énergie, l'interaction, conduit à une matérialisation qui effondre la fonction d'onde tandis que la forme ondulatoire conserve l'énergie lumineuse ou les plausibilités du futur. L'hyperespace n'est pas l'espace des phase du futur, mais plutôt celui du présent compte tenu des paramètres dont je dispose. En cela, il ne peut porter de prédictions d'avenir certaines, seulement des plausibilités.

Je visite l'hyperespace en touriste existentiel. Ce que je vois, ce que j'apprends dans l'hyperespace ne m'autorise pas à exercer un pouvoir, une influence dans le monde social, dans ma réalité. Dans l'hyperespace, je ne vais pas chercher d'amour ni de relations car le monde des vivants est le seul monde actuel existant pour moi. 

Moi

je suis une petite chose abandonnée à l'onde infinie. Mon moi s'incarne dans un corps construit à partir d'éléments chimiques et d'un code ADN issu de l'évolution. Je ne peux visualiser qu'une infime partie qui est faite d'histoires et de relations: mon moi. Je peux connaître ma réalité faite d'histoire, de savoirs, de croyances, de culture etc. mais je sais que cela ne sera jamais qu'une mince partie de l'univers dans lequel je vis. Par construction il m'est impossible d'aller au-delà de cet 'horizon de mes évènements'.  Je sais que le plus important m'échappe, mais je peux quand-même parfois en ressentir la nature au travers de l'expérience de la DMT, dans cet état où "la graine se moque d'être plante". Avec la DMT l'esprit rejoint des espaces où le corps n'a plus de place ni de repères, où le corps devient même un obstacle à la connaissance. La DMT rend possible la rencontre de purs esprits avec un être vivant. En cela l'expérience est à la fois prise de conscience et expérience des dimensions immatérielles de nos existences.

Vivant, je laisse des traces, des conséquences qui tissent le quotidien autour de moi. De près ou de loin tout est interconnecté, chaque chose que je fais, chaque trace que je laisse a une conséquence qui interagira autour d'elle dans le présent ou le futur. Les gestes de mon être vivant, les traces que ces gestes laissent, sont tout ce que je peux faire pour inspirer le dépliement des choses. Bien sûr, je ne suis pas tout seul et je ne suis pas au centre, mais, que je le veuille ou non, je suis un coefficient quelque part dans cette matrice de dimension infinie qui fait que tout se transforme sans fin ni commencement. La complexité est derrière notre porte, mais hors de notre portée. 

Parmi toutes les configurations possibles dans un instant mon moi choisit, comme il peut, 'sa réalité' . Notre corps, nos actions donnent une forme aux possibles qui se présentent, que nous choisissons, et qui ouvrent à leur tour le champ à de nouveaux possibles.    

Conscience et esprit

Adyashanti:  Maintenant est juste ce qui se passe moins tout ce que vous en pensez. Après quelques taffes de changa, ou une bouffée de DMT l'espace autour de moi se peuple d'esprits et d'entités. Tous ces esprits semblent vouloir se présenter à moi pour exister dans ma conscience. Il me semble même percevoir une forme de compétition entre eux pour parvenir à exister dans mon cerveau. Les entités m'observent, m'attirent, elles cherchent et souvent parviennent à entrer en communication. 

L'esprit est tout ce qui n'est pas réalisé et donc, le mystère est la nature de l'esprit. J'entends par esprit tout ce qui n'est pas tangible, comme par exemple ce qui aurait pu être ou qui n'est pas encore.  Différents modes d'existence s'échelonnent de l'évidence du phénomène jusqu'à l'existence incertaine des réalités virtuelles. Toute chose, nous y compris, a une existence inachevée : tout est dans le demi-jour. Reste ainsi à savoir pourquoi l’existence qui nous semble donnée n’est en fait jamais donnée, mais peut devenir enfin réelle. La physique moderne nous enseigne qu'une chose n'existe qu'à travers les relations qu'elle entretient avec d'autre choses et pousse à nous interroger sur l'éventualité qu'une forme de conscience ou d'interaction participe à la construction de notre réalité tangible . Plus prosaïquement, nous vivons entourés de sons possibles que nous n'entendrons jamais, car il faudrait un choc, une action, une énergie pour produire ces sons. Il en est de même de tout ce qui ne se réalise pas.

