mercredi 24 janvier 2018

Le partage du sensible


Dans un repère orthonormé X²+Y²=1 est l'équation du cercle de centre O et de rayon 1.
Toutes les propriétés du cercle découlent de cette formule qui synthétise totalement un cercle. La figure du rond, le compas sont pourtant incontournable pour savoir ce qu'est un cercle, pour en parler, et le penser. L'équation est un savoir abstrait, le cercle est une expérience
  La formule appartient au matheux et il y tient, jalousement mais même si l'équation est tout à la fois, le cercle sera toujours à tous.

De même, la dérivée dérivée d'une fonction se définit, selon Newton (très poétiquement) comme "l’extrême raison des quantités évanouissantes", ce qui s'écrit :

Je pense qu'une bonne illustration de la dérivée est celle d'un compteur de vitesse d' un véhicule qui en affichant une vitesse (km/h) calcule automatiquement la dérivée de la fonction distance (km) parcourue par rapport au temps (h) en un point donné du parcours. 

Comme vous voyez, j'ai toujours recherché les représentations des objets mathématiques et j'ai senti que les représentations graphiques, ou les analogies sont jugées triviales, limitées et donc inutiles par la plupart des enseignants de math que j'ai rencontrés.
Cette attitude me parait symptomatique de la méfiance qui existe vis à vis de toute expérience vécue, qui forcément met en jeu nos perceptions. Comme si le ciel des idées n'aimait pas être troublé par les perceptions de notre corps et tendait à rester le 'domaine' des initiés-diplômés.

Récemment  j'ai découvert les travaux de Philippe Hert, anthropologue, qui travaille sur la question de la prise en compte du corps sensible dans le champ des sciences sociales. En ce qui concerne la sociologie ou l'anthropologie, les sentiments, les affects et les valeurs du chercheur doivent, classiquement, interférer le moins possible dans un souci "d'objectivité" et donc de stabilité du savoir. Le risque encouru est alors que la raison devienne un savoir qui n'a plus de corps.

Philippe Hert montre que l'immersion et l'imprégnation dans le milieu d'étude apportent une vision 'incarnée' et affective qui lui permet, par exemple, de saisir la violence intrinsèque d'une situation telle que celle d'une campagne de vaccination humanitaire engagée auprès d'une tribu bolivienne isolée qui refuse le contact avec notre civilisation.
En partageant des expériences le corps prend conscience d'un savoir autre, c'est à dire d'autres formes de savoir.
Pour faire sens, le savoir doit être l'objet d'une validation réciproque qui n'est possible qu'en intégrant et en partageant l' expérience sensible du chercheur avec celle des 'êtres parlants' qu'il cherche à comprendre car le sensible exprime ce qui existe en commun.  De plus, et encore mieux, les objets culturels se chargent de sens en circulant. 
Ainsi, la prise en compte du sensible conduit à poser un principe d'égalité dans la rencontre avec autrui, c'est à dire à instaurer le principe d'égalité entre les êtres parlants.
La dimension politique de la connaissance et des représentations est ici mise à cru et le savoir de terrain réhabilité.

Ozias

Philippe Hert est anthropologue: Ses dernières publications portent sur le rapport au corps dans la recherche scientifique.
http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/6928#tocto1n4

Un bouquet d'articles sur l'apprentissage social du sensible

Article connexe dans ce blog
https://emagicworkshop.blogspot.fr/2017/08/les-mots-la-mort-les-sorts.html

Densité de probabilité d'un électron au passage des fentes de Young


Modélisation mathématique et application, le cas de l'AFC : http://www.foad-mooc.auf.org/IMG/pdf/M05-3.pdf




samedi 6 janvier 2018

Epiphanies

Ernest Pignon Ernest. Extase
L'Epiphanie est la fête de janvier où on mange la galette, mais c'est aussi un nom commun qui signifie révélation.On apprend ainsi, dans wikipedia, l'épiphanie (du grec ancien ἐπιφάνεια, epiphaneia, « manifestation, apparition soudaine ») désigne la compréhension soudaine de l'essence ou de la signification de quelque chose.

