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mercredi 18 décembre 2019

Psychonautes : les pionniers


Albert Hoffman, by Tim Jordan
Albert Hofmann (Suisse, 1906-2008, LSD)

Chimiste de son état, Albert Hofmann a synthétisé en 1943 le LSD-25 au sein du groupe Sandoz où il était employé. Il fut ainsi le le premier humain à expérimenter les effets du LSD après en avoir involontairement ingéré une petite quantité.  Puis par curiosité, il renouvelle l'essai avec une dose trop forte (250µg) et fait un gros bad-trip qu'il décrit ainsi:
 "« des vertiges, des perturbations visuelles, les visages des gens présents semblaient grimacer et présentaient des couleurs très vives ; de fortes perturbations motrices alternant avec des moments de paralysie ; ma tête, mon corps et mes membres paraissaient tous extrêmement lourds, comme remplis de métal ; j’avais des crampes aux mollets, les mains froides et sans sensations ; un goût métallique sur la langue ; la gorge sèche et serrée ; un sentiment de suffocation ; une impression de confusion alternant avec une perception claire de la situation, dans laquelle je me sentais comme à l’extérieur de mon corps, dans la position d’un observateur neutre, alors que je criais ou marmonnais indistinctement, comme à moitié fou. »". 
Trente six ans plus tard, Hofman écrit dans 'LSD mon enfant à problèmes' : « la dernière chose que j’aurais pu imaginer, c’est que cette substance devienne un jour une drogue récréative. »
En plus de sa découverte du LSD, il a aussi été le premier à synthétiser la psilocybine (le constituant actif des « champignons magiques ») en 1958.

Albert Hofmann 97 ans :
-J’ai repris du LSD il y a trois ans. Une petite quantité… Albert Hofman parle, du haut de ses 100 ans, la voix claire.
Il a bien dit il y a trois ans ? Il a pris du LSD à 97 ans ? C’est bien cela ? »
La jeune journaliste de TF1 s’étonne, rieuse. Nous sommes avec Albert Hofmann dans la salle de presse du symposium « LSD. Problem child and wonder drug » (LSD. Enfant terrible et drogue prodige). Albert Hofmann, continue en allemand, le plus sérieusement du monde : « Je voulais tester une faible dose, elle pourrait peut-être donner un antidépresseur à base de LSD. Je pense qu’à notre époque où l’humanité devient toute urbaine, l’homme perd le contact avec la nature. Il ne ressent plus qu’il fait partie du monde, il n’éprouve plus son unité avec le vivant, il ne voit plus la splendeur de l’univers, alors il désespère…"




The Shulgin's, by Alex Grey
Alexander & Anna Shulgin (Californie, 1925-2014, MDMA

Alexander Shulgin est un chimiste californien mort en 2014 qui a découvert des dizaines de nouvelles molécules psychoactives, comme par exemple la MDMA (ecstasy).
Alexander Shulgin fabriquait lui-même ses produits, de qualité parfaite. Il les consommait chez lui, avec sa femme Anna et un groupe d'amis de confiance. Les doses étaient soigneusement étudiées. Quand il découvrait une nouvelle molécule, il en prenait une quantité infime, puis l'augmentait petit à petit pour éviter les risques de surdose. Il pouvait en prendre vingt fois avant de ressentir les premiers effets.
l'influence d'Alexander Shulgin ne s'est pas limitée à l'apparition de ces molécules, aussi nombreuses soit-elles. Son attitude raisonnée envers les drogues a participé à la dédiabolisation des psychédéliques. Avec d'autres, il a été l'un de ces intellectuels pionniers qui ont refusé de catégoriser définitivement ces molécules comme des substances dangereuses. Il est l'auteur de deux ouvrages Pihkal et Tihkal considérés par la DEA (Drug Enforcement Administration) de San Francisco « comme des livres de cuisine pour créer ces drogues". 



RG Wasson et Maria Sabina
Robert Gordon Wasson ( USA, 1898-1986, psilocybine)

Gordon Wasson  travaillait comme Assistant de Direction des relations publiques dans la grosse banque américaine,
J.P. Morgan & Co.
Il a épousé une russe en 1926 qui s'appelait Valentina Pavlovna Guercken. Elle avait une vision des champignons bien différente de celle de la plupart des américains et cela attisa son intérêt pour la consommation des champignons. Cet intérêt s'est transformé en véritable fascination. Dans les années 50, il a même quitté son travail à la banque pour consacrer entièrement le reste de sa vie à découvrir tous les cultes qui existent dans le monde autour des champignons.

Robert Gordon Wasson est allé au Mexique rencontrer la chamane, María Sabina, pour participer à une cérémonie avec des champignons sacrés. 
 Il a demande s'il pouvait la prendre en photo. Elle lui en a donné la permission à condition qu'il la garde pour lui. Il n'a pas tenu sa parole et a publié sa photo.

'Dans l'article ‘Seeking the magic Mushroom’ Wasson décrit ses expériences pendant sa première cérémonie de champignons. Pour essayer de garder son anonymat, il a appelé Maria Sabina Eva Mendes dans son article. Mais comme il a également nommé l'endroit et a publié sa photo, les gens ont rapidement découvert sa véritable identité.
La conséquence a été un intérêt grandissant des occidentaux pour les cérémonies de champignon, en particulier celles des Mazapatèques. Scientifiques, hippies, membres de cultures alternatives, chercheurs de champignons et bien d'autres sont partis au Mexique pour rencontrer María Sabina. Ce gros volume d'étrangers a cependant mis María Sabina sous les feux des projecteurs de la police mexicaine. Ils l'ont accusée de vendre de la drogue aux étrangers. Toute la communauté Mazatèque en a été perturbée. Les siens l'ont accusé d'être à l'origine de cette situation et elle a été bannie du village. Sa maison a également été brûlée.
Après cela, María Sabina a regretté d'avoir présenté à Wasson le monde magique des champignons psychédéliques. Wasson de son côté a prétendu alors que son seul but était de répandre son savoir. A cause de ces faux-pas, María Sabina est devenue amère avec l'âge. D'après elle, les occidentaux ne montraient presque aucun respect pour les champignons sacrés. Ils étaient utilisés par les jeunes gens essentiellement comme des narcotiques. Le résultat est que les champignons magiques ont perdu leur magie et ils ont cessé de fonctionner'
.