 Selon la théorie quantique une particule subatomique peut exister simultanément en plusieurs endroits à la fois et elle n'est qu'une potentialité jusqu'à ce qu'elle soit mesurée autrement dit, réalisée ou perçue par un observateur, une conscience. Dans l'interprétation de la dualité onde/particule, Everett considère que notre univers se dupliquerait, à chaque instant, en un nombre astronomique de branches. Ces univers vivraient ensuite en parallèle, sans lien possible entre eux. Dans l'expérience de la DMT tout se passe comme si ces univers pouvaient être accessibles au moyen de l'esprit. Ce qui ne veut pas dire que ces univers puissent être utiles ou pertinents par rapport à notre univers physique et encore moins que ce qui s'y passe ait une quelconque valeur de prédiction pour le futur.

On pourrait dire que l'hyperespace permet de voir ce que sont potentiellement les choses avant l'effondrement de la fonction d'onde qui les transforme en réalité suite aux interactions que nous entretenons avec elles. Ce que l'on voit autour de nous est peut-être une forme d'esprit réalisée. Une trace, un fossile, tandis que reste tout le reste tout autour.

Que puis je faire de ces enseignements ? Quelle importance donner à ces expériences ?

Le phénomène n'est pas la nature, mais ce qui nous apparaît. Il m'est donc impossible d'affirmer que les mondes et les entités aperçues sous DMT aient une existence autonome. Par contre, il en est des visions comme des personnes que l'on rencontre dans la vie physique :  je peux établir une relation ou pas et par conséquent leur accorder une place dans ma vie ou pas. Cela n'est pas nouveau. Ainsi certaines personnes peuvent consacrer leur vie terrestre à Dieu, à une cause, d'autres à leurs enfants etc... Pour ma part, ce que je viens chercher ici est l'exploration des états de conscience modifiés ainsi que la connaissance des facultés de mon cerveau. J'aime faire jouer mes neurones à travers ces expériences tout comme en réfléchissant.

Personnellement, je ne souhaite pas prendre en compte les visions et les entités de l'hyperespace pour orienter ma vie physique au quotidien. Les circonstances quotidiennes et mes proches sont suffisamment présents pour me guider, et c'est à ell.eux que je me dois le plus dans cette vie. Aussi, une fois le trip terminé je demande aux esprits de regagner le monde des esprits et de ne demander ni ne procurer rien aux vivants. Par exemple, pourquoi deviendrais-je sorcier pour entretenir des liens avec le monde des esprits quand il y a déjà tant à faire avec le monde des vivants ? - à vrai dire, je n'ai pas vraiment trouvé de réponse à cette question-

Nos pensées ne devraient pas dépasser les bornes de la communication. Je souhaite à toustes de ne pas chercher à vivre trop, ni à "penser plus" car alors vous devrez être seul.e.s. Il faut comprendre que  comprendre, c'est souffrir, par empathie, par travail ou par incompréhension. 

Et pourtant, ce qui danse derrière la porte, c'est à nous d'aller vers ça.

Ozias

 "Toute matière tient son origine et son existence d'une force qui amène les particules d'un atome à vibrer et à maintenir leur fonctionnement cohérent dans un temps imparti" Max Planck.

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !

Un article à lire (surtout la partie où il est question des archétypes) https://emagicworkshop.blogspot.com/2022/11/carl-gustav-jung.html

Carl Jung et les visions provoquées par les drogues https://davidprice-26453.medium.com/getting-to-the-truth-1587f982399

Une vidéo à ne pas manquer https://www.youtube.com/watch?v=4zFB5TvqodQ


lundi 6 décembre 2021

Antagonismes et tolérance

La dialectique est une rhétorique d'argumentation basée sur le raisonnement classique: Thèse Antithèse Synthèse, mais c'est aussi un mode de pensée reconnaissant le caractère inséparable de propositions contradictoires. 
Selon cette entrée du mot, la dialectique s'entend comme une pensée antagoniste qui s'oppose à la pensée identitaire. La pensée antagoniste considère que l'opposition est le lieu même de la régulation adaptative alors que la pensée identitaire souligne l'altérité, le plus souvent pour la réduire, la dominer, la détruire. La pensée antagoniste met l'accent sur l'opposition irréductible des contraires, leur complémentarité, voire leur fusion.