Que ce soit le mémorial de Pascal (mystique), le "syndrome de Stendhal" (entre syncope et béatitude), "L'ardeur émerveillée" d'André Hardellet, ou "Le moment épiphanique" de Joyce, les textes témoignant du sentiment d'épiphanie ne manquent pas dans notre littérature. À côté du désenchantement, et de la nostalgie du Sacré qui ont irrigué la littérature romantique, à côté de la mélancolie et du soupçon qui ont caractérisé le XXème siècle, de nombreuses œuvres expriment le sens profane du miracle, le don de la surprise ou la révélation de l’épiphanie. 


Malgré toutes ces descriptions, loin d’être « source de compréhension, […] l’épiphanie appartient d’emblée à l’obscurité, à l’opacité d’une expérience où, depuis toujours, l’être même des choses est inaccessible » (Ginette MICHAUD).
Quand il est question d'emerveillement, il serait aussi impertinent de postuler l'existence d'éléments ou d'événements substantiellement merveilleux que de donner une définition essentialiste de cette expérience, qui suppose la précédence d'un rapport entre un sujet et un objet.
Il est par contre essentiel de transmuer cette surprise en l'énergie d'un questionnement qui accepte de ne pas se clore par une réponse de l'ordre du savoir.
C’est bien parce que l’esprit s’avère capable d’un questionnement de ce qui échappe qu’il ouvre un infini au sein de chaque instant présent. Et ceci n’est pas à rejeter sous le nom d’inaccessible métaphysique; c’est simplement le souffle qui nous anime si, comme le disait Hermann Hesse,  nous avons le souci de nous sentir vivre, .

Blaise Pascal. Pensées.

La nuit du 23 novembre 1654, Pascal fait l’expérience d’une illumination mystique. Il est ébloui par une sorte de feu sans flamme, comme celui que Jean de la Croix a décrit. Il consigne le récit de cette nuit-là sur deux petits feuillets qu’il conserve, cousus dans la doublure de son pourpoint.

" Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur. C’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part essaie de les combattre." 

André Hardellet. Les chasseurs. (Extrait)

LA NUIT DES RAMONEURS

Ecoute !...Tu les entends ?
Ils sont là, à une distance incalculable, contre le mur. Hohé ! Ho !
Ils s’appellent, les hottes chantent : c’est leur nuit, la seule de l’année. Mille dans la ville, noirs d’habits, noirs de figures. Ils grimpent, s’insinuent dans les tuyaux, gagnent les mansardes. …/…




James Joyce.

L'épiphanie est pour Joyce, "une manifestation spirituelle inattendue née de la vulgarité d’une expression ou d’un geste, ou d’une phase mémorable de l’esprit".

L’épiphanie participe de trois qualités : l’integritas, la consonantia et la claritas . Très grossièrement résumées, ces qualités renvoient au principe d’identité de la chose en tant qu’elle se différencie de toutes les autres, à l’harmonie de ses proportions et au rayonnement lumineux de son ipséité. Selon Joyce, c’était à l’homme de lettres d’enregistrer ces épiphanies esthétiques avec un soin extrême puisqu’elles « constituaient en elles-mêmes les instants les plus délicats et les plus évanescents. »


Exemple d'Epiphanie de Joyce, au sujet de de son frère cadet, George, qui meurt d'une péritonite à l'âge de 15 ans . 


DUBLIN - Dans la maison de Glenngarff Parade, le soir.

Mrs Joyce (toute rouge et tremblante, apparaissant à la porte du salon)...
-Jim !

Joyce (au piano)...
-Oui ?

Mrs Joyce.
-Est ce que tu sais comment le corps fonctionne ? Que faut il faire ? C'est le petit George...Il y a quelque-chose qui sort du trou de son ventre. As-tu idée de ce que cela peut être ?

Joyce (surpris).
-Non, je ne vois pas ...

Mrs Joyce.
-Tu crois qu'on devrait appeler le médecin ?

Joyce.
-Je ne sais pas...Mais quel trou ?

Mrs Joyce (avec impatience).
- Mais le trou que nous avons tous ... Ici... (montrant quelque chose du doigt)

Joyce.(se lève en sursaut).