Rick Strassman ( Californie, 1952, DMT)

Rick J. Strassman, professeur en psychiatrie à l'école de médecine de l'Université du Nouveau-Mexique, est l'auteur de "DMT - La Molécule de l'Esprit" (2001).
Dans les années 90, Il s'intéressa à la DMT, et il entreprit en 1990 la seule expérimentation approuvée et financée par le gouvernement américain sur les psychédéliques pendant ces vingt dernières années. Son programme : 
"Utiliser les composants psychoactifs des plantes pour étudier les divers champs de conscience manifestés chez l'homme, leur processus, et découvrir leurs bases biochimiques et physiologiques. Nous nous intéressons également aux implications médicales, sociales, et spirituelles de ces différents états, afin de savoir comment les appliquer au mieux pour soigner, développer la créativité et acquérir une certaine sagesse."
Le Dr. Strassman vit et exerce actuellement à Taos, Nouveau-Mexique. Il préside la "Cottonwood Research Foundation", un organisme non-lucratif qui se consacre à la recherche sur la DMT et autres substances psychoactives.

jeudi 4 juillet 2013

Alcools

"you never know what is enough unless you know what is more than enough" (1)
Je n'ai jamais été un gros buveur, et voilà deux ans que je n'ai pas touché une seule goutte d'alcool. En tant qu'oulipien* des boissons fermentées ou distillées, et en vertu du recul que me confère l'abstinence, je consacre ce post à l'alcool et je partage à ce sujet quelques réflexions extraites d'un article du Dr François Gonnet, Médecin Alcoologue, trois poèmes (Malcolm Lowry, Cécile Toulouse) et un clip (Stromae).
Tchin-tchin! 
Ozias
Sexisme de la cuite.
Du fait de représentations culturelles et sociales bien intériorisées, les us et coutumes face aux produits psychotropes proposés dans notre société diffèrent selon les sexes. Les hommes ayant depuis bien longtemps l'autorisation sociale de l'usage des boissons alcooliques, particulièrement dans la cul­ture latine, ont sans doute dû trouver dans cette pratique le petit sédatif dont l'être humain a besoin pour accepter sa condi­tion de mortel. Fait notable, ce sédatif vous est octroyé sans que cela soit dit (ni interdit) et au cours de séances où règnent plaisir et convivialité.

Les femmes, privées de la fête ("Kinder, Kirsche, Kùche", soit "les enfants, l'Église, la cuisine"), ont applaudi lorsque Monsieur Laroche découvrit la molécule des benzodiazepines (il était alors directeur des Laboratoires Roche, en Suisse, lors de la découverte du diazépam - Valium®- dans les années I960). Et c'est ainsi qu'aujourd'hui, dans les schémas sociaux les plus habituels, lorsqu'une femme a un chagrin d'amour, elle avale son tube de benzodiazépines (remboursé par la Sécurité sociale), se retrouve au service d'urgence et est considérée comme atteinte d'une affec­tion pathologique reconnue dans la nomenclature (TS ou tenta­tive de suicide), intéressant autant le psychiatre que le somaticien qui tenteront d'y apporter remède pendant quelques heures ou lors d'une hospitalisation (très onéreuse) remboursée par la Sécurité sociale et numérisant du point ISA.

L'homme, bien que chasseur, devient parfois la proie et peut avoir, lui aussi, quelque chagrin d'amour.. À situation insoutenable,  et qui plus est indigne, solutions radicales ! Sous forme d'une bonne cuite qui, au lieu de TS, peut parfois tourner à l'IPM (ivresse publique et manifeste) traitée cette fois, non par le système sanitaire mais par les forces de l'ordre. Si séjour il y a au service d'urgence, il sera court car les urgentistes n'aiment pas "l'intoxication alcoolique aiguë" (c'est sale, ça fait du bruit et pipi partout et, en plus, c'est teigneux et parfois violent...). Notre homme se retrouvera donc à la "cellule de dégrisement" où il restera les six heures habituelles, où les lits, bien moins confortables, n'en sont pas gratuits pour autant puisqu'il devra payer une amende (non remboursée par la Sécurité sociale). .../...


Géographie de la picole.
L'Europe du boire (de l'alcool) est traversée par une diagonale sud-ouest/nord-est de l'épicentre serait la Belgique... Au nord, l'on boit sur le mode culturel anglo-saxon et celte, au sud sur le mode latin (Flamand versus Wallon). La France, hormis son nez (Bretagne) et son front (Normandie) qui participent des deux, boit sur le mode latin comme l'Italie, le Portugal, l'Espagne, et un peu la Grèce.

Chez nos voisins anglo-saxons, donc aussi aux Etats Unis, l'on boit surtout de la bière et des distillés. Boire à table est incongru, sauf si l'on reçoit des amis, à qui l'on sert alors plutôt du vin. La consommation d'alcool est de ce fait sporadique relativement plus légère que chez les latins (l'Irlande est ainsi l'avant dernier pays consommateur d'alcool en Europe), buveur anglo-saxon est de ce fait plus sensible à l'effet de l'alcool, moins tolérant (selon les lois biologiques habituelles). Mais ça l'arrange parce que, quand il boit au pub, en famille, le samedi soir, c'est pour se faire une injection intraveineuse d'alcool l'aspect psychotropique de l'acte prenant le pas sur l'aspect convivial, bien que présent lui aussi.

L'ivresse de ce fait est une affaire culturelle depuis des siècles. Lorsque la Bretonne du XIXème siècle, lasse d'attendre son mari qui n'en finissait plus de revenir des terres neuvaines, allait au bistrot du port, elle n'avait pas honte de rentrer chez elle la coiffe oblique, sous le regard choqué de l'esthète parisien, parlant déjà de race dégénérée. Or, elle ne faisait qu'obéir à ses représentations culturelles. Ce qui, soit dit en passant, lui permettait d'avoir des ivresses moins lourdes et dangereuses que sa consœur latine. Lorsqu'elle tombait, des siècles de culture lui avaient appris à le faire à moindre risque.

Le surmoi du Britannique se dilue plus lentement dans l'alcool que celui du Latin lorsqu'il faut conduire un véhicule, avec comme bénéfice des milliers de morts en moins sur les routes au travail ou à la maison. Le Latin boit "esthétique et distingué" Il est le meilleur du monde (.Français ou Italiens ?) en matière d'associations de mets et de boissons. Parce qu'il boit tous les jours à table, il tolère l'alcool autrement mieux que son voisin britannique. Il sait boire, c'est-à-dire qu'il ne s'autorise l'ivresse que lorsqu'elle lui échappe, dans des circonstances plutôt rares qui serviront éventuellement de récits fondateurs de mythes familiaux ultérieurs. Son ivresse, les autres la racontent pour s'en gausser, lui en a un peu honte. Si c'est une femme, par contre, elle est perdue. La maman callipyge est devenue une putain ! Les Latins ont une grande pudeur de leurs cuites, les Latines encore plus car les hommes les regardent...