De plus en plus nos références identitaires empruntées à l'univers de la physique déterministe classique sont remises en cause par les modèles antagonistes issus de la mécanique quantique ou de la cosmologie moderne qui nous apprend que le plein et le vide ne sont finalement que deux formulations abstraites. Dans le cosmos, entre vide sidéral et trous noirs, il existe une infinité de réalités présentant des densités et des distances infiniment diversifiées. Même quand il manifeste des forces inimaginables de puissance et de violence, l'univers n'est pas un chaos permanent car il est le fruit d'une dynamique antagoniste faite d'expansions et de rétractations, de big-bangs et de trous noirs. La cosmologie nous montre que les conflits entrainent d'irréductibles destructions débouchant sur d'infinies créations faites d'équilibres plus ou moins provisoires. Car les équilibres eux mêmes sont le produit de forces qui s'opposent. 

Comme le savoir humain s’est essentiellement constitué en misant sur les régularités, les constances, les équilibres, il a défini les êtres et les situations à partir d’identités stables. En revers, cette orientation dominante de la pensée identitaire a entraîné des fixités, voire des rigidités qui ont nui à l’accompagnement, à l’anticipation, à l’invention du changement. Dans le monde contemporain l'individualisme de masse, les "lois du marché", le "sacre du présent" propres à la culture occidentale n'ont fait que renforcer le mythe de l'identité comme  source permanente et instantanée d'elle même. Le résultat en est que les polémiques, les clivages et les replis identitaires ont rarement été aussi puissants qu'aujourd'hui. D'où le risque moral et politique de vouloir chasser toute contradiction au nom de la pureté et de la cohérence. La contradiction est en réalité le moteur de la liberté et de l'évolution et la condition de l'équilibre. 

Ce que je veux dire ici c'est que de la même façon qu'il n'y a pas d'ombre sans la lumière, il n'existe pas d'équilibre sans forces qui s'opposent, pas d'adaptation sans écart et pas d'évolution sans adaptation. 
Aucune chose n'existe par elle même mais uniquement par les relations qu'elle entretient avec d'autres objets. La réalité est comme un tissu de relations sans essence ni substance première ni point de départ ou d'arrivée. La grande erreur serait de vouloir des certitudes ou croire en une essence. 
Toute pensée, toute croyance ira jusqu'où le phénomène la retourne sur elle même. Elle atteint alors sa limite où elle peut contredire son principe même. Inutile de croire que l'on a compris ou de se persuader que l'on a raison. Ce que l'on sait, ce en quoi l'on croit n'est juste, n'est vrai que sur un domaine restreint (au sens mathématique de domaine de définition) ou dans le cadre d'une relation contingente. Plus prosaïquement on pourrait dire que l'enfer est pavé de bonnes intentions, que le diable est dans les détails ou que celui qui veut faire l'ange fait la bête. Rien de nouveau sous le soleil de la lucidité sauf qu'il faut encore plus de courage pour vivre sans croyance que pour vivre sans dieu. Et si l'on veut changer le monde, pour plus de justice et d'équité, où trouver les forces, comment mobiliser avec des idées qui font si peu rêver ? Sans doute la pensée identitaire, produit dérivé de la pensée antagoniste sera utile ici, même si le changement se paye aux prix de l'erreur. 
Tout cela est contradictoire, absurde et me rappelle Camus selon qui il faut imaginer Sisyphe heureux.