(Tiré de "Humour" -Frédéric Pajak et Yves Tenret. PUF  p73)

Le syndrome de Stendhal

« Pour moi le syndrome de Stendhal c’était de l’ordre de la fiction… j’aurais jamais cru qu’on puisse vivre cela… Et c’est ce que j’ai vécu. Un sentiment de trop de beauté. J’étais épuisé par cette beauté en continu. »« Ça a duré 2 secondes, mais dans mon cœur ça a duré très longtemps. J’étais à la fois totalement moi-même, avec moi-même, et non envahie du moi-même qui n’est pas intéressant. »« Là, franchement, je peux avoir la gorge qui se noue, le rythme cardiaque qui s’accélère brutalement… Et les yeux écarquillés. Oui c’est une explosion. Un spasme, entre la joie et la douleur. Ça chauffe le cœur. Ça m’a foudroyé et j’ai crié. »

Une expérience personnelle. 

J’ai embrassé l’aube d’été. Eté 74 j’ai 17 ans. Les vacances, l’Ardèche, et ce matin d’été je pêche les truites.
Le soleil déjà haut pénètre dans les gorges et éclabousse les rochers frais. Pour les yeux il y a le bleu impeccable du ciel, le vert des feuilles de châtaigniers, et l’or des herbes déjà hautes dans les contre-jours. Dans l’air les senteurs des genêts, de la rivière, des mousses et du granit. Le bruit du torrent remplit ces gorges isolées. Toute la matinée, sous mes pieds et dans mes mains se sont succédé le contact des rochers polis, des herbes glissantes, des graviers sonores, des eaux fraîches et du mucus frais de la robe des truites.  Et voici l’heure où l’ombre et l’eau glacée font place au soleil d'été qui chauffe ma peau bronzée.

J’avale toutes ces sensations, toute cette énergie, cette jouissante palpitation qui m'entoure. Sentiment intense de me sentir vivant tout comme la rivière, les truites, les plantes ou les hirondelles dans le ciel. Alors, dans cette jouissance sensuelle et solaire, au sens propre comme au figuré, j’ensemence le gravier du lit de la rivière.

Ozias



J'ai embrassé l'aube d'été.

Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins: à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors, je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.

Au réveil il était midi.

Arthur Rimbaud

vendredi 5 janvier 2018

Steve Jobs

La mort
"Me souvenir que je vais bientôt mourir est l'outil le plus important que je possède pour m'aider à prendre de grandes décisions dans la vie. C'est le meilleur moyen que je connaisse pour éviter le piège qui est de penser qu'on a quelque chose à perdre. Vous êtes déjà à nu. Il n'y a aucune raison de ne pas suivre votre cœur.

Personne ne veut mourir. Même les gens qui veulent aller au paradis ne veulent pas mourir pour y arriver. Et pourtant la mort est la destination que nous partageons tous. Et c'est très bien ainsi, parce que la mort est la meilleure invention de la vie. C'est l'agent du changement. Elle balaie ce qui est vieux pour laisser place à ce qui est nouveau. Là, tout de suite, ce qui est nouveau, c'est vous. Mais un jour, dans assez peu de temps, vous deviendrez ce qui est vieux et vous serez balayés. Désolé d'être aussi radical, mais c'est la vérité.

Votre temps est compté, alors ne le gâchez pas à vivre la vie de quelqu'un d'autre. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. Ils savent déjà, d'une certaine manière, ce que vous voulez devenir."


12 juin 2005, discours du fondateur d’Apple devant les étudiants de l’université Stanford.

L'acide :

Cela peut sembler assez difficile à croire, mais lors d'interviews avec le Pentagone précédant une visite au Président, Steve Jobs a admis avoir pris du LSD à 15 reprises entre 1972 et 1974. Il a déclaré aux officiels du Pentagone qu'il n'avait pas de mots pour décrire cette expérience, mais que « le LSD était une expérience positive qui a changé ma vie », et qu'il ne regrettait pas du tout sa décision d'en consommer.

Cette information s'est largement répandue après son décès dû à un cancer du pancréas, grâce à la loi sur la Liberté de l'Information, mais Steve ne faisait pas un grand secret de sa consommation auprès de son entourage. Il était profondément affecté par cette expérience, et bien qu'il n'ait pas pas été un défenseur proéminent du LSD, il pensait que c'était dans l'intérêt de tous d'essayer le produit.