Un concept nouveau : l'Ivreté'
L'ivreté se situe en ce point unique et précis où toutes nos petites : "aperceptions" habituelles prennent corps et excitent nos cinq sens. Ce corps chimique si simple, C2H5.OH, est de tous les produits psychotropes, celui qui va faire le plus grand désordre neuro-médiatique cérébral Pensez donc ! Il diminue opiacé delta, noradrénaline, acétylcholine, pour augmenter sérotonine et acide gamma-aminobutyrique. Ceci sans parler de la dopamine qui va s'emballer avec l'usage répétitif. Le résultat est : 1} une sédation, 2} une déshinibition, 3) une euphorie. Avec ces trois cordes, l'on peut jouer presque toutes les musiques. Néanmoins l'interprétation ne sera que celle de "qui-vous-êtes-au-moment-où-vous-le-buvez".

J'en veux pour preuve ce superbe texte chinois remontant à 2 000 ans avant Jésus-Christ (6) : "Chen Yukun, bouffon d'un roi de Qi dans l'Antiquité, a très bien exprimé cette corrélation entre le fait de boire ensemble et le degré de convivialité au cours d'une réunion. Au cours d'un banquet pour célébrer une victoire, le souverain lui demande la quantité qu'il pouvait boire avant d'être ivre. "Cela peut être un pot aussi bien qu'une grande jarre, répondit Chan Yukun - S'il vous arrive d'être ivre au bout d'un pot, comment pouvez-vous boire une jarre ? - Quand je bois en votre présence les fonctionnaires chargés d'appliquer les lois se tiennent debout à côté, les annalistes qui notent tout sont derrière moi, aussi je reste la tête baissée et je ne peux même pas boire un pot sans être ivre. Si mon père reçoit des invités importants, je m'incline devant eux, leur tends des coupes, leur verse à boire, ils me pressent de me joindre à eux et alors je leur offre un toast, dans ce cas je ne peux pas boire deux pots sans être ivre. Si je rencontre un vieil ami que je n'ai pas vu depuis longtemps, tout content nous parlons du passé, nous avons une conversation intime et personnelle et alors je bois cinq ou six pots sans être ivre. Si c'est une réunion à la campagne où garçons et filles s'assoient ensemble, où la boisson circule, où l'on boit joyeusement, pourvu que cela dure longtemps, que l'on joue au jacquet ou à des jeux d'adresse en faisant des compétitions, si l'on peut se prendre impunément par la main, si les regards deviennent éloquents sans restriction, si les boudes d'oreilles tombent devant les filles et leurs épingles a cheveux le long de leur nuque, j'adore tellement cette ambiance que je peux boire huit pots sans même être au tiers ivre. Si l'on continue à boire après le coucher du soleil pendant la nuit, si une partie, des convives dispersés, gar­çons et filles se mêlent assis, genoux contre genoux, les chaussures entremêlées, les assiettes et les coupes en grand désordre, les lampes éteintes, si le maître de maison renvoie certains indésirables et me garde, si les robes des filles sont ouvertes, des parfums forts s'en déga­geant, je suis ravi et je peux boire une jarre."
Que nous dit cet écrit vénérable ? Deux choses essentiellement. La première, disais-je, que l'alcool ne fait que révéler qui nous sommes au moment où nous le buvons, tant sur le plan biologique que psychologique. Il éclaire notre pièce intérieure. La seconde, que la ritualisation de l'acte de boire ainsi que son contexte socioculturel peut en modifier profondément les effets.(...)
"La passion qui anime la volonté d'ivreté est un écho lointain des pratiques enfantines. Il y a de l'aspi­ration à la régression dans le désir de se défaire des lourdeurs de l’existence par le recours à ce seul procédé. Et je songe que, parmi les jeux élus de ceux qui échappent encore, et pour peu de temps, aux rigueurs du monde, adulte, il existe (...) la volonté de faire exploser, ne serait-ce qu'un court instant, la stabilité de la perception afin d'infliger a la raison tyrannique et à la conscience, habituellement chargés de réaliser l'équilibre et la mesure, une panique voluptueuse qui débouche sur un spasme, une suspension des catégories apolliniennes (2). Dans l'Olympe, Penthée serait sans doute devenu fou si Dionysos, par son fluide cadeau, n'était venu introduire quelque souplesse (3).

http://groupeinteralcool.free.fr/index.php/component/content/article/107-gonnet
à lire aussi : http://sos-addictions.org/blogs-dexperts/drug-store-not-drug-war/la-revanche-des-buveurs-deau


Addiction et rédemption: Deux poèmes de Malcolm Lowry extraits de 'POUR l'AMOUR DE MOURIR'. Traduction de J.M. Lucchioni.


PRIÈRE POUR LES IVROGNES

Dieu, donne à boire à ces ivrognes
Qui se réveillent à l'aurore
Sur les genoux de Belzebuth, en plein délire,
Les membres recrus de fatigue
A l'instant où par la fenêtre ils aperçoivent 
Encore une fois, le jour qui s'accroît
Terrible comme un pont coupé.


RÉCONFORT


Tu n'es pas le premier à avoir la tremblote,

La tête qui tourne, des visions,
A porter la socque de pourpre
Ni le premier pour cette putain invincible
Qui fascine tant d'yeux injectés de sang. Penché sur toi,
Il a mal, ce visage de fer aux yeux d'agate,
Il s'éveille ange gardien et voit le passé
Riche d'un parthénon de possibilités...
Tu n'es pas le premier qu'on ait pris à mentir
Et à qui on dit qu'il va bientôt mourir.

Un poème de Cecile Toulouse.

FEU BAS

Quand ils boivent comme des trous,
Se trompent d'adresse,
Se trompent de lit,
Se trompent de vie.

Et puis quand tout déborde
De leur trottoir,
De leur caniveau,
De leur cerveau,
Et qu'au petit matin
Seule une coquille vide
Leur revient.

Non je ne sais pas
Quelle pluie les hommes attendent
Quand ils ont le cœur sec.
Je n'ai jamais appris,
En dépit des légendes,
Comment faire avec.

Quelle vague espèrent ils ?
Quelle tornade, quel tonnerre ?
Quel seau, quel baril ?
Quel whisky dans quel verre ?

Non je ne sais pas
Quel feu bas les dévore.
En dépit des excuses,
Je l'ignore.