Voici donc trois exemples de problématiques, sans lien entre elles, mais qui peuvent faire apparaitre le continuum existant entre une chose et son contraire. Comme sur le ruban de Möbius, intérieur et extérieur sont une seule et même face 


1. Pharmakon. Du remède au poison

En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le bouc-émissaire.
Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin, au sens où on doit y faire attention. Cet 'à la fois' est caractéristique de la pharmacologie qui tente d’appréhender par un même geste le danger et ce qui sauve. Etant en même temps poison et remède, le pharmakon conduit fréquemment à désigner des boucs-émissaires tenus responsables des effets calamiteux auxquels il peut conduire en situation d’incurie.
Le bouc émissaire est une construction type de la pensée identitaire. La désignation et le sacrifice de bouc-émissaires permettent d'évacuer les tensions et de renforcer le paradigme de l'identité mais interdit la régulation par le jeu des contraires.
L'exemple du pharmakon est particulièrement parlant car il montre que la pensée identitaire elle même (le bouc-émissaire) est le produit dérivé de la pensée antagoniste (continuum remède/poison).


2. Santé globale, réduction des risques et libertarisme

L’illégalité de l’usage de drogues génère pour les consommateurs des risques spécifiques au niveau sanitaire, juridique et social qui doivent être pris en compte dans une approche de santé globale.
Plutôt que de (re)nier les pratiques et identités, la réduction des risques consiste à construire avec les usagers des solutions adaptées à leurs besoins pour améliorer leur santé. Sur le terrain, cela consiste à sortir des traditionnelles injonctions de sevrage et d'abstinence, d'accepter les pratiques mais de limiter les risques induits par les usages de drogues. Par exemple en mettant à disposition des usagers du matériel de consommation adapté et stérile (seringues, salles de consommation, etc).
Or, en ce qui concerne le tabac et les fumeurs, ' sous prétexte de défendre la liberté individuelle des usagers, de fausses organisations de consommateurs défendent le vapotage. Elles font illusion dans le but d'influencer la règlementation sur ces nouveaux produits et de contrer la lutte contre le tabagisme (astroturfing). Derrière elles, l'argent secret du lobby du tabac et les réseaux des milliardaires américains du pétrole.' [Le Monde 3 Novembre 2021]. Autrement dit, "Big tobacco" se sert de la réduction des risques comme cheval de Troie pour se présenter comme un interlocuteur crédible auprès des institutions de santé publique. Cette démarche fait l'impasse sur l'objectif de santé globale promu par la réduction des risques mais va dans le sens d'un prosélytisme libertarien financé par les multinationales du tabac.
Ce qui est m'intéresse ici est de voir comment le principe de réduction des risques, destiné à protéger les usagers peu, en toute logique, se retourner contre son objectif premier et se mettre au profit d'intérêts économiques et idéologiques.

3. Laïcité et tolérance

Le débat autour de la laïcité est aussi délicat qu'intéressant. Comme le ruban de Möbius certaines interprétations se retournent aisément contre les principes qui les dictent. C'est actuellement le cas de la laïcité qui, depuis que le respect a remplacé la tolérance, a évolué  d'une posture anticléricale qui privilégiait le pouvoir séculier vers un principe qui viserait principalement à garantir l'exercice des pouvoirs religieux. Intéressant de mettre en perspective l'allégorie de 1905 avec le mème  pêché en 2021 sur Internet qui pose la question de savoir si c'est à la religion de s'adapter à la laïcité ou bien le contraire. 

Si la tolérance rend acceptable le fait qu'il y ait 2 points de vue, il faut bien admettre qu'en matière de religions, et de laïcité, on doit tenir compte de la sensibilité de son auditoire. En réalité il est tout aussi difficile pour un occidental laïque de comprendre la pensée d'un croyant convaincu que l'est l'inverse. Par exemple,  défendre les caricatures de Mahomet ou les versets sataniques peut choquer les croyants de la même manière qu'une nouvelle comme celle de la mort  d'Ali Reza, jeune iranien décapité par sa famille quand elle a appris son exemption de service militaire pour cause d'homosexualité, peut choquer les laïques occidentaux. De plus il est vain d'espérer convaincre un croyant pour qui 'Dieu, c'est la vérité'. Concrètement, on ne peut opposer aux religions des arguments laïcs qui seront rejetés par leur nature même, mieux vaut opposer des principes de base que promeut la religion elle même. 

Il faut bien admettre que la tolérance perd son sens face au dogmatisme d'une parole divine pour laquelle 'Dieu, c'est la vérité'. Aucun argument ne peut s'opposer à un Dieu transcendant (à la fois extérieur et supérieur), si ce n'est la violence que ce soit celle des hommes, ou d'un autre Dieu.