“Taking LSD was a profound experience, one of the most important things in my life. LSD shows you that there’s another side to the coin, and you can’t remember it when it wears off, but you know it. It reinforced my sense of what was important—creating great things instead of making money, putting things back into the stream of history and of human consciousness as much as I could.”



Né hors mariage d'un père syrien, et adopté :

Le père de Steve Jobs, Abdul Fattah Jandali était issu d'une famille de la ville de Homs, ravagée récemment par la guerre civile en Syrie. Musulman non-pratiquant, il avait quitté dans un premier temps la Syrie pour le Liban, qu'il avait fui en raison de l'agitation politique en cours à l'époque. Il est aujourd'hui âgé de 85 ans et vit dans le Nevada, précise The Independent. Avec sa compagne, Joanne Carole Schieble, d'origine suisse-allemande, il avait été contraint par les parents de cette dernière de faire adopter celui qui deviendra Steve Jobs. Le père de la jeune femme avait interdit à sa fille de garder l'enfant, né hors mariage d'un père musulman.

Steve Jobs a été élevé par un couple d'américains, Paul et Clara Jobs, qui l'ont adopté. Steve Jobs ne cherchera jamais à reprendre contact avec son père biologique. Les origines syriennes de Steve Jobs avaient été révélées au grand public en 2015 alors que la crise des réfugiés prenait de l'ampleur.

lundi 18 décembre 2017

rebirth

Ce matin, séance de rebirth, avec un groupe de développement personnel. Allongé sur un tapis, sur le dos,  j'inspire:  ventre... poitrine... clavicules, puis j'expire vivement par la bouche et j'enchaîne selon le rythme donné par mon partenaire, assis sur son zafou. 
Après quelques minutes mes avant-bras sont comme paralysés et deviennent douloureux. Mes pouces, en particulier, ne fonctionnent plus. Alors je lève les bras et je commence à faire bouger mes avant-bras, mes poignets, mes mains, comme si je dansais. Puis la danse se précise, se fait transe puis extase. Je sens aussi ma bouche se contorsionner en grimaces inconnues et cela me détend extraordinairement les traits du visage. Je sens la présence d'une Energie, partout autour de moi qui me traverse et me connecte avec tout ce qui existe. Je ressens aussi la joie essentielle, immense de faire partie du vivant. 
Le dos au sol, yeux fermés, mes bras et mes jambes dansent puis je m'étire et j'étends à fond bras et jambes, mains et pieds.  Peu à peu je suis comme possédé mais pas inconscient. Je ne fais pas de bruit et je fais attention à ne pas heurter de mes mouvements mon partenaire qui assis près de moi suit ce que je fais et rythme ma respiration. Je retrouve la position d'un bébé couché sur une table de naissance. Dans la posture de 'la table' mes mains et mes pieds au ciel comme des antennes  pour capter  l' émission d'Energie. Je me sens connecté à une lumière blanche et crue qui s'étend tout autour de moi. Mes bras me semblent ecchymosés, et grêles comme ceux d'un nouveau né. Peu importe car tout en moi est joie et énergie. Je pense à ma mère qui m'a donné la vie, à son travail et ses souffrances. Je pleure, je ris et je la remercie du fond du cœur. Sentiments d'élévation, d'harmonie, de joie et de gratitude envers la vie. Sentiment de victoire aussi de m'être autorisé à aller aussi loin. A la fin de la séance je reviens à moi tout rayonnant et chargé d'énergie...

Tout au long de la semaine qui a suivi  j'ai ressenti de fortes courbatures aux avant-bras.
Dans mon lit, j'ai aussi tenté de refaire du rebirth . Mais après une dizaine d'inspirations fortes, s'ensuit une légère perte de connaissance qui interrompt automatiquement le processus. La présence d'un partenaire qui rythme la respiration et qui encourage, et celle d'une musique appropriée semblent deux facteurs clé de succès pour atteindre le stade de la transe.