Et enfin, grand classique, Charles Baudelaire

Enivrez-vous.

Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.

Charles B. (petits poèmes en prose)


* L'Oulipien est un membre de l'Oulipo.  La littérature oulipienne est une littérature sous contrainte. Un AUTEUR oulipien, C'est "un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir".Un labyrinthe de quoi ? De mots, de sons, de phrases, de paragraphes, de chapitres, de livres, de bibliothèques, de prose, de poésie, et tout ça...

(1) On ne sait jamais ce qui est assez avant de savoir ce qui est trop.
(2) Onfray M. La raison gourmande. Paris : Grasset, Figures, 1995 : 86 et suivantes
(3) Benichou L. Mythes et addictions. Séminaire de recherche IREMA; 27-28 novembre 1998. Paris : IREMA, 1998 : 49

jeudi 7 mai 2020

Quarantaine Covid-19

Alors que cette période de confinement prend fin, je me trouve presque nostalgique de ces huit semaines de réclusion décadente. D'où ce carnet de confidences d'un confiné. Bonne lecture !

Prologue : 18 février 2020 Olivier Véran, ministre de la santé, sur France Inter :« La France est prête car nous avons un système de santé extrêmement solide. »

5 mai 2020. Cinquante jours de confinement (50).

Ici, ça a commencé mi-mars. D'abord les écoles ont fermé, mais on est allé voter quand même. Puis, comme sur Facebook, les rayons de notre supérette se sont vidés : plus d’œufs, plus de pâtes, plus de farine ni de PQ. On a eu droit à un ultime week-end de départ en vacances très ensoleillé, dont, par civisme sanitaire, je n'ai pas osé 'profiter'. Curieusement, les jeunes étaient les premiers à confiner, à mobiliser et à se mobiliser, alors que les plus âgés ne réalisaient pas encore, ou alors pas vite qu'ils étaient les premiers visés par cet Armageddon du boomer. Quand aux très âgés, déjà confinés depuis des années, ils ont été bien étonnés que l'on prenne soudain de leurs nouvelles.

Le 16 mars, dans un discours qui se veut martial, le Président nous apprend et répète ad-nauseam que 'nous sommes en guerre'. Pour ambiancer le tout chaque mobile reçoit un SMS de gouv.fr (qui n' avait encore jamais écrit) annonçant
"Des règles strictes que vous devrez impérativement respecter...!"


Au commencement 

C'est comme ça que du jour au lendemain, on s'est retrouvé en quarantaine pour cause de sécurité sanitaire avec autorisations de sorties datées signées, plages surveillées par hélico et état d'urgence pour une durée indéterminée.
Depuis quelques temps déjà ce confinement nous pendait au nez. Mais même en ayant l'Italie sous les yeux, on ne s'était pas préparé, on ne voyait pas, ou on ne voulait pas le voir. Le confinement, était réservé aux vaches ou aux canards dans les élevages, comme on avait pratiqué à l'occasion de la crise vache folle ou des grippes aviaires ou porcines précédentes. Mais pour nous humains, nous ne pouvions y croire avant  que ce COVID19 ne fasse de nous des champions des gestes barrières et de la distanciation sociale. 
Evidemment, à partir du moment où la Chine a confiné, la comparaison publique mondiale a fait que le confinement devenait inévitable partout. Le gouvernement s'est fait un devoir de garantir à ses citoyens que 'rien ne leur arrivera'. D'autres pays comme le Royaume Uni ou les USA ont bien essayé de jouer l'immunité de groupe, mais ils se sont fait déborder par les gros paquets d'hospitalisations avant d'emboîter le pas aux états confineurs. Incapable d'approvisionner masques et tests de dépistages, notre startup-nation championne du juste à temps et du flux tendu a forcément décidé du remède le plus moyenâgeux, le plus autoritaire aussi : le confinement de toute la population. Mais il était impossible de faire autrement je crois, car l'opinion elle-même aurait crié au génocide. Quand les valeurs « sanitaires » semblent indiscutables alors tout discours alternatif est indicible et la compétition politique ne peut se traduire que par une surenchère.

A ce sujet, le destin des animaux, et le sort que leur réservent nos sociétés humaines, me parait prophétiquement représentatif du 'foutur' de notre humanité. Depuis longtemps déjà tous les animaux libres vivent sauvages dans l'illégalité, tandis que nous produisons les animaux domestiqués comme de banales marchandises. Les races ont été sélectionnées, élevées, améliorées, différenciées, spécialisées normalisées pour s'adapter à la 'demande du marché'. Même chose pour les plantes où seules sont autorisées les graines de variétés sélectionnées et inaptes à se reproduire. Cette évolution pourrait bien préfigurer notre propre destin à l'aube du transhumanisme. Par exemple, la crise du Covid nous montre que l'avenir est aux Ehpads grands comme des fermes des mille-vaches où nos vieux jours seront professionnellement protégés de la mort par nos économies et pour la plus grande gloire de la sécurité sanitaire nationale et celle des actionnaires des groupes Korian et consorts. Bref, si tu confines bien, tu auras la chance de finir en Ehpad !

Mais, trêve d'anticipation et retour au réel... Donc le 16 mars , France Inter nous met en garde :"Arrêtez de vous embrasser", on fait les dernières courses (du tabac, des graines, des médocs, des patates), puis pour se remonter le moral on s'appelle, on échange les dernières blagues, et comme on est tous sidérés sous le soleil radieux du printemps, on joint les mains, on serre les fesses, on croise les doigts et on attend la suite... Let it be !

Le plus pénible pour moi est l'infantilisation dans laquelle le pouvoir veut nous tenir. Pour sortir, il faut remplir une attestation signée, comme au collège. Sibeth, la porte-parole du gouvernement nous explique que le port du masque peut être 'contre -productif' et Etienne Klein, démontre dans un savant calcul pour 'Marianne', que dépister ne sert à rien
Par temps de confinement rester chez soi et se taire fait de nous des héros !
Ici, les plus extravertis donnent chaque jour à 20 heures un concert de casseroles et de klaxons pour encourager Macron les soignants.
Nous Pesterons donc chez nous en briguant  légion d'honneur et croix de guerre du héros confiné. 