C'est ainsi que la tolérance devient elle-même paradoxale. Autrement dit, peut on tolérer l'intolérance ?
L'idée d'une tolérance universelle s'avère difficile à tenir : l'étendre à ceux qui refusent la discussion et répondent aux arguments par la violence reviendrait à laisser les mains libres à ceux qui veulent s'en débarrasser ! 
De plus le relativisme a ses limites. Toutes les opinions n'ont pas la même valeur et la liberté d'expression n'autorise pas à mentir sans avoir à rendre de comptes.
Ainsi que l'a décrit Karl Popper, « pour maintenir une société tolérante, la société doit être intolérante à l'intolérance. »
Le "seuil de tolérabilité" de tel individu ou groupe ne se mesure pas au degré de tolérance ou de non-tolérance dont il fait preuve, mais plutôt à la menace effective qu'il représente. Selon Popper, nous devrions revendiquer le droit d'interdire une action intolérante, si et seulement si, elle met en péril les conditions de possibilité de la tolérance.
Question subsidiaire : qui détermine le  "seuil de tolérabilité" et sur la base de quels critères ... ?

Ozias


Bonus...

Sources et articles relatifs :

https://www.arretsurimages.net/articles/charlie-hebdo-raciste-un-ancien-accuse-article11

https://gerflint.fr/Base/Chine2/demorgon.pdf

https://www.franceculture.fr/philosophie/doit-encore-tolerer-trump-ou-le-paradoxe-de-la-tolerance-applique-au-president-des-etats-unis

https://www.lemonde.fr/sante/article/2021/11/03/vapotage-les-vrais-millions-des-fausses-organisations-de-consommateurs_6100830_1651302.html

https://www.medecinsdumonde.org/fr/qui-sommes-nous/reduction-des-risques-rdr

https://images.math.cnrs.fr/La-bande-que-tout-le-monde-connait.html

Pour prolonger la réflexion : Dualisme et dualité :

https://fr.wikiversity.org/wiki/Concept_de_Dualit%C3%A9

https://fr.wikipedia.org/wiki/Dualisme_(philosophie)

lundi 8 novembre 2021

Toxicophobie


La toxicophobie se définit comme la stigmatisation juridique et morale des usagers et des usages de drogues. 

Il existe tout un corpus de poncifs au sujet des usagers de drogues et des toxicomanes validé médiatiquement autant qu'institutionnellement: les 'toxicos' seraient tou-te-s des menteurs/euses, des manipulateurs/trices, des pervers-es, des psychopathes, des gens indignes de confiance. Le but est d'inspirer de la honte aux usagers ainsi que la honte des usagers afin de dissuader ceux qui pourraient être tentés de consommer.
 
Aux yeux de la loi, comme de la majeure partie de l'opinion, le consommateur de drogues ne peut être perçu que comme comme un délinquant ou un malade. C'est l'image que répètent tous les films où des junkies en manque vendent père et mère pour une dose, où les fumeurs de crack assassinent, les fumeurs d'herbe tournent mal, et les amateurs de LSD finissent fous ou défénestrés. Au quotidien les journaux de province n'hésitent pas à faire un couplet sur l'automobiliste qui 'conduisait sous l'emprise de stupéfiants'  3 jours après avoir fumé un joint plutôt que sur celui qui s'est fait arrêter avec 2g d'alcool dans le sang.  Notons d'ailleurs que l'appellation de 'toxicomane' ne concerne pas les utilisateurs des psychotropes légaux nocifs et addictifs, que sont l'alcool et le tabac.

Le premier effet de la toxicophobie est d’invisibiliser les usagers de stupéfiants.
La majorité des usagers de stups et des toxicos est invisible. Elle ne se dit pas, ne se montre pas, car elle a très bien intégré la toxicophobie ambiante. Elle n’a le droit à aucune espèce de forme de réunion, de revendication, puisqu’elle n’a tout bonnement pas le droit d’exister.
La première conséquence est un manque de soins par peur des conséquences pénales en cas d'overdose, ou la peur du jugement du médecin traitant en cas de désagréments ou pour de simples informations. Le consommateur vit en permanence avec une épée de Damoclès au dessus de la tête et tant que la consommation sera criminalisée, son come-out est impossible à cause du risque d'être poursuivi, ou socialement ostracisé.  

