Le Trans-humanisme est un courant de pensée dont on nous parle beaucoup et qui se propose d'augmenter les capacités physiques et intellectuelles de l'être humain grâce au progrès scientifique et technique.
D'illustres premiers de cordée, comme Larry Page (co-fondateur Google) ou Elon Musk (CEO de Tesla, fondateur de SpaceX etc..) pensent que l'avenir passe par une 'augmentation de l'homme' au moyen de prothèses mécaniques ou logicielles (IA) ainsi que d'améliorations génétiques ou biologiques. Cette perspective, ce projet, sont couramment désignés sous le nom de TRANSHUMANISME.
Larry Page et Elon Musk ne sont pourtant pas les premiers à avoir rêvé de surhomme ou d'amélioration de l'espèce (ou de la race) humaine. Depuis la découverte de la théorie de l'évolution par Darwin l'humanité est "devenue l'Evolution consciente d'elle même". C'est en tout cas la formule de Julian Huxley biologiste, et frère de l'auteur du 'meilleur des mondes'.
Ces améliorations, ces évolutions peuvent être de nature physique ou immatérielle.
L'amélioration physique prend le plus souvent la forme de prothèses ou de machines. Ainsi, on pourrait voir une dent en or comme une première étape d'une dématérialisation du corps. De la même façon l'usage d'un silex peut s'interpréter comme un premier stade d' augmentation de la main de l'homme, même si aujourd'hui, pour faire moderne, on préfère rêver d'exosquelettes ou de vision 'augmentée.
En ce qui concerne l'immatériel, le mythe chrétien du Dieu fait homme montre déjà une forte proximité et une grande ambivalence avec le concept d'homme devenu Dieu cher au Darwinisme culturel qui transforme la théorie de Darwin en une métaphysique de l'évolution (p29 'aux racines du transhumanisme'). Aujourd'hui le Transhumanisme veut fusionner l'intelligence biologique et l'intelligence artificielle au moyen de 'neuro-prothèses' implantées directement dans le cerveau.
Le transhumanisme est essentiellement basé sur la traditionnelle conception dualiste qui se représente l'homme comme un Esprit transporté par un Corps. Aujourd'hui l'homme n'est plus un idéal pour la machine. Le modèle du corps c'est la machine et le modèle de cerveau c'est l'ordinateur et Gunther Anders attribue cela à la 'honte prométhéenne'. Ce sont la peur de la mort et le mépris du corps qui ouvrent la voie du transhumanisme car le corps nous ralentit, le corps se décompose. Pour échapper à cette finitude programmée, le transhumanisme se donne pour mission d'augmenter notre corps et/ou de télécharger notre esprit dans des machines.
L'idée d'un homme dépassé par la science qu'il a forgée traverse le XXème siècle.
Dès 1937 le terme de transhumanisme apparaît sous la plume de Jean Coutrot ingénieur français polytechnicien dans la lignée française des ingénieurs Saint Simoniens. Depuis le début du siècle dernier des auteurs, des scientifiques français ont milité pour l'avènement d'un surhomme (Jean Rostand) ou pour l'ultrahumain (Pierre Teilhard de Chardin) ou pour un eugénisme actif (Alexis Carrel) . Ce fantasme "d'élever l'homme" conduit facilement au projet de l'élevage de l'homme et finalement à la sélection d'une 'race supérieure' plus intelligente, plus robuste, mieux adaptée. Supérieure quoi.
De plus il existe une intrication entre le libéralisme et l'anthropocentrisme qui est liée à l'exploitation intensive de soi et de l'environnement. Pour Larry Page (cofondateur Google), notre finalité, et la clé du bonheur humain est de "maximiser les expériences que l'on a en étant sur terre". Cette conception très individualiste, guidée par la peur de la mort vise clairement à maximiser les profits individuels ou privés plutôt que les bénéfices humains et érige l'individualisme et le darwinisme social en système.
L'une des principales conséquences de 'l'augmentation' de nos performances, qu'elle soit d'origine génétique ou mécanique, est de nous distancier socialement les uns des autres et aussi de notre environnement.
A partir du moment où l'homme est augmenté, forcément certains seront forcément plus augmentés que d'autres (distanciation sociale par inégalité d'accès aux technologies). Ainsi, le 'bonheur' promis par le transhumanisme nous coupe fondamentalement les uns des autres.
L' évolution de l'espèce humaine induit également une distanciation de son environnement naturel. Par exemple, la notion d'ère anthropocène apparue récemment montre combien l'humanité diverge de plus en plus de l'écosystème terrestre original. Le projet transhumaniste, en perdant de vue que nous sommes tous embarqués dans un vaisseau spatial aux ressources précieuses et à l'écologie fragile, augure une catastrophe écologique ou, dans le meilleur des cas, une dystopique Technocratie écologique.
Enfin, le transhumanisme parle souvent de Singularité c'est à dire du moment du dépassement de l'intelligence humaine par celle de la machine (Intelligence Artificielle), et d'organes 'augmentés' comme si ces évolutions allaient de soi.
En réalité la vision transhumaniste du progrès se heurte à d'indéniables barrières de complexité, car la maîtrise de la complexité n'est pas seulement une question de puissance de calcul. Le cas des prévisions météo illustre bien ce point : il est possible de modéliser les phénomènes dynamiques, mais les conditions du système à l'origine sont si importantes qu'une différence non mesurable à l'origine va produire des effets imprévisibles à l'arrivée tant les interactions sont complexes. C'est une sorte d'application du théorème d'incomplétude qui, depuis Goedell nous apprend que fondamentalement: « une théorie cohérente ne démontre pas sa propre cohérence ».
Autrement dit les changements sont possibles, mais chaque changement engendre ses propres effets secondaires. Le transhumanisme gagnerait donc à porter un regard plus critique sur les probabilités de succès et de bénéfices de ses entreprises. Enfin, même si la puissance des ordinateurs dépasse celle du cerveau humain il reste qu'une infinité d'enjeux ne relèvent pas de la pure question de la puissance de calcul.
Finalement, le risque du H+ (transhumanisme) c'est surtout de produire du H- (sous humanité) , c'est à dire faire de l'homme une machine enchaînée aux injonctions d'un système néolibéral dominant et vidé de toute conscience.
Ozias
Post écrit suite à la lecture du livre 'Aux racines du transhumanisme' Alexandre Moatti. Editions Odile Jacob.
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