Premières semaines


17 mars 2020. 
'Nous sommes en guerre'
La première semaine a été la plus longue et la plus angoissante. Quand nos repères tombent, tout devient possible. La grève générale, l'arrêt de la mondialisation. On rêverait presque à la fin de la société de consommation. Spontanément on pense à l'an 01 de Gébé. Conséquence immédiate, je défriche un potager et je plante tout ce que j'ai sous la main. 
D'autres semblent apprécier cette parenthèse qui les maintient chez eux, les rapproche de leur famille, de la nature, de leur vraie nature parfois. 
Dehors la nature reprend ses droits, sans que l'on sache toujours démêler le vrai du fake. Ainsi, ces dauphins vus dansle port de Hyères, mais filmés dans le Bosphore, ou encore ces loups qui entrent dans Grenoble le ...1er avril !!!.

Plus d'avions dans le ciel, plus de brume dans la vallée et pour le futur, on hésite entre utopie, effondrement et dystopie. Le Centre Patronal Suisse y va même de son couplet : "Certaines personnes pourraient être tentées de s'habituer au confinement, voire à se laisser séduire par ses apparences insidieuses : beaucoup moins de circulation, un ciel déserté par le trafic aérien, moins de bruit et d'agitation, le retour à une vie simple et un commerce local. La fin de la société de consommation.' Pendant 45 jours il fait honteusement beau. Ici le printemps est partout et me rappelle la chanson de Nino Ferrer 'Le Sud'...Et toujours pas moyen de savoir ce qui se passe en ville. 

En me promenant sur les chemins autour d'ici je croise bien plus de monde que d'habitude. Des voisins, des joggers avec leur chien. Les consignes de confinement semblent induire un climat de sévérité peu propice aux rapprochements humains. La peur est partout. On se sent spontanément inspecté par son voisin, par les passants : pourquoi as-tu un masque alors que les soignants en manquent ? Depuis combien de temps traînes tu dehors ? Ton caddie contient il des articles de première nécessité seulement ? Ne pouvais-tu pas éviter de sortir ? 
Comme nous avons tous peur du moindre pépin, nous sur-réagissons : par exemple, j‘ai eu peur que le chien du promeneur que je croisais morde, et j'ai eu envers son maître une réaction inhabituellement agressive. 
Confiner, c'est beau, mais alors, la question qui tâche et qui fâche, est de savoir comment faire pour aller travailler quand on sait que se promener seul sur une plage est une violation de la sécurité sanitaire. Le monde s'aperçoit qu'il n'était rien sans le travail de ceux 'qui ne sont rien' et nous découvrons que - peut être- et après tout nous ne servons 'à rien' (autrement dit, que la société se passerait très bien de nous). 
Bref : Si tu travailles tu es vecteur potentiel craint et respecté. Si tu ne travailles pas, alors reste chez toi ! On est essentiel ou pas.
Finalement, dans ce confinement personne n’est à sa place. Le dilemme protection individuelle/continuité sociale est incompatible avec le confinement, insurmontable. Chacun fait son flic, et le keuf-virus nous a tous contaminés.


Rythme de croisière


Après 8 longues semaines de confinement mes jours ont trouvé un nouveau rythme ponctué de grasses matinées, de longs face à face avec un écran, de séances de jardinage et d'appels téléphoniques. L'angoisse de la première semaine a fait place à la sérénité. Les meilleurs moments de la journée sont le petit déjeuner (café pain beurre salé) sur le coup des 10-11 heures, puis la sieste de 15 à 17h, puis le jardin de 18 à 20h. Comme il se passe moins de choses dans une journée, curieusement, le temps confiné passe plutôt plus vite que le temps normal. 
Même si je me demande si l'effondrement de notre société pourrait commencer par une mauvaise grippe, le CAC 40 lui reste optimiste et me donne quelque espoir d'un 'retour à l'anormal' !!! 😄 Total, j'ai perdu 2kg. A cause de l'angoisse ? Well... Wait &see...


Finalement, voici ce que j'ai apprécié pendant ces 50 jours de confinement :

- On apprend à se connaître. D'ailleurs, à titre personnel il ne faudrait pas que le confinement se prolonge trop longtemps, car la distanciation sociale a tendance à me rendre encore plus misanthrope (simple distanciation sociale ou syndrome de la cabane ?) .  Mais surtout, quand on confine à plusieurs, c'est bas les masques. Difficile de cacher ses petites habitudes en étant 24/7 sous un même toit. Pareil sans doute si on a des voisins. Depuis que le port du masque s'est généralisé plus moyen de se fuir ou se cacher, tout se voit tout se sait tout se sent.... Transparence 360° ! 

- Avec un cours du baril de pétrole négatif (-37$ au plus bas), c'est un plaisir de faire le plein de gazole pour aller nulle part. Côté exploitation des gaz de schistes  et on est tranquille. Plus besoin de s'exciter là dessus pour l'instant.

- On a enfin la preuve que l'Europe n'est rien d'autre qu'un vaste marché commercial sans initiative commune audible au niveau politique ou social, quelques velléités mais pas de résultats niveau sanitaire. Même la BCE (Banque Centrale Europe), qui faisait son possible au niveau monétaire et soutien de l'économie, se fait tacler par la cour constitutionnelle allemande Fracture en vue pour la zone Europe ?  Une histoire à suivre, qu'on pourrait payer cher.


- Du point de vue existentiel, on voit mieux à quoi on sert. Je veux dire socialement surtout:  Que se passe t'il si je ne sors pas, et si je n'existais pas, qui s'en rendrait compte ? 
qu'est-ce que ça changerait ? Dans le cas où la réponse est 'Rien' cette prise de conscience peut être difficile, ou au contraire infiniment réconfortante..

-Le harcèlement commercial au téléphone s'est arrêté comme par magie. En huit semaines d'isolement j'ai reçu zéro proposition d'isolation à 1€ !

- En réalité, ce que j'ai le plus apprécié c'est qu'on retrouve toujours son smartphone ! Bien qu'il puisse se cacher dans le lit, sur le sofa ou sur la table, je suis enfin serein car je sais qu'il n'est jamais loin 😀

Mes prévisions pour la suite : "Le monde d'après sera un monde de queues, d'oreilles décollées et de buée sur les lunettes"  (enfin, on verra bien :) 
Et si ça se trouve, en sortant de nos tanières avec les cheveux à la Raoult, la prise de poids et le masque, on ne va même pas se reconnaître.

Bon, allez zou ! On se lève, et on se casse !