Finalement, là où la vindicte populaire croit discriminer et mépriser la catégorie des usagers de drogues (ce qui est ouvertement légitimé), elle s’ acharne surtout -et comme d’ habitude- surtout sur la catégorie de ceux qui n’ont pas les moyens matériels de se cacher, de s’entretenir, et de s’intégrer.
Ceux qui sont 
sont le plus punis sont les plus démunis : les étrangers en situation irrégulière, les sans abris, les “accidentés” de la vie et les inadaptés du système.
Cette situation fait le bonheur de la politique du chiffre l’usage de stupéfiant constitue une proportion déraisonnable de l’activité policière tout en se tenant au service d'intérêts  politiques. La politisation des thèmes sécuritaires est une plaie. Ceux qui n'y connaissent rien imposent leur point de vue et leurs idées simples (taper toujours plus fort) alors que les solutions sont connues de tous les professionnels et par ceux qui sont concernés. 

La lutte contre la drogue et par extension contre les drogués, est en fait responsable de bien des méfaits qu’on attribue aux drogues elles-mêmes... L' esprit toxicophobe et prohibitionniste provoque bien plus de dégâts que les produits eux-mêmes.  Les politiques prohibitionnistes, qui consistent à rendre impossible la vie des usagers, ont fait énormément de tort. La criminalisation des consommateurs est une grossière erreur qui persiste en France. Il y a tellement d’exemples de la toxicité de ces politiques. Par exemple, aujourd’hui, quand on arrête une personne qui consomme de la drogue, elle peut en garder une trace dans son casier judiciaire pendant des années, cela l’empêche d’obtenir un job et de suivre le cours d'une vie normale. Combien de fugues d'adolescents, de séparations, d'overdoses évitables, de maladies ou de dépendances non traitées peut-on mettre au compte de la prohibition ?
Mieux vaudrait se tourner du côté de pays comme la Suisse, le Portugal, le Luxembourg qui adoptent une politique de réduction des risques pragmatique et bien plus efficace que le sacro saint "zéro tolérance".

Plus en amont, il y a énormément de biais dans la recherche scientifique. On fait dire aux données des choses que les données ne disent pas, notamment en ce qui touche aux comportements des consommateurs et aux problèmes physiologiques engendrés par les drogues. De nombreux scientifiques qui étudient les substances psychoactives exagèrent régulièrement l'impact négatif que la consommation de drogues récréatives a sur le cerveau. Ils taisent en revanche les effets bénéfiques que la consommation peut avoir (automédication, compensations). Ces scientifiques n'osent pas partager une telle perspective par peur des répercussions sur leur capacité à obtenir des subventions.
Dans son livre 'drugs for grown-up' (des drogues pour les adultes) Le neuro-scientifique Carl Hart dénonce les effets pervers de la criminalisation ainsi que les biais de la recherche sur l'usage des drogues.

La toxiphobie est si répandue, qu'on la retrouve retrouve au sein même des communautés d'utilisateurs. Par exemple, en milieux festifs, les injecteurs et les utilisateurs d'opiacés sont plutôt mal venus. On remarque le même phénomène quand il est question de la légalisation du cannabis, où de nombreux partisans distinguent 'drogues douces' et 'drogues dures'. Bref, la drogue des autres est toujours celle qui craint et qui fait peur.

Toute question liée à la drogue est actuellement traitée au travers d’un prisme idéologique qui diabolise sa consommation. Cela nous empêche de réfléchir correctement. Le simple fait de consommer des drogues ne constitue pas un risque ou un préjudice en soi. En réalité il n'existe que des produits et des personnes ayant chacun leurs caractéristiques et une histoire qu'il nous faut connaître avant de pouvoir juger.