Par rapport à un trip chimique, je me demande lequel des deux est le plus dangereux. Bien sûr, avec le rebirth on ne risque guère de s'empoisonner, mais on peut se poser des questions sur son état de santé mentale. Par exemple, pourquoi cet exercice a t'il eu beaucoup plus d'effet sur moi que sur les autres ? La cloison entre délire et conscience serait elle si fragile  ? Serais-je en train de ' perdre le contrôle' ? 
Les risques de tomber sous influence du groupe avec lequel on pratique, ainsi que les risques d'interprétation abusives ou de dérives sectaires sont également plus élevés que si l'on s'en tient à l'absorption d'un produit. Quoique...
Avec le LSD, le LSA ou les substances que vous préférez, les visions, les révélations peuvent être de même nature, mais restent finalement plus explicables et plus 'attendues'. Même si elle n'a pas objectivement plus de 'réalité', cette expérience de rebirth que j'ai produite naturellement, sans dopage, s'apparente encore plus à une connaissance, une révélation que ce que ce l'on peut vivre ou voir au cours d'un trip chimique.  D'ailleurs, si les grands mystiques avaient usé de drogues, ils auraient perdu toute leur crédibilité. La façon dont a tourné cette expérience ne peut être attribuée au conditionnement du groupe, qui est très hétérogène et que je ne fréquente pas régulièrement . Personnellement, je suis agnostique, et nullement porté sur l'ésotérisme ou les philosophiques orientales.
Même si je ne peux m'empêcher de penser que les sensations et les visions que j'ai eues par rebirth sont comme un 'replay' d'hallucinations déjà entrevues avec des psychotropes, cet épisode s'ajoute aux histoires de vie qui me construisent.

Joyeux Noëls et happy rebirth to you  !
Ozias

PS: Quelques prérequis pour un rebirth réussi. Pouvoir contrôler sa respiration avec une inspiration ventre, thorax, clavicule (inspiration par le nez suivie d'une expiration rapide par la bouche sans temps d'apnée).
La pratique de la danse permet de s'exprimer physiquement et d'échapper à la paralysie entraînée par la sur-oxygénation. Accepter de lâcher prise enfin, car si l'on ne se laisse pas aller à ce qui vient, le processus se bloque, de la même façon, que l'hypnotisme ne peut fonctionner que si on l'accepte ou si l'on baisse la garde. Ce dernier point demande à être en confiance et affranchi du regard des autres. Eviter par exemple de se demander si les grimaces qui viennent de si loin et qui font tant de bien sont à notre avantage ou pas. Ne pas avoir peur de passer pour un illuminé lors de la phase de restitution de l'expérience.

à lire, à voir également sur ce blog :



http://emagicworkshop.blogspot.fr/2017/05/lsa-mystique.html

https://emagicworkshop.blogspot.fr/2018/02/spiritualite-athee_16.html

http://emagicworkshop.blogspot.fr/2016/07/naissances.html

http://emagicworkshop.blogspot.fr/2015/10/nde.html

http://emagicworkshop.blogspot.fr/2015/10/psychonautisme.html


jeudi 7 décembre 2017

Pharmakon et Réduction des risques


"En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne le remède, le poison, et le bouc-émissaire.
Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin, au sens où il faut y faire attention. Cet à la fois est ce qui caractérise la pharmacologie qui tente d’appréhender par le même geste le danger et ce qui sauve.
Poison et remède, le pharmakon peut aussi conduire par sa toxicité à désigner des boucs-émissaires tenus responsables des effets calamiteux auxquels il peut conduire en situation d’incurie." 
Le pharmakon (ou pharmakos)  bouc-émissaire est illustré ci contre.

On comprend donc aisément en quoi ce mot fascine les spécialistes des addictions. Il contient à lui seul les faces multiples du monstre connu sous le nom de « drogue ». Poison pour les uns, remède pour d’autres, mais surtout bouc émissaire, prétexte idéal, casus belli de rêve. Par sa définition floue et paradoxale le  pharmakon me semble correspondre à la problématique des toxiques comme à celle de la réduction des risques (RdR)