Ozias mai 2020

Une autre expérience (TBH) 
https://www.facebook.com/notes/thibaud-bernard-helis/faire-de-la-fen%C3%AAtre-interview/1630994530386598/

vendredi 31 mars 2023

Set, Setting and Support


Alors que le mouvement psychédélique prend de l'ampleur et que l'opinion publique évolue, de plus en plus de personnes cherchent à utiliser les psychédéliques dans un but thérapeutique ou d'exploration de soi. Que ce soit dans le cadre d'une thérapie assistée aux psychédéliques, de cérémonies de médecine par les plantes ou d'un usage récréatif, le discours occidental actuel sur les psychédéliques a depuis longtemps intégré le concept de "Set & setting". Mais dans la culture psychédélique contemporaine, ce terme ne suffit plus comme mantra de réduction des risques. Comment l'actualiser et mieux aider les psychonautes ?

Depuis sa formulation dans les années 1960, les variables du Set & setting n'ont guère évolué. Il existe pourtant d'autres facteurs significatifs qui impactent l'expérience psychédélique - à la fois de manière immédiate et à long terme - qui ne sont pas entièrement pris en compte par les seuls paramètres de set & setting. Le Set & setting n'existe pas indépendamment de la culture, et d'un contexte socioculturel qui inclut, sans s'y limiter, l'identité, le statut économique, la nature des relations avec les autres, l'accès de l'individu à la nature et sa relation avec celle-ci.

Dans une large mesure, la notion de set and setting dans la culture occidentale a été façonnée et inspirée par la manière dont les peuples premiers du monde entier consomment des substances psychoactives dans des contextes rituels, avec des objets cérémoniels, de la musique, des relations avec la terre et des schémas d'interprétation cosmologiques. Contrairement à ces cultures, la notre porte un préjugé défavorable à l'égard de l'utilisation de substances psychoactives, et bien qu'il soit prouvé que les peuples d'Europe ont utilisé des plantes psychoactives de manière rituelle, ces traditions ont été oubliées depuis longtemps. 
Nos cadres culturels forment un prisme à travers lequel l'expérience psychédélique est interprétée, et l'absence de contexte culturel autre que celui de la prohibition, entraîne la nécessité d'une redéfinition du set & setting dans les sociétés occidentales.
Ido Hartogsohn, professeur adjoint au programme pour la science, la technologie et la société à l'université de Bar-llan (Israel), a mené des recherches sur le set & setting, et sur la manière dont les expériences psychédéliques sont façonnées par la société et la culture. En 2017, Hartogsohn a publié un article décrivant l'histoire du set et du setting, soulignant que bien que le terme soit souvent attribué à Leary, ses racines sont plus anciennes.

Set, Setting, and Support

Malgré les bienfaits indéniables des psychédéliques, le discours médiatique qui les entoure est souvent empreint d'un langage sensationnaliste, qui tend à en faire des remèdes miracles pour tous les problèmes de santé mentale. Ce postulat trompeur ne met pas en évidence les innombrables défis que présente l'expérience psychédélique. Même lorsque le set & le setting sont sous contrôle, il n'y a pas de garantie que des contenus et des situations difficiles ne se présenteront pas.

Le soutien d'un pair, d'un accompagnateur ou d'un facilitateur pendant une expérience peut aider le psychonaute à mieux naviguer dans son expérience et à adapter le cadre pour un meilleur confort et une plus grande sécurité", explique Hanifa Nayo Washington, cofondatrice et responsable de la stratégie de Fireside Project, une ligne d'assistance psychédélique qui offre un soutien téléphonique gratuit et en direct aux personnes en phase de trip ou d'intégration. https://firesideproject.org/app.

Comme le dit Stanislav Grof, chercheur en psychédélisme et psychologue transpersonnel, les psychédéliques se comportent comme des "amplificateurs non spécifiques de processus mentaux ou psychiques". En d'autres termes, ils ont la capacité d'amplifier un contenu latent dans la psyché, en faisant surgir des pensées, des émotions et des impressions sensorielles dont nous étions auparavant inconscients. Fréquemment aussi, il semble qu'au cours d'une expérience, il y ait un écart entre les attentes et le déroulement réel de cette expérience. Le fait de disposer de formes de soutien  pendant le processus peut aider à traverser les moments difficiles du trip. 
En outre, les suites d'une expérience psychédélique peuvent également être déstabilisantes, car les états de conscience non ordinaires qu'ils provoquent nous catapultent au-delà des limites de nos perceptions quotidiennes. C'est en partie cette perturbation de notre flux de conscience standard qui permet aux psychédéliques d'être bénéfiques, mais cela peut aussi être un processus déstabilisant, car les bases de nos visions du monde et de nos systèmes de croyance sont fondamentalement remis en question. Le recours à un soutien post-voyage dans les jours, les semaines et les mois qui suivent une expérience psychédélique peut considérablement faciliter le processus d'intégration vers une "nouvelle normalité". 

Trouver des supports 

La recherche de soutien est un moyen d'améliorer la préparation, le voyage et l'intégration psychédéliques. L'un des types de soutien, qui peut sembler plus évident, est le soutien social et communautaire avec l'aide d'un tiers. Même si les psychédéliques peuvent susciter des sentiments de connexion et d'unité, certaines personnes qui en utilisent peuvent se sentir aliénées et incomprises. 
Pendant des années, les politiques prohibitionnistes de tolérance zéro ont diabolisé les substances psychédéliques et ceux qui les utilisaient, ce qui a créé une stigmatisation persistante et un sentiment de peur et de honte associé à leur utilisation. Cela est particulièrement vrai pour les personnes racisées qui ont longtemps été confrontées à l'impact de l'application discriminatoire des lois sur les stupéfiants, la guerre contre la drogue produisant des résultats profondément inégaux entre les groupes raciaux.
En outre, les expériences spirituelles et mystiques ont longtemps été moquées et condamnées dans la culture occidentale, car elles comportent souvent des éléments qui culturellement ne sont pas admis, ce qui fait que les personnes qui vivent des expériences mystiques ou transpersonnelles profondes peuvent être rejetées ou qualifiées de " dingues ".
L'intégration est souvent un processus non linéaire au cours duquel les choses se dégradent parfois avant de s'améliorer. À la suite d'une expérience profonde la personne peut abandonner certaines composantes de son identité ou de sa personnalité. Cet abandon de comportements et de parties de la psyché qui ne sont plus utiles peut être considéré comme une sorte de "mue psychédélique". Omar Thomas, fondateur de la Jamaica's Diaspora Psychedelic Society, PDG de Jamaican Organics et membre du conseil consultatif de Psychedelics Today, a formulé pour la première fois la notion de "mue" dans le contexte de l'intégration psychédélique.
Cette mue peut concerner l'emploi, l'appartenance religieuse, l'identité sexuelle etc. Lorsqu'une personne traverse ce processus de mue sans bénéficier d'un soutien adéquat, le risque est qu'au lieu de trouver un soulagement à ses afflictions mentales et psycho-spirituelles, celles-ci s'aggravent. Par exemple, que se passe-t-il lorsqu'une personne se rend compte que son stress est dû à son travail, mais qu'elle ne peut pas démissionner parce qu'elle ne pourra pas subvenir aux besoins de sa famille autrement ? Ou que se passe-t-il lorsque que la personne se défait de son identité cisgenre tout en étant engagée dans un mariage qui risque de s'effondrer, entraînant une série d'effets problématiques ? Le processus de mue n'est pas toujours un mal, mais il peut le devenir si l'on ne dispose pas d'un soutien adéquat pour le rendre possible. 