Ozias


Un texte de référence:
http://sociologie-narrative.lcsp.univ-paris-diderot.fr/IMG/pdf/toxicophobie_mon_amour_anonyme_.pdf

Un blog sensible et documenté:


EGUS 2021

Cinquante ans de répression : bila, OFDT 

Médecine et réduction des risques

dimanche 18 avril 2021

Fractales

Le mot "fractale" vient de l'adjectif latin fractus qui signifie irrégulier ou brisé.
Un objet fractal possède au moins l'une des trois caractéristiques suivantes :

 Il a des détails similaires à des échelles arbitrairement petites ou grandes; 
Il est trop irrégulier pour être décrit efficacement en termes géométriques traditionnels;
 Il est exactement ou statistiquement autosimilaire, c'est-à-dire que le tout est semblable à une de ses parties. 

Ce que j'aime avec les fractales, c'est qu'elles produisent des images qui dépassent l'imagination. Des figures inouïes où, comme dans la vie, l'ordre et le chaos co-existent. Les fractales sont à l'image de la création. 
 A partir d'une formule élémentaire réitérée un nombre immense de fois, on obtient un résultat à la fois déterministe et chaotique.  Par cette faculté à générer des formes inimaginables, les fractales apportent une explication aux torrents de visions géométriques ou organiques que l'on peut avoir avec la prise de drogues psychédéliques. L'hyper-espace cher aux psychonautes pourrait n'être qu'une visualisation faite de géométries hyperboliques et de constructions fractales rendues possible par la modification de notre état de conscience. 
En tout cas les fractales me semblent être des tests de Rohrschach, tout le monde peut y voir quelque chose de différent, comme les taches d'encre.

Les fractales : dans la nature et dans les mathématiques

Les suites mathématiques modélisent de nombreux phénomènes de « croissance sous contrainte », comme , par exemple l'évolution d'une population de bactéries avec un quota de nourriture donné : La population croit, consomme la nourriture, puis décroit et finalement se stabilise, ou pas, autour d'une ou plusieurs valeurs.  
En géométrie euclidienne, les dimensions données sont exclusivement entières. Un tronc d'arbre ressemble à un cylindre, une orange à une sphère. Mais la géométrie Euclidienne trouve ses limites quand on essaye de définir des formes plus complexes comme des montagnes, des nuages, ou même des choux-fleurs. Et c'est là que la géométrie fractale intervient. 
Les géométries fractales sont omniprésentes dans la nature et même dans l'Univers.
On peut les modéliser avec des équations récursives qui sont de la forme : Xn+1 = rX( 1-Xn). 


En mathématiques, l'ensemble de Mandelbrot est une fractale définie comme l'ensemble des points c du plan complexe pour lesquels la suite de nombres complexes définie par récurrence ci dessous est bornée (ne tend pas vers l'infini) :
En noir, l'ensemble des valeurs de z  pour lesquelles  converge.






Représentation graphique des fractales

Pour les fractales 2D il suffit de faire une itération pour chaque pixel de l’image. Si le point s’éloigne de l’origine il sera en dehors de l’ensemble et il reste à décider quelle couleur on donnera à ce pixel. On pourrait simplement colorer tous les pixels « en dehors » en blanc et les pixels « dedans » en noir, mais il y a beaucoup d’autres méthodes. On déclare un pixel comme « en dehors » si son module devient plus grand qu’un nombre qu’on a choisi à l’avance. Les méthodes pour colorer les pixels sont souvent basées sur un nombre d’itérations donné avant que le module ne devienne assez grand pour être déclaré « en dehors ».
Pour représenter un objet 3D, on doit penser à l’image comme un plan de projection. On choisit alors un point de vue virtuel et on tire des rayons de ce point de vue vers chaque point du plan de projection, donc vers chaque pixel de l’image. Pour chaque rayon, il faudra découvrir si le rayon rencontre l’objet fractal et, si oui, à quel endroit sur le rayon.

Pour comprendre tout ça, le mieux ici, est de lire l'article suivant :
http://images.math.cnrs.fr/Mandelbulb.html

Et finalement, voici quelques unes de mes découvertes faites à l'aide du logiciel Mandelbulb3D (et apophysis aussi) .

Ozias




















https://jeanbaptistehardy.info/fractals-architecture-french/