En matière de lutte et de prévention des méfaits des psychotropes, deux attitudes prévalent actuellement. L'une moralisatrice et répressive consiste à  prohiber la consommation en masquant le problème et en compliquant la vie de l' usager afin de le dissuader de consommer ('punir pour soigner' conformément à la loi de 1970). Par voie de conséquence, en raison de la criminalisation des pratiques, et du manque d'informations, les consommateurs mettaient leur santé en danger: achat de drogues frelatées, risques de dosages ou de mélanges dangereux, injections à risque facilitant la transmission des virus. 
L'autre attitude, celle de la réduction des risques (RdR), adopta une approche beaucoup plus pragmatique du genre : "Si vous le pouvez, ne vous shootez pas. Sinon, essayez de sniffer au lieu d'injecter. Sinon, utilisez une seringue propre. Sinon, réutilisez la vôtre. Au pire, si vous partagez une seringue, nettoyez-la à l'eau de javel"....etc Oui, c'est ainsi que se pratiquait la RdR au siècle dernier ! 
Depuis les années 90 la RdR est une démarche globale qui vise la «réduction des effets nuisibles sur la santé», ou encore «réduction des dommages» (sous-entendu «causés par l’usage des drogues »).

C’est une démarche qui consiste à soutenir les personnes et trouver avec elles des solutions adaptées à leurs pratiques et dans le respect de celles-ci afin de réduire les risques de contamination et/ou de transmission du VIH et des hépatites.

Conceptuellement, la réduction des risques (RdR) rompt avec l'idéal d'éradication des drogues en proposant plutôt d'apprendre à 'vivre avec les drogues' en les domestiquant et en promouvant une attitude responsable et soucieuse des risques induits. Cette approche permet de dépasser la vision moralisatrice et répressive. 
De manière récurrente la RdR est traversée par le débat entre une 'weak rights version' qui ne pose pas la question légale comme une condition nécessaire à la réduction des risques (comme c'est le cas en France), versus une 'strong rights version' qui considère que l'usage de drogues fait partie des droits de l'homme et fait de la question légale un préalable à la réduction des risques (Neil Hunt).
Enfin, un autre débat oppose une vision neutre de la RdR, centrée uniquement sur la dimension pragmatique et réduite à la mise à disposition d'outils, à une vision politique et morale qui s'attache plus globalement à la prévention et au contexte d'existence des usagers. Ainsi, en France, la réduction des risques répond principalement à des objectifs purement sanitaires et les réponses sociales telles que l’hébergement ne participent pas toujours au dispositif. Au contraire, dans les autres pays d’Europe du Nord, les collectivités locales sont à l’origine de véritables politiques locales en matière à la fois de drogue et de toxicomanie.

Sur le terrain, côté RdR on trouve Technoplus, qui regroupe des assos comme, par exemple, keep smiling en milieu festif sud-est, les Caarud  (Centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues) en ville, et surtout les sites comme psychoactif, Asud ou météo des Prods sur le net. Quoi qu'il en soit, les associations de réduction des risques me semblent toucher principalement un public initié. Les primo-utilisateurs, les plus jeunes, ne les connaissent généralement pas. Il est d'ailleurs bien délicat d'orienter un tout jeune utilisateur vers des sites spécialisés comme Psychoactif qui  à l'instar du 'pharmakon'  éduquent, informent, préviennent des risques mais ouvrent aussi les portes à quantité d'expériences nouvelles et bien sûr plus ou moins risquées. Le remède risque dans ce cas de devenir poison. Quand au bouc-émissaire, ce sera alternativement le consommateur l'initiateur et naturellement les associations de réduction des risques. Le cas le plus récemment médiatisé est sans doute la polémique au sujet de la salle de consommation de la rue Ambroise Paré Paris XVIII.
Comme toujours, ce qui est simple est faux et ce qui ne l'est pas est plus compliqué.

Ozias


Sources : 


vendredi 24 novembre 2017

le glissement

Tal Coat. Autoportrait
"Le glissement, c’est le moment où la personne lâche la vie. C’est une forme de résilience absolue et d’acceptation de la mort." 
Le terme de glissement est utilisé depuis 1967 pour désigner un changement qui, principalement chez des personnes très âgées, se caractérise par une détérioration globale des fonctions intellectuelles, un désintérêt pour toutes choses, un refus de se mouvoir et de s'alimenter. Le plus souvent cette pathologie est consécutive à une maladie ou un accident. Son pronostic est très péjoratif.

"Parmi les facteurs de risque, on trouve en tête la perte du conjoint ou la perte d’un proche, qui se conjugue à une baisse de l’estime de soi. Il existe aussi d’autres éléments déclencheurs comme l’annonce d’un diagnostic, la vente d’un bien immobilier précieux pour l’histoire familiale du patient ou encore une intervention chirurgicale dont les suites sont mal vécues."