Même si aujourd'hui les psychédéliques sont de mieux en mieux acceptés par le grand public, leur usage restent stigmatisant. Il est donc important de trouver une personne de confiance qui ne porte pas de jugement et avec qui partager ses découvertes. Pour certains, cette personne sera un thérapeute, un conseiller, un coach ou un guide chamanique, tandis que pour d'autres, il s'agira d'un ami de confiance ou d'un membre de la famille.
Si l'entourage immédiat se montre incompétent, il est possible de trouver du soutien communautaire en se connectant en ligne ou vrai avec une communauté psychédélique qui  propose des ateliers et des cercles d'intégration. L'un des avantages de la recherche d'une communauté en ligne est qu'elle permet d'entrer en contact avec des personnes appartenant à un groupe d'identité sociale spécifiques inaccessible autrement. Par exemple, on trouve maintenant (dans certains états US) des cercles d'intégration qui s'adressent aux personnes qui s'identifient comme racisés, neuro atypiques ou queer.

"En préparation d'un voyage psychédélique, le soutien peut prendre la forme d'un échange avec un ami de confiance, un facilitateur psychédélique ou un cercle de soutien, afin d'explorer les intentions, les appréhensions, les impressions et plus encore". "Cette étape permet de  prendre conscience de son état intérieur et de mieux connaître ses propres besoins et ses propres connaissances. 
Quelle que soit la qualité de l'expérience, et au-delà de la réduction des risques, certaines pratiques peuvent être utilisées dans les moments difficiles, afin d'approfondir le sens de l'expérience et d'en tirer un bénéfice durable. Par exemple, une étude de 2019  a montré que la méditation peut aider les patients à consolider les résultats de leur thérapie sur le long terme.
Qu'il s'agisse d'une pratique centrée sur la somatique ou la pleine conscience, ou d'une pratique plus dynamique basée sur le mouvement comme le yoga ou la danse, l'ancrage qu'ils procurent permet d'établir une relation plus profonde avec soi-même.

L' accompagnement à l'expérience psychédélique commence par le biais du développement personnel (Yoga, danse, méditation, hypnose etc). L'intégration de l'expérience peut se faire avec des psychothérapeutes intéressés par un travail sur les états de conscience modifiés. (voir article précédent sur Denis Dubouchet).  
Dans les états américains pionniers de la renaissance psychédélique, de plus en plus de professionnels ou d'associations proposent leurs services en ligne. 
En France, il faut aller à l'étranger pour trouver des centres, des cliniques ou associations spécialisés dans l'initiation ou la pratique des psychédéliques.  Par exemple les Pays-Bas, ou la Jamaïque où l'usage des truffes n'est pas prohibé, ou plus simplement en Espagne où quelques associations proposent des retraites psychédéliques.


Voici quelques ressources de support psychédélique . J'espère compléter cette liste à l'aide de vos suggestions.

Retraites psychédéliques
Retraites au Portugal https://coracao-medicina.com/
Un guide complet (en anglais) des pays pratiquant les retraites psychédéliques https://www.psychedelics.com/guides/psilocybin-magic-mushrooms/
Guide exhaustif des essais psychédéliques (en cours, futurs ou pasés) https://psychedelic.support/resources/how-to-join-psychedelic-clinical-trial/
Le prix d'une retraite psychédélique peut varier de quelques centaines à quelques milliers d'euros.

Intégration

à Lyon, la Société Psychédélique de ,Lyon anime des cercles d'intégration en présentiel.
La Société Psychédélique Française propose des cercles d'intégration en  distanciel. 
Eleusis (association suisse) propose également 2 fois par mois des cercles d'intégration sur inscription  https://eleusis-society.ch/francais/2022/09/06/cercle-dintegration-3/

La Gazette de l'abime (Média psychédélique) organise des cercles d'intégration privés (tarifs très abordables) https://https://www.facebook.com/lagazettedelabime/

Fabienne Lannes (psychothérapeute à Marseille) http://www.fabiennelannes.com/

Sinon, en France, dispositif MonPsy. 8 séances/an de psychothérapie remboursées par la SS sur prescription d'un généraliste.

Support en ligne
Commence à se développer dans les pays psychédéliquement avancés 


https://wiki.tripsit.me/wiki/How_To_Tripsit_Online

Associations en France
Les sociétés psychédéliques :
National, Communauté psychédélique francophone: https://www.facebook.com/groups/lacpf

Paris, Société Psychédélique Française https://societepsychedelique.fr/fr

Lyon, Société Psychédélique de Lyon https://www.facebook.com/societepsychelyon

Grenoble, antenne de la SPF https://www.facebook.com/spfgrenoble

Bretagne, Société Psychédélique de Bretagne 

A lire dans ce blog sur le même sujet :



Se renseigner avant le voyage : https://wiki.tripsit.me/wiki/Main_Page

mercredi 12 octobre 2016

Drogues: vers la fin du tout répressif ?

La guerre contre la drogue est ouvertement déclarée depuis plus de cinquante ans. La convention de 1961 établit un système universel pour limiter la production, la distribution et la consommation de stupéfiants à un usage uniquement médical et scientifique. Elle est axée sur les substances à base de plantes comme la coca, le cannabis et le pavot.
Dix ans plus tard en 1971, une deuxième convention étend ce système à plus de 100 substances psychotropes.
La dernière convention, en date de 1988, renforce l'obligation des sanctions pénales des états pour réduire la production, le trafic et une consommation en hausse continue. L'approche est basée sur la prohibition et la répression est mise en oeuvre par des organismes internationaux tel l'ONUDC, le CDS et l'OICS, puis relayée par les états.