"Pour identifier l’origine du problème et l’élément déclencheur, il faut s’intéresser à la biographie du patient. Prendre le temps de créer un lien de confiance, discuter avec sa famille, faire attention aux mots employés.../... c’est notamment le moment où les gros secrets de famille explosent. Des événements très lourds, éteints ou mis de côté pendant des années, refont surface alors que la chaudière de la maison tombe en panne."
Le syndrome de glissement s’installe souvent dans le passé, les secrets de famille, les décès ou les deuils douloureux.

Chez le jeune enfant, L’hospitalisme dit aussi «syndrome de la pouponnière», se manifeste par un syndrome de régression mentale, une dépression dite «anaclitique» (inhibition anxieuse, désintérêt pour l’extérieur, refus de s’alimenter etc.) et un ensemble de troubles physiques dus à une carence affective par privation de la mère. Si cette carence est totale et prolongée les troubles peuvent aboutir à des états de marasme irréversibles et à la mort.
Un syndrome semblable même est observé chez l'animal : celui de ces chiens, qui se laissent mourir lorsqu'ils sont abandonnés par leurs maîtres.

Dans ces situations, les régressions pathologiques, les processus d’autodestruction, les logiques psychiques primitives semblent œuvrer à une défense paradoxale qui consiste à se sauver de l’anéantissement par l’anéantissement.
On peut se demander alors si ce n'est pas quand des «besoins» de la psyché (narcissiques, libidinaux, pulsionnels)  d’une personne, âgée ou non, sont mis à mal de façon grave et durable qu’un cap rédhibitoire se franchit malgré des soins physiques appropriés et que, dès lors, plus rien ne fait rempart au «choix» de se laisser glisser, de «se donner la mort» ?

Cette hypothèse ouvre la question de la «relation de soins», relation psychique «d’échange/transfert» qui implique le rapport à l’Autre, et de ses incidences dans la rencontre soigné/ soignant(s). Effectivement, da
ns les institutions médicales, c’est souvent à de seules dimensions d’hygiène, de nécessités physiologiques, à des gestes machinaux et des paroles conventionnelles qui ne supposent aucun sujet, que sont ramenés des soins qui pallient ce qu’une personne ne peut accomplir seule. Tels sont les soins dits de «nursing» (laver, changer, nourrir etc.), bien peu valorisés. Ainsi, par exemple, si placer une sonde gastrique pour nourrir est un soin «valorisé» à l’hôpital comme geste médical, aider à manger une personne qui ne peut le faire seule est plutôt pensé comme une charge de travail indue.

Hospitalisme ou glissement, enfant ou adulte âgée ou non, c’est ici le psychique qui peut contrer les processus de néantisation. Encore faut-il que ce secours, qui se joue dans  la qualité de l’échange/transfert de la «relation de soins», intervienne avant l’inéluctable franchissement d’un seuil irréversible, qu’il réponde aux «besoins» de la psyché et puisse alors «réanimer» les voies pulsionnelles, libidinales, narcissiques par lesquelles un sujet peut revenir à l’envie de la vie, se «redonner» la vie. 


Dans le meilleur des cas, le "glissement" arrive sans événement traumatique, au moment où le sujet semble s'être résigné à la mort. Natacha Ledjam, psychologue clinicienne qui a travaillé dix ans en Ehpad, explique :"Il y a des gens qui, à un instant T, se disent que c’est leur moment. Qu’ils sont fatigués. Qu’ils ont fait ce qu’ils avaient à faire. Que ça n’a pas de sens pour eux de continuer à faire des activités, suivre des comportements normatifs soutenus par les institutions. Ils disent qu’ils ont fait leur temps, sans pour autant traverser une dépression." La lampe n’a plus d’huile,au bout du rouleau le vieillard se laisse aller paisiblement." 
Dans ce cas, qui parait le plus simple, le glissement est une forme d'anéantissement lucide et accepté qu'il nous faut respecter car "Qui sommes-nous pour vouloir absolument trouver des raisons de vivre à la place des autres ?"

vendredi 10 novembre 2017

Le corps, moyen de connaissance

Dans certaines civilisations, le corps apparaît comme un moyen d'accéder à la connaissance ancestrale, stable, en recourant aux rituels chamaniques, à la transe, aux hallucinations, etc. 
A partir de Freud et le surréalisme, des artistes ont creusé l'idée que l'identité n'existait pas "en soi" mais qu'elle était exprimée à la fois dans l'extérieur et l'intérieur du cadre culturel.  Ils ont également exploré la notion de conscience et mis à jour un "moi" caché, informel et liminal.  Parlant de l'emprise de la technique sur la vie au XXème siècle, Heidegger remarquait que le monde est "conçu et appréhendé comme une image", tandis que le corps est un outil, un véhicule.
A la fin du XXème siècle, et plus précisément à partir des années 60, alors que  la notion de "moi" (physique et mental) considéré comme une forme stable, achevée, s'est considérablement érodée, notre culture occidentale re-?découvre que le corps est capable de produire une connaissance qui n'est ni rationnelle, ni empirique. Quelques exemples :


Dans les années 60, la peinture étant considérée comme une action (celle de Jackson Pollock par exemple), le geste de l'artiste est devenu un fondement de l'oeuvre. Les artistes ont alors commencé à faire de leurs corps un matériau artistique dans des 'performances' ou des 'événements'. Puisque le corps était le matériau de l'oeuvre, cette dernière ne durait que le temps du geste de l'artiste et c'est la photographie qui en garde la trace. La situation de l'artiste en représentation s'est ainsi souvent transformée en une forme de militantisme politique.
Charles Ray considérait la sculpture comme un acte et non un objet.  Cette oeuvre (1973) est une recherche sur la façon dont une planche peut à la fois diviser un corps et le maintenir
Côté musique, 1967, Monterey Pop Festival : Jimi Hendrix brûle sa guitare

Marina Abramovic
 
est la grand-mère des performeurs. Depuis 1973
elle étudie et repousse les frontières du potentiel physique et mental à travers ses performances. En 1974 Dans le studio napolitain Morra, l'artiste se tient debout, figée, dans une pièce. Dans cette même pièce se trouvent 72 objets placés sur une table. Une affiche donne la "consigne" suivante : "Sur la table il y a 72 objets avec lesquels vous pouvez me faire ce que vous voulez.Je suis un objet. Je prends la responsabilité de tout ce qui se passera dans ce laps de temps.Durée : 6 heures (20h - 2h)
Lien à suivre : http://www.feroce.co/marina-abramovic/
A l'issue de la performance, elle déclare :
"Ce travail révèle ce qu'il y a de plus horrible chez les gens. Cela montre à quelle vitesse quelqu'un peut se décider à te blesser lorsqu'il y est autorisé. Cela montre à quel point il est facile de déshumaniser quelqu'un qui ne se défend pas. Cela montre que la majorité des gens 'normaux' peuvent devenir très violents en public si on leur en donne la possibilité." 


Marina Abramovic 'Rest Energy' Amsterdam 1980. Durée 4mn


En 1991 Marc Quinn a progressivement recueilli durant 5 mois, 4,5 litres de son sang soit l'équivalent de la quantité moyenne de sang présente dans le corps humain. Il a ensuite réalisé un moulage de sa tête avec ce sang (congelé) qu'il a installé dans une boîte en plexiglas transparent relié à un système de congélation maintenant le bloc de sang à une température de -70°C. Cet 'autoportrait' contient donc les informations stockées dans le corps de l'artiste : matière première et code ADN . Comme le corps de l'artiste, ce moulage est mortel.  Conservé par réfrigération il se liquéfiera et pourrira lorsque le courant électrique sera coupé.
Marc Quin. Self (Le Moi) 1991. Sang, acier, plexiglas et système de réfrigération. 

Piotr Pavlenski est un artiste ou activiste russe qui paye de sa personne. Il s'est cousu les lèvres, coupé une oreille, emballé dans du barbelé, cloué les testicules sur la place rouge et j'en passe évidemment...

Lien à suivre vers Piotr Pavlenski https://unpointculture.com/2016/10/11/lartiste-russe-qui-desarme-les-policiers-de-poutine/

Sources : "Le corps de l'artiste" Phaidon 2011 et Internet.