Le 24 Mars 2016 la commission  globale des politiques en matière de drogues composée d'ex-présidents du Brésil, du Portugal, du Chili, de la Colombie, de la Pologne , de la Suisse et de personnalités telles que Kofi Annan  publie "Ending the war on drugs". La commission dénonce l’échec de la politique de contrôle répressive des drogues.
En effet, le nombre d'usagers des principales drogues (cocaïne, opiacés, cannabis) a augmenté de 36% entre 1998 et 2013 alors que la population mondiale a augmenté de 20% (chiffres ONU).

Second constat, en raison de la criminalisation de leur pratique, les consommateurs mettent leur santé en danger: achat de drogues frelatées, injections à risque facilitant la transmission des virus. Ainsi, 30% des injecteurs russes seraient infectés par le VIH. De plus le nombre de victimes 'collatérales' (règlements de compte) et d'incarcérations ne cesse d'augmenter.

La commission rappelle aussi le coût de cette guerre que Georges Sorros  résume en disant "War on drugs is a 1Trillion$ failure". et encore, ce chiffre ne concerne que les USA !

Dernier constat d’échec : la prohibition a favorisé la prolifération des organisations mafieuses et criminelles. Le  chiffre d'affaire annuel du trafic de drogue est estimé à 300-400 milliards.

La commission Globale de Politique en matière de drogues suggère donc de nouvelles approches moins destructrices, moins coûteuses. Elle recommande notamment la dé-criminalisation pour usage et possession
Elle recommande également aux états d'intervenir sur les marchés pour les organiser au lieu de les laisser aux mains des trafiquants.

La publication de  "Ending the war on drugs" a eu lieu en mars dernier, juste avant la session extraordinaire de l'assemblée générale des nations unies sur les drogues. Evènement rare puisque la dernière assemblée remontait à 1998.
Finalement, même s'il laisse entrevoir la possibilité d'un début d'ouverture, le résultat des courses est bien timide : 
« Nous devons fonder nos décisions sur la recherche, les données et les preuves scientifiques. Et nous ne devons pas hésiter à adopter de nouvelles idées et de nouvelles approches, même si elles peuvent parfois remettre en question les hypothèses traditionnelles » (Déclaration de M Eliasson -vice secrétaire des nations unies).

Patience, patience ...


http://www.lemonde.fr/addictions/article/2016/03/01/drogues-l-onu-prone-la-fin-du-tout-repressif_4874332_1655173.html

http://www.globalcommissionondrugs.org/wp-content/uploads/2012/03/GCDP_WaronDrugs_FR.pdf

http://sos-addictions.org/blogs-dexperts/sex-drugs-and-rockn-roll/prohibition-des-drogues-le-debut-de-la-fin

Sources : "Le système de contrôle des drogues peut il changer ?". Stéphanie Loridon. JFP 43. Erés 2016.

http://www.internetactu.net/2017/01/11/drogues-nouvelles-recherches-nouveaux-produits-et-nouveaux-risques/

Perspectives socio-anthropologiques sur l'usage des drogues

mercredi 4 septembre 2013

Arts singuliers.

Nathaly Hertwig Gillet. Bipolarité.
Les artistes d’aujourd’hui mélangent allègrement les genres et les techniques, à la recherche de la manière la plus pertinente pour restituer leur imaginaire, en dehors des codes et des académismes. Pourtant, « La conception de l’art qui a prévalu pendant des siècles depuis la Renaissance fut adossée à un enseignement systématique de la copie des œuvres des maîtres anciens, ceux de l’Antiquité puis des 14e et 15e siècles. Le « canon classique » était la norme à l’aune duquel toute production artistique était jugée. A la fin du 19e et au début du 20e siècle, l’art moderne a largement mis à mal cette tradition. 
C’est dans une forme de continuité de cette volonté de transgression et de dépassement de conceptions séculaires que Jean Dubuffet a inventé l’Art Brut. Défini « contre » [l'Art], celui-ci s’opposait à la référence systématique aux modèles du passé, la copie, jugée responsable de la production d’œuvres qualifiées de « poncifs de l’art classique et de l’art à la mode ».  Dans "L’art brut préféré aux arts culturels" Dubuffet énonçait à propos de l’art brut : “Nous entendons par là des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquelles donc le mimétisme (...) ait peu ou pas de part (...). De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non celle constante dans l’art culturel, du caméléon et du singe.” 


Ferdinand Cheval. Le palais idéal. 1912.
Parallèlement à l’art officiel, fondé sur des principes académiques hérités de la Renaissance italienne, une création autodidacte existe depuis toujours en Occident. Longtemps ignorée, elle prend à présent le chemin de la reconnaissance.  L'art singulier est un courant, un mouvement qui s'apparente aux naïfs, à la pop culture, à l'art brut . Pour citer Marcel Duchamp, inventeur du 'ready made' en 1917 et précurseur du pop-art, déclare  : "Le plus grand ennemi de l'art, c'est le bon goût!". Pour caractériser l'art singulier, je dirais que c'est la première tendance artistique qui s'affranchit ouvertement de la recherche du bon goût dans la création. L'art singulier c'est de l'expression à l'état brut . La dénomination 'art singulier' serait apparue lors de la manifestation "les singuliers de l'art" organisée en 1978.
Eric Demelis. L'impasse. 50x65cm.
Les artistes 'singuliers' sont souvent autodidactes et revendiquent une certaine spontanéité. Volontairement ou non ils ont établi une distance avec l'art officiel. L'art singulier est relié à une mouvance « post-art brut», que l'on a pu désigner également de différentes façons : « art en marge », « art cru », « création franche », « art hors-les-normes », "art insolite", "outsider art", "art hors norme", "art singulier", "art des fous", "art intuitif", "art alternatif".
« On peut facilement vérifier que les œuvres d’art classées « hors les normes », comme celles de l’art brut ou apparenté, ne sont en général pas produites dans des milieux aisés et cultivés, au sens savant du terme. Elles sont plutôt le fait de gens ordinaires qui, suite à un événement dans leur vie, s’attellent à un travail de création de façon extraordinaire ».(Samy Fouché). Ces dessins, peintures et sculptures hors-normes enrichissent notre définition de l’œuvre d’art. 
En revanche, l'art singulier est borné par deux limites : "par le bas" le risque est d'être singulier sans pour autant être de l'art. C'est par exemple le cas de griffonnages ou autres tentatives que nous connaissons tous. Et " par le haut" puisque en se faisant officialiser dans les musées conventionnels l'art singulier perd paradoxalement toute singularité.
Heureuses découvertes et joyeuses créations à tous !
Ozias

En savoir plus sur l'art singulier : 
http://www.univers-singuliers.com/carte.asp
http://www.art-singulier.fr/index.php